Le Motu Proprio de Benoît XVI est une
grande richesse spirituelle pour toute l'Église |
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Le 13 mai 2008 -
(E.S.M.)
- Le cardinal Dario Castrillon Hoyos qui est à la tête de la
Commission pontificale « Ecclesia Dei » explique en quoi le Motu Proprio
de Benoît XVI est une grande richesse spirituelle pour toute l'Église,
et la façon de résoudre les problèmes qui sont apparus jusqu’ici.
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Le cardinal Dario
Castrillon Hoyos
Le Motu Proprio de Benoît XVI est une grande richesse spirituelle pour toute
l'Église
Dario Castrillon Hoyos : Tradition sans contestation
par Vittoria Prisciandaro
Le cardinal qui est à la tête de la Commission pontificale « Ecclesia Dei
» explique en quoi le
Motu Proprio de Benoît XVI est une grande richesse spirituelle pour
toute l'Église, et la façon de résoudre les problèmes qui sont apparus
jusqu’ici.
Son Éminence est satisfaite. Le téléphone du bureau du rez-de-chaussée, dans
le palais de l'ex Saint Office, connaît une nouvelle vie, et sur les tables
s’accumule une correspondance venue du monde entier. Après la promulgation
du Motu proprio, la Commission pontificale « Ecclesia Dei » est en
effet devenue un maillon important dans l'organigramme du Vatican. « À
présent, j'ai deux fois plus de travail que dans la Congrégation du clergé
», confie le cardinal Dario Castrillon Hoyos, colombien, 79 ans, chaleureux
partisan de la réintégration des Lefebvristes et, depuis l’an 2000,
président de la Commission. Créée pour gérer les rapports avec la Fraternité
Saint Pie X et avec les groupes qui gravitent dans la galaxie
traditionaliste, « Ecclesia Dei » est aujourd'hui devenue un
interlocuteur incontournable des diocèses et des paroisses pour les
controverses relatives à l'application du rite extraordinaire.
Éminence, quelques mois après la promulgation du Motu
proprio, quel bilan en faites-vous ?
« Avec le Motu proprio, le Pape a voulu offrir à tous une nouvelle occasion
de profiter de l'énorme richesse spirituelle,
religieuse et culturelle présente dans la liturgie de rite grégorien. Le
Motu proprio a été conçu comme un trésor offert à tous, et non
fondamentalement pour répondre aux lamentations ou aux demandes de qui que
ce soit. Un bon nombre de personnes qui n’étaient pas initialement
impliquées dans cette forme extraordinaire du rite romain ont maintenant
pour lui une grande estime. Parmi les fidèles, je distinguerais trois
groupes : ceux qui ont un lien quasi organique avec la Fraternité Saint Pie
X ; ceux de la Fraternité Saint-Pierre ; et enfin ceux du groupe le plus
important et le plus nombreux, formé de personnes éprises de culture
religieuse de tous les temps et qui, aujourd'hui, découvrent l'intensité
spirituelle du rite ancien, dont de nombreux jeunes. Au cours de ces mois-ci
sont nées de nouvelles associations de personnes appartenant à ce dernier
groupe ».
À propos de la richesse, certains spécialistes de la
liturgie soulignent le fait que le rite extraordinaire n'offre pas la
richesse biblique introduite par la novus ordo…
« Ils n'ont pas lu le Motu proprio, parce que le Pape affirme que les deux
formes doivent s’enrichir mutuellement. Et il est évident que cette richesse
liturgique ne va pas être gaspillée. Dans le novus ordo, en quelques années,
on lit pratiquement toute la Bible, et c’est là une richesse qui ne s'oppose
pas au rite extraordinaire, mais s’y intègre ».
Une autre objection porte sur le risque que des
célébrations séparées et différentes créent des communautés séparées…
« C’est une multiplicité enrichissante ; c'est un surcroît de liberté
culturelle que le Pape introduit sous une forme audacieuse. Du reste, dans
les paroisses, il y a beaucoup de différences dans les célébrations, et je
ne veux pas parler des abus, parce que ce ne sont pas les abus qui
constituent la raison principale du Motu proprio ».
Votre secrétaire, monseigneur Camille Perl, a annoncé
qu'il y aurait un document d'éclaircissement sur le Motu proprio. Quand
sera-t-il publié ?
« C’est le cardinal Bertone qui l’a annoncé, et il a le droit de le faire.
Mais moi qui suis un serviteur du Pape, je ne l'annoncerai que quand le Pape
me dira de le faire. Notre Commission a indiqué au Souverain Pontife que de
nombreuses demandes arrivent de chaque partie du monde, dont un très
grand nombre sont justifiées, mais dont certaines sont basées sur un manque
de connaissance. Le Saint-Père, et seulement lui, dira s'il convient de
publier un tel document et quand ».
Quelles sont les demandes qui vous sont parvenues et
lesquelles mériteraient une réponse ?
« La première concerne le latin, parce que - disent les auteurs de ce type
de demande - célébrer dans une langue qu’on ne connaît n’est pas pratique.
Malheureusement les séminaristes, et même certains prêtres, ne l'ont pas
étudié et il leur est donc difficile de célébrer sous la forme
extraordinaire. Pour ce faire, ils devraient au moins connaître le canon de
la Messe – la partie de la consécration. Nous autres d‘« Ecclesia Dei »,
nous nous équipons et nous préparons des rencontres, des cours et une
communication informatique en vue d’une connaissance approfondie de la
liturgie antérieure. Plusieurs cours déjà sont en activité en France, en
Allemagne, au Brésil, en Amérique centrale et aux États-Unis. À Tolède, en
Espagne, par exemple, nous sommes en train d’évaluer s'il convient de créer
un séminaire supplémentaire pour la préparation au rite extraordinaire ou de
donner des cours spéciaux dans le séminaire du diocèse. En général on
remarque dans le monde académique un certain intérêt pour un retour au
latin. Il a été triste au cours de ces années de constater l'abandon non
seulement de la langue, mais même de certains contenus théologiques liés à
la précision sémantique de la langue latine ».
« S'il manque de prêtres dans un diocèse et que seuls trois ou quatre
fidèles demandent le rite extraordinaire, le bon sens dit qu’il est
difficile de satisfaire cette demande. Cependant, puisque l'intention, la
mens du Pape est de concéder ce trésor pour le bien de l'Église, le
mieux pour les endroits où il n’y a pas de prêtres, serait d’offrir une
célébration selon le rite extraordinaire dans une des Messes dominicales
paroissiales. Ce serait une Messe pour tous ; tous, même les jeunes
générations, profiteraient de la richesse du rite extraordinaire, par
exemple de ces instants de contemplation qui, dans le novus ordo, ont
disparu ».
Donc vous dites que, s'il n'y a pas de groupe
consistant et stable, à l'avenir, il est question de proposer une des Messes
dominicales selon le rite extraordinaire ?
« Je dirais que oui. D’ailleurs cette possibilité avait déjà été approuvée à
l'unanimité en 1986 par une commission cardinalice à laquelle participait le
cardinal Ratzinger lui-même (mais elle n'était pas devenue opérationnelle).
Je serais sûr que cela serait faisable maintenant. ».
Un autre point à éclaircir est la définition d’un «
groupe stable et consistant ». Que veut dire cela exactement ?
« C’est une question de bon sens : pourquoi faire un problème si les
personnes qui demandent le rite viennent de paroisses différentes ? Si elles
se réunissent et, ensemble, demandent une Messe, elles deviennent un groupe
stable, même si elles ne se connaissaient pas au départ. Même le nombre est
une question de bonne volonté. Dans certaines paroisses, en particulier à la
campagne, les jours ouvrables, les personnes qui participent à la Messe
ordinaire sont trois ou quatre et le même cas se produit dans de nombreuses
maisons religieuses. Si ces trois personnes demandent la Messe ancienne,
faut-il, d’un point de vue pastoral, la leur refuser ? ».
Donc le futur document devrait être plus accueillant
aux demandes émanant de petits groupes ?
« Oui, mais il faut le voir non pas comme quelque chose qui va à l’encontre
des autres, de la majorité, mais qui vise à leur enrichissement et toujours
en évitant toute forme d’antagonisme ».
Il y a ensuite le problème des sacrements : je pense
au rite de l’Ordination ou à celui de l’Onction des malades, pour lesquels
on se réfère à des codes de droit canonique différents et on emploie des
formules différentes…
« A première vue, il y a certainement quelques problèmes par rapport à
l'Ordination, à l’Onction des malades et même aux divergences de calendrier.
En ce qui concerne l'Ordination, dans la forme ancienne, il y avait la
tonsure, les ordres mineurs et le sous-diaconat. Cette forme est encore en
service et continuera à l'être dans les Institutions liées de façon stable
au rite ancien, comme la Fraternité Saint-Pierre, la Fraternité Saint Pie X
et d’autres Institutions. Pour l’Onction, avant même le Motu proprio, la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi avait déjà indiqué qu'il n'y a pas
de conflit entre les deux formules, et que la formule nouvelle comme
l'ancienne sont valides, et elle a dit la même chose au sujet des autres
sacrements dont les formules diffèrent. En ce qui concerne les calendriers
qui ne coïncident pas toujours, il y a effectivement des problèmes comme
dans les cas des fêtes patronales d'une paroisse, des sanctuaires, des
congrégations et des instituts religieux, etc. On usera de prudence et de
bon sens pour réaliser les accommodements nécessaires. La Commission
pontificale « Ecclesia Dei » » s’en occupe aussi.
Quels sont les délais prévus pour la réconciliation
avec la Fraternité Saint Pie X ?
« Il y a des signes positifs ; il y a un dialogue non interrompu. Il y a
quelques jours à peine, j’ai écrit une nouvelle lettre à monseigneur Fellay,
le supérieur de la Fraternité, en réponse à sa
lettre précédente. Outre les rencontres et la correspondance, nous nous
parlons au téléphone. Je considère viable une réconciliation avec la
Fraternité Saint Pie X parce que, comme nous l'avons souvent dit à «
Ecclesia Dei », il ne s'agit pas d'un vrai schisme mais d'une situation
anormale apparue après l'« action schismatique » de monseigneur Lefebvre
avec l'attribution de l'épiscopat sans mandat pontifical, à l’encontre de la
volonté exprimée par le Pape. Dans mon cœur, j'ai une grande confiance que
le Saint-Père réussira à retisser les liens de l'Église avec l’accès de ces
frères à la pleine communion. Il restera toujours quelques différences,
comme nous en avons toujours eu dans l'histoire de l'Église ».
Mais avec les Lefevbristes il y a aussi un problème
d'acceptation du dialogue œcuménique…
« Oui, en effet, il y des difficultés relatives à l'interprétation des
témoins du Concile à ce sujet et à certaines pratiques concrètes
œcuméniques, mais aucun évêque de la Fraternité Saint Pie X ne dira qu'il ne
faut pas chercher l'unité des chrétiens ».
Après le Motu proprio, certains membres de la
Fraternité Saint Pie X sont-ils de nouveaux en communion avec l'Église de
Rome ?
« Oui, et d’autres souhaitent le faire aussi. Mais j'ai l'espoir que le
groupe entier vienne ; je ne voudrais pas qu'il se divise. Cependant si une
personne vient et dit qu'elle veut être rapidement en unité avec le Pape,
nous devons l’accepter. Le Motu proprio a aussi suscité le rapprochement
d’autres personnes. Par exemple, le 28 mars, j'ai reçu la lettre d'un évêque
non catholique qui a décidé d'entrer dans l'Église catholique avec d’autres
évêques et des prêtres qui célèbrent la Messe tridentine ».
Les nouveaux pouvoirs d'« Ecclesia Dei »
n'entrent-ils pas en conflit avec le ministère des évêques ?
« Le Pape Benoît XVI, qui possède l'autorité sur toute l'Église, sur chacun
des fidèles et des évêques, a établi les nouvelles règles dans le Motu
proprio, et la Commission pontificale n’est qu’un moyen à la disposition du
Vicaire du Christ pour faire appliquer sa décision. « Ecclesia Dei »
est attentive à l'application du Motu proprio en fraternelle harmonie, en
compréhension et en collaboration avec les évêques. Il faut éviter les
attitudes de divergence avec les pasteurs de la part de personnes, de
groupes ou d’institutions à cause du Motu proprio. Les pasteurs, dans
l’obéissance au Pape, auront certainement de la compréhension pour les
fidèles qui ont un amour particulier envers la tradition liturgique. Avec
les évêques qui se sont mis en contact avec nous, j’ai toujours eu de la
compréhension ».
Dans l'introduction à la réimpression du Compendium de
Liturgie pratique de Trimeloni, vous écrivez que le Pape se sert de la
Commission pontificale « Ecclesia Dei » pour que, dans la diversité
des formes cultuelles, puisse briller la richesse des trésors de la foi et
de la spiritualité de l’Épouse du Christ. En quoi consiste la différence
entre la liturgie de Jean XXIII et celle, réformée, de Paul VI?
« Le Pape Jean XXIII a incorporé la liturgie dans son désir de dialogue
entre l'Église et la culture contemporaine. Paul VI a donné un caractère
organique aux réformes nées de ce désir. L'Esprit Saint, qui accompagne
l'Église en permanence, inspire les changements nécessaires à tout moment de
l'histoire, sans rupture violente du processus de perfectionnement qu'il a
lui-même inspiré au cours de l’histoire. Benoît XVI, avec ce Motu proprio,
unit les richesses des deux stades du processus, en dissipant le malaise de
ceux qui ont cru qu’il y avait eu dans le domaine liturgique une rupture
inacceptable ».
Après la reformulation de la
prière du Vendredi Saint, il a été dit qu'on
faisait un retour de 40 ans en arrière dans le dialogue entre juifs et
chrétiens. S’attendait-on à ces critiques ?
« N'est-il pas une bonne chose de prier pour nos frères, fils d'Abraham
comme nous ? Abraham est le père de la foi, mais il s’inscrit dans une
chaîne de salvification dans laquelle on attend le Messie. Et le Messie est
arrivé. Dans les Actes des Apôtres nous lisons que 5000 juifs se sont
convertis en un jour. Je ne conteste pas la prière du novus ordo,
mais je considère comme parfaite celle, actuelle, du rite extraordinaire. Et
je prie volontiers pour la conversion de mes nombreux amis juifs, parce que
je crois vraiment que Jésus est le Fils de Dieu et le Sauveur de tous ».
Vittoria Prisciandaro
Sources : www.sanpaolo.org -
(© traduction
E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 12.05.2008 -
T/Motu Proprio |