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Bergoglio, le pape noir vêtu de blanc
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Le 13 juin 2013 -
(E.S.M.)
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Il gouverne l'Église comme un général des jésuites. Il écoute,
mais il décide tout seul. Un homme de McKinsey également appelé à
étudier la réforme de la curie, que le pape François veut
débarrasser de la corruption et du "lobby gay"
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Représentants de la
Confédération des Religieux et Religieuses d’Amérique Latine et des Caraïbes
Bergoglio, le "pape noir" vêtu de blanc
par Sandro Magister
Le 13 juin 2013 - E.
S. M. -
Il ne manquait plus qu’un gourou de McKinsey pour
élaborer cette réforme de la curie que tout le monde attend du pape
François. Eh bien il est arrivé.
Il s’appelle Thomas von Mitschke-Collande, il est allemand et il a dirigé la
filiale munichoise de la société de conseil en management la plus connue et
la plus mystérieuse du monde.
En matière d’Église, il connaît bien son affaire. L'année dernière, il a
publié un livre au titre peu rassurant : "L’Église veut-elle se supprimer ?
Les faits et les analyses d’un consultant en entreprise". Le diocèse de
Berlin s’est adressé à lui pour remettre ses comptes d’aplomb et la
conférence des évêques d’Allemagne lui a demandé un plan destiné à réduire
les coûts et le nombre de personnes employées.
L'idée de le faire également travailler à la réforme de la curie romaine est
venue à Reinhard Marx, l’archevêque de Munich, l’un des huit cardinaux
auxquels le pape Jorge Mario Bergoglio a fait appel pour lui servir de
conseillers.
La proposition a été adressée à l’intéressé, qui l’a accueillie avec
enthousiasme, par le père Hans Langerdörfer, jésuite, qui est le puissant
secrétaire de la conférence des évêques d’Allemagne.
Bergoglio est lui aussi un jésuite et, en voyant comment il agit, on
comprend maintenant qu’il entend appliquer à la papauté les méthodes de
gouvernement caractéristiques de la Compagnie de Jésus. Or le préposé
général de celle-ci, qui est surnommé le "pape noir", dispose de pouvoirs
qui sont pratiquement absolus.
Sa réticence à s’attribuer le nom de pape et sa préférence pour
l’appellation d’"évêque de Rome" ont fait exulter les paladins de la
démocratisation de l’Église.
Mais ils sont dans l’erreur. Lorsque le pape François a nommé, le 13 avril,
huit cardinaux "pour le conseiller en ce qui concerne le gouvernement de
l’Église universelle et pour étudier un projet de révision de la curie
romaine", il les avait choisis tout seul.
S’il avait suivi les suggestions formulées lors du pré-conclave, il aurait
trouvé ce "conseil de la couronne" déjà tout prêt. Il lui aurait suffi
d’appeler autour de lui les douze cardinaux, trois par continent, qui sont
élus au terme de chaque synode et donc aussi du dernier, qui a eu lieu au
mois d’octobre 2012. Ils ont été élus lors d’un vote secret et ils sont
représentatifs de l'élite de l'épiscopat mondial ; on trouve parmi eux
presque tous les noms importants du dernier conclave : les cardinaux Timothy
Dolan de New-York, Odilo Scherer de São Paulo, Christoph Schönborn de
Vienne, Peter Erdö de Budapest, Luis Antonio Gokim Tagle de Manille.
Mais ce n’est pas ce qu’il a fait. Ses huit conseillers, le pape Francesco a
voulu qu’ils soient choisis par lui seul, pas par d’autres. Il a voulu
qu’ils n’aient à répondre qu’à lui et pas, de surcroît, à une assemblée
élue.
Il en a voulu un pour chaque zone géographique : Reinhard Marx pour
l'Europe, Sean Patrick O’Malley pour l'Amérique du Nord, Oscar Andrés
Rodríguez Maradiaga pour l'Amérique centrale, Francisco Javier Errázuriz
Ossa pour l'Amérique du Sud, Laurent Monsengwo Pasinya pour l'Afrique,
Oswald Gracias pour l'Asie, George Pell pour l'Océanie, plus un cardinal de
Rome, rattaché non pas à la curie proprement dite, mais à l’État de la Cité
du Vatican dont il est le gouverneur, Giuseppe Bertello.
Presque tous ceux qui ont été choisis exercent ou ont exercé des fonctions
de direction dans des organismes ecclésiastiques continentaux.
Mais c’est précisément de cette manière que les choses se passent au sein de
la Compagnie de Jésus. Bergoglio en a été supérieur provincial et il en a
assimilé le style. Au sommet de la Compagnie, les assistants qui entourent
le général, nommés par lui, représentent chacun une zone géographique. Les
décisions ne sont pas prises collégialement. Seul le général décide, avec
des pouvoirs directs et immédiats. Les assistants ne doivent pas se mettre
d’accord entre eux et avec lui, ils conseillent le général un à un, dans la
plus grande liberté.
Un effet de ce système sur la réforme de la curie romaine annoncée par le
pape François est qu’aucune commission d’experts n’a été mise en place pour
élaborer un projet unitaire et achevé.
Les huit cardinaux sont en train de demander, chacun de son côté, leur
contribution à des gens en qui ils ont confiance et qui présentent les
profils les plus disparates. En plus de l’homme de McKinsey qui a été
recruté par le cardinal Marx, il y en a au moins une douzaine d’autres,
provenant divers pays, qui ont été interrogés.
D’autres se sont présentés de leur propre initiative, comme par exemple le
cardinal Francesco Coccopalmerio, président du conseil pontifical pour les
textes législatifs, auteur d’un projet de réforme ayant en son centre un "moderator
curiæ" chargé de s’occuper du fonctionnement de la machine.
Au début du mois d’octobre, les huit prélats se retrouveront autour du pape.
Ils lui remettront un ensemble de propositions. C’est lui qui décidera. Tout
seul.
***
Cette note est parue dans "L'Espresso" n° 24 de 2013, en vente en kiosque à
partir du 14 juin, à la page d'opinion intitulée "Settimo cielo", confiée à
Sandro Magister.
Voici la liste de toutes les précédentes notes
►
"L'Espresso" au septième ciel
Le 6 juin, le pape François a reçu six représentants de la Confédération des
Religieux et Religieuses d’Amérique Latine et des Caraïbes (CLAR). Ils se
sont assis en cercle autour de lui et il a discuté avec eux pendant une
heure (photo).
Le blog chilien Reflexión y Liberación a publié un ample compte-rendu de
cette conversation
►Papa
Francisco diáloga como un hermano más con la CLAR
Au cours de cet entretien, le pape Bergoglio aurait déclaré, à propos de la
curie romaine et du groupe de cardinaux qu’il a chargés de la réformer :
"Eh oui, c’est difficile. À la curie, il y a des gens qui sont des saints,
vraiment des saints. Mais il y a aussi un courant de corruption, il existe,
c’est vrai... On parle du 'lobby gay' et c’est vrai, il est là. Il faut
étudier ce que l’on peut faire.
"La réforme de la curie romaine, nous l’avons pratiquement tous demandée,
nous les cardinaux, lors des congrégations qui ont précédé le conclave. Moi
aussi, je l’ai demandée. Cette réforme, je ne peux pas la faire, moi, avec
tous ces problèmes de gestion... Je suis très désorganisé, je n’ai jamais
été fort dans ce domaine. Mais les cardinaux de la commission vont la faire
avancer. Parmi eux il y a Rodríguez Maradiaga, qui est latino-américain et
qui en est le chef. Il y a aussi Errázuriz ; ils sont tous les deux très
déterminés. L’archevêque de Munich est très déterminé, lui aussi. Ils vont
faire avancer cette réforme".
Tenus par le pape François, ces propos ont fait sensation. Le "lobby gay" du
Vatican dont "on parle" est en substance un réseau d’amitiés et de soutien
réciproque constitué de prélats de curie homosexuels et qui a pour but
d’obtenir et de conserver des postes importants. Et l’on pense que c’est
l’un des sujets traités dans le rapport secret concernant la curie qui a été
remis à Benoît XVI – et par celui-ci à son successeur – par les cardinaux
Julián Herranz, Jozef Tomko et Salvatore De Giorgi.
Le père Federico Lombardi, directeur du bureau de presse du Saint-Siège,
interrogé à propos de la publication du compte-rendu de l'audience accordée
à la CLAR, a déclaré : "C’était une rencontre à caractère privé. Je n’ai
donc aucune déclaration à faire quant au contenu de la conversation".
Pour sa part, la présidence de la CLAR a déploré la publication non
autorisée de notes qui "étaient destinées à la mémoire personnelle des
participants"
►
Declaración de la Presidencia de la CLAR
À propos de McKinsey, Ettore Gotti Tedeschi, l’avant-dernier président de
l'Institut pour les Œuvres de Religion (IOR), la "banque" du Vatican, y a
lui aussi effectué une partie de sa carrière professionnelle, de 1980 à
1984, dans les bureaux de Milan et de Londres.
Un autre homme a travaillé chez McKinsey, de 1987 à 1989 : le banquier
Alessandro Profumo, actuel président de [la banque] Monte dei Paschi di
Siena et ancien administrateur délégué d’Unicredit. Ami de Gotti Tedeschi,
il est l’auteur de la préface du livre "Spiriti animali. La concorrenza
giusta" [L'Esprit animal - La juste compétition], que celui-ci a écrit en
collaboration avec Alberto Mingardi et qui a été édité par l'Université
Bocconi en 2007.
Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 13.06.2013-
T/International |