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Vatican : La chasse au kangourou
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Le 27 février 2015 -
(E.S.M.)
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Le cardinal australien Pell encerclé par ses adversaires.
Sant'Egidio éclipse la secrétairerie d’état. Un nouveau vicaire
argentin pour l'Opus Dei.
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Vatican : La chasse au kangourou
Journal du Vatican / La chasse au kangourou et autres histoires par Sandro Magister
Le 27 février 2015 - E.
S. M. - Ces jours derniers, un observateur de la vie au
Vatican, pour peu qu’il n’ait pas été inattentif, a eu bien des choses à
noter sur ses tablettes. En voici quelques unes.
*
Quand Sant’Egidio fait de l’ombre à la secrétairerie d’état
Samedi 21 février, Angela Merkel, la chancelière allemande, a rencontré
pendant quarante minutes le pape François et pendant plus d’une heure le
cardinal secrétaire d’état Pietro Parolin qui était accompagné par le
ministre des Affaires étrangères du Vatican, l’archevêque Paul R. Gallagher.
Elle s’est entretenue avec eux du prochain G7, de l’Ukraine et d’autres
sujets.
Angela Merkel s’est ensuite rendue au siège de la Communauté de Sant’Egidio
et, cette fois encore, la visite a duré un peu plus d’une heure. Cependant,
en raison d’une gestion efficace de la communication relative à ce dernier
événement, la rencontre de la chancelière avec l’organisation fondée par
Andrea Riccardi a complètement dominé, au point de vue médiatique,
l’entretien qu’elle avait eu avec les dirigeants de la diplomatie vaticane.
Il suffit, pour s’en rendre compte, de constater que le "Corriere della
Sera", le grand quotidien italien qui est lu dans toutes les chancelleries,
a consacré beaucoup plus d’espace à la visite d’Angela Merkel à Sant'Egidio
qu’à celle qu’elle a rendue au Vatican, en ne faisant pas la moindre
allusion à sa rencontre avec Parolin et Gallagher. Un échec non négligeable
pour les hauts responsables de la diplomatie vaticane, qui considèrent
traditionnellement que les incursions de la "diplomatie parallèle" de
Sant’Egidio, tellement vantée, ne sont que de la poudre aux yeux
►
Journal du Vatican / Sant'Egidio en liberté surveillée
(20.12.2011)
Cependant cette recherche d’une visibilité médiatique dont ont fait preuve
leurs concurrents pourra peut-être ne pas déplaire aux ecclésiastiques qui
collaborent avec le pape dans ses initiatives diplomatiques, étant donné que
le souverain pontife lui-même l'a stigmatisée dans son homélie du Mercredi
des Cendres :
"Lorsque nous faisons quelque chose de bien, nous éprouvons presque
instinctivement un désir d’être estimés et admirés pour cette bonne action,
afin d’en ressentir de la satisfaction. Jésus nous invite à accomplir ces
actions sans aucune ostentation et à compter uniquement sur la récompense
qui nous viendra du Père 'qui voit dans le secret".
Malleus (aliquorum) cardinalium
Les temps sont durs pour les cardinaux considérés comme “dissidents” par
rapport aux lignes directrices de l’actuel pontificat. C’est ce que
démontrent les trois coups de massue que le portail ultra-bergoglien
"Vatican Insider" a asséné, en l’espace de quelques jours, à trois cardinaux
qui lui déplaisent.
Le 14 février, il a republié, en indiquant le nom du destinataire, un post
figurant sur le blog du cardinal Donald Wuerl, archevêque de Washington,
dans lequel ce prélat réprimandait son confrère Raymond L. Burke, sans en
citer le nom, pour crime de lèse-majesté envers le pape
►Il cardinale Wuerl risponde a Burke (e ai dissenzienti)
Le 16 février il a rendu compte, avec une grande abondance de détails
inédits, des opérations que le conseil pontifical pour les textes
législatifs a entreprises, à la demande du pape, dans le but de limiter les
pouvoirs que le cardinal George Pell voudrait s’attribuer en tant que préfet
du secrétariat pour l’économie, dans les statuts qui sont en cours
d’élaboration
►
Ma sopra Pell c'è uno "zar" più potente di lui
Enfin, le 19 février, il a mis largement en évidence les critiques, parfois
sarcastiques, qu’un prêtre blogueur chinois a lancées contre le cardinal
Joseph Zen, évêque émérite de Hong Kong, qu’il accuse de boycotter toute
hypothèse d’"appeasement" entre Pékin et le Saint-Siège
►"Cardinale Zen, ma tu ci credi nei miracoli?"
Grande chasse au “kangourou” Pell
Après le conseil pontifical pour les textes législatifs (voir ci-dessus),
c’est le Fonds de retraites du Vatican qui est descendu à son tour dans
l’arène afin de combattre le cardinal australien George Pell. Il l’a fait
dans un communiqué daté du 20 février, où figurent des données rassurantes à
propos de la situation du Fonds lui-même, afin de contrebalancer les
"données alarmantes" qui circulent "depuis plusieurs mois" et qui sont
"également amplifiées par des informations provenant de la presse"
►
Comunicato...
Le communiqué fournit une profusion de chiffres afin de démontrer cette
affirmation. Mais, au-delà des aspects comptables, ce qui est important,
c’est l’aspect “politique”. Cela fait déjà un moment, en effet, que le
cardinal Pell lance des signaux d’alarme à propos de l’équilibre des comptes
à moyen terme du Fonds de retraites du Vatican. Il l’a fait au mois de
juillet 2014, date à laquelle il a même annoncé la création d’un comité
technique – comportant un grand nombre de noms – afin d’étudier la la
question. Il l’a fait dans un article publié dans le "Catholic Herald" au
mois de décembre et il a recommencé le 13 février sur le site "Crux"
du "Boston Globe"
►Vatican's finance czar reports $ 1.5 billion in hidden assets
C’est de Pell, en effet, que proviennent les données "alarmantes" contre
lesquelles a réagi le conseil d’administration du Fonds de retraites, qui
est présidé par le cardinal Domenico Calcagno, président de l’APSA
[Administration du patrimoine du siège apostolique], et qui a comme membres
les représentants d’organismes du Vatican tels que la Fabrique de
Saint-Pierre (l’évêque Vittorio Lanzani), la Propagation de la Foi (Mgr
Ermes Giovanni Viale), la secrétairerie d’état (Mgrs Alberto Perlasca et
Tullio Poli), Radio Vatican (Alberto Gasbarri) et le Gouvernorat (Antonio
Chiminello) : en somme, les représentants de tous ces organismes qui ont
engagé un bras de fer avec Pell pour conserver leur autonomie
économico-financière.
On voit donc là la poursuite de la manœuvre d’encerclement qui vise celui
que les médias anglo-saxons s’obstinent à appeler le "tsar" des finances du
Vatican mais qui, à l’intérieur des Murailles Sacrées, y compris "in altissimis", est surnommé plus prosaïquement "le kangourou”.
Des évêques émérites élus au synode ? Maintenant c’est possible
Parmi les ecclésiastiques qui ont été élus par la conférence des évêques de
leur pays pour participer au prochain synode consacré à la famille, il y a
deux prélats qui ont déjà pris leur retraite. Le premier est le cardinal
lituanien Audrys Backis, âgé de 78 ans, archevêque émérite de Vilnius.
L’autre, qui a le même âge, est le Grec Frangiskos Papamanolis, évêque
émérite de Syros, qui, en tout cas, exerce la charge de président de
l’épiscopat catholique hellénique.
Autrefois cette possibilité n’existait pas. Le cas de Mgr Luigi Bettazzi,
élu par la conférence des évêques d’Italie au mois de novembre 1998 pour
participer au synode spécial consacré à l’Europe, qui allait être célébré au
mois d’octobre de l’année suivante, est resté dans les mémoires. En effet sa
nomination ne fut pas ratifiée par le Vatican parce que, dans l’intervalle –
c’est-à-dire au mois de février 1999, alors qu’il était âgé de 75 ans et
trois mois – sa démission d’évêque d’Ivrée avait été acceptée et qu’il était
alors devenu évêque émérite.
Vanitas vanitatum
Le 2 février, à l’occasion d’une conférence qui se tenait dans la salle de
presse du Vatican et avait pour objectif de présenter la réunion plénière du
conseil pontifical pour la culture consacrée au thème des "cultures
féminines", un fait a attisé la curiosité et fait naître des polémiques :
dans le document préparatoire, la chirurgie esthétique était définie comme
une "burqa de chair". Le hasard a voulu que, le jour suivant, une autre
conférence officielle ait eu lieu dans cette même salle de presse et qu’elle
ait permis de constater qu’étaient présentes sur l’estrade plusieurs
personnes consacrées dont les cheveux étaient manifestement teints.
Place aux jeunes
Dans une interview qu’il a accordée récemment, le cardinal Tarcisio Bertone
a révélé qu’il avait été confirmé pour une période de deux ans en tant que
membre de la Propagation de la Foi, le dicastère qui, au Vatican, aide le
souverain pontife à désigner les ordinaires d’environ 40 % des
circonscriptions ecclésiastiques catholiques, celles qui se trouvent en
terres de mission. Ont également été confirmés en tant que membres de la
congrégation, bien qu’ils aient dépassé l’âge de 80 ans, les cardinaux
Giovanni Battista Re et Franc Rodé. D’après les règles actuellement en
vigueur, les membres des dicastères cessent automatiquement leurs fonctions
lorsqu’ils parviennent à leur quatre-vingtième anniversaire. L’avenir dira
si les cas évoqués ci-dessus constituent de simples dérogations "ad personam"
ou s’il s’agit d’une anticipation de la réforme de la curie.
L’opération argentine de l’Opus Dei
Pour la première fois dans son histoire, la prélature de l’Opus Dei a choisi
un non-espagnol pour occuper l’un de ses postes de direction, celui de
vicaire général. Et le choix s’est porté sur un Argentin, Mgr Mariano Fazio,
que Jorge Mario Bergoglio connaît bien. Un choix qui semble étudié
précisément pour consolider et améliorer les rapports de l’Opus Dei avec le
pape François.
Au cours de ces deux premières années de son pontificat, les relations du
pape avec l'Opus Dei ont été formellement excellentes, grâce notamment aux
audiences qui ont été accordées à Mgr Carlos María Nannei, prédécesseur de
Fazio au poste de vicaire en Argentine. Mais il y a eu un plus grand nombre
de signaux en sens inverse.
Cependant, en ce qui concerne la cérémonie de béatification d’Álvaro del
Portillo, successeur du fondateur saint Josemaría Escrivá, la dispense
espérée pour pouvoir la célébrer à Rome n’a pas été accordée. C’est pourquoi
la cérémonie a eu lieu à Madrid le 27 septembre dernier, bien que le nouveau
bienheureux soit mort à Rome et qu’il y ait passé les dernières décennies de
sa vie.
D’autre part on a remarqué que, lors du dernier synode consacré à la
famille, aucun des membres de l’Opus – parmi lesquels ne manquent pourtant
pas les théologiens et les canonistes de valeur – n’avait été choisi par
nomination pontificale en tant que membre, expert, ou auditeur. Et puisqu’il
n’y avait aucun président de conférence épiscopale ni aucun chef de
dicastère appartenant à l'Opus, celle-ci a été totalement absente des
travaux synodaux. (Pour mémoire, parmi les membres élus par les conférences
épiscopales pour le prochain synode et dont la désignation a été ratifiée
par le pape, on trouve trois prélats de l’Opus : l’archevêque José H. Gomez
de Los Angeles aux États-Unis, l’archevêque Antonio Arregui Yarza de
Guayaquil en Équateur et l’évêque Jaime R. Fuentes Martin de Minas en
Uruguay).
Enfin l’Opus Dei a reçu un coup supplémentaire au Pérou, pays dans lequel
deux de ses prélats, l’archevêque de Cuzco et l’évêque de Chiclayo, ont pris
leur retraite au cours de ces derniers mois, sans être remplacés par
d’autres membres de la prélature. Ce qui a rendu encore plus opposé à l'Opus
un épiscopat au sein duquel le cardinal archevêque de Lima, Juan L.
Cipriani, membre de l’Opus Dei, bien qu’étant à ce poste depuis 1999, n’a
jamais réussi, contrairement à ses prédécesseurs, à être élu président de la
conférence des évêques.
La nomination de Mariano Fazio au poste de vicaire général de l’Opus a été
annoncée le 12 décembre dernier ; il avait été reçu par le pape François
dans l’après-midi du 30 septembre. Cette audience a été annoncée dans le
bulletin du Saint-Siège du 1er octobre et publiée dans "L'Osservatore
Romano" daté du 2 octobre. Curieusement, le nom est apparu, que ce soit dans
le bulletin ou dans le journal du Vatican, sous une forme erronée, “Fassio”.
Paradoxes et strabismes œcuméniques
Le 9 février dernier, la basilique Saint-Jean-de-Latran, qui est la
cathédrale du pape, a accueilli le pèlerinage d’action de grâces de la
congrégation dominicaine du “Saint Nom de Jésus” de Fanjeaux, en France,
pour les 40 ans de sa fondation. Participaient à ce pèlerinage, en plus de
deux cents religieuses, 950 de leurs élèves, ainsi qu’une centaine
d’enseignants et de parents. Toutefois ces dominicaines n’ont pu faire
célébrer une messe dans aucune église de Rome. Le fait est que les
religieuses en question appartiennent à la branche féminine de la communauté
lefebvriste et que la messe qu’elles voulaient faire célébrer était celle du
rite préconciliaire. C’est sans aucun succès – ont indiqué les sœurs – que
la commission pontificale "Ecclesia Dei" est intervenue, par des "demandes
répétées", pour plaider leur cause.
Le fait est plutôt singulier dans un diocèse comme celui de Rome, où des
églises importantes, telles que Saint-Théodore au Palatin ou
Saints-Vincent-et-Anastase à la Fontaine de Trevi, ont été confiées à des
communautés orthodoxes, et où des paroisses accueillent les rites de
communautés non catholiques coptes ou roumaines. Mais ce strabisme
œcuménique ne doit pas étonner, si l’on pense que, dans le camp catholique,
il y a des gens qui – comme Enzo Bianchi, le prieur de Bose, ou le
théologien Gianni Gennari – appliquent avec mépris le qualificatif de
“schismatiques” aux seuls lefebvristes (qui ne sont plus excommuniés mais
qui n’ont pas encore un "status" canonique au sein de l’Église catholique)
alors que les chrétiens d’autres confessions qui, d’un point de vue formel,
ne sont pas moins “schismatiques” que les lefebvristes sont tous appelés par
eux, de manière amicale, “frères”.
Pas de nonces laïcs à l’horizon
La nomination du prélat Fernando Arellano Chica comme observateur permanent
près la FAO à Rome semble mettre fin à l’hypothèse, plusieurs fois
mentionnée, de nominations de laïcs aux postes diplomatiques près les
organisations multilatérales dans lesquelles le représentant pontifical n’a
pas comme interlocuteurs des évêques, contrairement à ce qui se passe pour
les nonces présents dans les divers pays du monde. Sous le pontificat du
pape François, en effet, en plus du poste près la FAO, les représentations
pontificales près les sièges de l’ONU à New-York et à Vienne, ainsi que
celle près le Conseil de l’Europe, à Strasbourg, ont changé de titulaire.
Et, dans tous les cas, ce sont des ecclésiastiques qui ont été désignés. Le
Vatican continue évidemment à considérer que, dans les organismes
internationaux, la présence d’un ministre ordonné continue à être plus
significative et plus efficace que celle d’un laïc.
Les salésiens sont les plus nombreux parmi les cardinaux mais, à la
commission théologique, ce sont les jésuites qui l’emporte
Depuis le dernier consistoire, la congrégation religieuse la plus nombreuse
dans le collège des électeurs du pape est celle des salésiens, avec ses 5
représentants, alors que les jésuites ont maintenant le pape mais plus aucun
cardinal électeur. Cependant, à la commission théologique internationale,
renouvelée par le pape François l’an dernier, les fils de don Bosco, qui
avec quatre membres étaient les plus nombreux au cours des cinq années
précédentes, ont maintenant disparu. En revanche les fils de Saint Ignace,
qui n’y étaient pas présents au cours des cinq dernières années, sont
actuellement les plus représentés, avec trois membres.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.02.2015 -
T/International |