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Commentaires sur les paroles de Benoît XVI
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ROME, le 2 octobre 2006 -
(E.S.M.) - Les réactions suscitées par l'analyse de Benoît XVI
sur l'islam et la violence s'inscrivent dans la tentative menée par
cet islam d'étouffer ce que l'Occident a de plus précieux qui
n'existe dans aucun pays musulman : la liberté de penser et de
s'exprimer.
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Le Père Maxime Kozlov, archiprêtre à l'église Sainte-Tatiana (Eglise
Orthodoxe)
Commentaires
sur les paroles de Benoît XVI
Nous publions ci-dessous deux
réactions émanant de milieux non catholiques.
Tout d'abord un article du
Père Maxime Kozlov, archiprêtre à l'église Sainte-Tatiana (Eglise
Orthodoxe), professeur à l'Académie spirituelle de Moscou:
Le 12 septembre, à Regensburg (Ratisbonne), dans son pays natal,
le pape
Benoît XVI a fait à l'Université des sciences devant la communauté
scientifique, une conférence consacrée aux rapports entre la foi et la
raison, la foi et la violence, le christianisme et l'hellénisme. Le discours
a été prononcé dans un pays chrétien, à la faculté de théologie, et adressé
à des scientifiques, mais certains n'ont voulu entendre qu'une seule
citation tirée du dialogue de l'empereur byzantin Manuel II Paléologue avec
un musulman, dialogue qui a eu lieu à la fin du XIVe siècle, peu avant la
chute de Byzance.
On ne manquera pas de
constater la tragique ironie de l'époque actuelle. Les islamistes qui se
sont dressés contre la citation évoquée par le pape au sujet de Mahomet
l'illustrent avec la plus grande plus éloquence en
s'efforçant de se faire respecter par la violence. Comme s'il
était possible d'obliger d'aimer un Dieu ou d'éduquer le respect pour une
religion sous la menace de la mort ou d'attentats terroristes.
Dans le fragment suivant de son discours,
Benoît XVI s'attarde sur le rôle de l'héritage hellénique pour la pensée
religieuse, sur l'assimilation de l'hellénisme par le christianisme et
évoque les conséquences tragiques pour la tradition religieuse occidentale
de la déshellénisation qui a commencé à l'époque de la scolastique mûre et
n'a cessé de marquer la tradition théologique des Eglises occidentales.
Pour nous autres orthodoxes, cette partie
du discours de Benoît XVI est, à mon avis, la plus importante. Elle témoigne
que la tradition hellénique précisément, qui s'est sensiblement éteinte dans
la tradition occidentale, est un trésor de la foi qui unira tous les
chrétiens des églises historiques. Mais personne n'en parle car c'est de la
théologie, cela demande un effort de réflexion, cela requiert la
connaissance de Platon et de Phédon. Par contre, la
mention du nom de Mahomet dans une citation a provoqué une tempête dans le
monde musulman.
La tempête a tout
mélangé: notes diplomatiques, rappels d'ambassadeurs, déclarations de muftis
(de la Somalie et du Maroc jusqu'à la dernière mosquée de quartier dans un
pays d'Europe de l'Est), appels à tuer, à détruire, à réduire en poudre et
aussi à anéantir moralement le pontife en le forçant à présenter des
excuses, en fait l'obliger à prononcer la phrase clé: "Il
n'y a pas d'autre divinité qu'Allah, et Mahomet est son prophète".
Ainsi, dans cette hystérie éclatée dans le monde
musulman nous voyons la face cachée de la terreur libérale que
l'humanisme séculier nous a imposée au cours de ces dernières dizaines
d'années: gardez-vous d'évoquer de tels sujets, de telles personnalités, de
telles tendances autrement qu'avec enthousiasme, ne vous avisez pas
d'adresser la moindre critique aux homosexuels, aux Juifs, aux minorités
nationales, aux alter mondialistes, aux athées libéraux, aux professeurs
universitaires libres penseurs.
Maintenant, une nouvelle protestation s'élève: n'osez pas parler des
musulmans autrement qu'avec transport, et il est interdit de citer une
source médiévale reflétant avec fidélité ce qui se passait en réalité à une
certaine époque parce que c'est Constantinople qui a été prise d'assaut et
pillée quelques dizaines d'années plus tard, parce que c'est Aja Sofia qui a
été transformée en mosquée. Lire une citation devient aujourd'hui dangereux,
même pour le chef de la plus grande Eglise chrétienne.
Le refus de Benoît XVI et du Vatican, qui ont naturellement
donné des explications et fait des commentaires, de s'excuser ouvertement et
directement - en fait de reconnaître Mahomet comme
prophète de la "religion véritable"
révélée par le Tout-Puissant et que nous autres chrétiens devraient
respecter et adorer - est un événement. Ils ont fait ce dont chaque homme
qui s'avoue dans son âme être chrétien ne peut que se réjouir, car cela nous
donne un grand espoir que nous abandonnons le faux et hypocrite œcuménisme
des décennies écoulées pour adopter un œcuménisme nouveau, celui dont
Alexandre Soljenitsyne, expulsé de son pays par des scélérats, a parlé dans
son discours à l'occasion de l'attribution du Prix Templeton.
Certes, le christianisme est une religion
de la tolérance, ce que Benoît XVI a souligné notamment dans ses
déclarations suivantes. Un chrétien ne peut ne pas s'incliner devant la
dévotion profonde d'un hétérodoxe. Paysan égyptien ou pêcheur indonésien,
fillette malaisienne ou mère de famille marocaine éveillent en nous beaucoup
plus d'affection et de respect que nos propres toxicomanes russes
impénitents à Moscou ou à Vladivostok. Mais le respect pour la dévotion et
la reconnaissance naturelle que l'islam est une religion monothéiste (plus
proche, en ce sens, du christianisme que le paganisme) ne sont pas synonymes
d'indifférence religieuse ou d'accord avec la stupide thèse séculière
libérale de l'égalité des religions. Elles sont toutes égales devant la loi.
Mais un chrétien, s'il veut rester tel, ne dira jamais que toutes les
religions sont égales, que tous les prophètes sont authentiques et que
chacun a sa vérité. La vérité est une et nous savons. Qui est cette vérité?
Celui qui a dit : "Je suis le Chemin, la Vérité et
la Vie".
Dans cet ordre d'idée,
il y a un espoir que le nouveau round du dialogue, inaperçu par le monde,
qui a démarré (fait significatif) à Belgrade, entre les Eglises orthodoxes
locales et l'Eglise catholique romaine ne sera pas une simple assemblée de
doctes théologiens dont les résolutions seront, comme par le passé, déposées
aux archives, mais un acte d'accomplissement des paroles de Christ au sujet
de l'unité non pas d'astucieux compromis et d'abandons de la vérité, mais de
gens ayant pleine conscience de se trouver dans l'arche de l'Eglise du
Christ.
Ce vaisseau se trouve aujourd'hui
sous des feux croisés tirés de toutes parts, de l'est et de l'ouest, pour le
couler afin qu'il n'empêche pas certains de cacher leur visage sous un voile
et d'autres de vivre comme ils l'entendent, en blasphémant la croix du
Christ. En ce sens, aussi paradoxal que cela paraisse, on voit du même coté
de la barricade ceux qui tirent sur les femmes refusant de porter le voile
et ceux qui exhibent leur nudité pour outrager les symboles religieux. Parce
que pour les uns comme pour les autres, la religion de l'amour et de la
liberté apportée par le Christ est inacceptable car elle ne leur permet pas
de vivre comme ils le veulent, et comme eux - athées libéraux ou fanatiques
religieux - s'efforcent de nous obliger à vivre. Nous n'avons pas le droit
d'accepter cela.
En
deuxième lieu nous reproduisons un extrait d'une note de Tariq Ramadan,
enseignant musulman de philosophie et d'islamologie à l'Université de
Fribourg en Suisse. Né à Genève en 1962 qui souhaiterait davantage de
sérieux de la part de ceux qui commentent les propos du pape Benoît XVI. Il
explique quant à lui comment il les comprend et leur donne la réplique.
Il aura fallu quelques phrases du pape Benoît XVI
pour déclencher une série de réactions d’une intensité surprenante. A
travers le monde musulman, des leaders religieux, des présidents, des
politiciens, des intellectuels ont accompagné de leur verbe les mouvements
de foules qui protestaient face à «l’insulte». La plupart n’avaient
pas lu le texte, beaucoup se suffisaient d’un compte rendu très
approximatif qui stipulait que le pape avait associé l’islam à la
violence, mais tous dénonçaient «l’inadmissible injure».
Quel que soit le jugement des savants ou des intellectuels sur les
propos du pape Benoît XVI, on eût aimé que ceux-ci s’en tiennent à une
attitude raisonnable quant à
l’exposition de leurs critiques et ce pour deux raisons.
On sait que certains gouvernements instrumentalisent
ce type de crise pour laisser s’exprimer les frustrations populaires.
Quand on a privé le peuple de ses droits
fondamentaux et de sa liberté d’expression, il ne coûte rien de laisser
ce dernier exprimer sa colère contre les caricatures danoises ou
les propos du pontife. Dans les faits, on assiste à des mouvements
populaires de protestation dont la caractéristique première est un
débordement émotionnel absolument incontrôlé.
Ces masses en ébullition donnent l’impression qu’on ne
débat pas chez les musulmans et que le verbe agressif et la violence sont
davantage la règle que l’exception. Il est de
la responsabilité des intellectuels musulmans de ne pas jouer à ce jeu
dangereux et tout à fait contre-productif.
D’aucuns ont
réclamé des excuses personnelles car le pape Benoît XVI aurait offensé les
musulmans. Ce dernier s’est dit désolé mais la polémique n’a pas cessé pour
autant. On peut s’étonner certes de cette obscure citation du XIVe siècle
attribuée à l’empereur Manuel II Paléologue et qui critique «l’œuvre
malfaisante» du Prophète de l’islam. On peut effectivement s’interroger sur
le raccourci de la réflexion sur la relation de l’islam et de la violence.
On peut être surpris de cette référence au savant zahirite Ibn Hazm
(respecté mais néanmoins marginal) pour questionner la relation de l’islam
avec la rationalité. Tout cela est elliptique, peu clair, trop rapide et un
peu maladroit sans doute mais s’agit-il d’une insulte dont il faille
s’excuser? Est-il sage, et juste, que les musulmans s’offusquent du contenu
de cette citation - parce qu’elle aurait été choisie par le pape -
et qu’ils fassent mine d’oublier que depuis cinq ans,
ils sont quotidiennement questionnés sur le sens du «jihâd» et de l’usage de
la violence. Le pape Benoît XVI est à
l’image de son temps et il pose aux musulmans les questions de son temps.
(...)
Ce qui est le plus troublant au cœur de cette crise c’est que
les commentateurs en général, et les musulmans en
particulier, semblent passer à côté du vrai débat qu’a engagé le
pape Benoît XVI. Dans sa leçon académique, il expose une double thèse
accompagnée de deux messages. Aux rationalistes laïques, qui voudraient
débarrasser les Lumières de la référence chrétienne, il rappelle que cette
dernière participe de l’identité européenne et qu’il leur sera impossible de
dialoguer avec les autres religions s’ils nient le socle chrétien de leur
identité (qu’ils soient croyants ou non). Puis, en parlant du lien entre la
foi et la raison et en insistant sur la relation privilégiée de la tradition
rationaliste grecque et de la religion chrétienne, le pape tente de définir
l’identité européenne qui serait d’abord chrétienne par la foi et grecque
par la raison philosophique. L’islam, qui ne connaîtrait pas cette relation
à la raison, serait en somme étranger à l’identité européenne qui s’est
construite à travers cet héritage. C’est au nom de cette compréhension que
le cardinal Ratzinger avait exposé il y a quelques années son refus de
l’intégration de la Turquie à l’Europe: la Turquie, musulmane, ne fut jamais
et ne saurait être authentiquement de culture européenne. Elle est autre,
elle est l’autre.
De façon bien plus essentielle que le propos sur
le jihâd, ce sont ces messages qu’il faut entendre et auxquels il faut
répondre. Le pape Benoît XVI est un brillant théologien qui cherche à poser
les principes et le cadre du débat concernant l’identité passée, présente et
future de l’Europe. Il s’agit d’un pape très européen qui appelle les
peuples du continent à prendre conscience du caractère central et
incontournable du christianisme s’ils tiennent à ne pas perdre leur
identité. (...)
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Sources: NOVOSTI Lettres du Monde
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.10.2006 - BENOÎT XVI |