Message de Benoît XVI pour la 43e
Journée Mondiale de la paix |
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Le 15 décembre 2009 -
(E.S.M.)
- Aujourd'hui mardi 15 décembre 2009, à 11h30, dans Salle
Jean-Paul II de la Salle de presse du
Saint-Siège, a eu lieu la Conférence de presse
de présentation du Message du Saint-Père Benoît
XVI pour le 43e Journée Mondiale de la Paix
célébrée le 1° janvier 2010 sur le thème : "Si
tu veux cultiver la paix, protège la création".
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Message de Benoît XVI pour la 43e
Journée Mondiale de la paix
Le 15 décembre 2009 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Aujourd'hui mardi 15 décembre 2009, à 11h30, dans Salle Jean-Paul II de la
Salle de presse du Saint-Siège, a eu lieu la Conférence de presse de
présentation du Message du Saint-Père Benoît XVI pour le 43e Journée
Mondiale de la Paix célébrée le 1° janvier 2010 sur le thème : "Si tu
veux cultiver la paix, protège la création".
MESSAGE DE SA SAINTETÉ
BENOÎT XVI
POUR LA CÉLÉBRATION DE LA
JOURNÉE MONDIALE DE LA PAIX
1er JANVIER 2010
SI TU VEUX CONSTRUIRE LA PAIX,
PROTEGE LA CREATION
1.Au début de cette nouvelle année, je désire adresser mes vœux de paix les
plus fervents à toutes les communautés chrétiennes, aux responsables des
Nations, aux hommes et aux femmes de bonne volonté du monde entier. J’ai
choisi comme thème pour cette XLIIIème Journée Mondiale de la Paix: Si tu
veux construire la paix, protège la création. Le respect de la création
revêt une grande importance, car « la création est le début et le
fondement de toutes les œuvres de Dieu »[1] et, aujourd’hui, sa
sauvegarde devient essentielle pour la coexistence pacifique de l’humanité.
Si, en effet, à cause de la cruauté de l’homme envers l’homme, nombreuses
sont les menaces qui mettent en péril la paix et le développement intégral
authentique de l’homme – guerres, conflits internationaux et régionaux,
actes terroristes et violations des droits de l’homme – les menaces
engendrées par le manque d’attention – voire même par les abus – vis-à-vis
de la terre et des biens naturels, qui sont un don de Dieu, ne sont pas
moins préoccupantes. C’est pour cette raison qu’il est indispensable que
l’humanité renouvelle et renforce « l’alliance entre l’être humain et
l’environnement, qui doit être le miroir de l’amour créateur de Dieu, de qui
nous venons et vers qui nous allons ».[2]
2. Dans l’Encyclique
Caritas in Veritate, j’ai souligné que le développement humain intégral
est étroitement lié aux devoirs qui découlent du rapport de l’homme avec
l’environnement naturel, considéré comme un don de Dieu fait à tous, dont
l’exploitation comporte une commune responsabilité à l’égard de l’humanité
tout entière, en particulier envers les pauvres et les générations à venir.
J’ai noté, en outre, que lorsque la nature et, en premier lieu, l’être
humain sont considérés simplement comme le fruit du hasard ou du
déterminisme de l’évolution, la conscience de cette responsabilité risque de
s’atténuer dans les esprits.[3] Au contraire, considérer la création comme
un don de Dieu à l’humanité nous aide à comprendre la vocation et la valeur
de l’homme. Avec le psalmiste, pleins d’émerveillement, nous pouvons
proclamer en effet: « À voir ton ciel, ouvrage de tes doigts, la lune et
les étoiles que tu fixas, qu’est-ce que l’homme pour que tu penses à lui, le
fils d’un homme, que tu en prennes souci? » (Ps 8,
4-5). Contempler la beauté de la création nous aide à reconnaître
l’amour du Créateur, Amour qui, comme l’écrit Dante Alighieri, « meut le
soleil et les autres étoiles ».[4]
3. Il y a vingt ans, en consacrant le Message de la Journée Mondiale de la
Paix au thème La paix avec Dieu créateur, la paix avec toute la création, le
Pape Jean-Paul II attirait l’attention sur la relation que nous avons, en
tant que créatures de Dieu, avec l’univers qui nous entoure. « À l’heure
actuelle, on constate – écrivait-il – une plus vive conscience des
menaces qui pèsent sur la paix mondiale […] à cause des atteintes au respect
dû à la nature ». Et il ajoutait que la conscience écologique ne doit
pas être freinée, mais plutôt favorisée, «en sorte qu’elle se développe et
mûrisse en trouvant dans des programmes et des initiatives concrets
l’expression qui convient».[5] Auparavant, d’autres parmi mes Prédécesseurs
avaient déjà fait allusion à la relation existant entre l’homme et
l’environnement. Par exemple, en 1971, à l’occasion du quatre-vingtième
anniversaire de l’Encyclique
Rerum Novarum
de Léon XIII, Paul VI avait souligné que «par une exploitation inconsidérée
de la nature, (l’homme) risque de la détruire et d’être, à son tour, la
victime de cette dégradation». Et il ajoutait qu’ainsi «non seulement
l’environnement matériel devient une menace permanente: pollutions et
déchets, nouvelles maladies, pouvoir destructeur absolu, mais c’est le cadre
humain que l’homme ne maîtrise plus, créant ainsi pour demain un
environnement qui pourra lui être intolérable: problème social d’envergure
qui regarde la famille humaine tout entière».[6]
4. Bien qu’évitant d’entrer dans des solutions techniques spécifiques,
l’Église, « experte en humanité », s’empresse de rappeler avec force
l’attention sur la relation entre le Créateur, l’être humain et la création.
En 1990, Jean-Paul II parlait de « crise écologique » et, en
soulignant que celle-ci avait un caractère principalement éthique, il
indiquait « la nécessité morale urgente d’une solidarité nouvelle
».[7] Cet appel est encore plus pressant aujourd’hui, face aux
manifestations croissantes d’une crise qu’il serait irresponsable de ne pas
prendre sérieusement en considération. Comment demeurer indifférents face
aux problématiques qui découlent de phénomènes tels que les changements
climatiques, la désertification, la dégradation et la perte de productivité
de vastes surfaces agricoles, la pollution des fleuves et des nappes
phréatiques, l’appauvrissement de la biodiversité, l’augmentation des
phénomènes naturels extrêmes, le déboisement des zones équatoriales et
tropicales? Comment négliger le phénomène grandissant de ce qu’on appelle
les «réfugiés de l’environnement»: ces personnes qui, à cause de la
dégradation de l’environnement où elles vivent, doivent l’abandonner –
souvent en même temps que leurs biens – pour affronter les dangers et les
inconnues d’un déplacement forcé? Comment ne pas réagir face aux conflits
réels et potentiels liés à l’accès aux ressources naturelles? Toutes ces
questions ont un profond impact sur l’exercice des droits humains, comme par
exemple le droit à la vie, à l’alimentation, à la santé, au développement.
5. Toutefois, il faut considérer que la crise écologique ne peut être
appréhendée séparément des questions qui s’y rattachent, étant profondément
liée au concept même de développement et à la vision de l’homme et de ses
relations avec ses semblables et avec la création. Il est donc sage d’opérer
une révision profonde et perspicace du modèle de développement, et de
réfléchir également sur le sens de l’économie et de ses objectifs, pour en
corriger les dysfonctionnements et les déséquilibres. L’état de santé
écologique de la planète l’exige; la crise culturelle et morale de l’homme
le requiert aussi et plus encore, crise dont les symptômes sont évidents
depuis un certain temps partout dans le monde.[8] L’humanité a besoin d’un
profond renouvellement culturel; elle a besoin de redécouvrir les valeurs
qui constituent le fondement solide sur lequel bâtir un avenir meilleur pour
tous. Les situations de crise qu’elle traverse actuellement – de nature
économique, alimentaire, environnementale ou sociale – sont, au fond, aussi
des crises morales liées les unes aux autres. Elles obligent à repenser le
cheminement commun des hommes. Elles contraignent, en particulier, à adopter
une manière de vivre basée sur la sobriété et la solidarité, avec de
nouvelles règles et des formes d’engagement s’appuyant avec confiance et
avec courage sur les expériences positives faites et rejetant avec décision
celles qui sont négatives. Ainsi seulement, la crise actuelle devient-elle
une occasion de discernement et de nouvelle planification.
6. N’est-il pas vrai qu’à l’origine de celle que nous appelons la «nature»
dans son sens cosmique, il y a « un dessein d’amour et de vérité »?
Le monde « n’est pas le fruit d’une nécessité quelconque, d’un destin
aveugle ou du hasard […]. Le monde tire son origine de la libre volonté de
Dieu, qui a voulu faire participer les créatures à son être, à sa sagesse et
à sa bonté ».[9] Dans ses premières pages, le Livre de la Genèse nous
reconduit au sage projet du cosmos, fruit de la pensée de Dieu, au sommet
duquel sont placés l’homme et la femme, créés à l’image et à la ressemblance
du Créateur pour «remplir la terre» et pour « la soumettre » comme
des « intendants » de Dieu lui-même (cf. Gn 1, 28).
L’harmonie entre le Créateur, l’humanité et la création, que l’Écriture
Sainte décrit, a été rompue par le péché d’Adam et d’Ève, de l’homme et de
la femme, qui ont désiré prendre la place de Dieu, refusant de se
reconnaître comme ses créatures. En conséquence, la tâche de « soumettre
» la terre, de la « cultiver et de la garder » a été altérée, et
entre eux et le reste de la création est né un conflit
(cf. Gn 3, 17-19). L’être humain s’est laissé dominer par
l’égoïsme, en perdant le sens du mandat divin, et dans sa relation avec la
création, il s’est comporté comme un exploiteur, voulant exercer sur elle
une domination absolue. Toutefois, la véritable signification du
commandement premier de Dieu, bien mis en évidence dans le Livre de la
Genèse, ne consistait pas en une simple attribution d’autorité, mais plutôt
en un appel à la responsabilité. Du reste, la sagesse des anciens
reconnaissait que la nature est à notre disposition, non pas comme « un
tas de choses répandues au hasard »,[10] alors que la Révélation
biblique nous a fait comprendre que la nature est un don du Créateur, qui en
a indiqué les lois intrinsèques, afin que l’homme puisse en tirer les
orientations nécessaires pour « la garder et la cultiver »
(cf. Gn 2, 15).[11] Tout ce qui existe appartient
à Dieu, qui l’a confié aux hommes, mais non pour qu’ils en disposent
arbitrairement. Quand, au lieu d’accomplir son rôle de collaborateur de
Dieu, l’homme se substitue à Lui, il finit par provoquer la rébellion de la
nature « plus tyrannisée que gouvernée par lui ».[12] L’homme a donc
le devoir d’exercer un gouvernement responsable de la création, en la
protégeant et en la cultivant.[13]
7. Malheureusement, on doit constater qu’une multitude de personnes, dans
divers pays et régions de la planète, connaissent des difficultés toujours
plus grandes à cause de la négligence ou du refus de beaucoup de veiller de
façon responsable sur l’environnement. Le Concile œcuménique Vatican II a
rappelé que « Dieu a destiné la terre et tout ce qu’elle contient à
l’usage de tous les hommes et de tous les peuples ».[14] L’héritage de
la création appartient donc à l’humanité tout entière. Par contre, le rythme
actuel d’exploitation met sérieusement en danger la disponibilité de
certaines ressources naturelles non seulement pour la génération présente,
mais surtout pour les générations futures.[15] Il n’est pas difficile dès
lors de constater que la dégradation de l’environnement est souvent le
résultat du manque de projets politiques à long terme ou de la poursuite
d’intérêts économiques aveugles, qui se transforment, malheureusement, en
une sérieuse menace envers la création. Pour contrer ce phénomène, en
s’appuyant sur le fait que « toute décision économique a une conséquence
de caractère moral »,[16] il est aussi nécessaire que l’activité
économique respecte davantage l’environnement. Quand on utilise des
ressources naturelles, il faut se préoccuper de leur sauvegarde, en en
prévoyant aussi les coûts – en termes environnementaux et sociaux –, qui
sont à évaluer comme un aspect essentiel des coûts mêmes de l’activité
économique. Il revient à la communauté internationale et aux gouvernements
de chaque pays de donner de justes indications pour s’opposer de manière
efficace aux modes d’exploitation de l’environnement qui lui sont nuisibles.
Pour protéger l’environnement, pour sauvegarder les ressources et le climat,
il convient, d’une part, d’agir dans le respect de normes bien définies,
également du point de vue juridique et économique, et, d’autre part, de
tenir compte de la solidarité due à ceux qui habitent les régions plus
pauvres de la terre et aux générations futures.
8. La mise en place d’une solidarité intergénérationnelle loyale semble en
effet urgente. Les coûts découlant de l’usage des ressources
environnementales communes ne peuvent être à la charge des générations
futures: « Héritiers des générations passées et bénéficiaires du travail
de nos contemporains, nous avons des obligations envers tous, et nous ne
pouvons nous désintéresser de ceux qui viendront agrandir après nous le
cercle de la famille humaine. La solidarité universelle qui est un fait, et
un bénéfice pour nous, est aussi un devoir. Il s’agit d’une responsabilité
que les générations présentes ont envers les générations à venir, une
responsabilité qui appartient aussi aux Etats individuellement et à la
Communauté internationale ».[17] L’usage des ressources naturelles
devrait être tel que les avantages immédiats ne comportent pas de
conséquences négatives pour les êtres vivants, humains et autres, présents
et futurs; que la sauvegarde de la propriété privée ne fasse pas obstacle à
la destination universelle des biens;[18] que l’intervention de l’homme ne
compromette pas la fécondité de la terre, pour le bien d’aujourd’hui et
celui de demain. Au-delà d’une loyale solidarité intergénérationnelle,
l’urgente nécessité morale d’une solidarité intra-générationnelle renouvelée
doit être réaffirmée, spécialement dans les relations entre les pays en voie
de développement et les pays hautement industrialisés: « la communauté
internationale a le devoir impératif de trouver les voies institutionnelles
pour réglementer l’exploitation des ressources non renouvelables, en accord
avec les pays pauvres, afin de planifier ensemble l’avenir ».[19] La
crise écologique montre l’urgence d’une solidarité qui se déploie dans
l’espace et le temps. Il est en effet important de reconnaître, parmi les
causes de la crise écologique actuelle, la responsabilité historique des
pays industrialisés. Les pays moins développés, et en particulier les pays
émergents, ne sont pas toutefois exonérés de leur propre responsabilité par
rapport à la création, parce que tous ont le devoir d’adopter graduellement
des mesures et des politiques environnementales efficaces. Ceci pourrait se
réaliser plus facilement s’il y avait des calculs moins intéressés dans
l’assistance, dans la transmission des connaissances et l’utilisation de
technologies plus respectueuses de l’environnement.
9. Il est hors de doute que l’un des points principaux que la communauté
internationale doit affronter, est celui des ressources énergétiques en
trouvant des stratégies communes et durables pour satisfaire les besoins en
énergie de cette génération et des générations futures. A cette fin, il est
nécessaire que les sociétés technologiquement avancées soient disposées à
favoriser des comportements plus sobres, réduisant leurs propres besoins
d’énergie et améliorant les conditions de son utilisation. Simultanément, il
convient de promouvoir la recherche et l’application d’énergies dont
l’impact environnemental est moindre et la « redistribution planétaire
des ressources énergétiques … afin que les pays qui n’en ont pas puissent y
accéder ».[20] La crise écologique offre donc une opportunité historique
pour élaborer une réponse collective destinée à convertir le modèle de
développement global selon une orientation plus respectueuse de la création
et en faveur du développement humain intégral, s’inspirant des valeurs
propres de la charité dans la vérité. Je souhaite donc l’adoption d’un
modèle de développement basé sur le caractère central de l’être humain, sur
la promotion et le partage du bien commun, sur la responsabilité, sur la
conscience d’un changement nécessaire des styles de vie et sur la prudence,
vertu qui indique les actes à accomplir aujourd’hui en prévision de ce qui
peut arriver demain.[21]
10. Afin de conduire l’humanité vers une gestion d’ensemble plus durable de
l’environnement et des ressources de la planète, l’homme est appelé à
engager son intelligence dans le domaine de la recherche scientifique et
technologique et dans l’application des découvertes qui en découlent. La «
nouvelle solidarité » que Jean-Paul II propose dans le Message pour
la Journée Mondiale de la Paix de 1990,[22] et la «solidarité mondiale» à
laquelle j’ai moi-même fait appel dans le Message pour la Journée Mondiale
de la Paix de 2009,[23] sont des attitudes essentielles pour orienter les
efforts en vue de la sauvegarde de la création, par un système de gestion
des ressources de la terre mieux coordonné au niveau international, surtout
au moment où apparaît, de façon toujours plus évidente, la forte relation
qui existe entre la lutte contre la dégradation environnementale et la
promotion du développement humain intégral. Il s’agit d’une dynamique
incontournable, car « le développement intégral de l’homme ne peut aller
sans le développement solidaire de l’humanité ».[24] Nombreux sont
aujourd’hui les possibilités scientifiques et les chemins d’innovation
potentiels, grâce auxquels il serait possible de fournir des solutions
satisfaisantes et harmonieuses à la relation de l’homme avec
l’environnement. Par exemple, il faut encourager les recherches orientées
vers la découverte de procédés plus efficaces pour utiliser les grandes
potentialités de l’énergie solaire. Une attention soutenue doit également
être portée au problème désormais planétaire de l’eau et à l’ensemble du
système hydrogéologique, dont le cycle revêt une importance primordiale pour
la vie sur la terre et dont la stabilité risque d’être fortement menacée par
les changements climatiques. De même, des stratégies ajustées de
développement rural, centrées sur les petits cultivateurs et sur leurs
familles, doivent être explorées, de même il faut aussi préparer des
politiques appropriées pour la gestion des forêts, pour l’élimination des
déchets, pour la valorisation des synergies existantes entre l’opposition
aux changements climatiques et la lutte contre la pauvreté. Il faut des
politiques nationales ambitieuses, accompagnées par un engagement
international qui apportera d’importants avantages surtout à moyen et long
terme. Il est nécessaire, enfin, de sortir de la logique de la seule
consommation pour promouvoir des formes de production agricole et
industrielle respectueuses de l’ordre de la création et satisfaisantes pour
les besoins essentiels de tous. La question écologique ne doit pas être
affrontée seulement en raison des perspectives effrayantes que la
dégradation environnementale dessine à l’horizon; c’est la recherche d’une
authentique solidarité à l’échelle mondiale, inspirée par les valeurs de la
charité, de la justice et du bien commun, qui doit surtout la motiver.
D’ailleurs, comme j’ai déjà eu l’occasion de le rappeler, « la technique
n’est jamais purement technique. Elle montre l’homme et ses aspirations au
développement, elle exprime la tendance de l’esprit humain au dépassement
progressif de certains conditionnements matériels. La technique s’inscrit
donc dans la mission de « cultiver et de garder la terre »
(cf. Gn 2, 15), que Dieu a confiée à l’homme, et elle doit
tendre à renforcer l’alliance entre l’être humain et l’environnement appelé
à être le reflet de l’amour créateur de Dieu ».[25]
11. Il apparaît toujours plus clairement que le thème de la dégradation
environnementale met en cause les comportements de chacun de nous, les
styles de vie et les modèles de consommation et de production actuellement
dominants, souvent indéfendables du point de vue social, environnemental et
même économique. Un changement effectif de mentalité qui pousse chacun à
adopter de nouveaux styles de vie, selon lesquels « les éléments qui
déterminent les choix de consommation, d’épargne et d’investissement soient
la recherche du vrai, du beau et du bon, ainsi que la communion avec les
autres hommes pour une croissance commune »,[26] devient désormais
indispensable. On doit toujours plus éduquer à construire la paix à partir
de choix de grande envergure au niveau personnel, familial, communautaire et
politique. Nous sommes tous responsables de la protection et du soin de la
création. Cette responsabilité ne connaît pas de frontières. Selon le
principe de subsidiarité, il est important que chacun s’engage à son propre
niveau, travaillant afin que soit dépassée la suprématie des intérêts
particuliers. Un rôle de sensibilisation et de formation incombe en
particulier aux divers sujets de la société civile et aux Organisations
non-gouvernementales, qui se dépensent avec détermination et générosité à
l’expansion d’une responsabilité écologique, qui devrait être toujours plus
attachée au respect de «l’écologie humaine». Il faut, en outre, rappeler la
responsabilité des médias dans ce domaine en proposant des modèles positifs
dont on puisse s’inspirer. S’occuper de l’environnement demande donc une
vision large et globale du monde; un effort commun et responsable pour
passer d’une logique centrée sur l’intérêt nationaliste égoïste à une vision
qui embrasse toujours les besoins de tous les peuples. On ne peut rester
indifférents à ce qui arrive autour de nous, parce que la détérioration de
n’importe quelle partie de la planète retomberait sur tous. Les relations
entre les personnes, les groupes sociaux et les États, comme entre l’homme
et l’environnement, sont appelées à prendre le style du respect et de la
«charité dans la vérité». Dans ce vaste contexte, il est plus que jamais
souhaitable que les efforts de la communauté internationale visant à obtenir
un désarmement progressif et un monde privé d’armes nucléaires – dont la
seule présence menace la vie de la planète et le processus de développement
intégral de l’humanité actuelle et future – se concrétisent et trouvent un
consensus.
12. L’Église a une responsabilité vis-à-vis de la création et elle pense
qu’elle doit l’exercer également dans le domaine public, pour défendre la
terre, l’eau et l’air, dons du Dieu Créateur à tous, et, avant tout, pour
protéger l’homme du danger de sa propre destruction. La dégradation de la
nature est, en effet, étroitement liée à la culture qui façonne la
communauté humaine, c’est pourquoi « quand l’“écologie humaine” est
respectée dans la société, l’écologie proprement dite en tire aussi avantage
».[27] On ne peut exiger des jeunes qu’ils respectent l’environnement, si on
ne les aide pas, en famille et dans la société, à se respecter eux-mêmes: le
livre de la nature est unique, aussi bien à propos de l’environnement que de
l’éthique personnelle, familiale et sociale.[28] Les devoirs vis-à-vis de
l’environnement découlent des devoirs vis-à-vis de la personne considérée en
elle-même, et en relation avec les autres. J’encourage donc volontiers
l’éducation à une responsabilité écologique, qui, comme je l’ai indiqué dans
l’encyclique
Caritas in Veritate, préserve une authentique « écologie humaine
», et affirme ensuite avec une conviction renouvelée l’inviolabilité de la
vie humaine à toutes ses étapes et quelle que soit sa condition, la dignité
de la personne et la mission irremplaçable de la famille, au sein de
laquelle on est éduqué à l’amour envers le prochain et au respect de la
nature.[29] Il faut sauvegarder le patrimoine humain de la société. Ce
patrimoine de valeurs a son origine et est inscrit dans la loi morale
naturelle, qui est à la base du respect de la personne humaine et de la
création.
13. Enfin, un fait hautement significatif à ne pas oublier est que beaucoup
trouvent la tranquillité et la paix, se sentent renouvelés et fortifiés,
lorsqu’ils sont en contact étroit avec la beauté et l’harmonie de la nature.
Il existe donc une sorte de réciprocité: si nous prenons soin de la
création, nous constatons que Dieu, par l’intermédiaire de la création,
prend soin de nous. Par ailleurs, une conception correcte de la relation de
l’homme avec l’environnement ne conduit pas à absolutiser la nature ni à la
considérer comme plus importante que la personne elle-même. Si le Magistère
de l’Église exprime sa perplexité face à une conception de l’environnement
qui s’inspire de l’éco-centrisme et du bio-centrisme, il le fait parce que
cette conception élimine la différence ontologique et axiologique qui existe
entre la personne humaine et les autres êtres vivants. De cette manière, on
en arrive à éliminer l’identité et la vocation supérieure de l’homme, en
favorisant une vision égalitariste de la «dignité» de tous les êtres
vivants. On se prête ainsi à un nouveau panthéisme aux accents néo-païens
qui font découler le salut de l’homme de la seule nature, en son sens
purement naturaliste. L’Église invite au contraire à aborder la question de
façon équilibrée, dans le respect de la «grammaire» que le Créateur a
inscrite dans son œuvre, en confiant à l’homme le rôle de gardien et
d’administrateur responsable de la création, rôle dont il ne doit certes pas
abuser, mais auquel il ne peut se dérober. En effet, la position contraire
qui absolutise la technique et le pouvoir humain, finit par être aussi une
grave atteinte non seulement à la nature, mais encore à la dignité humaine
elle-même.[30]
14. Si tu veux construire la paix, protège la création. La recherche de la
paix de la part de tous les hommes de bonne volonté sera sans nul doute
facilitée par la reconnaissance commune du rapport indissoluble qui existe
entre Dieu, les êtres humains et la création tout entière. Les chrétiens,
illuminés par la Révélation divine et suivant la Tradition de l’Église,
offrent leur contribution propre. Ils considèrent le cosmos et ses
merveilles à la lumière de l’œuvre créatrice du Père et rédemptrice du
Christ qui, par sa mort et sa résurrection, a « tout réconcilié […] sur
la terre et dans les cieux » (Col 1, 20)
avec Dieu. Le Christ, crucifié et ressuscité, a fait don à l’humanité de son
Esprit sanctificateur, qui conduit le cours de l’histoire, dans l’attente du
jour où le retour glorieux du Seigneur inaugurera «un ciel nouveau et une
terre nouvelle» (2 P 3, 13) où résideront pour
toujours la justice et la paix. Toute personne a donc le devoir de protéger
l’environnement naturel pour construire un monde pacifique. C’est là un défi
urgent à relever par un engagement commun renouvelé. C’est aussi une
opportunité providentielle pour offrir aux nouvelles générations la
perspective d’un avenir meilleur pour tous. Que les responsables des nations
et tous ceux qui, à tous les niveaux, prennent à cœur les destinées de
l’humanité en soient conscients: la sauvegarde de la création et la
réalisation de la paix sont des réalités étroitement liées entre elles!
C’est pourquoi, j’invite tous les croyants à élever leur fervente prière
vers Dieu, Créateur tout-puissant et Père miséricordieux, afin qu’au cœur de
tout homme et de toute femme résonne, soit accueilli et vécu cet appel
pressant: Si tu veux construire la paix, protège la création.
Du Vatican, le 8 décembre 2009.
BENEDICTUS PP. XVI
Notes :
[1] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 198.
[2] Benoit XVI, Message pour la Journée Mondiale de la Paix, 2008, n.7.
[3] Cf. n. 48.
[4] La Divine Comédie, Paradis, XXXIII, 145.
[5] Message pour la Journée Mondiale de la Paix, 1er janvier 1990, n. 1.
[6] Lett. apost. Octogesima adveniens, n.21.
[7] Message pour la Journée Mondiale de la Paix, n.10.
[8] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 32.
[9] Catéchisme de l’Église Catholique, n. 295.
[10] Héraclite d’Éphèse (535 av. JC env. – 475 av. JC env. ) Fragment
22B124, in H. Diels-W. Kranz, Die Fragmente der Vorsokratiker,Weidmann,
Berlin 19526.
[11] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 48.
[12] Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus, n. 37.
[13] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 50.
[14] Const. Past. Gaudium et Spes, n.69.
[15] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Sollecitudo rei socialis, n. 34.
[16] Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 37.
[17] Conseil pontifical Justice et Paix, Compendium de la Doctrine sociale
de l’Eglise, n. 467. Cf. Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio, n. 17.
[18] Cf. Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus, nn. 30-31, 43.
[19] Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 49
[20] Ibid.
[21] Cf. Saint Thomas d’Aquin, S. Th., II.II, q. 49, 5.
[22] Cf. n. 9.
[23] Cf. n. 8.
[24] Paul VI, Lett. enc. Populorum progressio, n. 43.
[25] Lett. enc. Caritas in veritate, n. 69.
[26] Jean-Paul II, Lett. enc. Centesimus annus, n. 36.
[27] Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 51.
[28] Cf. Ibid. , nn. 15, 51.
[29] Cf. Ibid., nn. 28, 51, 61;Jean -Paul II, Lett. Enc. Centesimus annus,
nn. 38, 39.
[30] Cf. Benoît XVI, Lett. enc. Caritas in veritate, n. 70.
[Allemand,
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Sources : www.vatican.va
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E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 15.12.2008 -
T/Benoît XVI
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