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Divorcés remariés. Müller écrit, François dicte
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Le 25 octobre 2013 -
(E.S.M.)
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Un document du préfet de la doctrine reconfirme le “non” à la
communion et fait la clarté sur la "conscience" et la "miséricorde".
Gel des espoirs de changement. Mais une "hypothèse Ratzinger" refait
surface.
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Divorcés remariés. Müller écrit, François dicte
par Sandro Magister
Le 25 octobre 2013 - E.
S. M. -
"Je crois que ce temps est celui de la
miséricorde", avait déclaré le pape François dans l’avion qui le ramenait du
Brésil, en réponse à une question portant sur la communion aux divorcés
remariés.
Mais que la "miséricorde" prêchée par le pape Jorge Mario Bergoglio prélude
à une suppression de l’interdiction qui leur est faite de communier, comme
beaucoup d’observateurs l’avaient déduit, c’est désormais à exclure.
Le “non” a été formulé – visiblement avec l'approbation du pape – par le
préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, l'archevêque Gerhard
Ludwig Müller, dans un document publié aujourd’hui par "L'Osservatore
Romano" qui confirme pleinement la doctrine de l’Église catholique à ce
sujet et qui est diffusé simultanément en sept langues.
Un document qui consacre sa partie finale précisément à une mise en garde
contre une interprétation "fausse" de la miséricorde :
"À travers ce qui est objectivement un faux appel à la miséricorde, on court
de plus le risque d’une banalisation de l’image de Dieu, selon laquelle Dieu
ne pourrait rien faire d’autre que pardonner. Au mystère de Dieu
appartiennent, outre la miséricorde, également sa sainteté et sa justice. Si
l’on occulte ces attributs de Dieu et que l’on ne prend pas au sérieux la
réalité du péché, on ne peut finalement pas non plus communiquer sa
miséricorde aux hommes.
"Jésus a rencontré la femme adultère avec une grande compassion, mais il lui
a aussi dit : «Va, ne pèche plus» (Jn 8, 11). La miséricorde de Dieu n’est
pas une dispense des commandements de Dieu et des instructions de l’Église.
Elle accorde plutôt la force de la grâce pour leur accomplissement, pour se
relever après la chute et pour une vie de perfection à l’image du Père
céleste".
*
Ce n’est pas tout. Le pape François a également fait naître des espoirs de
changement – toujours dans l’avion qui le ramenait du Brésil – quand il
s’est référé à l'exemple des Églises orthodoxes qui, en ce qui concerne le
mariage, "permettent une seconde union".
Mais sur ce point aussi le texte du préfet de la doctrine a fermé toutes les
portes :
"Aujourd’hui, dans les Églises orthodoxes, il existe une multitude de motifs
de divorce, qui sont généralement justifiés par le renvoi à l’oikonomia, la
clémence pastorale pour des cas particuliers difficiles, et ouvrent la voie
à un deuxième ou à un troisième mariage à caractère pénitentiel. Cette
pratique n’est pas conciliable avec la volonté de Dieu, telle qu’elle est
clairement exprimée dans les paroles de Jésus sur l’indissolubilité du
mariage. […] Parfois l’on soutient que l’Église [catholique] a, de fait,
toléré la pratique orientale, mais cela ne correspond pas à la vérité".
Et plus loin :
"La doctrine de l’epicheia, selon laquelle une loi est certes valable en
termes généraux, mais ne recouvre pas toujours adéquatement l’agir humain
concret, ne peut pas non plus être appliquée dans ce cas, car
l’indissolubilité du mariage sacramentel est une norme de droit divin, qui
n’est pas à la disposition du pouvoir discrétionnaire de l’Église".
*
Un troisième point sur lequel le texte de Müller a voulu apporter des
éclaircissements – là encore en se référant de manière implicite à des
propos du pape qui ont été mal interprétés – concerne "un concept
problématique de conscience", utilisé comme laissez-passer vers la communion
:
"On propose toujours à nouveau que la décision de s’approcher ou non de la
Communion eucharistique devrait être laissée à la conscience personnelle des
divorcés remariés. Cet argument, qui se fonde sur un concept problématique
de « conscience », a déjà été repoussé dans la Lettre de la Congrégation
pour la doctrine de la foi de 1994. Assurément, dans chaque célébration de
la Messe les fidèles sont tenus de s’examiner dans leur conscience s’il est
possible de recevoir la Communion, ce à quoi s’oppose toujours un péché
grave non confessé. Ils ont donc l’obligation de former leur conscience et
de l’orienter selon la vérité ; ce faisant, ils obéissent également au
magistère de l’Église, qui les aide « à ne pas dévier de la vérité sur le
bien de l’homme, mais, surtout dans les questions les plus difficiles, à
atteindre sûrement la vérité et à demeurer en elle » (Jean-Paul II, Lettre
encyclique Veritatis splendor, n. 64).
"Lorsque des divorcés remariés sont subjectivement convaincus dans leur
conscience qu’un précédent mariage n’était pas valide, cela doit être
objectivement démontré par les tribunaux compétents en matière matrimoniale.
En effet, le mariage ne concerne pas seulement le rapport entre deux
personnes et Dieu ; il est aussi une réalité de l’Église, un sacrement, sur
la validité duquel l’individu ne décide pas pour lui-même, mais l’Église,
dans laquelle il est incorporé par la foi et le baptême".
*
D’une manière générale, le document du préfet de la doctrine réaffirme que
"lorsqu’il existe des doutes quant à la validité d’un mariage ayant échoué,
ceux-ci doivent être vérifiés par les tribunaux compétents en matière
matrimoniale".
Mais Müller reconnaît également que, dans le contexte actuel, les mariages
"invalides" sont très nombreux.
Exactement comme l’avait fait remarquer le pape François, toujours dans
l’avion qui le ramenait de Rio de Janeiro, lorsqu’il avait rappelé que son
prédécesseur à Buenos Aires, le cardinal Quarracino, affirmait : "Selon moi,
la moitié des mariages sont nuls, parce que les gens se marient sans
maturité, sans se rendre compte que c’est pour toute la vie, parce qu’ils le
font par convenance sociale".
Mais si les mariages nuls sont aussi nombreux, comment les tribunaux
diocésains pourront-ils les examiner tous et en vérifier juridiquement
l'invalidité ?
Müller ne pose pas cette question de manière explicite dans son document.
Toutefois il cite un article de Joseph Ratzinger datant de 1998 et publié à
nouveau dans "L'Osservatore Romano" du 30 novembre 2011, dans lequel le
prédécesseur du pape François mettait face à face les éléments pour et
contre d’une hypothèse de solution : le recours possible à une décision
d’accéder à la communion prise en conscience par un catholique divorcé et
remarié, au cas où la non-reconnaissance de la nullité de son précédent
mariage (due à un jugement qu’il considère comme erroné ou à la difficulté
de prouver la nullité de ce mariage par voie de justice) s’oppose à sa
conviction fondée que ce mariage est objectivement nul.
On peut présumer que le synode des évêques qui aura lieu au mois d’octobre
2014 et auquel le pape François a confié la question – examinera justement
cette "hypothèse Ratzinger" pour innover en la matière, tout en réaffirmant
l'absolue indissolubilité du mariage.
*
Dans sa diffusion en sept langues du document de Müller, "L'Osservatore
Romano" indique d’abord que "plusieurs interventions se sont succédé" à
propos de la question de la communion aux divorcés remariés.
Il fait en particulier allusion à un texte proposant une libéralisation qui
a circulé récemment dans le clergé du diocèse allemand de
Fribourg-en-Brisgau.
Voici comment Müller répond dans son document aux tendances exprimées dans
ce texte :
"Au manque de compréhension croissant à propos de la sainteté du mariage,
l’Église ne peut pas répondre par une adaptation pragmatique à ce qui
apparaît inévitable, mais seulement en ayant confiance dans «l’Esprit qui
vient de Dieu, pour connaître les dons gracieux que Dieu nous a faits» (1 Co
2, 12). Le mariage sacramentel est un témoignage de la puissance de la grâce
qui transforme l’homme et prépare toute l’Église pour la cité sainte, la
nouvelle Jérusalem, l’Église, prête «comme une épouse parée pour son époux»
(Ap 21, 2).
"L’Évangile de la sainteté du mariage doit être annoncé avec une audace
prophétique. Un prophète fatigué cherche dans l’adaptation à l’esprit du
temps son propre salut, mais pas le salut du monde en Jésus Christ. La
fidélité aux promesses du mariage est un signe prophétique du salut que Dieu
donne au monde : «qui peut comprendre, qu’il comprenne» (Mt 19, 12)".
Le texte intégral du document
►
La force de la grâce
La "hypothèse Ratzinger" plus en détail
►Pas
de communion pour les hors-la-loi. Mais le pape étudie deux exceptions(5.12.2011)
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.10.2013-
T/International |