Discours du Pape Benoît XVI à la Rote romaine :
Le mariage n'est pas un choix impossible |
|
Le 10 février 2009 -
(E.S.M.) -
Dans la matinée du jeudi 29 janvier 2009, le Pape Benoît XVI a reçu en
audience, dans la salle Clémentine, les juges, les officiaux et les
collaborateurs du Tribunal de la Rote romaine, à l'occasion de
l'inauguration de l'année judiciaire.
|
Le pape Benoît XVI à
l'occasion de l'inauguration de l'année judiciaire- Pour
agrandir l'image ►
Cliquer
Discours du Pape Benoît XVI à la Rote romaine :
Le mariage n'est pas un choix impossible
Le 10 février 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Auparavant, dans la salle des
Bénédictions, S.Exc. Mgr Fernando Filoni, substitut de la secrétairerie
d'Etat, avait célébré la Messe pour les participants à l'audience. Nous
publions ci-dessous le discours du Saint-Père prononcé à cette occasion:
Illustres juges, officiaux et collaborateurs du Tribunal de la Rote romaine!
L'inauguration solennelle de l'activité judiciaire de votre Tribunal m'offre
cette année également la joie d'en recevoir aujourd'hui les membres
éminents : Monseigneur le doyen, que je remercie de sa noble adresse de
salut, le Collège des prélats-auditeurs, les officiaux du Tribunal et les
avocats du "Studio Rotale". Je vous adresse à tous mon salut cordial, ainsi
que l'expression de ma satisfaction pour les tâches importantes dont vous
vous occupez, en tant que fidèles collaborateurs du Pape et du Saint-Siège.
Vous attendez du Pape, au début de votre année de travail, une parole qui
soit pour vous une lumière et une orientation dans le déroulement de vos
tâches délicates. Les thèmes que nous pourrions aborder en cette
circonstance pourraient être nombreux, mais vingt ans après l'allocution de
Jean-Paul II sur l'incapacité psychique dans les causes de nullité
matrimoniale du
5 février 1987 (AAS 79 [1987], pp. 1453-1459; cf. orlf n. 6
du 10 février 1987) et du
25 janvier 1988 (AAS 80 [1988], pp. 1178-1185; cf.
orlf n. 6 du 9 février 1988), il semble opportun de se demander dans quelle
mesure ces interventions ont été accueillies comme il se doit dans les
tribunaux ecclésiastiques. Le moment n'est pas venu de tracer un bilan, mais
aux yeux de tous apparaissent les éléments d'une question qui continue à
être d'une grande actualité. Dans certains cas, on peut malheureusement
ressentir encore vivement l'exigence dont parlait mon vénéré prédécesseur :
celle de préserver la communauté ecclésiale "du scandale de voir, en
pratique, détruite la valeur du mariage chrétien par la multiplication
exagérée et presque automatique des déclarations de nullité dans le cas
d'échec du mariage, sous prétexte d'une quelconque immaturité ou faiblesse
psychique des contractants" (Allocution à
la Rote romaine,
5.2.1987, cit.,
n. 9, p. 1458).
Au cours de notre rencontre d'aujourd'hui, j'ai à coeur de rappeler
l'attention des agents du droit sur l'exigence de traiter les causes avec la
profondeur qui leur est due, requise par le ministère de vérité et de
charité qui est propre à la Rote romaine. En effet, à cette exigence de la
rigueur de la procédure, les allocutions susmentionnées, sur la base des
principes de l'anthropologie chrétienne, fournissent les critères de fond
non seulement pour les examens des expertises psychiatriques et
psychologiques, mais également pour la définition judiciaire même des
causes. A cet égard, il est opportun de rappeler encore quelques
distinctions qui tracent la ligne de démarcation tout d'abord entre "une
maturité psychique qui serait le point d'arrivée du développement humain",
et "la maturité canonique, qui est par contre le point minimum de départ
pour la validité du mariage" (ibid., n. 6, p. 1457); en deuxième lieu, entre
les incapacités et les difficultés, dans la mesure où "seule
l'incapacité et
non pas la difficulté à donner son assentiment et à réaliser une vraie
communauté de vie et d'amour rend nul le mariage" (ibid., n. 7, p. 1457); en
troisième lieu, entre la dimension canonique de la normalité, qui
s'inspirant de la vision intégrale de la personne humaine "comprend
également des formes modérées de difficultés psychologiques", et la
dimension clinique qui exclut du concept de celle-ci toute limitation de
maturité et "toute forme de psychopathologie"
(Allocution à la Rote romaine,
25 janvier 1988; cit., n. 5, p. 1181); enfin, entre la "capacité minimum,
suffisante pour un assentiment valable" et la capacité idéalisée "d'une
pleine maturité en vue d'une vie conjugale heureuse" (ibid., n. 9, p. 1183).
De plus, en raison du rôle des facultés intellectuelles et de la volonté
dans la formation de l'assentiment au mariage, le Pape Jean-Paul II, dans
l'intervention mentionnée du 5 février 1987, réaffirmait le principe selon
lequel une véritable incapacité "peut être hypothétisée seulement en
présence d'une sérieuse forme d'anomalie qui, quelle que soit la façon dont
on la définit, doit attaquer substantiellement la capacité de comprendre et
de vouloir" (Allocution à la Rote romaine
5.2.1987, cit., n. 7, p. 1457).
A cet égard, il semble opportun de rappeler que la norme du Code de Droit
canonique sur l'incapacité psychique, en ce qui concerne son application, a
été enrichie et complétée également par la récente
Instruction Dignitas Connubii (La dignité du mariage)
du 25 janvier 2005. Celle-ci, en effet, pour pouvoir prendre acte
d'une telle incapacité, requiert, déjà à l'époque du mariage,
la présence
d'une anomalie psychique particulière (art. 209, 1) qui perturbe gravement
l'usage de la raison (art. 209, 2, n. 1; can. 1095, n. 1),
ou la faculté
critique et de choix en relation à de graves décisions, en particulier en ce
qui concerne le libre choix de l'état de vie (art. 209, 2, n. 2; can. 1095,
n. 2), ou qui provoque chez le contractant non seulement une grave
difficulté, mais également l'impossibilité de faire face aux devoirs
inhérents aux obligations essentielles du mariage (art. 209, 2, n. 3; can.
1095, n. 3).
En cette occasion, toutefois, je voudrais également reprendre en
considération le thème de l'incapacité à contracter un mariage, qui est
traité au canon 1095, à la lumière de la relation entre la personne humaine
et le mariage et rappeler certains principes fondamentaux qui doivent
éclairer les agents du droit. Il faut tout d'abord redécouvrir de manière
positive la capacité qu'en principe, chaque personne humaine possède de se
marier, en vertu de sa nature même d'homme ou de femme. Nous courons en
effet le risque de tomber dans un pessimisme anthropologique qui, à la
lumière de la situation culturelle actuelle, considère presque impossible de
se marier. A part le fait que cette situation n'est pas uniforme dans les
différentes régions du monde, on ne peut pas confondre avec la véritable
incapacité de consentement les difficultés réelles que connaissent beaucoup
de personnes, en particulier les jeunes, qui en arrivent à considérer que
l'union matrimoniale est normalement impensable et impraticable. Au
contraire, la réaffirmation de la capacité humaine innée au mariage est
précisément le point de départ pour aider les couples à découvrir la réalité
naturelle du mariage et l'importance qu'il possède sur le plan du salut.
Ce
qui est en définitive en jeu est la vérité même sur le mariage et sur sa
nature juridique intrinsèque (cf. Benoît XVI,
Discours 2007 à la Rote, AAS 99 [2007], pp. 86-91; cf. orlf n. 6 du 6 février 2007),
présupposé incontournable pour pouvoir accueillir et évaluer la capacité
nécessaire pour se marier.
Dans ce sens, la capacité doit être mise en relation avec ce qu'est
essentiellement le mariage, c'est-à-dire "la communauté profonde de vie et
d'amour que forme le couple [...] fondée et dotée de ses lois propres par le
Créateur" (Concile œcuménique Vatican II, Const. past.
Gaudium et
Spes, n.
48), et, de manière particulière, avec les obligations essentielles qui lui
sont inhérentes et que les époux doivent assumer (can. 1095, n. 3). Cette
capacité n'est pas quantifiable par rapport à un degré déterminé de
réalisation existentielle ou effective de l'union conjugale à travers
l'accomplissement des obligations essentielles, mais par rapport à la
volonté efficace de chacun des contractants, qui rend possible et active
cette réalisation dès le moment du pacte nuptial. Le discours sur la
capacité ou l'incapacité n'a donc de sens que dans la mesure où il concerne
l'acte même de contracter le mariage, car le lien mis en acte par la volonté
des époux constitue la réalité juridique de l'una caro biblique
(Gn 2, 24;
Mc 10, 8; Ep 5, 31; cf. can. 1061, 1), dont la subsistance valable ne dépend
pas du comportement successif des conjoints au cours de leur vie
matrimoniale. Inversement, dans l'optique réductionniste qui méconnaît la
vérité sur le mariage, la réalisation effective d'une véritable communion de
vie et d'amour, idéalisée sur un plan de bien-être purement humain, ne
devient essentiellement dépendante que de facteurs accidentels, et non pas
en revanche de l'exercice de la liberté humaine soutenue par la grâce. Il
est vrai que cette liberté de la nature humaine, "blessée dans ses propres
forces naturelles" et "inclinée au péché" (Catéchisme
de l'Église catholique, n. 405) est limitée et imparfaite, mais ce n'est pas pour autant
qu'elle n'est pas authentique et insuffisante pour réaliser cet acte
d'autodétermination des contractants qu'est le pacte conjugal, qui donne vie
au mariage et à la famille fondée sur celui-ci.
Assurément, certains courants anthropologiques "humanistes", tournés vers
l'autoréalisation et l'autotranscendance égocentrique, idéalisent tellement
la personne humaine et le mariage qu'ils finissent par nier la capacité
psychique de nombreuses personnes, en la fondant sur des éléments qui ne
correspondent pas aux exigences essentielles du lien conjugal. Face à ces
conceptions, les spécialistes du droit ecclésial ne peuvent pas ne pas tenir
compte du sain réalisme auquel faisait référence mon vénérable prédécesseur
(cf. Jean-Paul II,
Allocution à la Rote romaine, 27.1.1997, n. 4, AAS 89
[1997], p. 488; cf. orlf n. 6 du 11 février 1997), car la capacité fait
référence au minimum nécessaire afin que les futurs époux puissent donner
leur être masculin et féminin pour fonder ce lien auquel la plus grande
majorité des êtres humains est appelée. Il s'ensuit que les causes de
nullité pour incapacité psychique exigent, comme ligne de principe, que le
juge se serve de l'aide d'experts pour établir l'existence d'une véritable
incapacité (can. 1680; art. 203, 1, D.C.),
qui est toujours une exception au
principe naturel de la capacité nécessaire pour comprendre, décider et
réaliser le don de soi-même, à partir duquel naît le lien conjugal.
Vénérés membres du Tribunal de la Rote romaine, voilà ce que je désirais
vous exposer en cette circonstance solennelle et qui est toujours un plaisir
pour moi. En vous exhortant à persévérer avec une profonde conscience
chrétienne dans l'exercice de votre tâche, dont la grande importance pour la
vie de l'Église ressort également de ce qui vient d'être dit, je forme le
vœu que le Seigneur vous accompagne toujours dans votre délicat travail par
la lumière de sa grâce, dont la Bénédiction apostolique que je donne à
chacun avec une profonde affection, veut être le gage.
Texte
original du discours du Saint Père
►
Italien
Regarder
la vidéo en
Italien ou en
Français
Nombreux liens dans les tables sur :
la
famille fondée sur le mariage et dans le moteur de recherche
(ex : nullité du mariage ou divorcé remarié, etc...)
TOUS LES DISCOURS DU
PAPE JEAN-PAUL II, AU TRIBUNAL DE LA ROTE ROMAINE
Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
(©L'Osservatore Romano - 10 février 2009)
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.02.2009 -
T/Benoît XVI - La famille |