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La falsification du bien

 

Rome, le 05 février 2008 - Malgré son pessimisme, Alain Besançon pense en effet que les seules forces en mesure de s'opposer à ce processus de "falsification du bien" qui semble envahir la culture occidentale sont la nature et l'Église, à travers laquelle agit l'Esprit Saint.

Alain Besançon, membre de l’Académie des sciences morales et politiques

La falsification du bien

Art, amour et vertu

Entretien avec Alain Besançon

Alain Besançon, membre de l'Institut, est un des grands intellectuels catholiques français: historien de la culture, il a écrit une analyse extrêmement précise sur l'idéologie communiste (Les origines intellectuelles du léninisme) et il a étudié la disparition de l'image de l'être humain dans l'art contemporain en la mettant en relation avec la sécularisation (L'image interdite). Plus récemment, il s'est occupé des relations entre l'Église et l'islam (Trois défis pour l'Église) qui sont également au centre de sa réflexion dans nombre d'essais qu'il écrit sur la revue "Commentaire" à laquelle il collabore. Substantiellement, le point central de sa réflexion a toujours été le conflit culturel entre la tradition chrétienne catholique et les diverses formes d'utopie - souvent agressives - qui se sont opposées à elle, ainsi que les relations entre le catholicisme et des religions différentes comme l'islam, sans oublier le protestantisme et l'orthodoxie, dans des années marquées par un profond processus de sécularisation. Cette attention permanente aux conflits culturels l'a progressivement porté à réfléchir sur le concept de mal et sur la manière dont il se présente dans la société contemporaine.

Dans une de ses oeuvres les plus profondes (La falsification du bien), il a analysé la conception du mal chez deux grands intellectuels du XX siècle - Orwell et Soloviev - parce que "ni l'un ni l'autre ne se contentent de la définition classique proposée par Plotin et adoptée par les Églises: le mal est une privation du bien". L'auteur se pose à nouveau la question radicale de Soloviev: "Le mal est-il seulement une insuffisance naturelle, une imperfection qui disparaît seule avec le progrès du bien, ou bien est-ce une force réelle qui domine notre monde au moyen d'une séduction telle que, pour lutter efficacement contre elle, nous devons nous fonder sur un autre ordre de la réalité ?". Pour ces deux écrivains, le mal est une force qu'ils tentent de démasquer à travers leurs analyses et une observation attentive, et c'est cet aspect de leur oeuvre qui fascine Besançon. C'est dans son appartement, au coeur de Paris, qu'il nous reçoit, et nous pouvons lui poser une question difficile, à laquelle beaucoup préféreraient ne pas apporter de réponse: comment se réalise, aujourd'hui, la falsification du bien ?

"Premièrement - nous dit-il - l'idée même du bien est aujourd'hui falsifiée à travers la diffusion du relativisme, qui nivelle tous les systèmes éthiques. Et cela crée une désorientation fondamentale, à la suite de laquelle il est difficile de reconstruire les catégories morales. Des catégories, du reste, qui ont déjà été déconstruites dans le siècle qui vient de s'achever par les totalitarismes : même si aujourd'hui personne ne dit ouvertement qu'il est bien de voler, de mentir ou de tuer, les systèmes totalitaires ont démontré que cela n'était pas seulement bien mais que, dans certaines circonstances définies par le régime, c'était même un devoir. Bien sûr, les grands totalitarismes ont disparu, mais la destruction morale qu'ils ont semée dans l'âme humaine est encore en mouvement, et continue de se répandre".

L'attention particulière qu'il porte au domaine artistique le conduit à identifier également dans l'art contemporain, qui n'est désormais plus figuratif, une haine du monde et une haine de soi évidentes. "Désormais séparé de la religion et de la nature, l'art n'en saisit plus le merveilleux. C'est en revanche l'attraction pour l'horrible qui se répand, et l'artiste lui-même devient horrible. Ce phénomène - selon Besançon - ne signifie pas qu'une crise de l'expression artistique, mais influence la sphère morale: le beau a toujours représenté la splendeur du vrai; effacer le beau signifie donc effacer la vérité, déclarer qu'elle n'existe pas. Et donc falsifier la morale de l'art, car aujourd'hui dans le monde artistique, l'idée de beauté est interdite, si bien que s'est développée à son égard une véritable aversion".

Comme troisième exemple de falsification du bien, Alain Besançon pose l'amour, devenu un sentiment exclusivement subjectif, dans lequel s'est perdu le sens du bien de l'autre et qui s'arrête à une exaltation du sentiment individuel et subjectif. "Eros ne se fait plus agapè, l'amour s'est prostitué au plaisir momentané. Si eros devient l'unique valeur qui justifie un rapport, il devient alors acceptable d'avoir des couples du même sexe". Selon Besançon, un trait caractéristique de la culture contemporaine est la haine pour le monde, un aspect central du gnosticisme. Mais si, pour les anciens gnostiques, cette haine était en quelque sorte justifiée par la pensée qu'il existait un autre monde meilleur, "vrai", aujourd'hui, en l'absence de toute vérité, la haine devient une fin en soi.

Autre exemple de falsification, caractéristique cette fois de la démocratie: le remplacement des vertus par les valeurs. Il s'est ainsi créé un nouveau vocabulaire, qui a également pénétré l'Église, qui semble oublier que, dans une perspective chrétienne, il n'existe que des vertus, qu'il faut rechercher et cultiver, bien définies d'un point de vue théologique. Les valeurs, en effet, sont relatives, elles ont un sens uniquement à l'intérieur d'une culture spécifique, à la différence des vertus, qui sont valables partout et pour tous. Cela est prouvé par le fait qu'aujourd'hui est en cours une falsification de l'idée des droits, c'est-à-dire de cette dimension qui est appelée à protéger les valeurs. Alain Besançon synthétise les droits fondamentaux dans les trois formules antiques: neminem ledere, honeste vivere, unicuique suum tribuere. Aujourd'hui, alors que le concept de droits naturels est en crise, seuls existent les droits du sujet, qui sont soumis à des remaniements et des négociations continuels dès lors qu'ils s'identifient aux désirs de chacun.

Le refus de reconnaître les racines chrétiennes de l'Europe démontrerait - selon Alain Besançon - la réapparition d'une tendance qui rappelle le marcionisme qui, comme l'on sait, refusait les racines juives du christianisme. Une pensée qui a trouvé des disciples en son temps chez les protestants, même libéraux, qui refusaient toute relation du christianisme avec la culture classique. Les catholiques, au contraire, reconnaissent toutes les contributions, même païennes, comme appartenant à leur parcours culturel, comme l'a rappelé Benoît XVI dans le discours de Ratisbonne.

A la question sur les traits que prendrait aujourd'hui l'Antéchrist - présence symbolique forte dans la culture russe et centrale dans la réflexion de Soloviev - Alain Besançon rappelle que l'Antéchrist est une forme perverse d'imitation du christianisme qu'il retrouve dans l'humanitarisme moderne, qui en arrive à élargir sa "pitié" aux animaux, auxquels certains proposent d'étendre les droits. L'Antéchrist est toujours présent dans notre société parce que la réalisation du christianisme est toujours imparfaite et donc critiquable; deux dates fondamentales sont ainsi proposées à notre réflexion: 1789, avec l'affirmation de la prétention à réaliser l'égalité sociale et matérielle, et 1968, qui prétend au contraire imposer à tous un tournant éthique, celui du subjectivisme. Dans ces deux cas, il s'agit de formes différentes qui traduisent l'utopie de l'égalité - nous serons heureux quand nous serons tous égaux - qui se propose de reprendre un parcours sur lequel le christianisme aurait échoué.

En conclusion de notre rencontre, on ne peut manquer de poser la question de la condition actuelle de l'Église catholique et en particulier du catholicisme en France. Alain Besançon regrette l'isolement dans lequel sont enfermés les membres les plus élevés du clergé, qui se défendent ainsi contre le manque de considération dont fait preuve à leur égard la société dans laquelle ils vivent. "Les évêques sont considérés comme des hommes bons mais que l'on plaint un peu et personne ne semble s'intéresser à connaître leur opinion". Mais cette situation de mépris larvé que vivent les chrétiens, n'est pas seulement négative : "Une persécution modérée - dit-il - permet d'améliorer le peuple chrétien, de susciter des forces neuves de réponse et d'intervention, en particulier chez les laïcs". Malgré son pessimisme, Alain Besançon pense en effet que les seules forces en mesure de s'opposer à ce processus de "falsification du bien" qui semble envahir la culture occidentale sont la nature et l'Église, à travers laquelle agit l'Esprit Saint.

Lucetta SCARAFFIA
 

Sources: www.vatican.va - E.S.M.

(©L'Osservatore Romano - 5 février 2008)

Eucharistie, sacrement de la miséricorde - (E.S.M.) 05.02.2008 - BENOÎT XVI - T/Église  - Méditations

 

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