A 9 mois de la visite de Benoît XVI
au Bénin, une interview du cardinal Turkson |
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Le 17 février 2011 -
(E.S.M.)
- Du Bénin, Benoît XVI parlera à toute l’Afrique et au monde. La Côte d’Ivoire en est proche, par exemple, et le Pape apportera un message de justice de paix et de réconciliation
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Le cardinal Turkson
A 9 mois de la visite de Benoît XVI au Bénin, une interview du cardinal
Turkson
Le cardinal Turkson demande la liberté religieuse pour tous
Pablo J. Ginés
Le 17 février 2011 - E.
S. M. -
Le cardinal Turkson, depuis octobre 2009 président du Conseil Pontifical
Justice et Paix, est l’homme du Pape pour combattre les guerres, la pauvreté
et l’oppression, et l’Africain de plus grande importante au Vatican. Il est
né au Ghana en 1948 (*), d’une mère méthodiste et d’un père catholique. À 17
ans il se retrouve à New-York pour étudier au séminaire. Ordonné prêtre au
Ghana à 26 ans, il est devenu archevêque de Cape Coast à 44 ans et il a été
nommé cardinal à 55 ans par Jean-Paul II. Il est très apprécié des media
italiens et anglophones pour son style franc et accueillant et un certain
sourire malicieux auquel il recourt fréquemment.
Q. Le Pape va au Bénin du 18 au 20 novembre prochain
- C’est quelque chose que lui avait demandé le cardinal du Bénin,
Bernadin Gantin, qui est mort en 2008. Ils étaient très amis. Du Bénin il
parlera à toute l’Afrique et au monde. La Côte d’Ivoire en est proche, par
exemple, et le Pape apportera un message de justice de paix et de
réconciliation (ndt: ici: voir la fin du texte, où l’on peut comprendre que
Laurent Gbagbo a bien des chances de rester en place car il contrôle le sud
et la zone pétrolifère…).
Q. Le Pape parlera de sorcellerie, en étant au pays du
vaudou ?
- Oui sans doute, il le fera. C’est un sujet important. C’est un
sujet mondial, non seulement africain. Par exemple au Brésil, un grand pays
catholique, il y a beaucoup de vaudou (ndt dans le texte espagnol c’est
santería, mot qu’on utilise à Cuba pour le vaudou), d’origine yoruba, qui
est venu du Bénin (ndt cette zone au sens large, constitua une plaque
tournante pour un nouveau trafic d’esclaves noirs, cette fois avec des «
clients européens » et à destination de l’Amérique).
Q- Eminence, sur quels sujets travaille-t-on dans
votre Conseil Pontifical Justice et Paix?
- Tous les sujets qui touchent un chrétien dans le monde: politique,
économique…Comment appliquer la foi et la charité à différents systèmes,
situations, pays ? Par exemple, actuellement la liberté religieuse est l’une
de nos priorités. Dans quelques jours nous en parlerons avec les
représentants de l’Union Européenne. Mais dans l’encyclique «
Caritas in Veritate » dans laquelle Benoît XVI pose des thèmes sociaux, il y a encore
beaucoup d’aspects qui restent à aborder, elle est pas du tout épuisée.
Q- le 31 janvier dernier, le Gouvernement espagnol a
refusé de signer un document commun des ministres des affaires étrangères de
l’Union Européenne contre la christianophobie dans le monde (ndt article
valeurs actuelles du 10 février 2011 cité par Le centre européen pour la loi
et la justice ). Qu’en pensez-vous?
- Nous ne demandons pas la liberté religieuse pour l’Église
Catholique, nous la demandons pour tout le monde, toutes les religions,
majoritaires ou non. Le Pape dans son message de début d’année, disait que
la liberté religieuse est le chemin pour la paix. C’est un droit
fondamental. Mais la vérité est que l’ONU a accepté le terme islamophobie et
quand les pays musulmans l’utilisent on les écoute. Mais quand les chrétiens
parlent de christianophobie, il en résulte que les obstacles surgissent.
Pensons au cas de cet agenda scolaire de l’Union Européenne, d’où avaient
étaient mises en évidence les fêtes religieuses, moins les chrétiennes, sans
Noël! Il y a des circuits anti-chrétiens pour ne pas dire anti-catholiques,
qui ne comprennent pas que l’Église demande seulement la liberté de
conscience et la libre profession de la foi pour construire la paix. Quand
je parcours l’Europe, j’invite les gouvernements à reconnaître que la
culture européenne n’est pas tombée du ciel, mais qu’elle s’est construite
sur le christianisme. Même l’UE est fruit du travail de catholiques, les
pères de l’Union: De Gasperi, Schuman, Adenauer...
Q- Vous êtes en Espagne pour participer à un congrès
sur la nouvelle Bible en espagnol. Mais avec tout ce qui concerne les
problèmes qu’a l’Afrique, qu’apporte la Bible ?
- Sans la parole de Dieu rien ne bouge. C’est la Parole qui remue les gens
et change la société. Pensons à cette multitude d’organisations chrétiennes
qui travaillent dans le Tiers Monde, sur des sujets essentiels, caritatifs
e, sociaux…Ils sont les fruits de la Parole de Dieu ! La contempler, la
méditer, amène à la transformation.
Q- Et le second synode des évêques sur l’Afrique de
2009, quels fruits a t-il donnés?
- Eh bien, l’Afrique est encore en train d’essayer d’appliquer le
premier, celui de 1994. Le second n’est presque pas encore arrivé. Il y aura
un congrès à son sujet à Maputo (ndt Mozambique, Lourenço Marques du temps
des Portugais) pour diffuser sa proposition prophétique; justice,
réconciliation et paix pour le continent. Ce n’est qu’avec la réconciliation
que nous sortirons des conflits et que nous construirons la paix. Regardons
les cas de la Sierra Leone, du Libéria, du Congo, avec tant de blessures.
Pour qu’il y ait une nouvelle Pentecôte, un nouveau commencement de l’Esprit
Saint, nous devons passer par la réconciliation.
Q- Comment l’Église construit-elle cette paix?
- Par exemple, en Côte d’Ivoire, l’Église participe aux médiations
entre les factions politiques. Les évêques catholiques travaillent ensemble
avec d’autres responsables religieux, des musulmans aussi, pour faire la
médiation entre les responsables civils. Ils m’ont invité à aller à ce
processus, comme président de Justice et de Paix, mais alors beaucoup
diraient : « Le Pape a telle position, le Vatican a des intérêts ». Non, moi
je préfère qu’ils le fassent eux-mêmes, les habitants du pays, qu’ils en
soient les protagonistes. Car oui, les évêques d’un pays ne doivent pas
s’aligner avec des factions politiques. Une conférence Épiscopale doit se
maintenir unie. Quand les évêques s’alignent avec une faction, c’en est fini
de nous.
Q- Comment voyez-vous le processus du Sud Soudan, une
population avec beaucoup de chrétiens qui demande d’être indépendant d’un
pays musulman ?
- L’Église africaine a envoyé des observateurs au referendum, qui a
été sérieux et nous en sommes contents. Oui le Sud a décidé de se séparer. À
voir ce que va faire le nord. Il y a des chrétiens du nord qui quittent la
région, qui émigrent au sud car ils ont peur qu’il y ait une recrudescence
de l’islamisme du régime, de la société. Nous espérons que non. Créer un
pays indépendant, avec un système politique nouveau, c’est tout un défi. Et
il faut veiller à ce que se maintienne l’unité, parce qu’il y a diverses
ethnies dans le sud et ce ne serait pas juste que l’une prévale sur les
autres. Il faut travailler pour l’unité.
(*) Ghana: les Portugais s’y installèrent à la fin du XVème
siècle. Ils en furent délogés par les Hollandais un siècle et demi plus
tard. Les Anglais prendront leur place en 1870. L’indépendance par le
Royaume Uni sera concédée au Ghana en 1957.
Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 17.02.2011 -
T/Afrique
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