La
Révélation, souligne Benoît
XVI surpasse, l'Écriture
Le 21 août 2008 -
(E.S.M.)
- Le temps que l'Événement du Christ
inaugure, assure Benoît XVI, apparaît chaque fois comme une réponse
d'espérance. Cette réponse attend du temps à venir que l'Écriture soit
rendue superflue en raison de la proximité immédiate du divin Maître en
l'homme même.
La
Parole de Dieu -
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La Révélation, souligne Benoît XVI, surpasse l'Écriture
I. RÉVÉLATION ET TRANSMISSION DE
LA PAROLE DE DIEU. ESSAI D'ANALYSE
DE LA NOTION DE TRADITION (suite du n° 6)
Thèses sur le rapport entre Révélation et Tradition
Révélation et Écriture Sainte
Pour aborder le problème
dans son ensemble, nous pourrions commencer par une première thèse qui
s'inspire de la compréhension patristique de l'Écriture et de la Révélation.
Elle pourrait se formuler ainsi : le fait qu'il existe une «
Tradition » repose d'abord sur la
non-congruence des deux dimensions «Révélation
» et « Écriture ». En effet, souligne
Benoît XVI, la « Révélation » s'entend
comme étant l'ensemble des Paroles et des œuvres de
Dieu adressées aux hommes, elle s'entend comme
réalité, dont l'Écriture rend
témoignage, mais qui n'est pas
uniquement l'Écriture en elle-même. La Révélation
surpasse donc l'Écriture, dans la mesure même où la réalité surpasse
le témoignage rendu sur elle. On pourrait dire aussi que l'Écriture est
principe matériel de la Révélation (peut-être l'unique,
peut-être un parmi d'autres - laissons pour l'instant ce débat ouvert),
mais elle n'est pas la Révélation elle-même. Les réformateurs en avaient
encore pleinement conscience; cette notion ne s'est effacée que plus tard,
dans la querelle qui opposa la théologie catholique post-tridentine et
l'orthodoxie protestante.
Ce propos peut aussi s'éclairer à partir
d'un autre point de vue : on peut « avoir » l'Écriture sans « avoir » la
Révélation. Car la Révélation ne devient toujours et
uniquement réalité que là où la foi existe. Celui qui ne croit pas «
reste sous le voile », comme le dit saint Paul dans le troisième chapitre de
la deuxième Épître aux Corinthiens. Il est capable de lire l'Écriture et de
savoir ce qu'elle dit, même de comprendre de manière purement intellectuelle
le contenu des idées et de les replacer dans leur contexte - cependant il
n'est pas rendu participant de la Révélation divine. Au contraire, la
Révélation n'advient qu'au moment où son intime réalité est devenue,
elle-même, agissante sur la manière de croire, en plus des paroles «
matérielles » qui lui rendaient témoignage. Dans une certaine mesure, le
sujet qui l'accueille en lui a sa place dans la Révélation, car sans lui
elle n'existe pas. On ne peut pas mettre la Révélation dans sa poche, comme
on porte un livre sous son bras. Elle est une réalité vivante, qui a besoin
de l'homme vivant comme lieu de sa présence.
Si nous y réfléchissons
bien, nous pouvons donc dire que la Révélation surpasse le fait de
l'Écriture en un double mouvement :
a - Par un mouvement
ascendant, en tant que réalité émanant de Dieu, elle entre toujours dans
l'acte de Dieu.
b - En tant que réalité qui condescend vers
l'homme dans la foi, elle sort en même temps par l'autre côté, par-delà le
fait transmetteur de l'Écriture.
De cette non congruence de
l'Écriture et de la Révélation - que l'Écriture soit l'unique source
matérielle ou non -, il ressort clairement que dans la Révélation chrétienne
il ne peut y avoir un sola scriptura (ce qui,,
comme nous venons de le dire était, sur le principe, encore très net chez
les grands réformateurs, et qui ne tomba dans l'oubli qu'avec ce qu'on
appelle l'orthodoxie protestante).
L'Écriture, développe Benoît XVI, n'est pas la
Révélation, mais seulement une partie de cette réalité plus grande.
La signification différente de l'Écriture dans l'Ancien et le Nouveau
Testament
La problématique spécifiquement chrétienne de
Révélation - Écriture et Tradition -, est déterminée par la double forme de
la Révélation dans l'Ancien et le Nouveau Testament, qui correspond à la
double forme de l'Écriture dans l'Ancien et le Nouveau Testament. De même
que les deux Alliances sont différentes, de même le fait Écriture n'est pas
donné non plus de la même manière dans ces deux sources. Cela se voit très
nettement dans les écrits néotestamentaires eux-mêmes, quand ceux-ci
entendent par « Écriture » uniquement l'Ancien Testament, qui pour eux est
et demeure « l'Écriture » dont le sens est éclairé par l'Événement du
Christ. À l'ancienne Écriture Sainte, ils n'opposent ni n'ajoutent une
nouvelle. À l'unique Écriture Sainte,
c'est-à-dire l'Ancien Testament, ils apposent l'Événement du Christ comme
étant l'Esprit interprétant l'Écriture. Cette conception fondamentale
détermine aussi la forme des plus anciens credos, et permet seule de les
comprendre. La formule « Jésus » est le « Christ » exprime ainsi que
l'annonce de la venue du Christ, dans l'Ancien Testament, s'accomplit en
Jésus s'incarnant dans l'Histoire; à partir de l'Ancien Testament, on peut
comprendre qui est Jésus, et à la lumière de l'Événement du Christ, on peut
discerner ce que veut dire l'Ancien Testament. Cette conception est
prégnante chez saint Paul, qui oppose l'Ancien et le Nouveau Testament en
tant que gramma et pneuma, c'est-à-dire en tant qu'Écriture
et Esprit (2 Co 3, 6-18). Il appelle le
Seigneur le pneuma qui rend l'Écriture intelligible et dévoile son
sens; le Seigneur est son vrai contenu, vivant et pas seulement littéraire
(2 Co 3, 14-18). Paul se réfère ici sûrement à
la conception de la Nouvelle Alliance développée par Jérémie
(31,33) : personne n'aura plus besoin de l'Écriture, puisque la
Loi sera écrite sur le cœur. Personne n'a plus besoin d'une instruction
venant de l'extérieur, puisque Dieu lui-même instruit les hommes. Saint Jean
formule cette même pensée, en lien avec Isaïe (54,13),
quand il décrit le temps qu'inauguré le Christ comme le temps où tous sont
instruits par Dieu en personne; enfin, le discours de Pentecôte de Pierre,
transmis dans les Actes des Apôtres (2, 14,36),
développe cette même idée tirée de Joël. Le temps que
l'Événement du Christ inaugure, assure Benoît XVI,
apparaît chaque fois comme une réponse d'espérance.
Cette réponse attend du temps à venir que l'Écriture soit rendue superflue
en raison de la proximité immédiate du divin Maître en
l'homme même. Quand on entrevoit la réalisation future de cette idée,
il apparaît clairement qu'attribuer le titre d'« Écriture » aux seuls écrits
de l'Ancien Testament ne relève pas seulement d'une terminologie passagère,
imputable au manque d'écrits néotestamentaires, et qui n'aurait plus eu de
sens à partir de la deuxième moitié du IIe siècle, lorsqu'on a commencé à
établir le canon du Nouveau Testament. Il s'agit plutôt ici d'une conviction
dont le sens, depuis l'apparition d'un écrit néotestamentaire, est certes
plus difficile à admettre qu'auparavant, mais que l'on n'a cependant pas
aboli pour autant.
Une chose est claire : avec la nouvelle économie
du Salut initiée par la venue du Christ, la notion d'« Écriture » acquiert
une place différente de celle qu'elle possédait dans l'Ancien Testament.
Sous l'éclairage néotestamentaire, l'Ancien Testament apparaît comme «
Écriture » au sens propre du mot, ayant acquis sa vraie signification
par l'Événement du Christ, en se faisant incorporer dans la réalité vivante
du Christ. Si l'Écriture s'est développée de facto aussi dans le
Nouveau Testament, elle ne peut plus avoir le sens exclusif et conclusif qui
lui était donné, selon la conception paulinienne, dans l'Ancien Testament.
Au contraire, elle est plutôt l'instrument de l'ouverture de l'Ancien
Testament à l'espace ouvert de l'Événement christique.
Elle est l'élément subsistant de la nouvelle interprétation de l'Écriture à
partir du Christ. En tout cas, elle ne porte en elle aucune
prétention à l'autonomie, à un confinement dans l'exégèse; elle ne peut au
contraire subsister qu'au cœur de la réalité spirituelle de Jésus-Christ,
qui demeure auprès des siens tous les jours jusqu'à la fin du monde
(Mt 28,20) ; triomphant de sa mort sur la croix,
il est revenu dans l'Esprit Saint (comme l'explique saint
Jean), et par l'Esprit il dévoile aux disciples ce qu'auparavant
ils ne pouvaient pas encore porter, lorsque le Seigneur était encore visible
parmi eux (Jn 16,12).
à suivre :
Le Christ, la Révélation de Dieu
Source : La Parole de Dieu, cardinal
Ratzinger/Benoît XVI - (Traduit de
l'allemand par Monique Guisse)
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un document officiel