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Procès Becciu. Triomphe ou défaite des pouvoirs absolus du Pape ?
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Le 10 septembre 2021 -
(E.S.M.)
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Le malheureux c’est le
cardinal Giovanni Angelo Becciu qui comparaît avec
neuf autres inculpés dans un procès dont la seconde audience a été
fixée ce 5 octobre au Vatican, concernant principalement l’achat
somptuaire et désastreux d’un immeuble de luxe à Londres par la
Secrétairerie d’État.
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Le cardinal Giovanni Angelo Becciu
Procès Becciu. Triomphe ou défaite des pouvoirs absolus du Pape ?
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso
Le 10 septembre 2021 - E.
S. M. -
Parmi le chapelet d’énormités proférées par le Pape François dans sa
dernière
interview avec Cope – dont la plus colossale n’est pas tant
d’avoir attribué à Angela Merkel une phrase qui est en fait de
Vladimir Poutine, mais bien le principe illibéral exprimé dans la
citation elle-même et qu’un Pape François enthousiaste a fait
sienne, en vertu de laquelle il ne faut même pas essayer de «
construire la démocratie » là où elle n’est pas – on trouve
notamment l’invention d’une nouvelle figure juridique : la « manière
affective de la présomption d’innocence ».
Le malheureux sur lequel le Pape François l’a appliqué, c’est le
cardinal Giovanni Angelo Becciu (photo), 73 ans, qui comparaît avec
neuf autres inculpés dans un procès dont la seconde audience a été
fixée ce 5 octobre au Vatican, concernant principalement l’achat
somptuaire et désastreux d’un immeuble de luxe à Londres par la
Secrétairerie d’État.
Le cardinal Becciu est accusé de détournement de fonds, d’abus de
pouvoir et d’incitation à faux témoignage. Mais le 24 septembre
2020, plus de neuf mois avant que ces chefs d’accusations ne soient
formulés et ne conduisent
au renvoi du cardinal devant les tribunaux, le Pape l’avait déjà
personnellement jugé et condamné, déposé de ses fonctions, dépouillé
de ses « droits » de cardinal, exposé à l’opprobre publique, le tout
sans lui laisser la moindre chance de se défendre et sans un mot
pour expliquer les raisons d’une telle dégradation publique. Et
pourtant, malgré cela, dans l’interview à Cope, François a osé
affirmer : « j’espère de tout mon cœur qu’il est innocent », parce
que « c’est une personne que j’estime, il a été l’un de mes
collaborateurs et il m’a beaucoup aidé » ; bref, le Pape a déclaré
éprouver pour Becciu « une manière affective de la présomption
d’innocence ».
Déjà avant François, tous les papes concentraient en leur personne,
sans pouvoir être jugé par personne, les trois pouvoir législatifs,
exécutifs et judiciaires qui sont rigoureusement séparés dans toute
démocratie moderne. Mais les derniers papes n’ont utilisé ce pouvoir
qu’avec une modération extrême. Ce n’est qu’avec l’arrivée de Jorge
Mario Bergoglio que cet absolutisme monarchique allait être exercé
habituellement et apparaître au grand jour dans toutes ses
contradictions. « L’État c’est moi ! », pourrait dire aujourd’hui le
Pape Bergoglio, comme le Roi-Soleil au XVIIe siècle. Le procès du
cardinal Becciu et des neufs autres inculpés en est la preuve
flagrante.
Settimo Cielo a déjà passé en revue les incidents judiciaires qui
ont émaillé les différentes étapes préparatoires du procès qui est
sur le point de s’ouvrir au Vatican. Le plus retentissant aura été
la relaxe par un tribunal de Londres en 2021 d’un financier,
Gianluigi Torzi, auquel il était reproché d’avoir extorqué au
Vatican 15 millions d’euros alors que, selon les juges londoniens,
il n’aurait fait que percevoir son « salaire », et qui plus est avec
la bénédiction du Pape :
►La
justice du Vatican, ou la saga des déboires judiciaires
Mais à présent que le procès s’apprête à entrer dans le vif du
sujet, on s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’un simple incident de
parcours. Le mal est à la racine, il est ancré au cœur même du
système judiciaire du Vatican, qui est dépourvu de tous les organes
constitutifs d’un État de droit moderne, comme l’a notamment dénoncé
un important quotidien allemand qu’on ne pourra accuser de prendre
parti pour l’un ou l’autre camp ecclésiastique, le « Frankfurter
Allgemeine Zeitung », dans un éditorial du 24 août de son
spécialiste politique, Thomas Jansen, que l’on peut également
consulter en version anglaise :
►Ein
Prozess in einen absolutistischen Staat
Dans son interview avec Cope, le Pape François a même été jusqu’à
dire que la plainte qui a déclenché le procès avait été prise en
compte parce que lui-même, le pape, avait « apposé sa signature »
en-dessous de celles des dénonciateurs, ordonnant de fait aux
magistrats du Vatican de procéder aux perquisitions et aux
arrestations.
Mais tout cela n’est rien par rapport à ce qui s’est passé ensuite.
La défense des inculpés reproche à François d’être intervenu au
cours de l’enquête – après que les délits présumés aient été commis
– avec pas moins de quatre décrets qui ont changé les règles de
procédure judiciaire, au gré de ses désirs du moment. L’un de ces
décrets autorisait les juges d’instruction à procéder à des
perquisitions et à des arrestations « même en dérogeant aux règles
en vigueur, si nécessaire ». Une autre ordonnait de soumettre à un
procès ordinaire les cardinaux aussi – alors qu’ils relevaient
jusque là de la compétence exclusive du tribunal suprême de la
Signature apostolique -, exposant ainsi non seulement le cardinal Becciu mais également, si quelqu’un devait le mettre en cause, le
cardinal secrétaire d’État, Pietro Parolin.
Gian Pier Milano, l’un des deux promoteurs de justice de ce procès,
a répliqué que les décrets contestés sont en réalité « la plus haute
expression du pouvoir papal » et qu’il n’est pas vrai que le Vatican
n’est pas un État de droit pour autant.
Mais surtout, M. Milano et son collègue Alessandro Diddi agissent
avec la certitude d’avoir le tout-puissant Pape François de leur
côté, vu le zèle sans précédent avec lequel ils
ont rejeté en août dernier l’ordre du président du tribunal du
Vatican, Giuseppe Pignatone, de remettre à la défense des inculpés
l’enregistrement de la déposition de leur principal accusateur, Mgr
Alberto Perlasca, ancien chef de la section administrative de la
Secrétairerie d’État de 2009 à 2019, licencié de ses fonctions mais
qui s’était tout de suite mis à table avec les enquêteurs, ce qui
lui permis de ne pas finir aussi sur le banc des accusés.
Certains
rappellent à juste titre que le différend entre Pignatone et
Diddi remonte au spectaculaire procès de « mafia capitale » qui
s’était tenu à Rome il y a quelques années, et où le premier tenait
le rôle de l’accusation en tant que procureur en chef tandis que le
second était avocat de la défense de l’un des principaux accusés,
une affaire qui s’était conclue par un jugement puis une sentence de
la Cour de cassation italienne qui avait exclu de la condamnation la
circonstance aggravante d’association mafieuse.
Mais à présent, au Vatican, la question est plus importante. Le
refus opposé par les promoteurs de justice à un ordre du président
de leur propre tribunal constitue une autre preuve qu’en réalité, il
n’y a qu’un seul juge suprême qui commande, au mépris de toute règle
de droit : le Pape.
Vu la manière dont les choses se présentent, et puisque les dix
inculpés sont tous des citoyens italiens ou suisses, on peut se
demande si l’Italie et la Suisse accepteront d’exécuter
d’éventuelles condamnations à des peines de prison de l’un ou
l’autre d’entre eux, ou s’ils refuseront en revanche de le faire,
étant donné les lacunes de système judiciaire pontifical en matière
de respect de l’habeas corpus, c’est-à-dire du principe
élémentaire qui garantit la liberté et l’inviolabilité de l’accusé.
En fin de compte, ce procès menace de battre en brèche ce mythe
populiste qui voit en François un chevalier blanc, toujours du côté
du « pueblo santo y fiel de Dios », qui serait occupé à faire le
nettoyage et à remettre de l’ordre dans cette institution corrompue
que serait la Curie romaine. En effet, qu’est-ce qu’un inculpé tel
que le cardinal Becciu pourra dire pour sa défense, sinon que le
Pape savait, approuvait, et qu’il était informé à chaque instant de
toutes les démarches effectuées par ses subalternes ?
Sources : Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.09.2021
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