La banque du Vatican a un nouveau
patron ultralibéral: Ettore Gotti Tedeschi |
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Rome, le 01 octobre 2009 -
(E.S.M.)
- Le nouveau président de l’IOR est fermement partisan d'un
capitalisme d'inspiration chrétienne. Selon lui, les naissances
nombreuses sont le premier moteur de l'économie. Au même moment, en
Italie, un autre changement important se prépare à la tête des médias
appartenant à l'épiscopat
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Ettore Gotti Tedeschi
La banque du Vatican a un nouveau patron ultralibéral: Ettore Gotti Tedeschi
Le 01 octobre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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En août et septembre a eu lieu la dramatique éviction de Dino Boffo,
directeur unique des médias appartenant à l’Eglise catholique en Italie.
Pendant ce temps-là, sur l’autre rive du Tibre, se préparait, en silence et
calmement, le changement de patron d’un autre organisme clé, l’IOR, Institut
pour les Œuvres de Religion, la banque du Vatican.
A vrai dire, l’IOR vit lui aussi des moments difficiles. Un livre décrivant
ses méfaits - nombreux documents irréfutables à l’appui - figure depuis des
mois parmi les best-sellers. Ce n’est pas l’IOR en tant que tel qui y est
montré du doigt, mais ses moutons noirs de naguère, messeigneurs Paul
Marcinkus et Donato De Bonis. Le livre présente le banquier Angelo Caloia,
président de l’IOR depuis 15 ans, comme un chevalier blanc, un homme
courageux qui a chassé les crapules, nettoyé les écuries d’Augias et rendu à
la banque du pape une image de vertu. Son départ et la nomination de son
successeur Ettore Gotti Tedeschi (photo) ont été annoncés sur fond de paix
et d’estime mutuelle entre les deux hommes, le 23 septembre au matin.
Le même jour, les dirigeants - 30 cardinaux et évêques de premier plan - de
la conférence des évêques d’Italie (CEI) étaient réunis à Rome à huis clos
pour discuter de nombreux sujets et notamment de la succession de Boffo.
Mais jusqu’à présent aucune orientation unitaire n’est sortie de ce sommet
ou des conciliabules des jours suivants.
Boffo était bien plus qu’un professionnel des médias : c’était le "projet
culturel" du cardinal Camillo Ruini en termes de communication,
l’intermédiaire à travers lequel le message de l’Eglise devenait "culture
populaire".
Pendant 16 ans, de 1991 à 2007, Ruini a été président de la CEI. Avec lui,
l’Eglise est redevenue un acteur majeur dans la sphère publique, comme elle
ne l’avait jamais été auparavant. Son projet était la transposition parfaite
à l’Italie de la vision planétaire de Jean-Paul II.
Son départ a redonné du tonus à ceux qui, parmi les évêques, le clergé, les
laïcs catholiques et à la secrétairerie d’état du Vatican, sont opposés à
son projet. C’est Boffo qui leur résistait, aux commandes du quotidien "Avvenire",
de la télévision Sat 2000, des radios. Maintenant qu’il est parti lui aussi
- renversé par le "Giornale" de Vittorio Feltri et Silvio Berlusconi mais
également attaqué par des catholiques influents qui ont figuré parmi ses
meilleures signatures, de Vittorio Messori à Giovanni Maria Vian, l’actuel
directeur de "L'Osservatore Romano" - le choix de son successeur indiquera
aussi dans quelle direction la hiérarchie catholique italienne veut marcher.
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A l’IOR, c’est tout différent. Le changement a déjà été réalisé, en toute
transparence, par la volonté de la secrétairerie d’état et avec l’accord de
Benoît XVI.
Les biographies d’Angelo Caloia étaient succinctes, ses actes publics
rarissimes et sa pensée insondable. Son successeur à la tête de la banque du
Vatican est à l’opposé : d’Ettore Gotti Tedeschi on connaît toute la vie,
les sympathies, les fréquentations, l’agenda et les idées.
Son dernier acte public avant sa nomination date du 19 septembre, au Palazzo
della Borsa, à Gênes. Lui et le cardinal Angelo Bagnasco, archevêque de la
ville et président de la CEI, ont discuté de l'encyclique "Caritas
in Veritate" de Benoît XVI. Il a affirmé que l'actuelle crise mondiale de
l'économie "vient de ce que l’on n’a pas suivi les indications d’'Humanae
vitae', c’est-à-dire qu’elle vient de la négation de la vie et du blocage
des naissances".
Gotti Tedeschi avait déjà exprimé cette idée dans un éditorial publié par
"L'Osservatore Romano" du 6 juin. Si la domination économique du monde va
passer de l'Occident à la Chine, écrivait-il, c’est en raison de la
différence dans les taux de natalité et de densité de population.
L'évolution démographique détermine l’augmentation ou la diminution de la
capacité de production d’une économie.
Gotti Tedeschi a cinq enfants, "d’un seul mariage" précise-t-il. Il vit à la
campagne près de Piacenza, dans la région où il est né il y a 64 ans, à
Pontenure, non loin du Pô. Le matin, il se lève très tôt, comme un moine. A
l’aube, il arrive à Milan dans sa BMW. Il lit les journaux dans son bureau
de président pour l’Italie de Banco Santander, la première banque privée
d'Europe, appartenant à une famille laïque espagnole, les Botín. Puis il va
à la messe, tous les matins sans exception.
Il enseigne l’éthique de la finance à l'Université Catholique de Milan. Mais
il est aussi conseiller de la banque San Paolo de Turin et de la Cassa
Depositi e Prestiti, bras opérationnel du ministère du Trésor.
Le 23 septembre, alors que le Vatican annonçait qu’il était nommé président
de l’IOR, Gotti Tedeschi participait, à Rome, à une réunion décisive de la
Cassa, portant sur l’approbation d’un plan industriel de 50 milliards
d’euros en infrastructures et en logements populaires. La Cassa est l’enfant
chéri de Giulio Tremonti, l'actuel ministre du Trésor, dont Gotti Tedeschi
est le conseiller "pour les problèmes économiques, financiers et éthiques
dans les systèmes internationaux", un poste créé spécialement pour lui.
Avant sa nomination, Gotti Tedeschi n’avait jamais mis les pieds à l’IOR et
ne s’en était jamais occupé. Mais, depuis quelque temps, on le voyait
souvent au Vatican. Le cardinal Tarcisio Bertone, secrétaire d’état, l'avait
appelé à l’aide, il y a un an, pour redresser la gestion financière du
Gouvernorat de la Cité du Vatican, dont les comptes ont été dans le rouge en
2008 pour plus de 15 millions d’euros.
Le traitement paraît avoir réussi. Le principal responsable de la mauvaise
gestion, Mgr Renato Boccardo, secrétaire général du Gouvernorat, a été nommé
évêque de Spolète et Norcia, alors qu’il espérait une nonciature de tout
premier plan et avait refusé pour cette raison celle de Vienne. Il a été
remplacé par le lombard Carlo Maria Viganò, qui sera bientôt promu au poste
le plus élevé du Gouvernorat, à la place de l'actuel numéro un, le cardinal
Giovanni Lajolo.
En tant que banquier, Gotti Tedeschi s’est formé sur ce bateau-école de la
grande finance internationale qu’est l'américain McKinsey. En tant que
catholique, de "superficiel" qu’il était, il est devenu fervent dans les
années 60, sous la direction spirituelle de Giovanni Cantoni. Deux livres
ont fait connaître sa pensée au grand public : "Denaro e Paradiso"
(Argent
et Paradis), publié en 2004 avec une préface du cardinal Giovanni Battista
Re, et "Spiriti animali. La concorrenza giusta",
(Esprits animaux. La bonne
concurrence), édité par l'université Bocconi et préfacé par Alessandro
Profumo, président d’Unicredit, la première banque italienne en Europe,.
Parmi ses actes publics, d’autres sont moins importants mais tout aussi
révélateurs. En 2007 Gotti Tedeschi, le plus catholique des banquiers, a
signé un manifeste ultralibéral en 13 points lancé par l'ancien secrétaire
du très laïc parti radical, Daniele Capezzone. Ce manifeste proposait une
"flat tax" unique à 20 %, le présidentialisme sur le modèle américain ou
français, le crédit d'impôt pour la santé et l’école, l'obligation pour les
agents de la fonction publique de payer les dégâts qu’ils auraient causés,
la retraite à 65 ans, la détaxation des heures supplémentaires, l'abolition
des ordres professionnels et de la valeur légale des diplômes.
Gotti Tedeschi a proposé, il y a quelques années, d’attribuer le Nobel
d'économie à Jean-Paul II pour l’encyclique "Centesimus annus" et, plus
récemment, à Benoît XVI pour "Caritas
in Veritate", texte à la rédaction
duquel il a lui-même participé.
Cette année, il a aussi proposé pour le Nobel le premier ministre
britannique Gordon Brown, parce que celui-ci a appuyé dans "L'Osservatore
Romano" sa proposition, grandiose et "avantageuse" pour tous, d’investir
dans les pays pauvres en faveur de ces deux ou trois milliards d’hommes qui
n’attendent que d’améliorer leur vie.
L’IOR paraît trop limité pour un nouveau président aux projets si vastes et
si explosifs. Mais l'aventure ne fait que commencer.
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Les précédents articles de www.chiesa à propos de l’IOR et d’Ettore Gotti
Tedeschi ►
Tout l'argent de Pierre. Vices et vertus de la banque du Vatican
(15.6.2009)
►
Crise financière. La bonne nouvelle arrive du Vatican (27.2.2009)
►
Pour l'argent de Pierre, c'est le calme dans
la tempête
(30.1.2009)
►
L'encyclique sur la doctrine sociale peut attendre. Pas le pari sur les pays
pauvres. (5.12.2008)
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 01.10.2009 -
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