Jésus Christ, retrace Benoît XVI, n'est pas une
doctrine mais une Personne |
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Cité du Vatican, le 20 septembre 2007 -
(E.S.M.) - A l'occasion de sa
visite à l'abbaye de Heiligenkreuz le Saint-Père Benoît XVI a prononcé
un discours d'une singulière beauté. Ce fut, pour lui, l'occasion de
nous rappeler qu'une liturgie qui oublie de regarder vers Dieu vit, en
tant que telle, ses derniers moments. Par contre il n'est vraiment pas
téméraire de voir, dans une liturgie entièrement centrée sur Dieu, dans
les rites et dans les chants, une image de l'éternité, un fragment du ciel présent sur terre.
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Le pape Benoît XVI
entouré par les trappistes -
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Jésus Christ, retrace Benoît XVI, n'est pas une doctrine mais une Personne
VOYAGE APOSTOLIQUE
DU PAPE BENOÎT XVI
EN AUTRICHE
À L'OCCASION DU 850 ANNIVERSAIRE
DE LA FONDATION DU SANCTUAIRE DE MARIAZELL
VISITE À L'ABBAYE DE HEILIGENKREUZ
DISCOURS DU PAPE BENOÎT XVI
Révérend Père Abbé,
Vénérés confrères dans l'épiscopat,
Chers moines cisterciens de Heiligenkreuz,
Chers frères et sœurs de vie consacrée,
Éminents hôtes et amis du Monastère et de l'Académie,
Mesdames et Messieurs!
Au cours de mon pèlerinage à la Magna Mater Austriae, je suis heureux d'être
venu également à l'Abbaye de Heiligenkreuz, qui n'est pas seulement une
étape importante sur la Via Sacra vers Mariazell, mais également le plus
ancien monastère cistercien au monde qui est demeuré en activité sans
interruption. J'ai voulu venir en ce lieu riche d'histoire, pour attirer
l'attention sur la directive fondamentale de saint Benoît, selon la Regula
duquel vivent aussi les cisterciens. Benoît indique avec concision de "ne
rien placer avant l'Office divin" [1].
C'est pourquoi dans un monastère d'orientation bénédictine, les louanges à
Dieu, que les moines célèbrent en une solennelle prière chorale, ont
toujours la priorité. Bien sûr - et grâce à Dieu! - les moines ne sont pas
seuls à prier; d'autres personnes prient également: des enfants, des jeunes
et des personnes âgées, des hommes et des femmes, des personnes mariées ou
en âge de l'être - chaque chrétien prie, ou tout au moins devrait le faire,
rappelle le pape Benoît XVI !
Dans la vie des moines, toutefois, la prière a une importance particulière:
elle est le centre de leur tâche professionnelle. Ceux-ci, en effet,
exercent la profession d'orant. A l'époque des Pères de l'Eglise, la vie
monastique était définie comme une vie à la manière des anges. Et la
caractéristique essentielle des anges que l'on voyait en eux était d'être
des adorateurs. Leur vie est adoration. Cela devrait valoir également pour
les moines. Ceux-ci prient avant tout non pas pour telle ou telle autre
chose, mais simplement parce que Dieu mérite d'être adoré. "Confitemini
Domino, quoniam bonus ! - Rendez grâce au Seigneur car il est bon, car
éternel est son amour!" exhortent divers Psaumes (par ex. Ps 106, 1). Une
telle prière sans objectif spécifique, qui se veut un pur service divin est
donc appelée à juste titre "officium". C'est le "service" par excellence, le
"service sacré" des moines. Il est offert au Dieu trinitaire
qui, par dessus
toute chose, est digne "de recevoir l'honneur, la gloire et la puissance" (Ap
4, 11), parce qu'il a créé le monde de manière merveilleuse et de manière
plus merveilleuse encore il l'a renouvelé.
Dans le même temps, l'officium des personnes consacrées est également un
service sacré aux hommes et un témoignage pour eux. Chaque homme porte dans
l'intimité de son cœur, consciemment ou de manière inconsciente,
la
nostalgie d'une satisfaction définitive, du bonheur suprême, et donc au fond
de Dieu. Un monastère, où la communauté se réunit plusieurs fois par jour
pour louer Dieu, témoigne que ce désir humain originel ne finit pas dans le
néant : le Dieu Créateur ne nous a pas placés, nous les hommes, dans des
ténèbres effroyables où, procédant à tâtons, nous devrions désespérément
chercher un sens ultime et fondamental (cf. Ac 17, 27);
Dieu ne nous a pas
abandonnés dans un désert de néant, privé de sens, où, en définitive, nous
attend seulement la mort. Non ! Dieu a éclairé nos ténèbres avec sa lumière,
par l'œuvre de son Fils Jésus Christ. En Lui, Dieu est entré dans notre
monde avec toute sa "plénitude" (cf. Col 1, 19), en Lui, toute vérité, dont
nous avons la nostalgie, a son origine et son sommet [2].
Notre lumière, notre vérité, notre but, notre satisfaction, notre vie - tout
cela n'est pas une doctrine religieuse, mais une Personne: Jésus Christ.
Bien au-delà de nos capacités de chercher et de désirer Dieu, nous sommes
déjà auparavant cherchés et désirés, et plus encore, trouvés et rachetés par
Lui ! Le regard des hommes de tous les temps et de tous les peuples, de
toutes les philosophies, les religions et les cultures, rencontre en fin de
compte les yeux grands ouverts du Fils de Dieu crucifié et ressuscité; son
cœur ouvert est la plénitude de l'amour. Les yeux du Christ sont le regard
de Dieu qui aime. L'image du Crucifié au-dessus de l'autel, dont l'original
romain se trouve dans la Cathédrale de Sarzana, montre que ce regard se
tourne vers chaque homme. Le Seigneur en effet, regarde dans le cœur de
chacun de nous.
Le cœur du monachisme est l'adoration - une vie à la manière des anges. Mais
les moines étant des hommes de chair et de sang sur cette terre, saint
Benoît, à l'impératif central de l'"ora", en ajoute un second: le "labora".
Selon la conception de saint Benoît comme celle de saint Bernard, une partie
de la vie monastique, en plus de la prière, est aussi le travail, la culture
de la terre conformément à la volonté du Créateur. Ainsi, au fil de tous les
siècles, les moines, à partir de leur regard tourné vers Dieu, ont rendu la
terre vivable et belle. La sauvegarde et l'assainissement de la création
venaient précisément de leur regard tourné vers Dieu. A travers le rythme de
l'ora et labora, la communauté des personnes consacrées rend témoignage de
ce Dieu qui en Jésus Christ nous regarde, et l'homme et le monde, sous Son
regard, deviennent bons.
Non seulement les moines disent l'officium, mais l'Eglise a tiré de la
tradition monastique pour tous les religieux, ainsi que pour les prêtres et
les diacres, la récitation du Bréviaire. Il est bon ici aussi que les
religieuses et les religieux, les prêtres et les diacres - et naturellement
aussi les Evêques - dans la prière quotidienne "officielle", se présentent
devant Dieu avec des hymnes et des psaumes, avec des actions de grâce et des
requêtes sans objectifs spécifiques. (Liturgie
des Heures - c'est aussi pour tous les
chrétiens)
Chers confrères dans le ministère sacerdotal et diaconal, chers frères et
sœurs dans la vie consacrée! Je sais qu'il faut de la discipline, et même
parfois un dépassement de soi-même pour réciter fidèlement le Bréviaire;
mais à travers cet officium, nous recevons dans le même temps de nombreuses
richesses: combien de fois, lorsque nous le récitons, la fatigue et
l'abattement s'évanouissent ! Et lorsque Dieu est loué et adoré avec
fidélité, sa Bénédiction ne fait pas défaut. A juste titre, on dit en
Autriche: "Tout dépend de la Bénédiction de Dieu!".
Votre service prioritaire pour ce monde, exprime le pape Benoît XVI, doit donc être votre prière et la
célébration de l'Office divin. La disposition intérieure de chaque prêtre,
de chaque personne consacrée doit être de "ne rien placer avant l'Office
divin". La beauté d'une telle disposition intérieure s'exprimera
à travers
la beauté de la liturgie au point que là où, ensemble, nous chantons, nous
louons, nous exaltons et nous adorons Dieu, un fragment du ciel devient
présent sur terre. Il n'est vraiment pas téméraire de voir, dans une
liturgie entièrement centrée sur Dieu, dans les rites et dans les chants,
une image de l'éternité. Autrement, comment nos ancêtres auraient-ils pu, il
y a des centaines d'années, construire un édifice sacré aussi solennel que celui-ci ? L'architecture elle-même attire ici déjà vers le haut nos sens en
direction de "ce que l'œil n'a pas vu, ce que l'oreille n'a pas entendu, ce
qui n'est pas monté au cœur de l'homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux
qui l'aiment" (Cf. 1 Co 2, 9). Dans toute forme d'engagement au service de
la liturgie, un critère déterminant doit être le regard toujours tourné vers
Dieu. Nous sommes devant Dieu - Il nous parle, et nous Lui parlons. Lorsque,
dans les réflexions sur la liturgie, on se demande seulement comment la
rendre attirante, intéressante et belle, la partie est déjà perdue. Ou bien
elle est opus Dei avec Dieu comme sujet spécifique ou elle n'est pas. Dans
ce contexte, je vous demande: célébrez la sainte liturgie en ayant le regard
tourné vers Dieu dans la communion des Saints, de l'Eglise vivante de tous
les lieux et de tous les temps afin qu'elle devienne l'expression de la
beauté et de la sublimité de ce Dieu ami des hommes !
L'âme de la prière, enfin, est l'Esprit Saint. Chaque fois que nous prions,
en vérité, c'est toujours Lui qui "vient au secours de notre faiblesse, en
intercédant lui-même en des gémissements ineffables"
(cf. Rm 8, 26). En
ayant confiance dans cette parole de l'Apôtre Paul je vous assure, chers
frères et sœurs, que la prière suscitera en vous cet effet que l'on
exprimait jadis en appelant les prêtres et les personnes consacrées
simplement des "Geistliche" (c'est-à-dire des personnes spirituelles).
Monseigneur Sailer, l'Evêque de Ratisbonne dit un jour que les prêtres
devaient être avant tout des personnes spirituelles. Je serais heureux,
indique Benoît XVI, que
l'expression "Geistliche" retrouve un usage pus fréquent. Mais il est
surtout important que se réalise en nous la réalité que décrit ce terme: que
dans la sequela du Seigneur, en vertu de la force de l'Esprit, nous
devenions des personnes "spirituelles".
L'Autriche est, comme on le dit, véritablement "Klosterreich": au double
sens de royaume des monastères et riche de monastères. Vos très anciennes
abbayes, dont l'origine et les traditions remontent à plusieurs siècles,
sont des lieux de la "préférence donnée à Dieu". Chers confrères, vous
rendez tout à fait évidente cette priorité donnée à Dieu! Comme une oasis
spirituelle, un monastère indique au monde d'aujourd'hui la chose la plus
importante, et c'est même en fin de compte la seule chose décisive: il
existe une ultime raison pour laquelle il vaut la peine de vivre, qui est
Dieu et son amour impénétrable.
Et je vous demande, chers fidèles, de considérer vos abbayes et vos
monastères toujours pour ce qu'ils sont et ce qu'ils veulent être: pas
seulement des lieux de culture et de tradition, voire de simple entreprises
économiques. Structure, organisation et économie sont nécessaires dans
l'Eglise également, mais ce ne sont pas des choses essentielles.
Un
monastère est surtout ceci: un lieu de force spirituelle. En arrivant dans
l'un de vos monastères ici en Autriche, on a la même impression que lorsque,
après une longue marche dans les Alpes qui a coûté beaucoup d'effort, on
trouve finalement un ruisseau d'eau de source où se rafraîchir. Profitez
donc de ces sources de la proximité de Dieu dans votre pays, ayez de
l'estime pour les communautés religieuses, les monastères et les abbayes et
recourez au service spirituel que les personnes consacrées sont prêtes à
vous offrir !
Ma visite, enfin, s'adresse à l'Académie désormais pontificale qui fête le
205 anniversaire de sa fondation et qui, dans son nouveau statut, a reçu de
l'Abbé le nom supplémentaire de l'actuel Successeur de Pierre. Pour autant
que soit importante l'intégration de la discipline théologique dans l'universitas
du savoir à travers les facultés de théologie catholiques dans les
universités d'État, il est toutefois tout aussi important qu'il y ait des
lieux d'études aussi spécifiques que le vôtre, où est possible un lien
profond entre la théologie scientifique et la spiritualité vécue. Dieu, en
effet, n'est jamais simplement l'Objet de la théologie, il en est toujours
dans le même temps également le Sujet vivant. La théologie chrétienne, du
reste, n'est jamais un discours uniquement humain sur Dieu, mais elle est
toujours dans le même temps le Logos et la logique à travers lesquels Dieu
se révèle. C'est pourquoi l'intellectualité scientifique et la dévotion
vécue sont deux éléments de l'étude qui, dans une complémentarité
indispensable, dépendent l'une de l'autre.
Le père de l'Ordre cistercien, saint Bernard, a lutté en son temps contre la
séparation entre une rationalité qui objective et le courant de la
spiritualité ecclésiale. Notre situation actuelle, bien que différente,
présente toutefois aussi de remarquables similitudes. Dans le souci
d'obtenir la reconnaissance de rigueur scientifique au sens moderne, la
théologie peut perdre le souffle de la foi. Mais comme une liturgie qui
oublie de regarder vers Dieu vit, en tant que telle, ses derniers moments,
de même, une théologie qui ne respire plus dans l'espace de la foi, cesse
d'être théologie; elle finit par se réduire à une série de disciplines plus
ou moins reliées entre elles. Là où l'on pratique en revanche une "théologie
à genoux", comme le demandait Hans Urs von Balthasar [3], elle sera féconde
pour l'Eglise en Autriche et même au-delà.
Cette fécondité apparaît dans le soutien et dans la formation aux personnes
qui portent en elles un appel spirituel. Pour qu'aujourd'hui, un appel au
sacerdoce et à l'état religieux puisse être conservé fidèlement tout au long
de la vie, il faut une formation qui intègre la foi et la raison, le cœur et
l'esprit, la vie et la pensée. Une vie à la suite du Christ nécessite
l'implication de toute la personnalité. Lorsque l'on néglige la dimension
intellectuelle, naît trop facilement une forme de pieux sentiment d'amour
qui vit presque exclusivement d'émotions et d'états d'âme qui ne peuvent pas
durer toute la vie. Et lorsque l'on néglige la dimension spirituelle, on
crée un rationalisme raréfié, qui sur la base de la froideur et du
détachement, ne peut jamais déboucher sur un don enthousiaste de soi à Dieu.
On ne peut pas fonder une vie à la suite du Christ sur une telle vision
unilatérale; avec les demi-mesures on resterait personnellement insatisfait
et, par conséquent, peut-être aussi spirituellement stérile. Tout appel à la
vie religieuse ou au sacerdoce est un trésor si précieux que les
responsables doivent faire tout leur possible pour trouver les chemins de
formation adaptés afin de promouvoir ensemble fides et ratio - la foi et la
raison, le cœur et l'esprit.
Saint Léopold d'Autriche - nous venons de l'entendre - sur le conseil de son
fils, le Bienheureux Évêque Otton de Freising, qui fut mon prédécesseur sur
le siège épiscopal de Freising (à Freising on célèbre aujourd'hui sa fête)
fonda en 1133 votre abbaye, en lui donnant le nom de "Unsere Liebe Frau zum
Heiligen Kreuz" - Notre Dame de la Sainte Croix. Ce monastère n'est pas
dédié à la Vierge uniquement par tradition - comme tous les monastères
cisterciens -, mais ici brûle le feu marial de saint Bernard de Clairvaux.
Bernard qui entra au monastère avec 30 compagnons, est une sorte de Patron
des vocations spirituelles. Peut-être avait-il un ascendant si
enthousiasmant et si encourageant sur les nombreux jeunes de son époque
appelés par Dieu, parce qu'il était animé par une dévotion mariale
particulière. Là où est Marie, on trouve l'image primordiale du don total et
de la sequela du Christ. Là où est Marie, on trouve le souffle pente costal
de l'Esprit Saint, on trouve l'élan et le renouveau authentique.
Depuis ce lieu marial sur la Via Sacra, je souhaite à tous les lieux
spirituels en Autriche fécondité et capacité de rayonnement. Ici,
conclut le pape Benoît XVI, je
voudrais avant mon départ, comme déjà à Mariazell, demander encore une fois
à la Mère de Dieu d'intercéder pour toute l'Autriche. Avec les paroles de
saint Bernard, j'invite chacun à se faire avec confiance "enfant" devant
Marie, comme l'a fait le Fils de Dieu lui-même. Saint Bernard dit et nous
disons avec lui: "Regarde l'étoile, invoque Marie. Dans les périls dans
les angoisses, dans les incertitudes, pense à Marie, invoque Marie. Que son
nom ne s'éloigne pas de ta bouche, ne s'éloigne pas de ton cœur. En la
suivant, tu ne te perds pas, en la priant tu ne désespères pas, en pensant à
elle tu ne te trompes pas. Si elle te retient tu ne tombes pas; si elle te
protège, tu ne crains rien; si elle te guide, tu ne te fatigues pas, si elle
te concède sa faveur, tu parviens à tes fins" [4]
Notes
[1] Regula Benedicti 43, 3.
[2] Cf. Concile Vatican II, Gaudium et spes, n. 22.
[3] Cf. Hans Urs von Balthasar, Theologie und Heiligkeit, Aufsatz von 1948
in: Verbum Caro. Schriften zur Theologie I, Einsiedeln 1960, 195-224.
[4] Bernard de Clairvaux, In laudibus Virginis Matris, Homilia 2, 17.
Les
photos du voyage
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Suivre le voyage du saint
Père ►
Benoît XVI à Mariazell - du 7 au 9 septembre
2007
Sources: www.vatican.va -
E.S.M.
© Copyright 2007 - Libreria Editrice Vaticana - 09.09.07
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 20.09.2007 -
BENOÎT XVI - Vie consacrée - Sacerdoce |