C'est le Paraclet, écrit Benoît XVI
qui interprète et conduit à la vérité |
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Rome, le 24 juillet 2007 -
(E.S.M.) -
Je peux adhérer avec conviction, écrit Benoît XVI, à la conclusion que Peter Stuhlmacher a
tirée des éléments que je viens d'exposer. Il estime que « le contenu de
l'Évangile remonte au disciple que Jésus aimait (particulièrement). Le
prêtre s'est considéré comme son relais et son porte-parole.
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« Es-tu le
Messie, le Fils du Dieu béni ? » (Mc 14, 61)
2) C'est le Paraclet, écrit Benoît XVI qui interprète et conduit à la vérité
(p. 249 à 255)
Le Livre de Benoît XVI
Chapitre 8 : Les grandes images de l'Évangile de Jean
1) Introduction : la question johannique (p.
245 à 249)
L'image de Jésus proposée par Jean (lien
précédent)
Essayons d'aborder la première question,
exprime Benoît XVI. Dans le récit de la Passion,
l'Évangile lui-même se prononce clairement là-dessus. Il est dit qu'un des
soldats frappa Jésus au côté avec sa lance « et aussitôt il en sortit du
sang et de l'eau ». Les paroles qui suivent ont un poids particulier : «
Celui qui a vu rend témoignage, afin que vous croyiez vous aussi. Son
témoignage est véridique et le Seigneur sait qu'il dit vrai »
(Jn 19, 35).
L'Évangile affirme se fonder sur un témoin oculaire, et il est évident que
ce témoin est justement le disciple dont il est dit auparavant qu'il se
tenait près de la croix et qu'il était le disciple que Jésus aimait
(cf. Jn
19, 26). En Jean
21, 24, ce disciple est encore nommé comme l'auteur de
l'Évangile. Par ailleurs, nous le rencontrons en Jean
13, 23 ; 20, 2-10 ;
21, 7 et sans doute aussi en Jean
1, 35.40 et 18, 15-16.
Dans le récit du lavement des pieds, ces énoncés concernant l'origine
extérieure de l'Évangile s'approfondissent pour fournir une indication sur
sa source interne. Il y est dit de ce disciple que lors de la Cène, il avait
sa place à côté de Jésus et que lors de l'interrogation sur l'identité de
celui qui trahira, il « se penche donc sur la poitrine de Jésus » précise
Benoît XVI (13, 25).
Cette expression est formulée comme un parallèle voulu avec la fin du
prologue de Jean où il est dit à propos de Jésus : « Dieu, personne ne l'a
jamais vu ; le Fils unique, qui est dans le sein du Père, c'est lui qui a
conduit à le connaître» (1, 18). Tout comme Jésus, le Fils, connaît le
mystère du Père en étant dans son sein, l'évangéliste, du fait de se pencher
sur sa poitrine, a pu tirer sa connaissance en quelque sorte du cœur de
Jésus.
Mais qui est donc ce disciple ? L'Évangile ne l'identifie jamais directement
par son nom. En liaison avec Pierre et avec d'autres vocations de disciples,
le texte nous oriente vers la personne de Jean, fils de Zébédée, sans pour
autant expliciter cette identification. Manifestement, il laisse
consciemment planer un mystère. L'Apocalypse
(cf. 1, 1-4), il est vrai,
indique clairement Jean comme auteur, mais malgré la relation étroite entre
l'Apocalypse, l'Évangile et les Lettres, il n'est pas sûr qu'il s'agisse
d'un seul et même auteur.
Dans sa vaste théologie du Nouveau Testament, l'exégète évangélique Ulrich
Wilckens a récemment encore défendu la thèse qu'il ne fallait pas considérer
le « disciple bien-aimé » comme une figure historique, mais comme
représentant fondamentalement une structure de la foi : « "L'Écriture seule"
n'existe pas sans la "voix vivante" de l'Évangile, et celui-ci n'existe pas
sans le témoignage individuel d'un chrétien doté de la fonction et de
l'autorité du "disciple bien-aimé", en qui le ministère et l'esprit se
conjuguent et se conditionnent mutuellement
(U. Wilckens, Théologie des Neuen
Testaments, I, 4, p. 158, voir bibliographie, p. 401). » Cette affirmation portant
sur la structure a beau être juste, elle n'en reste pas moins insuffisante.
Si, dans l'Évangile, le disciple bien-aimé prend expressément la fonction de
témoin de la vérité - ce qui s'est produit -, il se présente comme une
personne vivante, affirme Benoît XVI. En tant que témoin, il veut se faire le garant
d'événements historiques et il prétend ainsi lui-même au rang de personnage
historique, car sinon, ces phrases qui déterminent l'objectif et la qualité
de l'Évangile tout entier se vident de leur sens.
Depuis Irénée de Lyon (f 202), la tradition de l'Église considère
unanimement Jean, le fils de Zébédée, comme le disciple bien-aimé et comme
l'auteur de l'Évangile. Cela est conforme aux éléments d'identification
contenus dans
l'Évangile, qui, de toute façon, nous renvoient à un apôtre et compagnon de
Jésus, du Baptême dans le Jourdain
(ndlr, comme nous l'avons écrit hier en note) à la dernière Cène, de la Croix à la
Résurrection.
Il est vrai qu'à l'époque moderne, on a mis de plus en plus en doute cette
identification. Est-il possible que lui, le pêcheur du lac de Génésareth,
ait pu rédiger ce sublime Évangile qui, par ses visions, plonge au plus
profond du mystère de Dieu ? Lui, ce pêcheur de Galilée, a-t-il pu être lié
à l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem, à sa langue et à sa façon de
penser, comme le fut, en effet, l'évangéliste ? A-t-il pu être apparenté à
la famille du grand prêtre, comme le suggère le texte
(cf. Jn 18, 15) ?
Après les recherches de Jean Colson, de Jacques Winandy et de Marie-Emile
Boismard, l'exégète français Henri Gazelles, en étudiant la sociologie du
sacerdoce du Temple avant sa destruction, a montré qu'une telle
identification était tout à fait plausible. Les classes sacerdotales
officiaient par roulement deux fois par an, à raison d'une semaine chacune.
Après avoir terminé son service, le prêtre retournait dans son pays : de
manière courante, il exerçait aussi une profession lui permettant de gagner
sa vie. D'ailleurs, il ressort de l'Évangile que Zébédée n'était pas un
simple pêcheur, mais qu'il faisait travailler plusieurs journaliers. C'est
pourquoi ses fils avaient la possibilité de s'en aller. « Zébédée peut tout
à fait avoir été prêtre, tout en ayant son domaine en Galilée, où la pêche
dans le lac l'aide à gagner sa subsistance. Il avait sans doute seulement un
pied-à-terre à côté ou dans le quartier de Jérusalem habité par les
esséniens ( IkaZ Communio
31 (2002), p. 481). » « Ce repas justement, pendant lequel un des disciples était
penché sur la poitrine de Jésus, se produisit dans un lieu qui se trouvait,
selon toute vraisemblance, dans un quartier de la ville habité par des
esséniens » — dans le « pied-à-terre » du prêtre Zébédée, qui
laissa « la pièce supérieure à Jésus et aux Douze »
( Ibid., p. 480-481). Dans la contribution
de Gazelles, une autre remarque nous intéresse : selon la coutume juive, le
maître de maison ou comme ici, en son absence, son fils aîné, « était assis
à la droite de l'invité, la tête penchée contre la poitrine de celui-ci
(Ibid., p. 480) ».
Si l'état actuel de la recherche nous permet tout à fait de voir en Jean, le
fils de Zébédée, ce témoin qui répond solennellement de son témoignage
oculaire (cf. 19, 35) en s'identifiant ainsi comme le véritable auteur de
l'Évangile, il n'en reste pas moins que la complexité de la rédaction du
texte soulève d'autres questions.
Dans ce contexte, nous devons considérer une information de l'historien de
l'Église Eusèbe de Césarée (mort vers 338). Eusèbe nous parle d'un ouvrage
en cinq volumes de l'évêque Papias d'Hiérapolis, mort vers 220, qui y aurait
écrit que lui-même n'avait pas connu ou vu personnellement les saints
apôtres, mais qu'il avait reçu la doctrine de la foi de personnes proches
des apôtres. Il y mentionne d'autres personnes qui auraient également été
des disciples du Seigneur, citant les noms d'Aristion et d'un prêtre Jean.
Ce qui est important c'est qu'il distingue entre l'apôtre et l'évangéliste
Jean d'une part, et le prêtre Jean d'autre part. Alors qu'il n'aurait pas
connu personnellement le premier, il aurait personnellement rencontré le
second (Eusèbe, Histoire
ecclésiastique, III, 39 in SCh, n. 31, p. 153-157).
Cette information est digne d'attention, formule Benoît XVI ; d'elle et d'autres indices
proches, il ressort qu'il existait, à Éphèse, une sorte
d'école johannique
qui se réclamait du disciple bien-aimé de Jésus, mais où cependant un
certain « prêtre Jean » était l'autorité déterminante. Ce « prêtre » Jean
apparaît dans la deuxième (1, 1) et la troisième Lettre
(1, 1) de saint Jean
comme expéditeur et auteur de la Lettre, mais
simplement sous le titre « le prêtre » (l'Ancien), sans indiquer le nom de
Jean. Manifestement, il n'est pas identique à l'apôtre, et ainsi nous
rencontrons ici, expressément dans le texte canonique, la figure mystérieuse
du prêtre. Il a dû être très proche de l'apôtre et il a peut-être même connu
Jésus lui-même. Après la mort de l'apôtre, il passait tout à fait pour le
porteur de son héritage. Dans la mémoire, les deux figures ont fini par se
confondre. En tout cas, nous pouvons attribuer au « prêtre Jean » une
fonction essentielle dans la rédaction définitive de l'Évangile, lors de
laquelle il se savait toujours le dépositaire fidèle de la tradition
transmise par le fils de Zébédée.
Je peux adhérer avec conviction, écrit Benoît XVI, à la conclusion que Peter Stuhlmacher a
tirée des éléments que je viens d'exposer. Il estime que « le contenu de
l'Évangile remonte au disciple que Jésus aimait (particulièrement). Le
prêtre s'est considéré comme son relais et son porte-parole
(Peter Stuhlmacher, Biblische Théologie des Neuen
Testaments, vol. II, p. 206, voir bibliographie, p. 401) ». Dans une
perspective similaire, Eugen Ruckstuhl et Peter Dschullnig disent : «
L'auteur de l'Évangile selon Jean est en quelque sorte le légataire du
disciple bien-aimé (Ibid.,
p. 207). »
Constatant cela, nous avons déjà fait un pas décisif dans la question de la
véracité historique du quatrième Évangile. Derrière lui, il y a finalement
un témoin oculaire, et la rédaction concrète a été faite dans le cercle
vivant de ses disciples, et de façon déterminante par un disciple qui lui
était proche.
Toujours dans cette perspective, Stuhlmacher écrit que « dans l'école
johannique on a continué à cultiver le style de pensée et d'enseignement
qui, avant Pâques, a été déterminant pour les entretiens didactiques de
Jésus avec Pierre, Jacques et Jean (ainsi qu'avec le groupe des Douze dans
son ensemble). La tradition synoptique fait entrevoir
comment les apôtres et leurs disciples ont parlé de Jésus dans
l'enseignement missionnaire et communautaire de l'Église, alors que dans le
cercle de Jean, sur la base et dans le cadre de cet enseignement, on a
poussé la réflexion "en s'expliquant" le mystère de la révélation du
dévoilement de Dieu lui-même "dans le fils"
( Ibid) ». Ici, il faudrait tout de
même remarquer que, selon le texte de l'Évangile lui-même, nous avons moins
affaire à des entretiens didactiques internes de Jésus, qu'à son conflit
avec l'aristocratie du Temple, dans lequel se déroule, d'avance, son procès.
Sous des formes diverses, la question « Es-tu le Messie, le Fils du Dieu
béni ? » (Mc 14, 61) occupe alors progressivement et nécessairement le
centre de tout ce conflit, dans lequel se manifeste et ne cesse de se
manifester, de façon toujours plus dramatique, la revendication de Jésus à
être le Fils.
Il est surprenant que Hengel, qui nous a tant appris sur l'enracinement
historique de l'Évangile dans l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem et
donc sur le contexte réel de la vie de Jésus, reste étonnamment négatif ou —
pour ne pas dire plus — extrêmement prudent en ce qui concerne le diagnostic
qu'il porte sur le caractère historique du texte. Il dit : « Le quatrième
Évangile est largement, mais pas entièrement, une "œuvre poétique de Jésus"
[...] Ici, le scepticisme radical nous induit autant en erreur que la
confiance naïve. D'une part, tout ce qui n'est pas avéré historiquement
n'est pas forcément de la fiction. D'autre part, pour l'évangéliste (et son
école), le dernier mot n'appartient pas au souvenir "historique" banal d'un
passé, mais au Paraclet, qui interprète et conduit à la vérité
(M. Hengel, Die
johanneische Frage, op. cit., p. 322). » Apparaît
alors cette question : que signifie cette opposition ? Qu'est-ce qui rend le
souvenir historique banal ? Est-ce que la vérité du souvenir importe ou non
? Et quelle est la vérité
à laquelle le Paraclet peut conduire, s'il laisse la dimension historique
derrière lui, la considérant comme banale ?
C'est la question que pose le pape Benoît XVI et à
laquelle il va répondre en détail dans la prochaine page.
(à suivre)
D'autres pages du dernier livre du pape :
►
Benoît XVI
Source:
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.07.2007 - BENOÎT XVI -
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