Décidément, Benoît XVI n'est pas un
libéral... |
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Le 13 juillet 2009 -
(E.S.M.)
- Benoît XVI, comme souvent l'Eglise l'a été, est peut être
simplement un petit peu en avance. Elle ne cherche ni à détruire
les nation ni à relativiser les identités. Une analyse de
Caritas in Veritate de l'abbé Guillaume de Tanoüarn, lue sur son
blog : ab2t.blogspot.
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Décidément, Benoît XVI n'est pas un
libéral...
Par l'abbé Guillaume de Tanoüarn
Le 13 juillet 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Mon camarade Daniel Hamiche, avec lequel je viens d'avoir une conversation
profitable, au moment où je finissais la lecture précise de cette encyclique
fleuve,
Caritas
in Veritate, m'explique que George Weigel, biographe attitré de
Jean Paul II s'en étouffe... Il faut dire que toute l'encyclique semble
écrite pour stigmatiser l'autonomie du Marché comme une catastrophe ; non
seulement une catastrophe, mais la catastrophe telle que nous la voyons se
déployer, oui la crise... La crise est la crise du libéralisme économique et
de l'autonomie du Marché...
Oh ! Le Marché n'est pas mauvais en soi : "Lorsqu'il est fondé sur la
confiance, le Marché est l'institution économique qui permet aux personnes
de se rencontrer, en tant qu'agents économiques, utilisant le contrat pour
régler leurs relations et échangeant des biens et des services fongibles
entre eux pour satisfaire leurs besoins et leurs désirs"
(n°35). On remarquera le caractère très classique de cette
définition du Marché, qui met la réalité définie à l'abri de toute mise en
question délirante. Le Marché est un fait. Il contribue à l'humanisation de
l'homme en satisfaisant non seulement ses besoins élémentaires, mais ses
désirs. Bref le Marché libre est un élément fondamental de la culture
humaine.
Mais ce Marché qui est libre par hypothèse, n'est pas pour autant un Marché
autonome, qui se donnerait à lui-même sa loi ou qui donnerait à l'Humanité
tout entière la seule Loi dont personne ne puisse mettre en cause le
tranchant et l'airain, vous savez : "la loi du Marché"...
Plus important que la loi du Marché ? Pour Benoît XVI, "la dignité de la
personne et les exigences de la justice demandent aujourd'hui surtout que
les choix économiques ne fassent pas augmenter de façon excessive et
moralement inacceptable les écarts de richesse et que l'on continue à se
donner comme objectif prioritaire l'accès au travail et son maintien pour
tous". Ecrivant cela, Benoît XVI renvoie en note au n°33 de
Populorum Progressio, dont Caritas in Veritate célèbre la mémoire ; Paul VI était très
clair dans ce texte : "La seule initiative individuelle et le simple jeu
de la concurrence ne sauraient assurer le succès du développement. il ne
faut pas risquer d'accroître encore la richesse des riches et la puissance
des forts, en confirmant la misère des pauvres et en ajoutant à la servitude
des opprimés".
Paul VI rejoignait une vieille tradition remontant au XIXème siècle. Je
pense à Lacordaire tonnant du haut de la Chaire de Notre Dame : "Entre le
maître et l'esclave, entre le patron et l'ouvrier, c'est la liberté qui
opprime et la loi qui affranchi". Paul VI d'ailleurs poursuit en
demandant un affermissement des réglementation, c'est-à-dire "des
programmes, nécessaires pour encourager, stimuler, coordonner, suppléer et
intégrer", reprenant d'ailleurs textuellement un vœu de Jean XXIII dans
Mater et magistra.
Benoît XVI ne dit pas autre chose : "La sphère économique, écrit-il
(comprenez : le Marché), n'est par nature ni
éthiquement neutre ni inhumaine et antisociale. Elle appartient à l'activité
de l'homme et justement parce qu'humaine, elle doit être structurée et
organisée institutionnellement de façon éthique"
(n°36). Structuration, organisation, on est loin de la théorie de
la Main invisible d'Adam Smith. Le Marché n'est pas la Providence, il faut
se rendre à l'évidence. S'il n'est pas structuré et organisé, il ne produira
pas de lui-même les "harmonies économiques" chères à Frédéric Bastiat...
Quel dommage Madame Chombier : le Marché n'a rien à voir avec une tire lire
ouverte à tous ni non plus (pour antiquiser ou classiciser
mon propos) avec une corne d'abondance. Le Marché ? Décidément ce
n'est pas la valise RTL, n'en déplaise au reagano-thatchéristes
indécrottables La meilleure preuve en est d'ailleurs la crise économique que
nous traversons, directement liée à la dérégulation américaine de
l'immobilier et des prêts y afférant et à la confiance indue placée dans
toutes les bulles spéculatives imaginables.
J'entends déjà certains de mes lecteurs me dire : mais alors, si Benoît XVI
n'est pas libéral, si pour lui la première urgence c'est de structurer et
d'organiser le Marché, alors... il est... socialiste. Ne l'est-il pas quand
il stigmatise les écarts de richesse et quand il revendique comme objectif
prioritaire la satisfaction d'un droit de tous au travail ?
Je suis au regret de dire à ces lecteurs que je n'ai pas vu l'ombre d'une
apologie du collectivisme que ce soit l'appropriation collective des moyens
de production ou l'appel à développer une fumeuse propriété collective, non,
je n'ai rien vu de tout cela dans l'encyclique. Benoît XVI n'est pas
socialiste...
Simplement il se présente devant les chrétiens et devant l'humanité tout
entière en ayant pris acte de la crise économique. C'est elle qui oblige à
reparler de régulation et de structuration toute personne un peu sensée : "La
crise nous oblige à reconsidérer notre itinéraire, à nous donner de
nouvelles règles, à trouver de nouvelles formes d'engagement, à miser sur
les expériences positives et à rejeter celles qui sont négatives. Elle
devient ainsi une occasion de discernement et elle met en capacité
d'élaborer de nouveaux projets" (n°21).
Nouveaux projets ? Il ne s'agit à l'évidence pas du vieux socialisme, même
repeint aux couleurs du XXIème siècle. Benoît XVI se trouve encore et
toujours dans le Ni... Ni..., ni libéral ni socialiste, cher à tous les
papes depuis Léon XIII.
Mais qu'est-ce qui est nouveau dans la position de Benoît XVI ? Il me semble
que c'est ce qu'il précise lui-même au n°32 déjà cité. Alors que l'on aurait
pu contester certains aspects de l'enseignement de l'Eglise, comme marquant
une sorte d'irréalisme antiéconomique, Benoît XVI adhère, lui, explicitement
à ce qu'il nomme la "raison économique". Il accepte que la doctrine sociale
de l'Eglise ne se place pas dans un devoir être proche de l'utopie (cf. Paul
VI : Octogesimo adveniens n°36, louant "cette forme de critique de la
société existante qui provoque la raison prospective pour percevoir dans le
présent le futur ignoré et pour orienter vers un avenir neuf" et qui note
que "soutenant la dynamique sociale par la confiance", cette critique
"rencontre l'esprit chrétien").
Pour Benoît XVI, l'Eglise ne s'en remet pas à l'avenir et affronte la
réalité d'aujourd'hui avec son urgence (il cite en latin saint Paul :
Caritas Christi urget nos). La raison économique nous force à prendre en
compte non seulement le court-termisme auquel nous oblige la Loi du Marché
(n°32 in fi.) mais des motifs humains à plus
long terme dont l'incidence sur l'économie réelle est tout aussi importante
: exemple ? "L'augmentation massive de la pauvreté"
(qu'engendre par exemple l'obsession occidentale du low cost) "a
un impact négatif sur le plan économique à travers l'érosion du capital
social". Ce que les néo-libéraux n'ont pas compris c'est que seule la
prospérité des sociétés, en Occident mais aussi dans les pays émergents et
encore dans les pays moins développés représentait "un capital social",
une richesse dont le Marché lui-même a besoin.
Astreint à la Loi d'airain du court-termisme, le Marché plonge dans la
crise. Un peu plus loin le pape revient sur cette idée : "Abandonné au
seul principe de l'équivalence de valeur des biens échangés, le marché
n'arrive pas à produire la cohésion sociale dont par ailleurs il a besoin
pour bien fonctionner". Laissé à lui-même, le Marché se détruit. Il faut
le défendre, en quelque sorte contre lui-même et cesser d'opposer le
"social" à "l'économique", alors que l'un ne va pas sans l'autre.
De quoi a besoin le Marché, en dehors des impératifs immédiats de
rentabilité, qui trop souvent sont seuls pris en compte ? Il a besoin de
confiance (n°35 in medio). Et il a besoin de
richesses ou de ce que le pape appelle "le capital social"
(parenthèse : on retrouve là implicitement le vieux raisonnement de Marx sur
la paupérisation universelle comme fin du capitalisme). Pour
faire naître et cette confiance et ce capital social stable, "le Marché
ne peut pas compter seulement sur lui-même, il a besoin d'autres sujets qui
sont capables de les faire naître" (n°35 in fi.).
Bref l'Eglise, avec 'd'autres sujets', se propose de défendre le Marché
contre lui-même et contre "l'horreur économique", contre les horreurs
du court-termisme et de la loi du Marché (rentabilité à tout prix). Elle
entend contribuer à susciter la confiance et l'honnêteté nécessaires au
développement de l'économie de marché dans laquelle nous nous trouvons.
Mais que pouvons nous opposer à l'exigence de rendement immédiat qui règne,
on le comprend sur les entreprises ? Les Etats d'abord, qui selon Benoît XVI
doivent jouer tout leur rôle, au service de l'homme. Mais "à notre
époque, l'Etat se trouve dans la situation de devoir faire face aux limites
que pose à sa souveraineté le nouveau contexte commercial et financier
international, marqué par une mobilité croissante des capitaux financiers et
des moyens de production matériels et immatériels"
(n°24). Même si son rôle doit être réévalué (ibid), cette
réévaluation ne suffira pas pour s'opposer à ce que la Vielle droite
appelait naguère "la fortune anonyme et vagabonde". Comment les Etats
nationaux pourraient ils à eux seuls faire face à l'internationalisation de
la problématique économique. Certes il ya les organismes internationaux,
mais ce sont des technostructures dont Benoît XVI critique à plusieurs
reprises le fonctionnement, déplorant leur manque de transparence et leur
manque d'efficacité. Il souligne le possible avènement d'une idéologie
technocratique (par ex. n°70).
Contre cette perspective, il importe de trouver "des hommes" qui
soient "des hommes droits" (n°71). Sans
eux, "le développement est impossible" déclare le pape. Mais à quoi
correspondent ces hommes qui ne sont pas des structures anonymes, sinon à
l'invention d'un nouveau degré du politique. Face à la fortune anonyme et
vagabonde, il importe que se dresse "une autorité mondiale"
(n°67), polyarchique et subsidiaire, réellement
politique et non technocratique, dont le rôle serait manifestement de
discipliner le Marché en en faisant le lieu du véritable développement.
Utopie ? Dites vous. C'est peut-être surtout une nécessité que l'on n'a pas
encore perçue mais qui s'affirmera toujours d'avantage face à l'horreur
économique. Cette question de l'autorité mondiale est suscitée par la
mondialisation technologique et commerciale de l'économie, face à laquelle
l'Etat nation ou la réunion des Etats nation ne peuvent rien entreprendre.
Benoît XVI, comme souvent l'Eglise l'a été, est peut être simplement un
petit peu en avance. Elle ne cherche ni à détruire les nation ni à
relativiser les identités (le problème des flux
migratoires est d'ailleurs de ceux que cette autorité mondiale aurait sans
doute à résoudre, tant ils apparaissent insolubles pour les seuls Etats
nations).
Allez... disons que l'Eglise de ce pape de 85 ans, sauvé par l'Espérance, a
sans doute 20 ans d'avance !
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Caritas in Veritate, l'encyclique sociale du pape Benoît XVI
►
Introduction et Ier chapitre : Le
message de Populorum Progressio
►
IIème chapitre : Le développement humain
aujourd'hui
►
IIIème chapitre : Fraternité,
développement économique et société civile
►
IVème chapitre : Développement des
peuples, droits et devoirs, environnement
►
Vème chapitre : La collaboration de la
famille humaine
►
VIème chapitre et conclusion : Le développement des peuples et
la technique
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Sources : ab2t.blogspot
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un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.07.09 -
T/Caritas in Veritate |