Afrique :
Déclaration à propos de la manipulation des propos du pape
CERAO : «
Etonnement face à une manipulation outrageante planifiée »
« Nous
exigeons que pour parler de l'Afrique, l'on respecte » ses « valeurs
essentielles », réclame le cardinal Sarr dans une déclaration dénonçant la
manipulation des propos du pape lors de son voyage en Afrique (17-23 mars
2009).
Radio Vatican en italien se fait
aujourd'hui l'écho de cette déclaration signée le 27 mars 2009 par le
cardinal Théodore Adrien Sarr, archevêque d'Abidjan et président de la
Conférence épiscopale régionale de l'Afrique de l'ouest francophone (CERAO)
et par l'abbé Barthélemy Adoukonou, Secrétaire Général de la CERAO.
« Etonnement face à une
manipulation outrageante planifiée »
Réaction de la CERAO
Nous avons été tous surpris et
étonnés de la façon dont une phrase du Saint-Père a été totalement sortie de
son contexte proche et lointain pour devenir le motif récurrent de toutes
les émissions de Rfi et d'autres médias français sur le premier voyage
apostolique du Saint-Père, le Pape Benoît XVI, en Afrique.
Le comble est cette occultation
systématique des autres idées de l'interview et la minimisation de tout ce
que le Saint-Père s'est efforcé de communiquer comme espérance à l'Afrique,
tant au Cameroun qu'en Angola. A cela précisément ne devrait-on pas
reconnaître que c'est à l'Eglise et à sa mission évangélisatrice que les
acteurs de l'ombre s'en prennent?
Nous, évêques de la Conférence
épiscopale régionale de l'Afrique de l'ouest (Cerao), avons pris la mesure
de l'événement et nous tenons à déclarer à tous ce qui suit:
Démolir la morale est crime
contre l'humanité
On n'arrivera pas à bout du Sida,
en cassant les ressorts spirituels et moraux des hommes, surtout des
adolescents et des jeunes, en les fragilisant et en faisant d'eux des
paquets de désirs sexuels sans les régulateurs prévus par le Créateur.
C'est un crime contre l'humanité
que de priver l'enfant, l'adolescent et le jeune de l'entraînement à la
maîtrise de l'esprit sur le corps et ses pulsions qu'on appelle éducation
sexuelle. En ce sens, les slogans publicitaires et la distribution de
préservatifs pourraient n'être qu'irresponsabilité et crime contre
l'humanité.
Des propos irrévérencieux,
injurieux et sacrilèges
Pour nous, Africains, le Pape est
le père de la Grande Famille qu'est l'Eglise et, à ce titre, nous lui devons
respect et affection. Il est sacrilège, selon nous, du simple point de vue
de notre culture africaine traditionnelle, pour ne pas encore parler de la
foi, que des fils et des filles d'Eglise qui se prétendent catholiques s'en
prennent au Pape avec vulgarité, arrogance et injures, comme certains
journalistes d'organes français et certaines personnalités françaises,
espagnoles, européennes, se sont permis de le faire. Nous déplorons et
condamnons ces propos irrévérencieux et injurieux.
L'attentat post-moderne contre
la vérité et ses conséquences violentes sur les relations humaines
Mais nous ne sommes d'une culture
qu'au titre de la vérité plus profonde de notre humanité. Et l'humanité qui
est commune à tous, est unique; elle se concrétise dans un certain nombre de
droits et de devoirs, inséparables de la dignité de toute personne humaine.
Il est absolument intolérable qu'un petit groupe de communicateurs -parfois
hélas des Africains émargeant sans gêne à la richesse " sale " de ceux qui
ont dépouillé leurs peuples-s'arroge le droit de déformer la vérité pour se
présenter en bienfaiteurs responsables face à la condition dramatique de nos
frères et soeurs porteurs du Vih-Sida, et, par contre, transformer le
Saint-Père en un personnage "irresponsable" et dépourvu d'humanité, et ainsi
pouvoir l'injurier et tenter d'ameuter contre lui une cohue d'individus, qui
s'estiment en droit de parler de ce qu'ils n'ont pas pris le soin de
connaître avec précision. Ils oublient que, ce faisant, ils se disqualifient
professionnellement, puisqu'il existe une différence essentielle entre créer
du sensationnel scandaleux et informer.
Nous déplorons et condamnons
l'attentat contre la vérité qui est le péché de notre monde post-moderne et
dont résultent les graves blessures que subit de plus en plus la Sainte
Eglise, Notre Mère. Quel est ce monde où l'on ne prend pas le temps
d'écouter l'autre, de l'écouter jusqu'au bout et où on lui fait dire ce
qu'on veut qu'il dise? La sagesse africaine et la sagesse biblique toutes
axées sur l'écoute ont une autre vision du monde à proposer.
Profonde union de pensée et de
coeur entre Benoît XVI et l'Afrique
Nous, évêques africains,
remercions du fond du coeur le Saint-Père, qui a tant d'affinités avec nous,
du fait de notre communauté de pensées sur l'Eglise et de votre engagement
commun en faveur des pauvres, des blessés de la vie et des petits.
Qui ignore que les titres:
Eglise, Maison (Famille) et Peuple de Dieu; Eglise, Fraternité Chrétienne,
Eglise-communion sont de lui ? Il y a cru et y a travaillé depuis longtemps
comme jeune théologien et plus récemment comme cardinal Préfet de Dicastère
; nous y croyons aussi et nous sommes à pied d'oeuvre pour édifier en
Afrique l'Eglise Communion comme Famille de Dieu et Fraternité du Christ. Il
est venu chez nous pour nous confirmer dans cette foi. Nous l'en remercions.
Église d'Afrique, une Eglise
porteuse d'espérance
Nous lui savons gré aussi pour
tout le message d'espérance qu'il est venu nous livrer, au Cameroun et en
Angola. Il est venu nous encourager à vivre unis, réconciliés dans la
justice et la paix, pour que l'Eglise d'Afrique soit elle-même une flamme
ardente d'espérance pour la vie de tout le continent. Et nous le remercions
pour avoir reproposé à tous, avec nuance, clarté et pénétration,
l'enseignement commun de l'Eglise en matière de pastorale des malades du
Sida.
Humanisation de la sexualité
et don de soi aux malades du Sida
Il nous encourage tous à vivre et
à promouvoir l'humanisation de la sexualité et le don de sa propre humanité
pour être avec et secourir en vérité les frères et soeurs malades du Sida,
comme l'authentique attitude responsable des Catholiques face aux malades du
Sida et de tous ceux qui aiment vraiment les Africains atteints de ce mal.
Nous accueillons son message qui est aussi notre propre position. Et nous
déclarons tous avec lui: "...
On ne peut pas surmonter ce
problème du sida uniquement avec des slogans publicitaires. Si on n'y met
pas l'âme, si on n'aide pas les Africains, on ne peut pas résoudre ce fléau
par la distribution de préservatifs : au contraire, le risque est
d'augmenter le problème ". Telles sont les paroles de Benoît XVI qu'un
matraquage médiatique s'est évertué à travestir. En vain.
Responsabilité des médias
Dire moins, c'est mépriser
l'Africain et témoigner de zèle à tuer ce qu'il y a d'authentiquement humain
en l'homme noir dont par exemple toutes les traditions valorisent tant la
virginité constatée au mariage. Nous déplorons et nous condamnons cette
prétendue responsabilité vis-à-vis de l'homme noir qui n'aurait de solution
que mécanique à un problème aussi vital qu'est la sexualité pour tout homme
et donc pour l'Africain lui aussi. La responsabilité des médias est élevée;
ils ne doivent pas déchoir, sous peine de faire déchoir quelque chose de
l'humain fondamental
Non à la pensée par
procuration
Nous disons enfin que les
Africains ont la capacité de penser par eux-mêmes, aussi bien les problèmes
qui les concernent que ceux de toute l'humanité. Nous déplorons et dénonçons
le crime, venant du fond des âges, où l'on traitait nos frères et nos soeurs
en marchandises et en "biens meubles" (Le Code Noir, Art. 44), et qui
aujourd'hui consiste à s'acharner à penser pour nous, à parler pour nous, à
faire à notre place sans doute parce qu'on ne nous croit pas en mesure de le
faire par nous-mêmes.
Peut-être dira-t-on que c'est à
des Communicateurs africains qu'habilement, on confie la sale besogne de
jouer aux pitres pour amuser le monde et rendre l'Afrique doublement
pitoyable: non seulement matériellement, mais aussi moralement.
Mais il n'y a pas que ces
Africains ignorants des structures anthropologiques les plus solides et des
valeurs morales les plus sûres de l'Afrique qui soient à même de parler au
nom du continent.Nous, évêques de l'Eglise catholique de l'espace Cerao,
exigeons qu'on cesse de penser pour nous, de pousser l'Afrique de la rue à
parler au nom de l'Afrique et amuser la galerie aux dépens de nos peuples.
Nous exigeons que pour parler de
l'Afrique, l'on respecte les valeurs essentielles, sans lesquelles l'homme
n'est plus l'homme, et qui sont synthétisées dans la dignité de tout homme
créé à l'image de Dieu. Oui à la suite du Concile Vatican II, nous
réaffirmons que "sans le Créateur, la créature s'évanouit tout simplement ".
Nous remercions le Saint-Père
d'avoir fait du Dieu d'Amour et de la foi en lui la priorité des priorités
pour notre temps. C'est bien l'illusion qu'il puisse y avoir une autre
priorité, qui a créé la situation paradoxale et violente, où l'on prétend
être responsable de nous, tout en mettant à sac ce que nous avons de plus
vital: notre relation de foi, d'espérance et d'amour avec le Dieu vivant,
Père de Notre Seigneur Jésus-Christ, et notre vie morale.
+ Théodore Adrien Cardinal SARR
Président de la CERAO
Abbé Barthélemy ADOUKONOU
Secrétaire Général de la CERAO
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