Histoire d'un musulman converti, baptisé par Benoît XVI à Saint-Pierre |
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Cité du Vatican, le 28 mars 2008 -
(E.S.M.)
- Il s'appelle Magdi Cristiano Allam. Menacé de mort, il vit
depuis cinq ans sous escorte policière. Mais son baptême a suscité de
violentes critiques, contre lui et contre Benoît XVI.
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Magdi Cristiano Allam
Histoire d'un musulman converti, baptisé par Benoît XVI à Saint-Pierre
Il s'appelle Magdi Cristiano Allam. Menacé de mort, il vit depuis cinq ans
sous escorte policière. Mais son baptême a suscité de violentes critiques,
contre lui et contre Benoît XVI. Le texte intégral de l’acte d'accusation
rédigé par Aref Ali Nayed, tête pensante de la lettre des 138
par Sandro Magister
Trois jours plus tôt, dans un
message audio diffusé
sur Internet, Oussama ben Laden avait accusé “le pape du Vatican“ d’avoir
“un rôle important“ dans la “nouvelle croisade“ contre l’islam.
Mais rien n’intimide Benoît XVI. Le samedi 22 mars, veille de Pâques, le
pape a baptisé dans la basilique Saint-Pierre un musulman converti, Magdi
Allam, avec six autres hommes et femmes de quatre continents. Agé de 56 ans,
Egyptien de naissance, cet écrivain et journaliste réputé est directeur
adjoint du principal quotidien Italien, le “Corriere della Sera“ et l’auteur
de livres importants dont le dernier s’intitule: “Viva Israele“.
Pour son baptême – suivi immédiatement de sa confirmation et de sa communion
– Allam a choisi Cristiano comme deuxième prénom. Il a raconté et expliqué
sa conversion dans une lettre publiée dans son journal le dimanche de
Pâques.
Aussitôt, la nouvelle a fait le tour du monde. Dans les médias musulmans,
les commentaires sur Allam et Benoît XVI étaient majoritairement polémiques.
Dans les milieux ecclésiastiques, des critiques ont filtré concernant la
publicité donnée à la conversion, qui est en fait restée secrète jusqu’au
dernier moment.
Au Vatican, un commentaire est paru dans “L’Osservatore Romano“. Il
s’agissait d’une note de son directeur Giovanni Battista Vian:
“Le geste de Benoît XVI est une affirmation modérée et claire de la liberté
religieuse, qui est aussi la liberté de changer de religion, comme l’a
souligné en 1948 la Déclaration universelle des droits de l’homme (même si
ce point précis de la déclaration a malheureusement été revu par la suite).
Ainsi, quiconque demande le baptême sans y être contraint a le droit de le
recevoir. De même qu’il n’y a eu aucune amplification, il n’y a aucune
intention hostile à l’égard d’une grande religion telle que l’islam“.
Par hasard, le même numéro du journal du pape contenait un long article sur
la liturgie de Pâques et sur la très ancienne tradition d’y célébrer les
sacrements de l’initiation chrétienne. Il est intitulé “L'intimo legame tra
il battesimo e il martirio [Le lien étroit entre le baptême et le martyre]“.
Un lien souligné par Benoît XVI le lundi de Pâques quand, au moment du “Regina
Caeli“ de midi, il a invité les fidèles à prier pour les évêques,
les prêtres, les religieux et les laïcs tués en 2007 dans les pays où ils
étaient en mission:
“Dans la lumière du Christ ressuscité, la journée annuelle de prière pour
les missionnaires martyrs, qui tombe aujourd’hui, prend une valeur toute
particulière“.
Dans le passé, lorsqu’il était musulman, Allam a fait l’objet de menaces de
mort à cause de ses critiques contre “un islam qui est physiologiquement
violent et historiquement conflictuel“. Depuis cinq ans, il vit protégé par
un service d’escorte armé et il habite dans un lieu secret au nord de Rome,
avec sa femme Valentina et son petit garçon Davide.
Comme journaliste, Allam a marqué les esprits avec deux articles publiés en
2003. Dans le premier, il a repris le sermon prononcé le vendredi 6 juin de
cette même année dans la Grande Mosquée de Rome par l’imam égyptien Abdel-Samie
Mahmoud Ibrahim Moussa. Dans le second article, il a traduit de l’arabe les
sermons des imams de six autres mosquées d’Italie. Presque tous exaltaient
le terrorisme par le suicide et incitaient à la haine envers l’Occident et
Israël.
Suite au premier article, le gouvernement égyptien a rappelé l’imam qui
avait prononcé le sermon.
Allam s’est aussi distingué par ses commentaires sur le discours de Benoît
XVI à
Ratisbonne, qui étaient en total accord avec les thèses du pape.
Ses critiques ne visent pas seulement l’islamisme. En diverses occasions,
Allam a dénoncé “la reddition morale, l’obnubilation intellectuelle, la
collusion idéologique et la collaboration dans les faits de l’Occident avec
les extrémismes islamistes“.
A cause de ces positions, Allam a fait l’objet d’attaques en règle de la
part de musulmans mais aussi d’intellectuels italiens et européens. Pendant
l’été 2007, près de 200 professeurs de différentes universités, y compris la
Cattolica de Milan, ont signé une lettre contre lui, en l’accusant
d’intolérance.
Allam suscite aussi la méfiance de nombreux ecclésiastiques. Suite à son
article contre le sermon de l’imam de Rome, l’archevêque Michael L.
Fitzgerlad, qui était alors président du conseil pontifical pour le dialogue
interreligieux, avait déploré qu’“en se comportant ainsi, on coure le
risque de compromettre le dialogue“.
A plusieurs reprises, Allam a dénoncé une autre peur répandue dans l’Eglise:
celle qui fait que dans les pays musulmans – où l’apostasie est parfois
passible de la peine de mort – l’on renonce à baptiser, et que dans les pays
chrétiens les musulmans qui se sont convertis se cachent.
Avec le baptême que lui a administré le pape en public dans la nuit de
Pâques, Allam entend faire sortir de ces “catacombes“.
Mais ce ne sera pas facile. Côté musulman, parmi les réactions hostiles à
son baptême, on trouve deux signataires importants de la lettre des 138 – la
lettre symbole du dialogue entre l’Eglise de Rome et l’islam: l’imam italien
Yahya Pallavicini et le théologien libyen Aref Ali Nayed, directeur du Royal
Islamic Strategic Studies Center d’Amman, en Jordanie.
Les deux hommes ont fait partie de la délégation de cinq représentants
musulmans qui, les 4 et 5 mars derniers, ont convenu avec le Vatican des
prochaines étapes du dialogue. Une audience avec Benoît XVI est notamment au
programme.
Cependant, dans leur critique du baptême d’Allam, tous deux éludent la
question capitale de la liberté religieuse, alors qu’elle est au cœur du
programme de dialogue entre l’Eglise et les signataires de la lettre des
138.
Yahya Pallavicini s’est dit “embarrassé par le manque de sensibilité“ dont
ont fait preuve ceux qui ont voulu baptiser Allam à Saint-Pierre. “Un geste
accompli au lendemain de l’anniversaire de la naissance du Prophète, le Noël
musulman, qui risque de générer des messages négatifs et qui révèle
l’intention politique du Vatican de faire prévaloir la suprématie de
l’Eglise catholique sur les autres religions“.
Nayed, qui est l’âme véritable de la lettre des 138, en tant qu’auteur
principal, a eu des mots plus durs encore.
Il critique Allam mais plus encore Benoît XVI, accusé d’avoir voulu
réitérer, par le geste du baptême, “l’exécrable“ (“infamous“ dans la lettre
originale en anglais) discours de Ratisbonne.
Nayed en arrive à qualifier de “totalitaire“ et “quasi manichéenne“ la
symbolique ténèbres-lumière développée par le pape dans son homélie de la
veillée pascale.
Si le Vatican ne prend pas ses distances – dit encore Nayed – le baptême
administré par Benoît XVI signifie définitivement que le pape approuve et
soutient les “discours de haine“ d’Allam contre l’islam.
Le commentaire de Nayed est reproduit ci-dessous dans son intégralité. Il
est suivi d’une réponse du père Federico Lombardi, directeur du bureau de
presse du Saint-Siège, interviewé par Radio Vatican le 27 mars.
Mais avant, voici la version intégrale de la lettre qu’Allam a adressée au
directeur du “Corriere della Sera“ pour raconter sa conversion. Seule une
partie de la lettre avait été publiée par le quotidien:
"Benoît XVI nous dit qu’il faut vaincre la peur"
par Magdi Cristiano Allam
Cher directeur, ce que je vais te raconter concerne une décision de foi
religieuse et de vie personnelle que j’ai prise. Elle ne vise en aucune
façon à impliquer le “Corriere della Sera“, dont j’ai l’honneur de faire
partie depuis 2003 comme directeur adjoint “ad personam“. Je t’écris donc à
titre privé, en tant que personnage de cette histoire.
Hier soir, veille de Pâques, je me suis converti à la religion catholique,
renonçant ainsi à mon ancienne foi musulmane.
Par la grâce divine, la lumière est finalement apparue au fruit sain et mûr
d’une longue gestation vécue dans la souffrance et la joie, entre la
réflexion profonde et intime et l’expression consciente et manifeste.
Je suis particulièrement reconnaissant envers Sa Sainteté le pape Benoît
XVI, qui m’a administré les sacrements de l’initiation chrétienne – Baptême,
Confirmation et Eucharistie – en la basilique Saint-Pierre, au cours de la
célébration solennelle de la Veillée Pascale. J’ai pris le nom chrétien le
plus simple et le plus explicite: “Cristiano“. Depuis hier soir, je
m’appelle donc Magdi Cristiano Allam.
Pour moi, c’est le plus beau jour de ma vie. Pour un croyant, recevoir le
don de la foi chrétienne de la main du Saint Père le jour de la fête de la
Résurrection du Christ est un privilège sans égal et un bien inestimable.
A presque 56 ans, c’est, à ma modeste échelle, un fait historique,
exceptionnel et inoubliable, qui marque un tournant radical et définitif par
rapport au passé. Le miracle de la Résurrection du Christ s’est reflété sur
mon âme, en la libérant des ténèbres d’une prédication où la haine et
l’intolérance à l’égard du “différent“, condamné sans examen comme “ennemi“,
l’emportent sur l’amour et le respect du “prochain“ qui reste toujours et en
tout cas une “personne“. De la même manière, mon esprit s’est affranchi de
l’obscurantisme d’une idéologie qui légitime le mensonge et la
dissimulation, ainsi que la mort violente, ce qui conduit à l’homicide et au
suicide, la soumission aveugle et la tyrannie. J’ai ainsi pu adhérer à la
religion authentique de la Vérité, de la Vie et de la Liberté. A l’occasion
de ma première fête de Pâques comme chrétien, j’ai découvert non seulement
Jésus mais aussi, pour la première fois, le vrai et unique Dieu, qui est le
Dieu de la Foi et de la Raison.
Ma conversion au catholicisme est l’aboutissement d’une méditation
intérieure progressive et profonde. Jamais je n’aurais pu m’y soustraire,
étant donné que, depuis cinq ans, je suis contraint de vivre enfermé, avec
une surveillance continue de ma maison et une escorte de carabiniers pour
chacun de mes déplacements. Cette situation est due aux menaces et aux
condamnations à mort que m’adressent les extrémistes et les terroristes
islamiques, d’Italie ou de l’étranger.
J’en suis venu à m’interroger sur le comportement de ceux qui ont publié des
fatwas – des sentences juridiques islamiques – en me traitant, moi qui étais
musulman, d’“ennemi de l’islam“, “hypocrite parce chrétien copte faisant
semblant d’être musulman pour nuire à l’islam“, “menteur et diffamateur de
l’islam“. Ils justifient de cette façon ma condamnation à mort.
Je me suis demandé comment il était possible que quelqu’un qui – comme moi –
s’est inlassablement battu avec conviction pour un “islam modéré“, prenant
la responsabilité de s’exposer directement en dénonçant l’extrémisme et le
terrorisme islamique, ait fini par être condamné à mort au nom de l’islam et
sur la base d’une justification coranique.
J’ai donc dû prendre acte du fait que, au delà de la situation caractérisée
par la domination du phénomène des extrémistes et du terrorisme islamique au
niveau mondial, la racine du mal se trouve dans un islam qui est
physiologiquement violent et historiquement conflictuel.
Parallèlement, la Providence m’a fait rencontrer des catholiques pratiquants
de bonne volonté qui, à cause de leur témoignage et de leur amitié, sont peu
à peu devenus un point de référence sur le plan de la certitude de la vérité
et de la solidité des valeurs. Tout d’abord mes nombreux amis de Communion
et Libération, en tête desquels le père Juliàn Carròn; mais aussi de simples
religieux comme le père Gabriel Mangiarotti, sœur Maria Gloria Riva, le père
Carlo Maurizi et le père Yohannis Lahzi Gaid. Ma redécouverte des salésiens,
grâce aux pères Angelo Tengattini et Maurizio Verlezza, a culminé dans une
amitié renouvelée avec leur recteur majeur, le père Pascual Chavez
Villanueva. J’ai enfin reçu le soutien de hauts prélats d’une grande
humanité comme le cardinal Tarcisio Bertone, Mgr Luigi Negri, Mgr Giancarlo
Vecerrica, Mgr Gino Romanazzi et surtout Mgr Rino Fisichella, qui m’a suivi
personnellement dans mon parcours spirituel d’acceptation de la foi
chrétienne.
Mais, sans aucun doute, la rencontre la plus extraordinaire et qui a le plus
influé sur ma décision de me convertir, c’est celle du pape Benoît XVI.
Lorsque j’étais musulman, je l’ai admiré et défendu pour sa capacité à
faire, du lien indissociable entre foi et raison, le fondement de la
religion authentique et de la civilisation de l’homme. Comme chrétien, j’y
adhère pleinement pour m’inspirer d’une nouvelle lumière dans
l’accomplissement de la mission que Dieu m’a réservée.
Mon itinéraire a commencé quand j’avais quatre ans. Ma mère, Safeya, était
une musulmane croyante et pratiquante. Par le premier d’une série de
“hasards” qui se sont révélés non pas fortuits mais intégrés dans le destin
divin auquel chacun de nous est appelé, elle m’a confié aux soins pleins de
tendresse de sœur Lavinia, de l’ordre des comboniennes. Elle était
convaincue que je recevrais une bonne éducation chez ces religieuses
catholiques italiennes, installées au Caire, ma ville natale, pour témoigner
de leur foi chrétienne à travers une œuvre tendant à contribuer au bien
commun.
C’est ainsi que j’ai commencé mon expérience de la vie scolaire, effectuée
chez les salésiens de l’Institut Don Bosco pour le collège et le lycée. Tout
compte fait, on m’y a transmis non seulement un savoir mais surtout la
conscience des valeurs. C’est grâce aux religieux catholiques que j’ai
acquis une conception profondément et essentiellement éthique de la vie.
Selon cette conception, la personne créée à l’image et à la ressemblance de
Dieu est appelée à remplir une mission qui s’insère dans un dessein
universel et éternel visant à la résurrection intérieure de chaque individu
sur cette terre et à celle de l’humanité entière le Jour du Jugement
Dernier. Cette conception, fondée sur la foi en Dieu et sur la primauté des
valeurs, est axée sur le sens de la responsabilité individuelle et du devoir
envers la collectivité. A cause de cette éducation chrétienne et parce que
j’ai partagé l’expérience de la vie avec des religieux catholiques, j’ai
toujours eu une foi profonde en la transcendance et j’ai toujours recherché
la certitude de la vérité dans les valeurs absolues et universelles.
A un moment donné, la présence aimante et le zèle religieux de ma mère m’ont
rapproché de l’islam. Je l’ai pratiqué périodiquement sur le plan cultuel et
j’y ai cru sur le plan spirituel. J’en faisais une interprétation qui à
l’époque – les années Soixante – correspondait en gros à une foi
respectueuse de l’homme et tolérante envers le prochain. Le contexte était
celui du régime de Nasser, avec une prédominance du principe laïque
consistant à séparer la sphère religieuse de la sphère séculière.
Mon père, Mahmoud, était tout à fait laïc. Sur ce point, il était semblable
à une majorité d’Egyptiens qui prenaient l’Occident comme modèle en matière
de liberté individuelle, d’usages sociaux et de modes culturelles et
artistiques. Malheureusement le totalitarisme politique de Nasser et
l’idéologie belliqueuse du panarabisme, qui visait à l’élimination physique
d’Israël, ont conduit l’Egypte à la catastrophe et ouvert la voie à la
redécouverte du panislamisme, à l’arrivée au pouvoir des extrémistes
musulmans et à l’explosion du terrorisme musulman mondialisé.
Les nombreuses années passées à l’école m’ont aussi permis de bien
connaître, de près, la réalité du catholicisme ainsi que celle des femmes et
des hommes qui ont consacré leur vie à servir Dieu au sein de l’Eglise. Dès
cette époque, je lisais la Bible et les Evangiles et j’étais
particulièrement fasciné par la figure humaine et divine de Jésus. J’ai pu
assister à la sainte messe et il m’est même arrivé, une seule fois, de
m’approcher de l’autel et de recevoir la communion. Ce geste manifestait
évidemment mon attirance vers le christianisme et mon désir de me sentir
inclus dans la communauté religieuse catholique.
Par la suite, quand je suis arrivé en Italie au début des années
Soixante-dix, dans les fumées des révoltes étudiantes et les difficultés
d’intégration, j’ai vécu une période où un athéisme affiché me tenait lieu
de foi, tout en restant fondé sur la primauté des valeurs absolues et
universelles. Je n’ai jamais été indifférent à la présence de Dieu, même si
c’est seulement maintenant que je sens que le Dieu de l’Amour, de la Foi et
de la Raison se concilie pleinement avec le patrimoine de valeurs qui sont
enracinées en moi.
Cher directeur, tu m’as demandé si je ne craignais pas pour ma vie, parce
que je serais conscient que ma conversion au christianisme m’attirera
certainement une énième – et beaucoup plus grave – condamnation à mort pour
apostasie.
Tu as tout à fait raison. Je sais à quoi je m’expose mais j’affronterai mon
destin la tête haute, sans courber l’échine et avec la solidité intérieure
de celui qui est sûr de sa foi. Et je le serai encore plus après le geste
historique et courageux du pape qui – dès qu’il a connu mon désir – a tout
de suite accepté de me conférer personnellement les sacrements d’initiation
au christianisme.
Sa Sainteté a lancé un message explicite et révolutionnaire à une Eglise qui
a été jusqu’à présent trop prudente dans la conversion des musulmans,
puisqu’elle s’est abstenue de faire du prosélytisme dans les pays à majorité
musulmane et n’a rien dit de la réalité des musulmans convertis dans les
pays chrétiens. Par peur. Peur de ne pas pouvoir protéger les convertis
contre leur condamnation à mort pour apostasie. Peur des représailles
exercées sur les chrétiens qui vivent dans les pays musulmans.
Aujourd’hui Benoît XVI nous dit, par son témoignage, qu’il faut vaincre la
peur et ne pas craindre d’affirmer la vérité de Jésus y compris aux
musulmans.
Pour ma part, je dis qu’il est temps de mettre fin aux abus et à la violence
des musulmans qui ne respectent pas la liberté de choix en matière de
religion.
En Italie il y a des milliers de convertis à l’islam qui vivent sereinement
leur nouvelle foi. Mais il y a aussi des milliers de musulmans convertis au
christianisme qui sont obligés de cacher leur nouvelle foi par peur d’être
assassinés par les extrémistes musulmans cachés parmi nous. Par un de ces
“hasards” qui laissent entrevoir la main discrète du Seigneur, mon premier
article dans le "Corriere della Sera", le 3 septembre 2003, était intitulé:
“Les nouvelles catacombes des musulmans convertis”. C’était une enquête sur
des nouveaux chrétiens en Italie qui dévoilaient leur profonde solitude
spirituelle et humaine, due à la défaillance des institutions de l’Etat, qui
ne veillent pas à leur sécurité, et au silence de l’Eglise elle-même.
Et bien, je souhaite que le geste historique du pape et mon témoignage les
persuadent que le moment est venu de sortir des ténèbres des catacombes et
d’affirmer publiquement leur volonté d’être pleinement eux-mêmes.
Si nous sommes incapables, ici en Italie, berceau du catholicisme, de
garantir à tous la pleine liberté religieuse, comment pourrions-nous l’être
quand nous dénonçons la violation de cette liberté dans d’autres pays du
monde? Je prie Dieu pour que ce jour de Pâques spécial voie la résurrection
spirituelle de tous les fidèles au Christ qui ont été jusqu’à maintenant
dominés par la peur. Joyeuses Pâques à tous.
23 mars 2008
"Un épisode malheureux qui réaffirme l’exécrable discours de Ratisbonne"
par Aref Ali Nayed
En tant que foi, l’islam est un don de Dieu. En tant que don, il est donné
gracieusement par Dieu. La manière dont quelqu’un réagit à ce don est une
affaire profondément intime entre cette personne et Dieu.
C’est son Créateur qui connaît et qui juge le mieux l’âme de Magdi Allam.
C’est Dieu qui jugera la façon dont il a réagi au don de la foi. Allam est
responsable devant son Créateur dans les limites de sa liberté et de sa
capacité. Le fait qu’il ait reçu la communion catholique lorsqu’il était
jeune et sous l’influence de ses premiers professeurs catholiques semble
indiquer qu’il a été christianisé lorsqu’il était enfant. A cause de cette
première éducation catholique, on dit qu’il n’a jamais soutenu ou pratiqué
les piliers de l’islam.
Le cas d’Allam nous renvoie, une fois de plus, à la préoccupation légitime
de nombreux experts musulmans à propos de l'abus de confiance qui se produit
parfois quand des parents musulmans, pour des raisons économiques ou autres,
envoient leurs enfants dans des écoles catholiques. Il faudra parler de ce
qui arrive aux enfants, y compris aux musulmans, dans les écoles
catholiques, à chaque fois que l’on parlera de la “dignité de l’homme“ dans
les discussions à venir. L’école comme vecteur de prosélytisme est une des
questions importantes à discuter.
En ce qui concerne la décision délibérée et provocatrice du Vatican de
baptiser Allam en une occasion aussi spéciale et de manière aussi
spectaculaire, il suffit de dire ceci:
1. Il est triste que l’acte intime et personnel que constitue une conversion
religieuse se transforme en un moyen triomphaliste de marquer des points.
Une telle instrumentalisation d’une personne et de sa conversion est
contraire eux principes de base de l’affirmation de la dignité de l’homme.
De plus, cette conversion tombe au plus mauvais moment, alors que des
représentants musulmans et catholiques sincères travaillent avec ardeur pour
combler les fossés qui séparent les deux communautés.
2. Il est triste que la personne choisie en particulier pour ce geste
hautement public soit connue pour avoir produit – et continuant à produire –
des discours de haine. Le message central du dernier article d’Allam est
identique à celui de l’empereur byzantin que le pape a cité au cours de son
exécrable discours de Ratisbonne. On n’est pas loin de la vérité si l’on y
voit une autre façon de réaffirmer le message de Ratisbonne – le Vatican
soutenant toujours qu’il a mal été interprété. Il est maintenant important
que le Vatican prenne ses distances par rapport aux positions d’Allam. Ou
peut-être les musulmans doivent-ils interpréter le baptême administré par le
pape au vu et au su de tous comme un soutien du Saint-Siège aux positions d’Allam
sur la nature de l’islam (ce n’est pas un hasard si elles concordent avec le
discours de Ratisbonne)?
3. Il est triste qu’à l’occasion de la célébration si particulière de
Pâques, Benoît XVI ait choisi comme message fondamental de son discours
religieux une opposition quasi manichéenne entre les symboles des “ténèbres“
et de la “lumière“, où les ténèbres sont attribuées aux “autres“ et la
lumière à “soi“. Il est également triste que l’idée de “paix“ exprimée dans
ce discours se réduise à amener les “autres“ vers la bergerie à travers le
baptême. De la part de Rome, un discours si totalitaire est tout sauf
bénéfique.
Le spectacle tout entier, avec sa chorégraphie, son personnage et ses
messages, provoque de sérieuses interrogations sur les motivations, les
intentions et les plans de certaines personnes que le pape consulte à propos
de l’islam. Néanmoins, nous ne laisserons pas cet épisode malheureux nous
détourner de notre effort pour poursuivre “A Common Word“ pour le bien de
l’humanité et de la paix dans le monde. Notre dialogue n’est pas basé sur
une logique de réciprocité de type “œil pour œil“. C’est plutôt une
théologie compatissante pour “corriger ce qui nous sépare“, par respect pour
le Dieu Amour et pour l’Amour du prochain.
Le 24 mars 2008
"Qu’il nous soit permis, à notre tour, de manifester notre amertume..."
par Federico Lombardi S.I.
Tout d’abord, l’affirmation la plus significative est sûrement que le
professeur Aref Ali Nayed confirme sa volonté de poursuivre le dialogue
d’approfondissement et de connaissance réciproque entre musulmans et
chrétiens. Il confirme aussi qu’il ne met pas du tout en question le
cheminement commencé par l’échange de lettres et les contacts établis, au
cours des dix-huit derniers mois, entre les sages musulmans signataires des
fameuses lettres et le Vatican, notamment par l’intermédiaire du conseil
pontifical pour le dialogue interreligieux. Ce cheminement doit se
poursuivre, il est d’une très grande importance, il ne faut pas
l’interrompre et il passe avant des épisodes qui peuvent provoquer des
malentendus.
Deuxièmement, administrer le baptême à quelqu’un suppose que l’on s’assure
qu’il a accueilli librement et sincèrement la foi chrétienne, dans ses
articles fondamentaux, exprimés dans la "profession de foi". Celle-ci est
proclamée publiquement au moment du baptême. Bien entendu, tout croyant est
libre de garder ses propres idées sur une très large gamme de questions et
problèmes qui suscitent chez les chrétiens un pluralisme légitime.
Accueillir dans l’Eglise un nouveau croyant ne signifie pas, évidemment, que
l’on adopte toutes ses idées et positions, notamment en matière politique ou
sociale.
Le baptême de Magdi Cristiano Allam est une bonne occasion de réaffirmer
expressément ce principe fondamental. Il a le droit d’exprimer ses idées,
qui restent des idées personnelles et qui, bien entendu, ne deviennent en
aucune manière l’expression officielle des positions du pape ou du
Saint-Siège.
En ce qui concerne le débat sur le discours du pape à Ratisbonne, les
explications sur son interprétation correcte selon les intentions du pape
ont été données depuis longtemps. Il n’y a pas de raison de les remettre en
question. Toutefois, certains sujets qui avaient été abordés alors, comme le
rapport entre foi et raison, entre religion et violence, continuent bien sûr
à faire l’objet de réflexions, de débats et de prises de position diverses,
puisqu’ils renvoient à des problèmes qui ne peuvent être résolus une fois
pour toutes.
Troisièmement, la liturgie de la Veillée Pascale a été célébrée comme chaque
année, et la symbolique de la lumière et des ténèbres en fait partie depuis
toujours. C’est certainement une liturgie solennelle et la célébration par
le pape à Saint-Pierre est une circonstance très particulière. Mais
qualifier de "manichéisme" l’explication des symboles que donne le pape – il
le fait chaque année et il y est passé maître – c’est peut-être plus une
preuve d’incompréhension de la liturgie catholique qu’une critique
pertinente du discours de Benoît XVI.
Enfin, qu’il nous soit permis, à notre tour, de manifester notre amertume à
cause de ce que le professeur Nayed dit à propos de l’éducation dans les
écoles chrétiennes des pays à majorité musulmane, en s’inquiétant du risque
de prosélytisme. Nous croyons que la très grande tradition d’engagement
éducatif de l’Eglise catholique mérite un jugement bien différent. C’est
vrai même dans les pays à majorité non-chrétienne (l’Egypte, mais aussi
l’Inde, le Japon, etc.) où, depuis très longtemps, les jeunes qui
fréquentent les écoles et universités catholiques sont presque tous des
non-chrétiens et le restent tranquillement, tout en ayant une vraie estime
pour l’éducation reçue. Nous ne pensons pas que l’accusation de manquer de
respect envers la dignité et la liberté de la personne humaine soit méritée
aujourd’hui par l’Eglise. L’attention doit être portée en priorité sur de
tout autres violations de celles-ci. Et si le pape a pris le risque de ce
baptême, c’est peut-être aussi dans ce but: affirmer la liberté de choix en
matière de religion, conséquence de la dignité de la personne humaine.
En tout cas, le professeur Aref Ali Nayed est un interlocuteur pour qui nous
gardons une très grande estime et avec qui cela vaut toujours la peine de
discuter loyalement. C’est ce qui nous permet d’avoir confiance en la
poursuite du dialogue.
Radio Vatican, le 27 mars 2008
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Sources : La chiesa.it
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