La levée des excommunications en
cinq points |
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Le 04 mars 2009 -
(E.S.M.)
- La fin des anathèmes intra-catholiques ne devrait-il pas permettre de
faire enfin un véritable examen de conscience sur ce qui s’est passé en
France depuis presque un demi-siècle ? Le pape Benoît XVI n'a fait
qu’appliquer les critères donnés par le Décret conciliaire
Unitatis Redintegratio
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Le Père
Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé s.j.m.
La levée des excommunications en cinq points
Père Laurent-Marie Pocquet du Haut-Jussé s.j.m. (Serviteurs
de Jésus et de Marie)
Le 04 mars 2009 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Depuis la levée des excommunications,
le statut canonique des évêques et prêtres de la Fraternité Saint-Pie X
demeure assez flou, les spécialistes eux-mêmes ne s’accordant pas. Essai
d’éclaircissement.
On attend des théologiens et des juristes dans l’Église qu’ils soient
fidèles à leur réputation, celle de parler avec précision et donc de
rendre compte avec clarté de ce qui n’a provoqué dans un premier
temps qu’un brouhaha médiatique. Je voudrais juste revenir sur
quelques éléments théologico-juridiques ou canoniques mis en lumière ces
jours-ci. Mes propos n’ont pas la prétention de résoudre les problèmes
évoqués mais bien de contribuer à mieux les poser.
1. Quelles sont les conséquences juridiques du
décret de la Congrégation des Évêques ?
Une seule chose est sûre : les quatre évêques sacrés par Mgr Lefebvre en
juin 1988 ne sont plus excommuniés. Sur leur situation dans l’Église,
sur celle des prêtres ordonnés par eux, ou bien des fidèles qui leur
sont attachés, il y a, même chez les spécialistes, de grandes
divergences. Depuis « Dans la Fraternité Saint-Pie X, tout le monde est
excommunié, sauf les évêques » jusque « les quatre évêques (et par le
fait même on peut penser aussi les prêtres et les fidèles) sont
désormais en pleine communion avec Rome, et ils n’attendent plus qu’un
statut canonique », il y a donc un panel complet d’avis et d’opinions.
Quant à savoir si les évêques et les prêtres sont frappés encore
aujourd’hui de la suspense a divinis (1), deux écoles s’opposent
: pour les premiers, seule est levée l’excommunication, et donc est
maintenue la peine canonique antérieure, celle dont Mgr Lefebvre était
frappé depuis le 22 juillet 1976, comme les prêtres ordonnés par lui à
partir de cette date, à savoir la suspense. D’autres diront que
l’excommunication de 1988 s’est substituée aux peines antérieures
(puisque un clerc excommunié est a fortiori suspens)
et donc que depuis le 21 janvier dernier, les clercs de la Fraternité
Saint-Pie X sont juste irréguliers, en état d’« apesanteur canonique ».
D’une certaine façon, et au risque de paraître cynique, je dirais que
tout dépend de la manière dont les choses vont évoluer et les contacts
être établis. Un bon accord doctrinal et disciplinaire, c’est-à-dire
pastoral, trouvera toujours l’appareil canonique le plus adapté.
Disons pour conclure ce point, que les différents dicastères romains,
depuis 1988, n’ont pas non plus considéré le mouvement lefebvriste de la
même façon : communauté schismatique en son ensemble
(cf. Congrégation pour les évêques et Conseil pontifical
pour l’interprétation des textes législatifs)
ou désobéissance grave pouvant aboutir à terme à un vrai schisme
(Commission Ecclesia Dei)
ou encore schisme en cours de formation mais qui ne constitue
pas encore ses chefs et ses membres comme des interlocuteurs valables et
des protagonistes du dialogue œcuménique
(Conseil pontifical pour l’unité des chrétiens)…
2. Quelle est maintenant la marche à suivre ?
Là encore il y a deux écoles : pour les premiers la levée est le début
d’un long processus, le préalable à des conversations doctrinales qui
vont maintenant s’engager et qui devraient aboutir à une solution
institutionnelle. Pour les seconds, il vaut mieux trouver tout de suite
une structure juridique pour la Fraternité Saint-Pie X et pour les
communautés amies. Il sera bien temps après de poursuivre des
conversations afin de permettre une «
interprétation-réception-herméneutique » du Concile fidèle à la
Tradition.
Si un statut canonique type prélature personnelle ou Ordinariat semble
être l’hypothèse retenue, il est nécessaire de définir très précisément
les conditions et les protections permettant à la Fraternité non
seulement de poursuivre mais aussi d’étendre son apostolat. Dans le
cadre français, par exemple, il faudra réfléchir sur la mise à
disposition de lieux de culte convenables et dignes,
ce qui suppose de la part de la hiérarchie une
attitude généreuse d’ouverture. Cela ne devra pas poser de
problèmes, puisque des conventions ont souvent été passées avec des
Églises ou des communautés ecclésiales qui, tout en n’étant pas en
pleine communion avec Rome, ont cependant bénéficié de la mise à
disposition de lieux de culte catholiques pour pouvoir célébrer leur
liturgie.
3. Que signifie un Concile non négociable ?
C’est l’expression employée par le Conseil permanent de la Conférence
des évêques de France qui s’exprime au nom de tous les évêques
(?). Mais on aurait tout aussi bien pu
souligner que le pape Benoît XVI ne faisait qu’appliquer les critères
donnés par le Décret conciliaire
Unitatis Redintegratio : pour rétablir ou préserver l’unité
catholique, n’imposer que ce qui est absolument nécessaire et
reconnaître une hiérarchie dans les vérités qu’expose l’Église touchant
la révélation, sa propre structure et les relations qu’elle entretient
avec les « autres ». Même dans un Concile non négociable, tout n’est pas
à mettre sur le même plan. De plus, il serait bon que, au niveau local
(dans la prédication ordinaire mais aussi dans
l’enseignement), les rappels du magistère – je
pense spécialement à deux textes majeurs de la Congrégation pour la
Doctrine de la foi,
Communionis notio
(sur certains aspects de l’Église comprise comme communion)
et
Dominus Jesus
(sur l’unicité et l’universalité du salut de Jésus-Christ
et de l’Église) – soient considérés comme des
interprétations autorisées et légitimes des points de la doctrine
conciliaire qui peuvent encore faire difficulté.
4. Dans une vision plus d’ensemble et à long
terme, quelle place pour les fidèles Ecclesia Dei et pour les
catholiques lefebvristes ?
On s’est plu dans la presse et dans les médias à souligner le petit
nombre que représente la frange traditionaliste dans l’Église. Mais des
exemples ne manquent pas non plus quant à l’expansion et la croissance
de ces communautés à partir du moment où il leur est permis de vivre et
d’être fidèles à leur grâce propre
(célébration digne de la forme extraordinaire, qualité
doctrinale de la prédication, souci de transmettre la doctrine du salut
par l’éducation et d’annoncer à tous le Salut en Jésus-Christ).
Le
Motu Proprio Summorum Pontificum du pape Benoît XVI
fut un acte de justice de la part de l’autorité suprême de l’Église.
Indirectement il rendait hommage aux dizaines de milliers de fidèles
qui, depuis vingt ans, sont restés fidèles au Siège de Pierre sans que
soient suffisamment reconnues localement leurs «
légitimes aspirations »
(pour reprendre l’expression de Jean-Paul II).
La manière dont ces fidèles sont encore aujourd’hui traités manifeste
assez clairement le degré de volonté de réconciliation. Il serait bon
d’ailleurs que se multiplient, au niveau des Églises locales, un
authentique dialogue doctrinal pour le bien de tous et l’apaisement des
esprits. Encore une fois il ne s’agit que d’appliquer certaines normes
pastorales tirées de la doctrine conciliaire, malheureusement oubliées
ou ignorées
(ou insuffisamment valorisées)
de nos jours.
Pour ce qui est de la France, cette mouvance est, de mon point de vue, à
peu près équivalente à ce que représentent les communautés nouvelles de
type charismatique. Comme ces dernières, la sphère des fidèles attachés
à la Tradition est beaucoup plus diverse que son histoire dans les
années 60-70 peut le laisser deviner. Or cet élargissement de sa base
sociologique ainsi que sa dimension tout à la fois jeune et missionnaire
ne semblent pas suffisamment pris en compte par certains membres de la
hiérarchie. La question que l’on pourrait se poser est celle-ci : les
fidèles « tradis » sont-ils un moindre mal qu’il faut tolérer ou au
contraire une chance pour la nouvelle évangélisation ? Pour cela il faut
considérer ce qu’ils sont, ce qu’ils représentent, mais aussi l’état
actuel des forces pastorales en présence, ainsi que le contenu même de
ce que l’on veut transmettre et annoncer… D’où la question :
5. La fin des anathèmes intra-catholiques ne
devrait-il pas permettre de faire enfin un véritable examen de
conscience sur ce qui s’est passé en France depuis presque un
demi-siècle ?
C’est une question en forme de souhait mais
aussi de conclusion.
(1) La suspense est une
censure en vertu de laquelle on interdit aux clercs l’exercice de
certains droits qu’ils possèdent en raison du pouvoir d’ordre, de
gouvernement, ou d’une charge
(ou d’un office).
Il faut donc espérer qu’une solution, même provisoire, soit trouvée pour
la Fraternité Saint-Pie X avant les prochaines ordinations diaconales ou
sacerdotales. On pourrait imaginer, par exemple, que le Saint-Siège
donne son accord pour les ordinations, même en l’absence de ce statut.
De même ce serait de la part de la Fraternité un signe de bonne volonté
que de ne pas procéder pour l’instant à de telles ordinations.
Lien :
Rappel explicite de la doctrine catholique sur l'Église
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Source : sur le site du
très bon mensuel de "La
Nef" n°202
de Mars 2009
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
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04.03.2009 -
T/Église
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