Quelques pensées d'Alexis II sur Benoît XVI |
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Rome, le 04 mars 2008 - Pour les quatre-vingts ans du Pape Benoît XVI,
vous avez écrit, entre autres, ceci : « Ce qui rend votre position
convaincante, c’est que, bien que théologien, vous n’êtes pas un pur
spécialiste de la pensée théorique, vous êtes surtout un chrétien
sincère et profondément dévot qui parlez du trop plein de votre cœur (
cf. Mt 12, 34) »
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''Défendons ensemble les valeurs chrétiennes''
Quelques pensées d'Alexis II sur Benoît XVI
Alexis II, Alexeï Mikhaïlovitch Ridiger, né
à Tallin, en Estonie, en 1929, est monté sur le trône patriarcal de Moscou,
le 10 juin 1990, trois jours après son élection. L’Union Soviétique existait
encore à l’époque et ce qui s’est passé par la suite, nous le savons tous.
Mais le présent est en train de redonner à la Russie le sentiment de sa
dignité et un rôle important à jouer dans la communauté internationale.
Extraits
d'une interview du patriarche Alexis II par
Giovanni Cubeddu et Fabio Polito
Qu’a signifié pour
vous le récent
texte
du pape Benoît XVI
sur le latin dans la liturgie. Votre Église a-t-elle elle aussi à affronter
aujourd’hui des questions liturgiques délicates ?
Ensuite, avez-vous lu
la Lettre récente du Pape aux catholiques chinois ? Pour les
quatre-vingts ans du Pape, vous avez écrit, entre autres,
ceci : « Ce qui rend votre position convaincante, c’est que, bien que
théologien, vous n’êtes pas un pur spécialiste de la pensée théorique, vous
êtes surtout un chrétien sincère et profondément dévot qui parlez du trop
plein de votre cœur ( cf.
Mt
12, 34) ». Sur quels points vous sentez
vous le plus en accord avec Benoît XVI ?
ALEXIS II : Je pense que la
question de la langue liturgique et les relations entre les différentes
composantes de l’Église catholique romaine sont des questions internes. Pour
nous, qui sommes une Église pour laquelle la notion de tradition a une
grande importance, l’effort pour trouver des formes efficaces
d’harmonisation entre l’expérience pluriséculaire et les réalités et les
exigences objectives d’aujourd’hui est quelque chose de très compréhensible
et de familier. Je vois en cela l’un des aspects les plus valides de l’œuvre
du pape actuel de Rome, Benoît XVI.
Le pape
Benoît XVI a déclaré qu’il considère comme l’une de ses tâches de travailler
à l’application encore incomplète des décisions du Concile Vatican II, sans
suivre la logique de la “rupture” mais celle de la “continuité”. Que
pensez-vous, depuis Moscou, de cette déclaration ?
ALEXIS II : Il ne fait aucun
doute que nous accueillons avec plaisir toute tentative de dépasser le plus
possible les divisions. Ce qui concerne la nature de l’une ou l’autre
division est ensuite une autre question. Chaque situation mérite une
attention particulière et scrupuleuse. Et la compréhension des causes aide à
trouver les solutions. Si l’on respecte et sauvegarde les différences, la
recherche de ce qui unit, et non de ce qui divise, se révèle efficace dans
la majorité des cas. Sans tomber dans un optimisme excessif, je voudrais
dire que je vois précisément en cela une perspective particulière pour les
relations entre orthodoxes et catholiques.
Sainteté, on
a récemment publié en Italie différents livres qui parlent à nouveau du
“mystère de Fatima”. Ce mystère, dans l’une de ses parties, concerne la foi
chrétienne en Russie. Que pensez-vous de ces apparitions ?
Je dis tout de suite qu’il m’est
difficile de porter un jugement sur ce point. Nous prêtons attention à tout
ce qui s’est dit et se dit de la Russie en Occident, et plus encore dans un
contexte de foi chrétienne. Il est cependant nécessaire de noter à ce sujet
que beaucoup de réalités de la vie spirituelle des chrétiens occidentaux
font partie seulement de leur expérience, laquelle présente de nettes
différences avec la tradition orthodoxe. Nous respectons la dévotion qui
existe dans l’Église catholique pour les apparitions de Fatima. Mais il nous
est difficile, pour notre part, de donner un avis, quel qu’il soit, sur ce
sujet. Il s’agit d’une expérience spirituelle particulière de l’Église
catholique.
Sainteté, le Seigneur a demandé à ses disciples d’être
une seule et même chose. Où en sommes-nous, selon vous, sur le chemin
historique vers l’unité, après la nouvelle session du dialogue entre Église
catholique et Orthodoxie qui s’est tenue à
Ravenne ?
ALEXIS II : Il ne fait aucun doute que le commandement du Seigneur «que tous
soient un» (Jn 17, 21) reste actuel pour nous aussi. Il ne faut cependant
pas oublier que toutes les divisions dans le milieu ecclésial sont le fruit
de la volonté humaine pécheresse, alors que l’unité est un don de l’Esprit
Saint. Comme le montre l’expérience de la vie, le processus de
reconstruction de l’unité demande beaucoup de temps et de sérieux efforts.
Cela vaut aussi pour ceux qui partagent la même foi, comme c’est le cas de
l’Église orthodoxe russe à l’étranger, qui est venue s’unir à nouveau à nous
après quatre-vingts ans de séparation. Quant au cas auquel vous vous
référiez, il s’agit d’une division millénaire…
Le témoignage vivant des Pères de l’Église unit Moscou
et Rome. Dans quelle mesure et comment la Tradition, qui est dans le cœur de
Moscou comme dans celui de Rome, peut-elle aujourd’hui rencontrer la
modernité ?
ALEXIS II : Je suis profondément convaincu que la fidélité à l’antique
tradition apostolique et à l’héritage patristique peut devenir le fondement
de la collaboration entre l’Église catholique romaine et l’Église orthodoxe
russe, dans leur témoignage des valeurs de l’Évangile face au monde
contemporain. Qu’il s’agisse là d’une nécessité, c’est une évidence, dans la
mesure où la culture du relativisme moral imposé à la société, la
consommation, la tendance irrépressible au bien-être et aux plaisirs ne sont
pas capables d’assouvir la soif spirituelle qui a toujours été présente en
l’homme. Malheureusement, la recherche perverse de ce système de valeurs,
considéré comme “avancé”, se manifeste de plus en plus souvent dans
certaines confessions chrétiennes. C’est pourquoi les Églises orthodoxe et
catholique qui ont des racines communes dans le christianisme apostolique
devraient unir leurs forces en suivant sans compromis les commandements du
Christ, au lieu de s’adapter continuellement au monde séculier qui ne cesse
de changer.
Fabio Petito enseigne à l’Université du
Sussex, Grande-Bretagne, et à l’Université de Naples “L’Orientale”
Sources: 30Jours
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 04.03.2008 -
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