Discours de François Fillon au dîner
du CRIF, condamnation des déclarations de Mgr Williamson |
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Le 03 mars 2009 -
(E.S.M.)
- Au traditionnel dîner du Crif, le chef du gouvernement,
François Fillon, a sévèrement condamné, au nom de la France, les
déclarations de l’évêque intégriste Richard Williamson « niant la
réalité de la Shoah ». Le pape Benoît XVI a récemment levé
l'excommunication qui pesait sur Mgr Williamson.
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Le premier ministre
François Fillon
Discours de François Fillon au dîner
du CRIF, condamnation des déclarations de Mgr Williamson
Le 03 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Lundi 2 mars, au traditionnel dîner du Crif, le chef du gouvernement,
François Fillon, a sévèrement condamné, au nom de la France, les
déclarations de l’évêque intégriste Richard Williamson « niant la réalité de
la Shoah »
Discours du Premier ministre lors du dîner du Conseil Représentatif des
Institutions Juives de France (CRIF)
Monsieur le Président,
Mesdames et Messieurs,
Le dîner annuel du CRIF constitue un événement exceptionnel parce qu’il
existe entre la République et la communauté juive de France un lien
indissociable.
Il y a un fait qui m’a toujours personnellement ému. Tous nos concitoyens
connaissent tous le colonel Alfred Dreyfus, victime de la fureur antisémite.
Mais bien peu connaissent son fils Pierre et ses neveux Emile, Maurice et
Charles.
Moins de dix ans après la réhabilitation de Dreyfus, ces jeunes gens étaient
engagés dans l’armée française - celle-là même qui avait accablé et proscrit
leur parent. Fidèles à la nation, ils gagnèrent le front. Trois des quatre y
moururent.
Leur jeunesse brisée mais si courageuse éclaire, à mes yeux, la force du
pacte qui nous rassemble.
L’an dernier, le président de la République, a tenu à reconnaître
l’importance de l’engagement et de la réflexion collective qui se
manifestent ici par un discours ambitieux, dont vous avez salué la force.
Vous comprendrez que je sois honoré de m’exprimer à mon tour devant vous.
Je le suis d’autant plus que la crise mondiale accroît l’inquiétude
diplomatique, excite l’agressivité de groupes extrémistes, rend à
l’exclusion et au repli sur soi un attrait dangereux.
L’histoire nous l’enseigne : toute crise économique ravive des pulsions
violentes contre lesquelles la République doit nous prémunir.
Cette crise ne doit pas éveiller en nous la violence, l’égoïsme le
populisme.
Je viens devant votre assemblée avec une question simple en tête : quelles
doivent être les valeurs d’un pays en crise ?
Quelles sont les vertus qui, au plus dur de l’épreuve, restent capables de
nous souder contre la peur, contre la haine contre la division ?
J’ai entendu Richard Prasquier apporter plusieurs réponses dans son
discours.
Vous me permettrez d’y ajouter les miennes.
Ma première certitude, c’est qu’aux côtés des mesures prises pour soutenir
l’emploi, pour défendre nos entreprises, pour relancer l’investissement,
pour sécuriser notre système bancaire, nous devons être animés par un
véritable esprit de civisme !
Le civisme, c’est le courage de donner à son pays autant que l’on reçoit de
lui.
Le civisme, c’est avoir la capacité à ne pas aiguiser inutilement nos
légitimes différences politiques ou intellectuelles.
C’est, en somme, l’aptitude à se rassembler autour des enjeux essentiels.
Si chacun joue contre l’autre, si chacun se met en quête d’un coupable, si
chacun se replie sur ses intérêts catégoriels, si chacun réclame toujours
plus alors que l’Etat est à la limite de ses moyens, si chacun cède à la
peur des adaptations au lieu de s’en saisir, alors la France affrontera de
grands périls.
Dans l’épreuve, nous sommes tous comptables de l’intérêt national.
Dans cet esprit, j’invite la majorité et l’opposition à débattre de façon
constructive.
J’invite l’Etat et les collectivités locales à joindre leurs efforts.
J’invite patronat et les syndicats à trouver les voies du consensus partout
où cela est possible, parce que, plus que jamais, nous devons trouver des
compromis entre l’efficacité économique et la solidarité sociale.
Je sais naturellement les doutes et les inquiétudes des Français.
Je sais que leur vie quotidienne est rendue plus difficile par la crise, et
ce n’est donc pas sans gravité et sans humilité que j’appelle au courage et
au sang froid de tous.
Ma deuxième conviction porte sur la nécessité absolue d’être lucides face au
brouillage des idées et des principes.
La réalité de la crise est trop sévère pour laisser tout faire et tout dire
!
Je pense ici aux revendications irréalistes qui semblent ignorer totalement
la crise ; je pense à ces déclarations intempestives où l’on voit poindre la
recherche de boucs émissaires ; je pense aux appels, parfaitement
anachroniques, au repli national ; mais je pense aussi aux manœuvres d’une
extrême gauche à qui la démagogie ne coûte rien.
Face à une société en proie au doute, le devoir du gouvernement est de tenir
sur des principes. Il est aussi de repousser les surenchères qui risquent de
gâcher les conditions du redressement de notre pays.
Nous avons le devoir de tenir le discours de la raison et de la vérité.
Nous avons le devoir de faire preuve du courage de l’intelligence, dont je
sais que la communauté juive est familière.
L’action du CRIF - né de la guerre, et marqué par elle - est un des
meilleurs arguments pour montrer qu’en temps d’épreuve, les leçons de
l’histoire sont indispensables. Si je parle des leçons de l’histoire, c’est
parce que j’ai vu l’effort nécessaire pour que la crise de 2009 ne
reproduise pas la crise de 1929, et pour que les mêmes dérives financières
ne produisent pas les mêmes désastres politiques et moraux.
Mais c’est aussi parce que j’ai entendu les mises en garde du président du
Crif et les préoccupations grandissantes que la situation internationale
vous inspire.
Il y a d’abord les événements de Gaza qui ont brutalement miné les espoirs
de paix entre Israël et la Palestine. Pendant des semaines, des innocents
ont été victimes des tirs de roquettes du Hamas, comme des bombardements qui
leur ont répondu.
Hier et avant-hier, onze roquettes se sont encore abattues sur Israël et
c’est un miracle si aucune victime n’est à déplorer.
Ceux qui se plaisent à donner des leçons de conduite à Israël ne doivent pas
oublier la violence haineuse qui anime les extrémistes !
Israël, un État libre un Etat démocratique, a vu la moitié de son territoire
paralysée, ses écoles fermées, ses transports interrompus, ses entreprises
arrêtées par la proximité de la menace.
Nous ne pouvions pas nous résoudre à cette situation. Et nous ne pouvons pas
nous résoudre à une instabilité qui alimente la propagande des extrémistes,
qui fragilise les pays arabes modérés, qui remet en cause les négociations
en cours et qui éloigne la perspective d’un accord de paix fondé sur la
coexistence pacifique de deux États.
Dès le début de la crise à Gaza, nous avons condamné les tirs de roquettes,
et dénoncé la responsabilité du Hamas - et je dirais même sa culpabilité ! -
dans l’interruption de la trêve.
Nous avons redit que la communauté internationale ne dialoguerait pas avec
le Hamas, tant qu’il ne se serait pas engagé lui-même sur la voie de la
paix, de la négociation et de la reconnaissance d’Israël.
Mais nous nous sommes aussi autorisés de notre amitié avec l’État hébreu
pour lui dire nos doutes et nos désaccords.
Cette amitié qui est renforcée par la visite qu’a effectuée le Président de
la République en Israël et par son discours historique devant la Knesset
nous autorise à parler avec franchise avec les autorités israéliennes.
La France ne peut accepter et n’acceptera jamais que l’existence d’Israël
soit menacée !
Mais elle ne peut approuver l’intensité d’une opération militaire qui
conduit à une situation humanitaire catastrophique, sans pour autant
garantir la sécurité du pays.
Au premier jour de la crise, le président de la République s’est engagé à
chercher une issue au conflit, dans un esprit d’équilibre et de justice.
Il a pris la décision - et le risque - si l’on en juge par les commentaires
qui ont suivis ce déplacement, de se rendre dans la région.
Il s’est mobilisé pour obtenir l’arrêt des violences dans le cadre de
l’initiative franco-égyptienne d’abord, puis ensuite pour consolider
l’actuel cessez-le-feu.
Les paramètres de cette consolidation sont connus : l’action humanitaire,
l’arrêt total des trafics d’armes, la réouverture permanente de Gaza, la
reconstruction et la réconciliation inter palestinienne.
Aujourd’hui même, Nicolas Sarkozy a animé avec le Président Moubarak, la
conférence internationale pour la reconstruction de Gaza.
Depuis le premier jour, il a agi pour obtenir la libération de notre
compatriote, Gilad Shalit. Je le cite ce matin à Charm el-Cheikh, nous
n’accepterons pas que sa vie soit mise en danger, sa libération en échange
de celles des prisonniers palestiniens est pour la France une priorité.
J’ai parlé tout à l’heure du devoir d’être lucide. Le conflit de Gaza, et
son bilan dramatique, montrent une fois de plus qu’il n’y aura pas de
solution militaire au conflit israélo-palestinien.
Le peuple israélien a le droit de vivre en sécurité dans des frontières
reconnues et garanties. Ce droit si légitime n’est pas négociable !
Pour sa part, le peuple palestinien a droit à un État indépendant, à un Etat
viable, à un Etat souverain et à un Etat démocratique. Seule l’installation
d’un État palestinien modéré pourra étouffer le brasier de l’extrémisme.
C’est la condition de la sécurité d’Israël. Et c’est la condition de la
prospérité du peuple palestinien.
Aujourd’hui, monsieur le président, mesdames et messieurs, de nouvelles
circonstances peuvent contribuer à un règlement définitif et elles doivent
être saisies.
Il y a l’engagement du Président Obama.
Il y a l’effort renforcé de l’ensemble des pays européens, et vous savez que
la France elle-même a indiqué qu’elle était prête si un accord était
dessiné, à mettre en œuvre tous les moyens y compris ses forces pour en
garantir la mise en oeuvre et la réussite. Il y a l’arrivée prochaine d’un
nouveau Premier ministre en Israël qui a le devoir de trouver avec
l’autorité palestinienne les voies d’un compromis juste.
Et puis, il y a l’Union pour la Méditerranée qui offre à moyen terme une
perspective de développement partagé que nous avons le devoir de porter avec
résolution. Pour plaider le dossier de la paix, le président de la
République a proposé de tenir dès le printemps un sommet d’impulsion.
Son objectif est de relancer le processus de paix israélo-arabe et de
rassurer les parties sur les garanties internationales qui seront apportées
à leurs efforts, en cas de concessions.
Bien sûr tout doit se formuler ici avec prudence. Vous savez que 2009 peut
être également l’année de la paix entre Israël, la Syrie et le Liban. Nous
avons pris le risque réfléchi de dialoguer avec Damas, dont la contribution
à l’équilibre de la région peut s’avérer décisive.
Des négociations indirectes se sont engagées entre Israël et la Syrie.
Au Liban, ce dernier pays a fourni les premiers gages d’une évolution
positive, en ouvrant la voie à une sortie de crise tracée par l’accord de
Doha.
Il y a ensuite la question iranienne.
Depuis six ans la communauté internationale cherche à résoudre par la
négociation le grave problème de prolifération posé par l’Iran.
Six ans de négociations sans complaisance.
Parce que l’acquisition d’une capacité nucléaire militaire par l’Iran reste
purement et simplement inacceptable.
Parce que les missiles iraniens, dont la portée progresse régulièrement,
constitueraient une menace directe pour Israël, pour le Moyen-Orient, mais
aussi pour l’Europe. Parce que nous n’imaginons pas de laisser accéder à
l’armement nucléaire un pays dont le président appelle à la destruction
d’Israël et met en cause la Shoah !
Aujourd’hui, l’Iran continue d’accélérer sa production d’uranium enrichi,
sans aucune justification civile. L’Agence Internationale de l’Energie
Atomique, puis le Conseil de sécurité, ont demandé à l’Iran de suspendre ces
activités, de coopérer sans réserve avec les inspecteurs de jouer cartes sur
table pour rétablir la confiance dans son programme nucléaire. Des
propositions constructives ont été faites. Les Iraniens ne les ont pas
saisies. Ils ne nous ont pas laissé d’autre choix que d’accentuer notre
pression sur Téhéran.
L’an dernier, le Conseil de sécurité de l’ONU a voté une troisième
résolution de sanctions. La France fait tout pour que la cohésion reste
entière, au sein de l’Union Européenne, et entre les pays déterminés à
refuser une politique du fait accompli. Les entreprises n’ont d’ailleurs pas
besoin de sanctions pour comprendre qu’il va contre leur intérêt de
travailler en Iran, c’est-à-dire de voir leurs noms associés à la
prolifération nucléaire, et aux menaces contre Israël.
Une perspective s’ouvre dans ce dossier, avec l’arrivée à Washington d’une
nouvelle administration, qui s’est dit prête au dialogue direct avec l’Iran.
A Téhéran même, la crise internationale, la baisse du prix du pétrole,
l’accumulation des sanctions doivent pouvoir peser sur la politique
iranienne. Une partie de la société civile est lasse de l’isolement auquel
ce régime la condamne.
Nous comptons que les autorités iraniennes consentent enfin au dialogue et
respectent enfin les résolutions du Conseil de sécurité. Notre offre de
coopération est toujours sur la table. Il incombe à l’Iran d’y souscrire.
Un mot, enfin, sur une échéance proche.
En 2001, la Conférence internationale sur le racisme de Durban a été
l’occasion d’attaques honteuses et inacceptables contre l’État d’Israël.
En avril prochain, se tiendra à Genève la conférence de suivi.
Je sais que l’événement vous inspire des inquiétudes légitimes.
Je peux vous assurer que si la France participe à ses préparatifs, elle le
fait aussi dans l’esprit le plus exigeant.
Notre détermination à combattre l’antisémitisme en France se double d’une
extrême vigilance, vis-à-vis de ses manifestations à l’étranger. Si la lutte
contre le racisme est impérative, elle ne saurait être le prétexte aux mêmes
amalgames et aux mêmes hypocrisies qu’en 2001.
Nous n’accepterons pas que l’État d’Israël soit stigmatisé, nous
n’accepterons pas que sa politique soit calomniée, ni que la communauté
juive, dans son ensemble, soit flétrie.
Nous n’hésiterons pas, dans le cas contraire, en lien avec nos partenaires
européens, à en tirer toutes les conséquences, et si nécessaire à nous
retirer de cet exercice.
Il est hors de question d’être spectateurs à Genève des dérives que nous
combattons obstinément à Paris.
Mesdames et Messieurs,
Le président de la République l’a dit, "ceux qui veulent importer en France
des tensions communautaires trouveront l’État républicain sur sa route."
Nous n’acceptons pas que des manifestations prétendument pacifistes
dégénèrent en débordements de violence, cautionnés par la complaisance de
certains responsables politiques.
Nous n’acceptons pas que des lieux de culte fassent l’objet de dégradations
ou de tentatives de destruction. Nous n’acceptons pas - et je l’ai dit
moi-même à Herrlisheim, en 2004, je l’ai redit à Drancy en 2005, je l’ai
répété sur l’emplacement du Vélodrome d’Hiver, en 2008... - que des
cimetières soient profanés, des tombes saccagées, des stèles souillées
d’inscriptions haineuses.
Nous n’acceptons pas que des enfants et des adolescents juifs deviennent les
cibles de factions endoctrinées. Vous connaissez, Monsieur le Président, la
détermination du Gouvernement à lutter contre l’antisémitisme et contre
toutes les formes de racisme.
J’ai réuni ce 15 janvier le comité interministériel qui s’y consacre.
Des instructions d’extrême vigilance ont été données aux préfets et aux
forces de police et de gendarmerie, pour faire en sorte que la liberté de
culte soit entière ; que la sécurité des synagogues et de leurs abords soit
totale ; que tout soit fait contre ceux qui veulent s’en prendre à des
citoyens français, sous le motif intolérable qu’ils portent une kippa ou un
nom à consonance juive.
La première manière de lutter contre cet antisémitisme dont vous avez eu
raison de souligner la résurgence, c’est de durcir la répression des actes
racistes et antisémites ; et une fois les condamnations prononcées,
d’informer largement l’opinion publique de leur sévérité. Le 8 janvier
dernier, les parquets ont reçu des instructions face à la recrudescence des
actes à caractère antisémite.
Elles prévoient :
de privilégier les réponses pénales rapides et fermes ;
de retenir la qualification pénale, avec la circonstance aggravante du
mobile raciste, antisémite ou xénophobe, dès que les conditions pénales sont
remplies ;
et enfin, de mieux associer les victimes au processus judiciaire, par un
renforcement des échanges entre les magistrats des parquets généraux
compétents et les représentants des associations culturelles et religieuses.
Aujourd’hui, si le nombre d’affaires à caractère raciste, antisémite ou
antireligieux tend effectivement à augmenter, le taux de réponse pénale
progresse régulièrement : il est passé de 70 % en 2006 à 78 % en 2008, au vu
des derniers chiffres disponibles.
Les trois auteurs de la profanation du cimetière d’Herrlisheim ont été
condamnés à des peines d’emprisonnement de 6 mois à 30 mois.
L’agression antisémite de juillet 2007 commise dans le XIXe arrondissement
de Paris, qui avait suscité une légitime émotion, a été sanctionnée de 9
mois d’emprisonnement.
Dans l’affaire Vincent Raynouard pour contestation de crime contre
l’humanité, la condamnation est tombée en juin : un an d’emprisonnement et
de 20.000 euros d’amende.
Ceci pour dire, monsieur le Président, que la République ne transige pas.
Parmi les condamnations prononcées, plusieurs dizaines concernent des
provocations à la discrimination par voie électronique. Nous devons veiller
à ce que les nouvelles technologies ne deviennent pas, à leur tour, le canal
de la haine.
Dans cet esprit, j’ai confié à Isabelle Falque-Pierrotin, déléguée générale
du Forum des droits sur Internet, une mission sur l’antisémitisme et le
racisme dans les réseaux numériques. Il s’agit de nous doter des instruments
et des moyens d’imposer sur l’internet les règles légales et les principes
éthiques qui prévalent dans tous les autres médias.
Au-delà de la réponse pénale, qui doit être intransigeante, nous avons la
responsabilité d’expliquer et de défendre inlassablement les règles de notre
vie commune.
Le 15 avril dernier, au cours des cérémonies historiques qui ont célébré,
dans la grande synagogue de la rue de la Victoire, le bicentenaire du
consistoire, j’ai rappelé la part précieuse que la communauté juive avait
prise, depuis la Révolution, dans la définition de notre modèle républicain.
J’ai salué la manière dont cette participation avait été vécue, sans
réserves, dans l’honneur, dans la fidélité, et souvent jusqu’au sacrifice de
soi, par l’ensemble des juifs français.
J’ai honoré la hauteur de vues avec laquelle les figures les plus nobles -
Crémieux, Léon Blum, Bernard Lazare, le grand rabbin Kaplan - l’avaient
illustrée.
J’ai reconnu l’attachement indéfectible de votre communauté à notre patrie,
à notre devise, à nos valeurs morales et citoyennes.
Voilà pourquoi, monsieur le Président, je veux que la laïcité républicaine
reste le cadre de notre dialogue.
Voilà pourquoi je veux que le Gouvernement continue de travailler avec les
institutions juives à l’avancement pragmatique de nos dossiers communs.
Voilà pourquoi je sollicite régulièrement les acteurs de la puissance
publique pour que les questions du calendrier universitaire, de l’abattage
rituel ou des carrés confessionnels dans les cimetières n’apparaissent plus
comme des motifs de division, mais comme des terrains de progrès et
d’entente entre nous.
J’ai écrit récemment au Président Klarsfeld pour lui indiquer qu’à compter
du 1er janvier 2009, les rentes servies aux orphelins de la déportation
seraient réévaluées tous les ans. Il en ira ainsi de même pour les orphelins
de la déportation juive que pour les orphelins de la Résistance.
J’ai aussi demandé qu’au sein de l’Éducation nationale se poursuive une
pédagogie de la mémoire, indispensable aux efforts les plus actuels pour
cimenter la cohésion de la société française.
A Aix-en-Provence, les travaux permettant la sauvegarde, l’aménagement et
l’accès du camp des Milles ont pu débuter l’an dernier. Ils permettent
d’envisager une ouverture au public dès 2010.
Avec Drancy (où la Fondation pour la mémoire de la Shoah et le Mémorial de
la Shoah sont en train d’édifier un bâtiment moderne, à la fois musée et
centre de documentation), les Milles sont le seul camp d’internement, de
transit et de déportation conservé dans son intégrité en France.
Il porte les traces visibles de son passé. Il doit devenir un lieu de
mémoire pour le pays tout entier, un lieu de référence pour raviver la
conscience individuelle, la vigilance et la responsabilité des visiteurs, et
notamment des plus jeunes.
A l’école, nous avons fait en sorte que la réflexion sur la transmission de
la mémoire historique se poursuive ; et en particulier, que la disparition
progressive des témoins de la Shoah ne rompe pas le fil du souvenir.
L’an dernier, au cours de ce même dîner, le président de la République a
proposé que la mémoire des 11 400 enfants juifs déportés de France soit
confiée aux élèves de CM2. Il ne fait aucun doute qu’une pédagogie
particulière doit être mise au point pour les enfants les plus jeunes ; et
que le massacre des enfants juifs, ce paroxysme effroyable de la violence,
doit y trouver sa place.
Depuis, l’Éducation nationale travaille, avec des personnalités comme Simone
Veil, Claude Lanzman et Serge Klarsfeld, aux modalités concrètes de mise en
œuvre de cet enseignement.
Un livret intitulé Mémoire et Histoire de la Shoah, coordonné par Hélène
Waysbord, a été distribué dans les écoles.
Xavier Darcos s’est engagé à mettre à la disposition des enseignants des
ressources nouvelles, plus pertinentes.
Un portail Internet a été ouvert, pour diffuser vers eux les bibliographies,
les filmographies, les références numériques utiles. Un lien y renvoie vers
la base de données des 11 400 enfants déportés de France, mise en place par
le Mémorial de la Shoah à partir des archives rassemblées par l’Association
des Fils et Filles de Déportés Juifs de France, auxquels je tiens à rendre
hommage.
Pour chaque enfant, cette base de données reprend son nom, son âge, son
état-civil, mais aussi l’adresse précise où il fut arrêté. Tout est fait
pour que les enfants de nos écoles puissent effectivement garder le souvenir
d’enfants qui ont vécu comme eux, dans les mêmes rues, dans les mêmes
immeubles, et des circonstances abominables qui les ont conduits à la mort.
Ces écoliers sauront aussi qu’en France, 60 000 enfants juifs ont échappé à
la déportation grâce à la population, aux réseaux de résistance, et grâce
aux organisations juives dont le CRIF est issu.
Hélène Waysbord m’a remis en juin un rapport qui recommande que l’étude d’un
parcours individuel puisse servir d’introduction à celle de la période
historique ; et que cet enseignement fasse place à la vie des enfants juifs,
à leurs espoirs, à leur courage, à l’action glorieuse des Justes, autant
qu’à la souffrance et à la mort.
Vous voyez que sur ces deux points ses recommandations ont été
scrupuleusement suivies.
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs,
Voila quelques jours, les déclarations abjectes de Monseigneur Williamson
ont ravivé dans le monde entier la lutte qui ne peut cesser d’opposer le
respect au mépris, et la vérité historique au mensonge.
En niant la réalité de la Shoah, Monseigneur Williamson a dressé contre lui,
au-delà de toutes les frontières, la condamnation catégorique des opinions,
des églises, et des États démocratiques, dont plusieurs ont clairement
rappelé que son égarement tombait sous le coup de leurs lois. [Ndlr : le
pape Benoît XVI a récemment levé l'excommunication.
qui pesait sur Mgr Williamson]
A l’émotion universelle, je joins la voix, l’autorité et l’engagement de la
France.
Monsieur le président, La France s’honore d’accueillir aujourd’hui, avec
plus de 600 000 personnes, la première communauté juive d’Europe.
Celle-ci se reconnaît pleinement dans la République qui est notre bien
commun. La République, qui sans nier les origines et les confessions, nous
rassemble autour d’un idéal partagé qui s’appelle la France. La France que
nous aimons, la France fidèle au pacte sacré de la liberté et de la dignité
humaine, cette France là nous oblige.
Elle nous oblige à ne jamais sacrifier nos idéaux.
Elle nous oblige à combattre sans faiblesse les adversaires de la
République, ceux-là même qui se drapent dans notre liberté pour déployer
leur intolérance.
Elle nous oblige à ne jamais choisir les chemins de complaisance qui, de
compromis en compromission, conduisent à la déroute morale.
Paris, le mardi 3 mars 2009
►
Mgr Williamson exprime ses regrets et demande
pardon à Dieu
Sources : www.premier-ministre.gouv.fr
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.03.2009 -
T/Benoît XVI |