Synode des évêques d'Afrique :
Intervention de Jacques Diouf |
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Le 12 octobre 2009 -
(E.S.M.)
- A 16h30 ce lundi 12 octobre 2009, avec la prière Pro felici
Synodi guidé par le pape Benoît XVI, a commencé le Douzième
Congrégation Générale, puis se sont poursuivies les
interventions en Salle, dont la magistrale intervention du Dr
Jacques Diouf, directeur Général de la FAO.
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Le Dr Jacques Diouf,
directeur Général de la FAO
Synode des évêques d'Afrique :
Intervention de Jacques Diouf
Dr Jacques Diouf, directeur Général de
la FAO
Le 12 octobre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- A 16h30 ce lundi 12 octobre 2009, avec la prière Pro felici Synodi
guidé par le pape Benoît XVI, a commencé le Douzième Congrégation Générale,
puis se sont poursuivies les interventions en Salle, dont la magistrale
intervention du Dr Jacques Diouf, directeur Général de la FAO.
Intervention de l'invité spécial, le Dr Jacques
Diouf
Je voudrais tout d’abord vous saluer très respectueusement et bien
cordialement.
Permettez-moi de vous dire l’honneur et l’émotion que je ressens d’avoir été
convié à intervenir devant cette auguste Assemblée. Je souhaite vous
exprimer ma profonde gratitude pour votre invitation dont je reconnais le
caractère exceptionnel. C’est une singulière distinction d’être associé à
vos réflexions sur quelques uns des problèmes cruciaux du monde, notamment
l’insécurité alimentaire que vous avez bien voulu me demander d’aborder avec
vous.
Notre dialogue ne pouvait se concevoir sans l’intermédiation de la parole
qui est si symbolique de l’humain, mais qui est aussi le vecteur du message
universel de paix, de solidarité et de fraternité.
Votre rencontre solennelle est placée sous le signe de la trilogie: “Synode”,
“Évêque”, “Africain”.
Ayant le grand privilège d’user de la parole devant le Très Saint-Père, je
dois puiser aux sources de la sagesse des anciens pour éviter de m’aventurer
dans le labyrinthe intellectuel des deux substantifs: “Synode” et “Évêque”.
J’oserais donc me hasarder seulement sur le chemin moins escarpé du
substantif: “Africain”.
L’Afrique, ce sont d’abord des valeurs communes de civilisation basées sur
une conscience historique d’appartenance à un même peuple. Parti de la zone
des grands lacs au cours de la préhistoire pour fuir la désertification, ce
peuple a fondé au cours de la protohistoire les civilisations
soudano-nilotique et égyptienne. L’occupation étrangère de l’Égypte au
sixième siècle a provoqué les migrations vers le sud et l’ouest, à partir de
la vallée du Nil. Du début du premier siècle jusqu’aux invasions
ultramarines, les grands empires et royaumes florissants s’y sont succédés;
Ghana, Nok, Ifé, Mali puis Songhai, Haoussa et Kanem-Bornou, Zimbabwe et
Monomotapa, Kongo. Ces valeurs s’appuient sur une conscience géographique,
un territoire qui est un triangle délimité par l’Océan atlantique, l’Océan
indien et la Mer méditerranée.
L’Afrique, martyrisée, exploitée, spoliée par l’esclavage et la colonisation
mais maintenant politiquement souveraine, ne doit pas se replier dans le
refus et la négation, même si elle a le devoir de mémoire. Elle doit avoir
la grandeur du pardon et continuer de développer une conscience culturelle
basée sur une identité propre qui refuse l’assimilation aliénatrice. Elle
doit approfondir les concepts opératoires de négritude et d’africanité,
incluant la diaspora, qui soient fondés sur l’enracinement, mais aussi sur
l’ouverture.
Ces valeurs sont reflétées dans une expression artistique
(peinture, sculpture) qui accentue les formes et les dimensions
pour surtout transmettre un message d’amour ou manifester une émotion qui
dépasse les oppositions dichotomiques. Elles s’expriment aussi par une
musique et des danses plus festonnées de rythme et d’improvisation que de
lyrisme et de solfège. Ces valeurs ont aussi produit un type d’architecture
fait de parallélisme asymétrique où dominent pointes, triangles et
cylindres, qui contrastent avec les angles rectangles, les carrés et les
cubes en équilibre par rapport à des axes centraux, si caractéristiques des
édifices d’autres continents.
C’est ce terreau culturel qui est le socle solide sur lequel l’Afrique doit
construire son futur en harmonie avec les autres peuples de la planète
Terre.
L’Afrique a toujours été présentée sous l’angle des difficultés qu’elle
rencontre. Mais c’est une terre d’avenir qui dans les prochaines quarante
années connaîtra une forte croissance démographique. En 2050, elle comptera
deux milliards d’habitants - le double d’aujourd’hui, dépassant ainsi l’Inde
(1,6 milliards d’habitants) et la Chine (1,4
milliards d’habitants) et elle représentera le plus grand marché
du monde.
Avec des ressources mondiales de 80% pour le platine, 80% pour le manganèse,
57% pour le diamant, 34% pour l’or, 23% pour la bauxite, 18% pour l’uranium,
9% pour le pétrole, 8% pour le gaz, l’Afrique est incontournable dans le
développement économique de la planète. Ce potentiel minier et énergétique
ne deviendra cependant réalité que s’il est mis au service de l’émancipation
économique de ses populations, si l’Afrique se libère du joug de la faim et
de la malnutrition. Pour cela, elle doit vivre dans la paix et dans l’unité.
La gestion de la cité dans les États doit se faire dans la démocratie, la
transparence, la primauté du droit et l’application de la loi par une
justice indépendante, devant laquelle tous les citoyens sont comptables de
leurs actes. L’économie doit créer la richesse et la prospérité au profit du
peuple, notamment des personnes les plus déshéritées et les plus
vulnérables.
La sécurité alimentaire est indispensable à la réduction de la pauvreté, à
l’éducation des enfants, à la santé des populations, mais aussi à une
croissance économique durable. Elle conditionne la stabilité et la sécurité
du monde. Lors des “émeutes de faim” dans 22 pays de tous les continents en
2007 et en 2008, la stabilité des gouvernements a été ébranlée. Chacun a pu
réaliser que l’alimentation est aussi une question sociale de premier ordre
et un facteur essentiel de sécurité globale. En 1996, le Sommet mondial de
l’alimentation, organisé par la FAO, a pris l’engagement solennel de réduire
de moitié la faim et la sous-alimentation dans le monde. Il avait pour cela
adapté un programme afin de parvenir à la sécurité alimentaire durable. Cet
engagement a été réaffirmé par le Sommet du Millénaire en 2000, par le
Sommet mondial de l’alimentation: cinq ans après en 2002 et par la
Conférence de haut niveau de la FAO sur la Sécurité alimentaire mondiale
tenue en juin 2008.
Malheureusement, les données les plus récentes réunies par la FAO sur la
faim et la malnutrition dans le monde révèlent que la situation actuelle est
encore plus inquiétante qu’en 1996. L’insécurité a augmenté partout dans le
monde au court des trois dernières années à cause de la crise mondiale de
2007-2008 induite par la flambée des prix des denrées alimentaires et
exacerbée par la crise financière et économique qui frappe le monde depuis
plus d’un an. Toutes les régions de la planète ont été affectées. Pour la
première fois dans l’histoire de l’humanité, le nombre des personnes qui ont
faim a atteint un milliard, soit 15% de la population mondiale.
En Afrique, malgré des progrès importants réalisés dans de nombreux pays,
l’état de l’insécurité alimentaire est très préoccupant. Le continent compte
actuellement 271 millions de personnes mal nourries, soit 24% de la
population, ce qui représente une augmentation de 12% par rapport à l’année
dernière. En outre, parmi les trente pays dans le monde en état de crise
alimentaire nécessitant actuellement une aide d’urgence, vingt se trouvent
en Afrique.
Les performances de l’agriculture africaine au cours des dernières décennies
ont été insuffisantes. La croissance de la production agricole (2,6% par an
entre 1970 et 2007) a été compensée par celle de la population
(2,7% pour la même période) et n’a donc pas accru les
disponibilités alimentaires moyennes par personne. Pourtant, l’agriculture
représente 11% des exportations, 17% du PIB du continent, et surtout 57% des
emplois. Elle demeure un secteur économique essentiel et un facteur
d’équilibre social sans équivalent.
À ce titre, la contribution de la femme africaine à la production et au
commerce agricoles, ainsi que son rôle dans la nourriture de toute la
famille, sont des facteurs essentiels. En fait aucune initiative pour faire
face au problème de l’insécurité alimentaire en Afrique ne peut réussir sans
la prise en compte de cette réalité économique et sociale.
L’Afrique a besoin de moderniser ses moyens et ses infrastructures de
production agricole. L’utilisation des intrants modernes est actuellement
très insuffisante. Ainsi, seulement 16 kg d’engrais par hectare de terres
arables sont utilisés, contre 194 kg en Asie et 152 kg en Amérique du Sud.
Ce taux est encore plus faible en Afrique sub-saharienne avec seulement 5 kg
par hectare. L’usage des semences sélectionnées, qui ont fait le succès de
la Révolution verte en Asie, est très faible en Afrique. Seulement un tiers
des semences est soumis à un système de contrôle de qualité et de
certification.
Les infrastructures de transport, les moyens de stockage et de
conditionnement font terriblement défaut sur le continent. Les routes
rurales sont au niveau de l’Inde du début des années 70. Les pertes de
récolte atteignent 40 à 60% pour certains produits agricoles.
Seulement 7% des terres arables sont irriguées en Afrique contre 38% en
Asie. Ce taux tombe à 4% pour l’Afrique sub-saharienne où sur 93% des terres
la vie, je devrais dire la survie des populations dépend de la pluie,
facteur de plus en plus aléatoire avec le réchauffement climatique.
Pourtant, le continent n’utilise que 4% de ses réserves d’eau contre 20% en
Asie.
En outre, le commerce des produits agricoles intra-africain reste
relativement limité, Malgré l’existence de 14 groupements économiques
régionaux, seulement 14% des importations des principaux produits
alimentaires par l’Afrique proviennent de la région. Pour les céréales, ce
chiffre n’est que de 6%. Le commerce intra-régional des produits agricoles
en Afrique, comme d’ailleurs pour les autres produits, devrait être
davantage encouragé pour qu’il joue un plus grand rôle dans la sécurité
alimentaire du continent.
Les agriculteurs africains ont besoin d’améliorer leurs conditions de vie.
Ils doivent pouvoir vivre dignement, en travaillant avec les moyens de leur
époque. Il leur faut des semences à haut rendement, des engrais, des
aliments du bétail et d’autres intrants modernes. Ils ne peuvent continuer,
comme au Moyen Âge, à labourer la terre avec des outils traditionnels, dans
des conditions aléatoires, au gré des caprices du temps.
Il convient de dire et de redire qu’il est impossible de vaincre la faim et
la pauvreté en Afrique sans augmenter la productivité agricole, car
l’extension des superficies commence à trouver ses limites à cause de
l’impact de la déforestation et des incursions dans les éco-systèmes
fragiles.
Le Programme détaillé de développement de l’agriculture africaine
(PDDAA), préparé avec le soutien de la FAO, et
complété par les documents sur l’élevage, les forêts, la pêche et
l’aquaculture, a été adopté par les Chefs d’États et des gouvernements de
l’Union africaine en juillet 2003. Immédiatement après, 51 pays africains
ont demandé le soutien de la FAO pour la traduction de ce Programme au
niveau des États. Ainsi des programmes nationaux d’investissement à moyen
terme et des projets d’investissement ont été préparés pour un montant total
d’environ 10 milliards de dollars E.-U.
La question de l’eau est bien évidement essentielle. Elle le sera encore
davantage en raison des conséquences du réchauffement climatique qui va
avoir un impact particulièrement négatif sur les conditions de production
agricole en Afrique. Selon le Groupe de l’ONU d’experts intergouvernemental
sur l’évolution du climat (GIEC), les
rendements des cultures pluviales en Afrique pourraient reculer de 50 pour
cent d’ici à 2020. Une réunion des Ministres de l’agriculture, des
ressources en eau et de l’énergie a ainsi été organisée en décembre 2008 à
Sirte par la FAO, avec le soutien de Gouvernement libyen. Un portefeuille de
projets d’un montant total de 65 milliards de dollars E.-U. a été approuvé
pour un programme à court, moyen et long terme d’irrigation et
d’hydro-énergie établi pour chaque pays par les gouvernements africains avec
le soutien de la FAO.
Mais nous ne pouvons atteindre nos objectifs sans des ressources financières
suffisantes. En fait le problème de l’insécurité alimentaire en ce monde est
d’abord une question de mobilisation au plus haut niveau politique pour que
les ressources financières nécessaires soient disponibles. C’est une
question de priorités face aux besoins humains les plus fondamentaux.
Il convient de rappeler que chaque année les soutiens à l’agriculture des
pays de l’OCDE atteignent 365 milliards de dollars E.-U. et les dépenses
d’armement 1 340 milliards de dollars E.-U. par an dans le monde. Par
ailleurs, je souhaite souligner que les financements nécessaires pour la
lutte contre la faim s’élèveraient à 83 milliards de dollars E.-U. par an,
provenant du budget des pays en développement eux-mêmes, de l’investissement
privé, notamment des agriculteurs eux-mêmes et, enfin, de l’aide publique au
développement.
Ce que nous constatons aujourd’hui, c’est le résultat de choix effectués sur
la base de motivations matérialistes au détriment des référentiels éthiques.
Il en résulte des conditions de vie injustes et un monde inégal où un nombre
restreint de personnes devient de plus en plus riche, alors que la vaste
majorité de la population devient de plus en plus pauvre.
Il y a sur la terre suffisamment de moyens financiers, de technologies
efficaces, de ressources naturelles et humaines pour éliminer définitivement
la faim du monde. Les plans, les programmes, les projets et les politiques
existent aux niveaux national et régional pour atteindre cet objectif. Dans
certains pays, deux à quatre pour cent de la population est capable de
produire suffisamment pour nourrir toute la nation et même exporter, alors
que dans la grande majorité des autres 60 à 80 pour cent de la population
n’est même pas en mesure de satisfaire une infime partie des besoins
alimentaires du pays. Le monde a dépensé 17% de l’Aide publique au
développement dans les années 70 pour éviter les risques de famine en Asie
et en Amérique latine. Ces ressources étaient nécessaires pour construire
les systèmes d’irrigation, les routes rurales, les moyens de stockage, ainsi
que les systèmes de production de semences, les usines d’engrais et
d’aliments de bétail qui ont constitué la base de la Révolution verte.
Les ressources pour développer l’agriculture africaine devront d’abord
provenir des budgets nationaux. À Maputo en juillet 2003, les Chefs d’État
et de gouvernement africains se sont engagés à augmenter la part de leur
budget national alloué à l’agriculture jusqu’à 10% au moins au cours des
cinq prochaines années. Seuls 5 pays ont à ce jour respecté cet engagement,
même si des progrès certains ont été observés dans 16 autres pays.
Ensuite, conformément aux engagements de Monterrey de 2002 et de Doha de
2008, l’Aide publique au développement devrait augmenter. La tendance à la
diminution de la part de l’aide au développement consacrée à 1'agriculture,
qui a baissé de 17% en 1980 à 3,8% en 2006, doit être inversée. Aujourd’hui,
le niveau est de 5 pour cent, bien que 70 pour cent des pauvres du monde
aient l’agriculture comme moyen d’existence, offrant nourriture, revenus et
emploi. Les mêmes objectifs de croissance doivent être adoptés pour les
financements des banques régionales et sous-régionales, ainsi que des
agences d’aides bilatérales.
Enfin, les investissements du secteur privé dans le secteur agricole et
alimentaire doivent être encouragés par des cadres juridiques stables. La
collaboration entre secteur privé et public doit être renforcée dans le
cadre d’un partenariat qui évite les pièges de l’échange inégal. Il faut
donc pour cela adopter et appliquer un code international de bonne conduite
sur les investissements étrangers directs dans l’agriculture.
Pourtant, dans ce contexte difficile de crise économique, la FAO a mobilisé
au cours des deux dernière années, tous les moyens techniques et financiers
à sa disposition pour faire face à la crise alimentaire.
Outre l’assistance fournie dans le cadre de programmes nationaux et
régionaux de sécurité alimentaire et des projets d’urgence lancés pour faire
face aux effets des ouragans et d’autres catastrophes naturelles, la FAO a
lancé le 17 décembre 2007 son “Initiative de lutte contre la flambée des
prix des denrées alimentaires”. L’objectif est de faciliter l’accès des
petits agriculteurs aux semences, aux engrais, aux outils agricoles et aux
équipements de pêche. Le budget actuel des divers projets relevant de cette
initiative s’élève à 52 millions de dollars E.-U. en Afrique. En outre, des
projets dans 16 pays africains correspondant à un budget de 163,4 million de
dollars E.-U. sont mis en œuvre par la FAO grâce au soutien de l’Union
européenne dans le cadre de sa “Facilité d’un milliard d’euros”. Ces
ressources sont mises à la disposition des pays en développement pour les
aider à faire face à la crise alimentaire. Il s’agit maintenant d’étendre,
d’approfondir et d’accroître de tels programmes et projets.
Aujourd’hui, le flux de la vague d’immigrés clandestins fuyant la faim et la
pauvreté apporte sur les rivages de l’Europe australe le triste spectacle
des rêves brisés d’hommes, de femmes et d’enfants en quête de mieux être et
dont beaucoup trouvent une fin tragique loin d’horizons et d’êtres qui leurs
sont chers.
L’optimiste structurel que je suis, croit avec ferveur que demain, grâce aux
investissements et à la formation, le reflux de la marée de filles et de
fils d’Afrique vers les terres fertiles et l’eau abondante du continent
créera les conditions d’un avenir radieux de travail et de prospérité pour
ceux qui furent trop longtemps marginalisés et qui, les femmes notamment,
ont tout pour être nourrices du monde.
Une plante libérée de la faim, c’est ce que peut faire le miracle d’une foi
inébranlable dans l’omniscience de Dieu et la croyance indéfectible dans
l’humanité. J’ai noté donc avec une grande satisfaction, l’initiative de
sécurité alimentaire du Sommet du G8 de L’Aquila de juillet dernier, auquel
j’ai participé, et qui a mis l’accent, pour la première fois, sur le
développement agricole à moyen et long terme, en faveur des petits
producteurs des pays en développement. Il s’agit en effet de ne pas compter
seulement sur l’aide alimentaire à court terme, certes indispensable dans
les crises nombreuses, générées par les catastrophes naturelles et les
conflits divers, mais qui ne peut assurer l’alimentation quotidienne d’un
milliard de personnes souffrant de la faim dans le monde.
L’engagement pris à cette occasion de mobiliser 21 milliards de dollars
E.-U. sur trois ans pour la sécurité alimentaire est un signe encourageant,
pourvu qu’il soit, cette fois-ci, mis en ouvre concrètement et rapidement.
J’ai plaidé pendant de nombreuses années sans beaucoup de résultats en
faveur de l’investissement dans la petite agriculture des pays pauvres pour
trouver une solution durable au problème de l’insécurité alimentaire. Je
suis donc particulièrement heureux qu’aujourd’hui les dirigeants du G8
adhèrent à cette approche.
Fort de cette perspective de pouvoir mobiliser davantage de moyens à la
hauteur des enjeux, le Conseil de la FAO a décidé de convoquer un Sommet
mondial sur la Sécurité alimentaire au niveau des Chefs d’État et de
Gouvernements, au siège de la FAO à Rome, du 16 au 18 novembre 2009. Il
convient en effet de dégager un large consensus sur l’éradication définitive
de la faim dans le monde, afin de permettre à tous les peuples de la Terre
de bénéficier du “droit à l’alimentation” qui est le plus fondamental de
tous les droits de l’homme. Pour ma part je suis convaincu, parce que je
sais que c’est techniquement possible, que nous devons fixer un tel objectif
pour 2025 comme l’ont déjà fait les dirigeants ibéro-américains pour
l’Amérique latine et les Caraïbes.
De tous les déchirements que connaît le continent africain, la faim reste le
plus tragique et le plus intolérable. Tout engagement pour la justice et la
paix en Afrique est indissociable d’une exigence de progrès dans la
réalisation du droit à l’alimentation pour tous. Je rappellerai à ce propos
le
Message de Sa Sainteté le Pape Benoît XVI, en juin
2008, à l’occasion de la Conférence de haut niveau de la FAO sur la sécurité
alimentaire mondiale, dans lequel il déclarait notamment: “Il faut
réaffirmer avec force que la faim et la malnutrition sont inacceptables dans
un monde qui, en réalité, dispose de niveaux de production, de ressources et
de connaissances suffisantes pour mettre fin à ces drames et à leurs
conséquences”.
Ces paroles attestent, s’il en était besoin, de la similitude de vue de
l’Église Catholique et de la FAO sur cette question fondamentale. L’Église
s’est toujours donnée pour tâche de soulager la misère des plus démunis et
la devise de la FAO est “Fiat Panis”: “du pain pour tous”.
Vous soulignez, Très Saint-Père, dans votre dernière encyclique “Caritas
in Veritate” que toute décision économique a une conséquence de
caractère moral. Et c’est bien à ce niveau là que nous devons nous élever
car comme vous l’écrivez, “pour fonctionner correctement, l’économie a
besoin de l’éthique; non pas d’une éthique quelconque mais d’une éthique
amie de la personne”. Léopold Sédar Senghor a dit, permettez-moi de le
citer ici: “il faut allumer la lampe de l’esprit pour que ne pourrisse le
bois, ne moisisse la chair...”.
La FAO s’efforce avec les moyens qui sont les siens et nonobstant les
contraintes ou les obstacles qu’elle peut rencontrer, de mobiliser tous les
acteurs et les décideurs pour la lutte contre la faim et de développer des
programmes visant à améliorer la sécurité alimentaire, en priorité dans les
pays les plus vulnérables.
Ce qui nous anime, c’est le visage de cet homme, de cette femme, de cet
enfant qui nous regardent fixement, le ventre vide attendant leur pain
quotidien et dont la tristesse et la désespérance hantent nos sommeils
agités. C’est le principe de la “centralité de la personne humaine”
que vous avez rappelé fort opportunément dans votre encyclique très
Saint-Père.
La vision d’un monde libéré de la faim est possible, s’il existe une volonté
politique au plus haut niveau. En effet, plusieurs pays en Afrique ont
réussi à réduire la faim. Il s’agit notamment du Cameroun, du Congo, de
l’Éthiopie, du Ghana, du Nigeria, du Malawi, du Mozambique et de l’Ouganda.
Les grandes forces spirituelles et morales sont pour notre action un soutien
inestimable. Car la tâche est en effet colossale et nos capacités d’action
ne sont pas toujours à la mesure de la volonté qui nous anime. Nous n’aurons
jamais trop de moyens pour satisfaire le “droit à l’alimentation”
pour tous.
Je veux aussi rendre hommage à l’action de l’Église sur le terrain à côté
des plus pauvres. Les missionnaires, les religieuses et de nombreuses
communautés font souvent un travail difficile, parfois ingrat, mais toujours
utile aux côtés des organisations intergouvernementales, des ONG et de la
société civile. Je veux saluer ces hommes et ces femmes que j’ai vu agir
dans de nombreux pays avec discrétion et efficacité.
Je voudrais surtout souligner la convergence des enseignements religieux,
notamment ceux de l’Église Catholique et de l’Islam, vers la nécessité de
veiller à la gestion rationnelle des ressources sur la base d’une stratégie
d’action respectueuse des personnes et des biens de ce monde, loin des excès
et du gaspillage. Tous ces enseignements soulignent le rôle fondamental de
la responsabilité sociale, recommandant la sollicitude envers les plus
démunis. La “Doctrine
sociale de l'Église” est de ce point de vue un apport essentiel.
Permettez-moi de finir cette intervention en vous citant ce verset
coranique: “Lorsque nous voulons détruire une cité, nous ordonnons à ceux
qui y vivent dans l’aisance, de se livrer à leur iniquité”
(Sourate Al-Isra, Verset 16).
Puisse notre monde éviter ce naufrage!
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En Afrique, les religions solidaires contre la
faim et la pauvreté
Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
© Copyright 2009 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.10.2009 -
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