Un mois avant l’arrivée du pape
Benoît XVI en Terre Sainte |
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Le 14 avril 2009 -
(E.S.M.)
- Un mois avant l’arrivée du pape Benoît XVI en Terre Sainte, le
Patriarche latin de Jérusalem, Sa Béatitude Fouad Twal, donne de nouvelles clés de
lecture sur ce pèlerinage.
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Mgr Fouad Twal
Un mois avant l’arrivée du pape Benoît XVI en Terre Sainte
Mgr Fouad Twal : Le Saint-Siège ami d’Israël peut servir les Arabes,
chrétiens et musulmans
Le 14 avril 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Un mois avant l’arrivée du pape Benoît XVI en Terre Sainte, le Patriarche
latin de Jérusalem, Sa Béatitude Fouad Twal, donne de nouvelles clés de
lecture sur ce pèlerinage.
Béatitude, le pèlerinage du pape Benoît XVI survient alors que le pays
connaît un nouveau passage difficile. Si bien que ce sont les chrétiens
palestiniens les premiers qui ont fait preuve de plus de scepticisme, voire
d’incompréhension, devant ce choix. Que pouvez-vous leur dire ?
Il est vrai que la communauté chrétienne locale palestinienne a exprimé et
nous a fait connaître son désarroi, ses interrogations et ses craintes.
Ayant eu avant elle connaissance du projet de pèlerinage de Sa Sainteté,
nous nous sommes interrogés nous aussi sur l’opportunité de ce voyage. Le
fait que le Saint-Père vienne dans une période difficile, dans une région
difficile, à la rencontre de peuples extrêmement sensibles, nous a fait
réfléchir. Nous nous sommes entretenus avec les organisateurs, avec le
Saint-Père lui-même, et ici à Jérusalem avec nos frères évêques de
l’Assemblée des Ordinaires Catholiques de Terre Sainte, partageant les mêmes
inquiétudes que la communauté chrétienne locale. Mais suite à nos échanges,
et constatant que le programme du pèlerinage ménageait un bon équilibre
entre les moments consacrés à la Jordanie, à la Palestine et à Israël, nous
avons tous fini par estimer que ce voyage était et devait être un bien, une
bénédiction pour tous.
Les inquiétudes - je dirais même les angoisses - que vous mentionnez sont
pour une part légitimes, mais je veux souligner qu’elles ont été - et sont
encore ici où là - éprouvées par les Chrétiens arabes vivant dans les
Territoires et à Jérusalem. La réalité des Chrétiens vivant en Israël, et a
fortiori celle des Chrétiens de Jordanie, est tout autre ; ils conçoivent la
visite du Pape sous un éclairage différent. Dans un diocèse qui vit des
réalités extrêmement diverses, nous devons nous efforcer d’avoir une vision
plus globale de cette visite, et la considérer sous toutes ses dimensions :
et politique et sociale et humaine et religieuse.
Il n’en reste pas moins que ces trois points demeurent : le Saint-Père
arrive dans un moment difficile - surtout après la guerre de Gaza -, dans
une région difficile, pour rendre visite à des gens très sensibles.
Juifs, Chrétiens et Musulmans sont tous “sensibles” ?
Oui, chacun a sa sensibilité, son point de vue, et à l’heure actuelle tous
se préparent à tirer la meilleure part du gâteau que représente cette
visite…
Au fond, qu’est-ce qui motive la venue du Saint-Père dans cette période
difficile ? On pourrait croire qu’il choisit le pire moment ?
Non, non. Depuis son élévation au pontificat, le Pape Benoît XVI a manifesté
le désir de venir comme pèlerin. Notre Assemblée des évêques l’a invité, je
l’ai personnellement invité, et il a aussi reçu l’invitation des différentes
autorités civiles jordaniennes, israéliennes et palestiniennes. Par
ailleurs, cela fait des mois que le voyage se prépare ; entre temps est
survenue la guerre de Gaza, et le thermomètre du conflit a encore grimpé.
Alors que faut-il faire ? Attendre des temps meilleurs ? Mais cette région
n’est jamais en paix ! Attendre que la question palestinienne soit résolue ?
J’ai bien peur que deux ou trois souverains pontifes passent avant qu’elle
soit ne définitivement réglée.
C’est l’histoire du verre à moitié plein ou vide… Certains disent : “La
situation est difficile, donc il vaut mieux qu’il ne vienne pas” ; d’autres
au contraire disent : “La situation est difficile, donc il vaut mieux qu’il
vienne.” Et c’est notre position. Dans ces temps difficiles, je désire que
le Saint-Père vienne nous aider à “superare” : à surpasser, à voir plus
loin.
Le Pape vient rendre visite à toutes les Eglises, à tous les peuples vivant
en Terre Sainte pour nous encourager à rester fidèles à notre mission, à
notre foi et à notre conscience d’appartenir à cette Terre. Il ne faut pas
oublier non plus qu’il vient en pèlerinage. Imaginez les conséquences
négatives que cela aurait sur l’industrie des pèlerinages - qui est vitale
et capitale pour tous - si le Pape lui-même avait peur de venir en pèlerin !
Que dirions-nous à tant de touristes et de pèlerins qui annulent leur visite
? Comment les encouragerions-nous à venir eux aussi nous visiter ?
Un dernier point : je vous rappelle que le Saint-Père a 82 ans et qu’il a
manifesté le désir de venir comme pèlerin en Terre Sainte. Un pèlerinage
doublé d’un voyage apostolique, c’est toujours fatiguant. Aujourd’hui le
Saint-Père a la force de le vivre.
Mais les pèlerins et les touristes n’ont pas à faire de discours devant les
autorités civiles…
C’est vrai, mais les chrétiens du monde entier qui suivront le pèlerinage du
Pontife ne font pas tous cette analyse politique. La plupart se diront
seulement : “Si le Pape n’a pas peur, pourquoi aurions-nous peur ?”
Au Pape pèlerin, les chrétiens locaux disent : “Ahlan wa sahlan !”,
“Bienvenue !” Leur inquiétude réside simplement dans cette question : “Que
va-t-il dire ?”, ou mieux : “Que va-t-on lui faire dire ?”
Précisément, Béatitude, la presse israélienne et internationale interprète
massivement ce voyage sous l’angle d’un apaisement des relations de l’Eglise
avec le judaïsme, surtout après l’affaire Williamson. Ce qui inquiète les
Palestiniens, c’est le profit que peut en tirer Israël en tant qu’Etat…
Je comprends cela, et je sais que chacun essaiera de profiter au maximum de
cette visite, tant en Jordanie, qu’en Israël, en Palestine, et même au cœur
de l’Eglise locale. C’est une raison de plus pour que chacun de nous se
montre assez intelligent, et se prépare.
Israël va faire tout son possible pour présenter son pays sous le meilleur
jour. Je le comprends, c’est son droit.
Ce n’est pas à nous à critiquer ou à dénoncer ce que font les autres. A nous
il revient de faire en sorte que la visite soit la plus pastorale possible,
à nous incombe la responsabilité de faire en sorte que nos chrétiens aient
la possibilité de voir le Saint-Père, de prier ave lui et d’entendre son
message de paix et de justice pour tous. Si on étudie tous les messages que
le Saint Siège a publiés au sujet de la Terre Sainte, de l’Irak et du
Moyen-Orient, nous nous trouvons devant un capital inouï de discours, de
soutien, d’interventions riches d’humanité, d’esprit chrétien et de justice.
Nul doute que durant sa visite en Terre Sainte, le Saint-Père poursuivra
dans ce sens.
A nous, Eglise locale, il revient de veiller à l’équilibre du programme :
les sites à visiter, les personnes à rencontrer, les discours à prononcer.
C’est à nous à donner “un coup de main au Saint-Père”. Il est
continuellement tenu informé de notre situation, de ses aspects positifs
comme de ses aspects négatifs. Il connaît nos peurs, nos angoisses, comme
aussi nos espoirs et notre joie de le recevoir, en étroite collaboration
avec toutes les Autorités civiles.
Le Nonce apostolique a dit que ce voyage ne serait pas politique, mais qu’il
pourrait en être fait une lecture politique …
Dans ce pays, il est impensable qu’il n’y ait pas de dimension politique. Le
Nonce a raison d’insister pour dire que c’est d’abord et avant tout un
pèlerinage. Mais ne nous le cachons pas : il y a une dimension politique à
100%. Chaque journée, chaque geste, chaque rencontre et chaque visite, tout
aura une connotation politique. Ici nous respirons politique, notre oxygène
est politique. Ce qui aggrave la politique, c’est que tout le monde fait de
la politique et qu’on ne laisse pas cette affaire aux politiciens et au
Parlement ; chacun ajoute son grain de sel, et cela n’arrange rien. Il est
donc impensable que ce pèlerinage n’ait pas de portée politique.
Peut-on dès lors s’attendre à des avancées politiques ? Et/ou à des avancées
dans les relations entre le Saint-Siège et l’Etat d’Israël ?
Le Saint-Siège a toujours fait le premier pas, il a toujours eu l’initiative
du dialogue et de la rencontre. Et là, dans cette période, malgré les
interrogations, malgré les peurs, le Saint-Père a le courage de faire le
premier pas dans l’espoir que les rapports du Saint-Siège avec l’Etat
d’Israël vont s’améliorer ; dans l’espoir également qu’Israël, en cette
heureuse occasion, fasse au moins un geste de courtoisie pour faire avancer
la paix.
Quant à ce fameux accord - toujours en discussion - censé régler les
relations entre le Saint-Siège et Israël, à en croire les experts, il y
aurait des progrès.
Tous les communiqués depuis cinq ans font état de progrès, mais rien ne se
conclut…
C’est vrai, mais dans ce domaine - comme d’ailleurs dans le domaine de la
paix - les choses avancent, même si ces avancées ne sont pas étalées sur la
place publique. Si c’était le cas, certains “gâteraient la cuisine”
diplomatique et nous compliqueraient la vie. Pour moi, en cette période
riche de rencontres et de dialogue, le mot clé, c’est la confiance. Mais il
est vrai qu’il faudrait poser des gestes courageux, susceptibles de donner
confiance.
Il est incontestable que la confiance réciproque manque.
Comme l’avait fait Jean Paul II, qui appelait les juifs “nos frères aînés
dans la foi”, le Pape Benoît XVI va certainement souligner l’attachement
connaturel des chrétiens au judaïsme. Mais comme tout est politisé ici, cela
risque d’être interprété par certains comme un soutien à Israël en tant
qu’Etat. Cela ne risque-t-il pas de mettre les chrétiens arabes en
porte-à-faux, ici et dans tout le Moyen-Orient ?
Il est difficile de trouver le bon équilibre et de le conserver. Ceci dit,
plus le Vatican sera ami d’Israël, plus il sera à même de mettre à profit
cette amitié pour plus de paix et de justice. Si les tensions subsistent
entre l’Eglise catholique universelle et Israël, nous y perdons tous, nous
chrétiens et nous arabes. En revanche, si Israël a toute confiance en le
Saint-Siège, alors le Saint-Siège pourra, à partir de son amitié, parler de
vérité, de justice et de paix. Car avec le langage de l’amitié on peut se
dire des choses que l’on refuserait d’entendre d’un ennemi.
Etre ami et parler comme tel fait du bien à tout le monde : à l’ami, à
Israël et aux autres. J’espère simplement que l’amitié du Saint-Siège pour
Israël est réciproque.
J’attire votre attention sur le fait que le Saint-Siège entretient déjà des
relations diplomatiques avec presque tous les pays arabes, et que ces
relations sont bonnes. La lecture des discours des ambassadeurs arabes près
le Saint-Siège vous apprendrait qu’ils ont besoin de l’Eglise, pas seulement
du Saint-Siège, mais de l’Eglise partout où elle est dans le monde. Il faut
avoir cette vision mondiale pour comprendre la situation du Saint-Siège, ce
petit Etat soutenu par tout le monde catholique, et ne pas voir les choses
sous un angle unique, qui déforme la vision toute entière.
Plus le Saint-Siège est ami d’Israël, plus il peut intervenir pour le bien
de tous les habitants de Terre sainte : juifs, musulmans et chrétiens. C’est
notre grand souhait.
Propos recueillis par Marie-Armelle Beaulieu
Le Saint-Père en Terre Sainte, programme du
voyage
Sources : custodia
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 14.04.09 -
T/Terre Sainte |