Répondre à l'appel du pape Benoît XVI |
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Le 09 septembre 2009 -
(E.S.M.)
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Mgr Alain Castet, évêque de Luçon, nous livre ici des pistes de réflexion
pour aider les chrétiens à pénétrer dans l'encyclique
Caritas in Veritate de Benoît XVI pour mieux aider leurs
contemporains.
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Le pape Benoît XVI et
Mgr Castet
Répondre à l'appel du pape Benoît XVI
Par Mgr Alain Castet
Le 09 septembre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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II faut le souligner avec force : le pape Benoît XVI nous a fait un
admirable cadeau. Un très grand texte, qui devra être médité et approfondi
et dont on découvrira chaque jour les enjeux pastoraux concrets. Il est
impossible de résumer un document d'une telle profondeur et il faut se
contenter de prendre, à titre d'illustration, cinq principes essentiels et
cinq domaines concrets susceptibles d'applications.
Cinq grands principes
1.
Caritas in Veritate se situe dans la grande tradition de la doctrine
sociale de l'Église qui remonte à Léon XIII et
Rerum Novarum en 1891. Bien
entendu, la source profonde en est la parole de Dieu et la tradition de
l'Église, mais au sens strict, on songe aux grands textes sociaux de ses
prédécesseurs. Tous sont cités, même si, s'agissant d'une encyclique portant
sur le développement (le terme est dans le sous-titre)
la référence à Paul
VI (Populorum
Progressio, 1967) est la plus fréquente car c'est alors que
l'on prend vraiment conscience que la question sociale est devenue mondiale.
Bien entendu, les grands textes de Jean-Paul II, comme
Centesimus
Annus
(1991) sont aussi largement cités. Cela permet à Benoît XVI d'écarter, ici
comme ailleurs, toute rupture : « Il n'y a pas deux typologies différentes
de doctrine sociale, l'une préconciliaire et l'autre postconciliaire, mais
un unique enseignement cohérent... » (n. 12).
2. Si le pape réaffirme les principes qui, comme l'avait dit Jean-Paul
II « appartiennent au patrimoine doctrinal de l'Église », comme la dignité
incomparable de l'homme, créé à l'image de Dieu, il reprend aussi l'idée de
Rerum Novarum : des choses nouvelles sont apparues, auxquelles il faut
appliquer ces principes éternels : ici, c'est la
mondialisation, l'écologie, la crise, le développement, etc.
3.
L'encyclique est adressée aux chrétiens, mais aussi « à tous les hommes de
bonne volonté » : pour cela, dans la tradition issue de saint Thomas
d'Aquin, Benoît XVI, s'agissant de questions sociales, fait appel à la foi,
mais aussi à la raison. Or tous les hommes ont accès à la loi naturelle, au
droit naturel, en un mot à la raison pour construire une société plus
humaine. La foi chrétienne y ajoute le couronnement de la Révélation.
4.
La question éthique est au cœur de l'économie. Il y a une prise de conscience
de la moralisation nécessaire du capitalisme et aussi de la « responsabilité
sociale de l'entreprise ». Mais le pape souligne « un certain abus de
l'adjectif éthique » (n. 45), qui recouvre souvent de simples opérations de
marketing, voire des éléments qui contredisent une éthique authentique, en
mettant en cause « la dignité inviolable de la personne » et « la valeur
transcendante des normes morales naturelles » (n. 45)
5.
Enfin, « la question sociale est devenue radicalement anthropologique » (n. 75) : on ne peut parler de doctrine
sociale sans réfléchir à la nature de l'homme, en commençant par le
nécessaire respect de la vie : cela fait partie intégrante de l'enseignement
social de l'Église.
Voilà, parmi d'autres, quelques questions à approfondir en groupe ou en
paroisse : le pape nous offre de quoi nourrir notre réflexion.
Cinq exemples d'application
1. II y a longtemps que l'Église s'intéresse à l'entreprise et au sort
des travailleurs. Mais Benoît XVI aborde un thème lié, celui de
l'entrepreneur : qu'est-ce qu'un entrepreneur dans les
très grandes entreprises au capital dispersé? Voit-il toujours le long terme?
La crise pose au minimum la question (n. 40). Et surtout, il n'y a pas que «
l'entrepreneur privé de type capitaliste ». L'entreprenariat « est inscrit
dans tout travail » ; « c'est pourquoi il est bon qu'à tout travailleur soit
offerte la possibilité d'apporter sa contribution propre de sorte que
lui-même sache travailler à son compte », y compris le salarié, car « tout
travailleur est un créateur » (n. 41). Voilà qui devrait faire réfléchir sur
l'entreprise.
2. Le protectionnisme, question si sensible et qui divise tant. Le pape
offre de nombreux éléments de réflexion sur la mondialisation, le rôle des
échanges dans le développement, la question des droits de douane ou de
l'attitude par rapport aux produits du tiers-monde : l'Église n'a pas de
réponse technique à offrir, mais
Caritas in Veritate dans de nombreux
paragraphes, doit aider les chrétiens à réfléchir à ce sujet, en ayant à
l'esprit ce que Paul VI appelait déjà « le développement solidaire de
l'humanité ».
3.
Le profit est certes « utile » mais il
doit être « orienté vers un but qui lui donne un sens relatif aussi bien à
la façon de le créer que de l'utiliser » (n. 21) : pas de profit à n'importe
quel prix humain, ni pour faire n'importe quoi. Le profit doit avoir pour
but ultime « le bien commun ».
4.
Tout ne se confond pas dans une société : « un système implique trois sujets : le marché, l'État et la
société civile » (n. 38). Elle a donc besoin du contrat, de lois justes et
de l'esprit de don (n. 37), chacun de ces éléments étant prioritairement
rattaché à l'un des trois sujets. Mais voici l'originalité, déjà soulignée
par Jean-Paul II : « II avait identifié la société civile »
(familles,
associations, organismes caritatifs...), « comme le cadre le plus approprié
pour une économie de la gratuité et de la fraternité, mais il ne voulait pas
l'exclure des deux autres domaines ». La logique du don et de la gratuité
doivent donc être partout et « la solidarité signifie avant tout se sentir
tous responsables de tous, elle ne peut donc être déléguée seulement à
l'État » (n. 38). Enfin, Benoît VI approfondit un thème de ses prédécesseurs, celui du « développement intégral de l'homme
»
: le développement économique est indispensable, mais on ne peut s'arrêter
là, l'homme ayant d'autres dimensions, car il ne vit pas seulement de pain.
Cela a le mérite d'avoir la grande fraîcheur et la nouveauté de l'Évangile.
Mon souhait : que les chrétiens se saisissent de ces sujets, en partant des
textes de cette encyclique, pour aider leurs contemporains à répondre aux
vraies questions que pose Benoît XVI, en utilisant les pistes de réflexion
qu'il propose.
Mgr Alain Castet
Évêque de Luçon
Sources : LA NEF • N°207 SEPTEMBRE 2009
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.09.09 -
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