Benoît XVI : l'Esprit Saint parle aux
hommes tout au long du temps de l'Église |
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Le 28 janvier 2009 -
(E.S.M.)
- La Tradition vise la tâche, qui revient à l'Église, de conserver la
réalité de l'institutio vitae christianae, la réalité d'une
existence chrétienne concrète dans le présent de l'Église, qui confère à
l'Écriture le lieu de son actualité, et qui donne vie à l'Écriture; une
vie foncièrement apostolique, susceptible de changer en certains
détails, comme tout ce qui est vivant.
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Soyons
fidèles non à nos opinions mais à notre Église quand elle parle en Concile,
que ce soit au concile de Trente ou à Vatican II ! -
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L'Esprit Saint parle aux hommes
tout au long du temps de l'Église
LA PAROLE DE DIEU
Rubrique : Théologie
II. INTERPRÉTATION DU DÉCRET SUR LA
TRADITION DU
CONCILE DE TRENTE
(lien, ARCHIVES SECRÈTES VATICANES)
(page précédente) :
La version pneumatologique de la notion de Tradition
La relation entre Tradition et vie de l'Église dans diverses interventions
au concile de Trente
(Ndlr : Il débuta en 1545 et se déroula
durant dix-huit ans.
Trente est l'un des conciles les plus importants de l'histoire du
catholicisme)
Toute une série d'interventions pourraient, bien qu'amenées de manières
différentes, se regrouper autour d'une première thématique formulée de deux
façons dans le décret :
a- per manus traditae ad nos usque pervenerunt, (Ndlr
: traduction : transmises de la main à la main
sont parvenues jusqu'à nous.)
b- continua successione in
Ecclesia catholica conservatas. (Ndlr : traduction
: ont été conservées dans l'Église catholique par une
succession continue)
Qu'y a-t-il derrière ces deux formulations, difficiles à admettre pour
l'historien d'aujourd'hui, précisément en raison de l'historisme qu'elles
sous-entendent ? Un rôle décisif, précise Ratzinger/Benoît XVI, est joué ici par la
réserve, fréquente dans toutes les discussions, sur le fait que les
traditions sont variables, que l'on a abandonné certaines données
apostoliques et introduit des traditions ecclésiales qu'il ne faut pas
abandonner. La ligne directrice de cette notion de Tradition est claire dans
le Traité sur la Tradition que Seripando,
(archevêque de Salerno - 1554-1563) a rédigé pour les Pères
conciliaires. Seripando y parle de traditions écrites conservées dans
l'Écriture sainte, comme les clauses des épîtres de saint Jacques, le voile
des femmes, les lois sur le mariage en 1 Co 7 et suivants ; il mentionne que
bien des choses furent délaissées, et en déduit que, bien qu'elles soient
proches de la Parole de Dieu, elles n'en sont « proches qu'à une grande
distance », car on ne doit rien supprimer de la Parole de Dieu. Il leur
oppose les traditions qui ne sont pas conservées dans la Bible, qui, selon
lui, sont soit apostoliques ou dérivées de différents conciles et respectées
par l'Église entière, soit particulières et donc variables.
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Ce texte conduit à un constat étonnant : pour Seripando
(et pour beaucoup
d'autres Pères de Trente), il y a des traditions
dans l'Écriture. La «Tradition » n'est pas
le "non-écrit" mais apparaît dans et en dehors de
l'Écriture. Ce qui amène la question suivante : comment définir positivement
la Tradition si la notion négative de « non écrit » ne suffît pas pour la
décrire ? |
Journal du concile de Trente tenu par
Angelo Massarelli (Trente, février 1545-septembre 1551)
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La réponse se trouve dans toute une série de prises de position. Seripando
lui-même donne la
définition suivante : « Traditiones, hoc est apostolorum seu sanctorum
patrum sanctae et salutares constitutiones ». Massarelli relate une
remarque de Cervini répondant encore plus clairement à cette question. Au
discours de l'Évêque de Chioggia, qui cite la phrase attribuée à saint
Augustin disant que tout ce qui est nécessaire à notre Salut a été écrit, Cervini répond ce qui suit : « Verba (d'après saint Augustin)
formaliter
intelligi debent, scilicet ad fidem accipiendam, ut salvi fiamus. Quo vero
ad mores et christianam vitam instituendam cène non omnia scripta sunt ».
Ici Cervini fait à nouveau allusion à saint Jean 15,26 et 14,26, et indique
ainsi le pneumatologique.Tout ce qui est visé ici apparaît nettement : la
Tradition a trait à l'institutio vitae, au vécu réel de la Parole de Dieu
dans l'existence chrétienne. Autrement dit, elle est l'actualisation de la
Parole, sans laquelle la Parole resterait privée de réalité.
À tout ceci il faut ajouter deux autres types d'interventions. Elles sont en
relation avec ce que nous avons abordé dans l'introduction de la partie
précédente et elles concernent la manière de procéder : doit-on s'attaquer
d'abord à la reformatio, à la réforme pratique de l'Église
(comme le
souhaitait l'Empereur), ou bien doit-on discuter d'abord des questions
dogmatiques (comme le Pape le souhaitait) ? C'est en soi une question sur la
manière de procéder, qui revient toujours dans les débats, mais ne concerne
pas directement la
notion de Tradition en tant que telle. Cependant toutes deux semblent très
étroitement liées dans les faits concrets. Le problème des abus
(abusus) et
le problème de la Tradition (traditio) sont si souvent en relation qu'au
fond ils apparaissent comme étant une seule et unique question, avec une
tournure positive ou négative; cela est prégnant chez les réformateurs, pour
lesquels les traditions étaient l'abusus qui déformait l'Église. Les Pères du
Concile en avaient bien conscience, et ils savaient qu'en défendant les
traditions, ils défendaient finalement l'usus ecclesiae, la manière concrète
de vivre de l'Église.
L'autre série d'interventions, allant dans le même sens, présente l'autorité
de l'Église comme déterminante et opère un rapprochement entre Tradition et
institutio christiana.
Nous pouvons maintenant revenir au point de départ de notre propos et
répondre à la question sur le sens de la formule « ad nos usque pervenerunt
» (sont parvenues jusqu'à nous). Elle ne prétend nullement définir un historisme, comme la formule
pourrait le signifier dans nos oreilles ; elle vise la tâche, qui revient à
l'Église, de conserver la réalité de l'institutio vitae christianae,
la
réalité d'une existence chrétienne concrète
dans le présent de l'Église, qui confère à l'Écriture le lieu de son
actualité, et qui donne vie à l'Écriture; une vie foncièrement apostolique,
susceptible de changer en certains détails, comme tout ce qui est vivant.
La Tradition et le dogme de l'Église
Ce deuxième motif est resté en suspens dans le Décret : « traditiones tum ad
fidem tum ad mores pertinentes ». Si jusqu'à présent la notion de Tradition
s'est limitée à ce que les Pères du Concile appellent consuetudines,
observationes, institutiones, le procurateur du Cardinal d'Augsburg, le
Père Claude Lejay, se fit le porte-parole d'une théorie qui, face aux
traditiones caeremoniales, met désormais en évidence la définition de la
transmission en relation avec la foi. Le traité qu'il rédige à l'adresse des
Pères contient la formulation qu'il puise dans le Concile, quand il y est
dit : « Denique multas veritates tum ad fidem tum ad mores pertinentes
Ecclesia novit, quas scriptura aperte et expresse non continet ». Il cite en
exemples les mots persona, essentia, trinitas de la doctrine sur la Sainte
Trinité ; consubstantialitas de la christologie du logos ; deux natures une
personne, du dogme de Chalcédoine. Plus loin : le Christ, fils unique de la
Vierge Marie, deux volontés en une personne le Christ, une âme raisonnable
en dehors de l'Esprit divin en Christ, Anne, la mère de Marie, faire le
signe de croix, célébrer le dimanche, la prière tournée vers l'Est
- c'est-à-dire, des notions et des faits de la Tradition conciliaire et de la
transmission de la dévotion. Cervini reçut aussitôt de manière positive le
discours de Lejay le 23 février 1546 et n'eut aucun mal à le concilier avec
le sien, dans la lettre au
Cardinal Farnèse mentionnée plus haut. Il y faisait entendre
que l'Esprit
Saint a parlé à l'Église et qu'après l'Ascension du Seigneur il parle
maxime mediante i concilii. Ce plus que l'Église vivante représente face à la
simple Parole écrite ne renvoyait plus seulement à la vita instituenda ou à
la caeremonialia (comme il était dit dans ce contexte) ; ce plus fait
allusion à la essentialia fidei, qui n'est pleinement citée que dans la
Tradition. Ici aussi l'intérêt dominant ne réside pas dans la conception
historisante de la transmission depuis son commencement, mais bien plus dans
l'idée que l'élément actif de la Tradition à travers la pratique conciliaire
de l'Église est d'une importance fondamentale pour la fides aussi, pour la
doctrine de la foi, et pas simplement pour le vécu de la dévotion, la « caeremonialia
».
Ratzinger conclut ce chapitre en
discernant dans les débats de Trente-quatre moments de la Tradition :
1- le fait que la Révélation c'est-à-dire l'Évangile a été inscrit, non
seulement dans la Bible, mais aussi dans les cœurs.
2- le fait que l'Esprit Saint parle aux hommes tout au
long du temps de l'Église.
3- l'activité conciliaire de l'Église ;
4- la Tradition liturgique et l'ensemble de la Tradition dans la vie de
l'Église.
Dans ces quatre moments, qu'il faut considérer comme étant la structure de
la pensée du Décret, s'exprime la réalité unique du présent du Christ,
englobant tout le temps de l'Église depuis les apôtres, où l'Écriture est un
élément central, certes, mais jamais unique.
Au terme de ce propos, nous voyons combien le concile de Trente offre un
testament beaucoup plus riche que la marque laissée dans les consciences au
cours des siècles qui lui ont succédé. Les études théologiques actuelles
pourront, grâce à leurs nouvelles avancées, y puiser un regain de fécondité
et une incitation à poursuivre leurs recherches dans les voies à explorer et
à tracer.
(à suivre)
Chapitre III :
L'exégèse au cœur des débats
►
Chapitre
I : Primauté, épiscopat et succession
apostolique
1ère partie
►
Le papisme
2ème
partie ►
"Tradition" et "succession", furent
originellement très proches
3ème partie
►
La succession apostolique et le Verbe
4ème
partie ►
Les deux formes de succession apostolique
5ème partie
►
Une catholicité qui renoncerait à Rome ne serait plus catholique
►
Chapitre
II : Essai sur la question du concept de
Tradition
I. RÉVÉLATION ET TRANSMISSION DE
LA PAROLE DE DIEU.
ESSAI D'ANALYSE DE LA NOTION DE TRADITION
1)
La question du concept de Tradition
2)
La Révélation surpasse, l'Écriture
3)
La Tradition a son organe dans l'autorité
de l'Église
4)
La transmission de la foi est, par sa nature, toujours interprétation
II. INTERPRÉTATION DU
DÉCRET SUR LA TRADITION DU CONCILE DE TRENTE
(page précédente) :
La version pneumatologique de la notion de Tradition
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Sources : La Parole de Dieu, cardinal Ratzinger/Benoît XVI -
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 28.01.09 -
T/Théologie
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