Le discours inédit du Prince Ghazi à
Benoît XVI |
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Rome, le 11 mai 2009 -
(E.S.M.)
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Le dialogue avec l'islam a caractérisé l'étape jordanienne du pèlerinage en
Terre Sainte, sur la voie ouverte à Ratisbonne. Un inédit: le texte intégral
du discours adressé au pape Benoît XVI par le prince musulman Ghazi Bin Muhammad Bin Talal
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Le pape Benoît XVI et
le prince musulman Ghazi Bin Muhammad Bin Talal - Pour
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Le discours inédit du Prince Ghazi à
Benoît XVI
Le 11 mai 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
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Benoît XVI a consacré à la Jordanie les trois
premiers jours de son voyage en Terre Sainte. Lors des précédents voyages
pontificaux, l’étape dans ce royaume musulman avait été plus brève, ainsi
que les références à l'islam. Avec le pape Joseph Ratzinger, en revanche,
est apparue cette nouveauté. Les rapports avec l'islam ont visiblement été
au centre de la première partie de son voyage. Cela se verra encore plus à
Jérusalem avec la visite à la Coupole du Rocher, que les musulmans
considèrent comme l’endroit d’où Mahomet est monté au ciel.
Bien sûr, l'empreinte générale que Benoît XVI a, dès le début, donné à son
voyage est celle du pèlerinage chrétien, très attentif aux racines juives.
En Jordanie, il a commencé par monter au sommet du
Mont Nébo d’où, comme
Moïse, il a regardé la Terre Promise. Il y a rappelé "le lien inséparable
qui unit l’Eglise au peuple juif". Et il a terminé en se rendant à
Béthanie
"au-delà du Jourdain", là où le dernier des prophètes, Jean le Baptiste, a
baptisé Jésus.
A chaque étape, il a rencontré et encouragé les chrétiens qui vivent sur
cette terre, petites communautés très minoritaires dont la vie n’est pas
facile.
Il a célébré avec eux, à Amman, la première messe publique du voyage, le
dimanche 10 mai. Dans son
Homélie, il leur a tout de suite rappelé ce qui
avait été proclamé peu de temps auparavant: que vraiment, en dehors de
Jésus, "il n’y a pas sous le ciel d’autre nom donné aux hommes, par lequel
il nous faille être sauvés" (Actes 4, 12).
Il les a exhortés à reconnaître la pleine dignité de la femme et à
"sacrifier" leur vie au service d’autrui, à l'opposé de "façons de penser
qui justifient de 'mettre fin' à des vies innocentes".
Mais c’est sur l'islam que Benoît XVI a tenu en Jordanie les propos les plus
argumentés, en particulier à deux moments: quand il a béni, à
Madaba, la
première pierre d’une nouvelle université catholique destinée à des
étudiants qui seront pour la plupart musulmans, et quand il a visité la
mosquée Al-Hussein Bin Talal d’Amman.
A Madaba, le samedi 9 mai, le pape a notamment déclaré:
"Croire en Dieu ne dispense pas de la recherche de la vérité; tout au
contraire, cela l’encourage. Saint Paul exhortait les premiers chrétiens à
ouvrir leur esprit à 'tout ce qui est vrai et noble, tout ce qui est juste
et pur, tout ce qui est digne d’être aimé et honoré, tout ce qui s’appelle
vertu et mérite des éloges' (Ph 4, 8). Bien
sûr, la religion, comme la science et la technologie, comme la philosophie
et toutes les expressions de notre quête de la vérité, peut être corrompue.
La religion est défigurée quand elle est mise au service de l’ignorance et
du préjugé, du mépris, de la violence et des abus. Dans ce cas, nous ne
constatons pas seulement une perversion de la religion mais aussi une
corruption de la liberté humaine, une étroitesse et un aveuglement de
l’esprit. Il est clair qu’une telle issue n’est pas inévitable. En effet,
quand nous promouvons l’éducation, nous exprimons au contraire notre
confiance dans le don de la liberté. Le cœur humain peut être endurci par
les conditionnements du milieu environnant, par les intérêts et les
passions. Mais toute personne est aussi appelée à la sagesse et à
l’intégrité, au choix décisif et fondamental du bien sur le mal, de la
vérité sur la malhonnêteté, et elle peut être aidée dans cette tâche.
"L’appel à l’intégrité morale est perçu par la personne vraiment religieuse
parce que le Dieu de la vérité, de l’amour et de la beauté, ne peut pas être
servi d’une autre façon. Croire en Dieu de façon mûre est grandement utile à
l’acquisition et à l’application même de la connaissance. Science et
technologie offrent d’extraordinaires bienfaits à la société et ont
grandement amélioré la qualité de vie des êtres humains. C’est là, sans
aucun doute, une des espérances de ceux qui promeuvent cette Université dont
la devise est 'Sapientia et Scientia'. En même temps, la science a ses
limites. Elle ne peut répondre à toutes les questions qui concernent l’homme
et son existence. En effet, la personne humaine, sa place et son rôle dans
l’univers, ne peuvent être circonscrits dans les limites de la science. 'La
nature raisonnable de la personne humaine trouve, et doit trouver, sa
perfection dans la sagesse qui attire avec douceur l’esprit de l’homme à
rechercher le vrai et le bien' (cf.
Gaudium et
Spes, n. 15). L’usage des connaissances scientifiques
requiert la lumière de la sagesse éthique. Telle est la sagesse qui a
inspiré le serment d’Hippocrate, ou la Déclaration Universelle des Droits de
l’Homme de 1948, ou la Convention de Genève et d’autres louables Traités
internationaux. De là, le fait que la sagesse éthique et religieuse, en
répondant au questionnement du sens et des valeurs, joue un rôle central
dans la formation professionnelle. En conséquence, les universités où la
quête de la vérité est liée à la recherche de ce qui est bon et noble,
offrent une contribution indispensable à la société".
Mais c’est à Amman, en visitant la mosquée Al-Hussein Bin Talal, que Benoît
XVI est entré plus directement dans le vif du sujet.
Le lieu et les interlocuteurs étaient riches d’implications. Celui qui a
fait les honneurs du lieu au pape était le prince Ghazi Bin Muhammad Bin
Talal, 42 ans, cousin de l’actuel roi de Jordanie Abdullah II, lui-même fils
du défunt roi Hussein dont la mosquée porte le nom.
Le prince Ghazi est le principal inspirateur de la
lettre ouverte "Une
parole commune entre vous et nous", adressée au pape et aux chefs des autres
confessions chrétiennes en octobre 2007 par 138 personnalités musulmanes de
nombreux pays.
Cette lettre est la suite la plus importante, du côté musulman, de
l'ouverture au dialogue faite par Benoît XVI dans son mémorable
discours à
l'université de Ratisbonne, le 11 septembre 2006.
La lettre des 138 est à l’origine d’un forum permanent de dialogue
catholico-musulman dont la première session a eu lieu à Rome du 4 au 6
novembre 2008 et s’est terminée par une rencontre avec le pape.
A Amman, samedi 9 mai, le prince Ghazi a d’abord accompagné Benoît XVI dans
sa visite de la mosquée – où ils ont eu un "moment de recueillement" – puis,
à l’extérieur de la mosquée, il lui a adressé un grand discours de
bienvenue, qui a été suivi de l'intervention du pape.
On trouvera ci-dessous le texte intégral des deux discours. Celui du prince
Ghazi, prononcé en anglais et jusqu’à présent inédit, a été retranscrit par
"L'Osservatore Romano", mais celui-ci n’en a publié qu’un bref résumé.
Le discours du pape reprend des thèmes et sujets qu’il a déjà développés
dans des interventions précédentes. Celui du prince Ghazi est plus
inhabituel, surtout dans un monde musulman qui, dans sa quasi-totalité, n’a
pas eu connaissance des démarches de dialogue en cours avec l’Eglise
catholique.
Sur ce point aussi, en effet, la visite de Benoît XVI en Jordanie a
constitué une nouveauté. Grâce à l'impact public mondial du voyage et à
l’échange de discours entre le pape et le prince Ghazi, une "parole commune"
de dialogue entre l’Eglise catholique et l'islam a aussi touché, pour la
première fois, une partie de l'opinion publique musulmane, à un degré sans
précédent.
"Ensemble, chrétiens et musulmans sont incités à
chercher tout ce qui est juste et droit"
►
Discours de Benoît XVI à la mosquée Al-Hussein Bin-Talal à Amman -
"Un pape qui a le courage moral d’agir et de parler
selon sa conscience"
par Ghazi Bin Muhammad Bin Talal
"Pax Vobis". A l’occasion de cette visite historique à la mosquée Roi
Hussein Bin Talal, ici à Amman, je souhaite à Votre Sainteté, pape Benoît
XVI, la bienvenue de quatre façons.
D’abord en tant que musulman. Je souhaite aujourd’hui la bienvenue à Votre
Sainteté, parce que je sais que cette visite est un geste délibéré de bonne
volonté et de respect mutuel de la part du chef spirituel suprême et du
pontife de la plus vaste dénomination de la plus grande religion du monde
envers la deuxième plus grande religion du monde. En effet, les chrétiens et
les musulmans représentent 55% de la population mondiale. Le fait que ce
soit seulement la troisième fois dans l’histoire qu’un pape visite une
mosquée est donc particulièrement significatif. La première visite a été
faite en 2001 par votre bien-aimé prédécesseur, le pape Jean-Paul II, à ce
monument de l’histoire, la mosquée des Omeyyades de Damas, où se trouvent
les reliques de saint Jean-Baptiste. La seconde visite, c’est Votre Sainteté
qui l’a faite à la magnifique Mosquée Bleue d’Istanbul, en 2006.
La belle mosquée Roi Hussein d’Amman est la mosquée d’Etat de la Jordanie.
Elle a été construite et personnellement supervisée par le grand roi Hussein
de Jordanie. Que Dieu ait pitié de son âme! C’est donc la première fois dans
l’histoire qu’un pape visite cette nouvelle mosquée. Nous voyons dans cette
visite un message clair quant à la nécessité d’une harmonie interreligieuse
et d’un respect mutuel dans le monde actuel, ainsi qu’une preuve concrète de
la volonté de Votre Sainteté de jouer personnellement un rôle de guide sur
ce point.
Ce geste est d’autant plus remarquable que votre visite en Jordanie est
d’abord un pèlerinage spirituel en Terre Sainte chrétienne, et en
particulier sur le site où Jésus-Christ reçut le baptême de la main de
Jean-Baptiste à Béthanie, sur l'autre rive du Jourdain (Jean 1, 28 et 3,
26).
Cependant Votre Sainteté a pris, dans son programme intense et lourd,
fatigant pour un homme de n’importe quel âge, du temps pour faire cette
visite à la mosquée Roi Hussein et honorer ainsi les musulmans.
Je dois aussi remercier Votre Sainteté d’avoir exprimé des regrets après
votre discours à Ratisbonne, le 13 septembre 2006, pour le tort causé aux
musulmans. Bien sûr, les musulmans savent que rien de ce qui peut se dire ou
se faire en ce monde ne peut faire du mal au Prophète, qui est, comme
l’attestent ses derniers mots, au Paradis avec le plus grand compagnon, Dieu
lui-même.
Mais les musulmans se sont sentis blessés dans leur amour pour le prophète,
qui est, comme le dit Dieu dans le Saint Coran, plus proche des croyants
qu’ils ne le sont eux-mêmes. Donc, les musulmans ont aussi particulièrement
apprécié l’éclaircissement donné par le Vatican, selon lequel ce qui a été
dit à Ratisbonne ne reflétait pas l’opinion de Votre Sainteté, mais était
simplement une citation dans un discours académique.
Il est presque superflu de dire, entre autres, que le prophète Mahomet – que
les musulmans aiment, prennent pour modèle et connaissent comme réalité
vivante et présence spirituelle – est complètement et entièrement différent
de la description qui en a été faite historiquement en Occident depuis saint
Jean Damascène. Ces portraits déformés - faits par des gens qui ne
connaissent ni la langue arabe ni le Saint Coran ou qui ne comprennent pas
le contexte historique et culturel de la vie du Prophète et qui par
conséquent se méprennent et interprètent mal les motifs et les intentions
spirituelles qui sous-tendent beaucoup de ses actions et de ses paroles -
sont hélas responsables de beaucoup de tensions historiques et culturelles
entre chrétiens et musulmans.
Il est donc urgent que les musulmans mettent en pratique l'exemple du
prophète, surtout, par des actions vertueuses, par la charité, la piété et
la bonne volonté, en se rappelant que le Prophète lui-même avait une nature
élevée. En effet, dans le Coran Dieu affirme: "Vraiment vous avez dans le
messager de Dieu un exemple de comportement, pour tous ceux qui espèrent en
Dieu et en le dernier jour".
Enfin je dois remercier Votre Sainteté pour vos nombreux autres gestes
d’amitié et de cordialité envers les musulmans, depuis votre élection en
2005, y compris les audiences accordées en 2005 à Sa Majesté le roi Abdullah
II Bin Al-Hussein de Jordanie et en 2008 à Sa Majesté le
Roi Abdullah Bin Abd-Al-Haziz d'Arabie Saoudite, gardien des deux lieux saints. Je vous
remercie aussi de l'affectueux accueil que vous avez fait à l’historique
"parole commune entre vous et nous", la lettre ouverte du 13 octobre 2007
écrite par 138 éminents spécialistes musulmans du monde entier, dont le
nombre continue à augmenter. Un résultat de cette initiative qui, en se
basant sur le Saint Coran et sur la Sainte Bible, a reconnu la primauté de
l'amour de Dieu et de l’amour du prochain à la fois dans le christianisme et
dans l'islam, est que le premier séminaire du forum international
catholico-musulman a eu lieu au Vatican, sous la direction personnelle de
Votre Sainteté, du 4 au 6 novembre 2008.
D’ici peu nous examinerons avec l’éminent cardinal Tauran l'œuvre commencée
lors de cette rencontre, mais pour le moment je désire citer des propos de
Votre Sainteté, tirés de votre
Discours de clôture de ce premier séminaire:
"Le thème que vous avez choisi pour votre rencontre – amour de Dieu, amour
du prochain, la dignité de la personne humaine et le respect mutuel – est
particulièrement significatif. Il est tiré de la Lettre ouverte qui présente
l'amour de Dieu et l'amour du prochain comme le cœur aussi bien de l'islam
que du christianisme. Ce thème souligne encore plus clairement les
fondements théologiques et spirituels de l'enseignement central de nos
religions respectives. [...] J'ai bien conscience que les musulmans et les
chrétiens ont des approches différentes sur les sujets qui concernent Dieu.
Mais nous pouvons et nous devons être des fidèles du Dieu unique qui nous a
créés et se préoccupe de chaque personne dans tous les lieux du monde. [...]
Il y a un important et vaste domaine dans lequel nous pouvons agir ensemble
pour défendre et promouvoir les valeurs morales qui font partie de notre
héritage commun".
Maintenant, je ne peux pas ne pas rappeler les paroles de Dieu dans le Saint
Coran: "Tous ne sont pas égaux". Certaines personnes des Ecritures forment
une communauté juste, ils récitent les versets la nuit en se prosternant.
Ils croient en Dieu et au dernier jour, ils aiment la décence et interdisent
l'indécence, ils rivalisent entre eux de bonnes œuvres. Ce sont des justes,
et toute bonne action qu’ils accomplissent ne leur sera pas déniée parce que
Dieu connaît ceux qui Le craignent. Je rappelle aussi ces paroles de Dieu:
"Et vous trouverez, et vous trouverez en vérité, que les plus proches des
croyants sont ceux qui disent: vraiment nous sommes chrétiens. Cela parce
que certains d’entre eux sont prêtres et moines".
Je souhaite maintenant la bienvenue à Votre Sainteté en tant que hachémite
et descendant du prophète Mahomet. Je vous souhaite aussi la bienvenue dans
cette mosquée de Jordanie, en rappelant que le prophète accueillit ses
voisins chrétiens de Nejran à Médine et qu’il les invita à prier dans sa
mosquée, ce qu’ils firent en harmonie, sans que les uns compromettent la
croyance religieuse des autres. Cela aussi constitue une leçon d’une
inestimable valeur dont le monde doit absolument se souvenir.
Je vous souhaite encore la bienvenue en tant qu’arabe et descendant direct
d’Ishmael Ali-Salaam, de qui, selon la Bible, Dieu aurait fait sortir une
grande nation, en restant près de lui (Genèse 21, 18-20).
L’une des vertus cardinales des arabes, qui traditionnellement ont survécu
dans des climats parmi les plus chauds et les plus hostiles du monde, est
l'hospitalité. L'hospitalité naît de la générosité, elle reconnaît les
besoins des autres, elle considère ceux qui sont loin ou qui viennent de
loin comme des amis. En fait cette vertu est confirmée par Dieu dans le
Saint Coran par ces mots: "Et adorez Dieu et associez-lui l’homme, soyez
bons avec votre père, votre mère, vos parents, les orphelins, les pauvres,
vos voisins proches et ceux qui sont lointains, les amis de chaque jour et
les voyageurs" (4,36).
L’hospitalité arabe, ce n’est pas seulement aimer, donner et aider, c’est
aussi être généreux d’esprit et donc savoir apprécier. En 2000, au moment de
la visite du regretté pape Jean-Paul II en Jordanie, je travaillais avec les
tribus jordaniennes et des gens ont dit qu’ils appréciaient vraiment le
pape. Comme on leur demandait pourquoi, puisqu’il était chrétien et eux
musulmans, ils ont répondu en souriant: "Parce qu’il nous a rendu visite".
Certainement Jean-Paul II et vous-même, Saint-Père, auriez pu aller
immédiatement en Palestine et en Israël, mais au contraire vous avez choisi
de commencer votre pèlerinage par une visite chez nous, en Jordanie, et nous
l’apprécions.
Enfin, je vous souhaite la bienvenue en tant que Jordanien. En Jordanie,
tout le monde est à égalité devant la loi, indépendamment de la religion, de
la race, de l'origine ou du sexe, et ceux qui travaillent au gouvernement
doivent faire tout le possible pour protéger tout le monde dans le pays,
avec compassion et justice. Cela a été l'exemple personnel et le message du
regretté roi Hussein qui, pendant ses 47 ans de règne, a éprouvé pour tous
les habitants du pays ce qu’il éprouvait pour ses propres enfants. C’est
aussi le message de son fils, Sa Majesté le roi Abdullah II, qui a choisi,
comme objectif spécifique de son règne et de sa vie, de rendre honorable,
digne et heureuse la vie de tous ceux qui vivent en Jordanie et en fait,
celle de tous ceux qu’il peut atteindre dans le monde, autant que le
permettent les ressources limitées de la Jordanie.
Aujourd’hui, les chrétiens de Jordanie ont droit à 8% des sièges au
parlement et à des quotas semblables à tous les niveaux de gouvernement et
de société, même si en réalité ils sont moins nombreux que prévu. Les
chrétiens, bénéficient de lois relatives à leur statut et de tribunaux
religieux et, de plus, ils jouissent de la protection de l’Etat sur leurs
lieux saints et sur leurs écoles. Votre Sainteté a pu s’en rendre compte
personnellement à la nouvelle université catholique de Madaba. Si Dieu le
veut, on verra bientôt se dresser la nouvelle cathédrale catholique et la
nouvelle église melkite sur le site du baptême.
Donc, aujourd’hui, en Jordanie, les chrétiens prospèrent, comme d’ailleurs
ils l’ont fait au cours des deux cents dernières années, dans la paix et
l’harmonie, avec de la bonne volonté et des relations authentiquement
fraternelles entre eux et avec les musulmans. Cela vient, en partie, du fait
que les chrétiens représentaient autrefois un pourcentage de la population
plus important qu’aujourd’hui. En raison de la baisse démographique chez les
chrétiens et de leur niveau plus élevé d’instruction et de prospérité qui a
fait qu’ils étaient très demandés en Occident, leur nombre a diminué. Cela
tient aussi à ce que les musulmans apprécient le fait que les chrétiens
étaient déjà ici 600 ans avant eux. En effet, les chrétiens jordaniens sont
peut-être la plus ancienne communauté chrétienne du monde. Pour la plupart,
ils ont toujours été orthodoxes, attachés au patriarcat orthodoxe de
Jérusalem en Terre Sainte qui est, Votre Sainteté le sait mieux que moi,
l’Eglise de saint Jacques, fondée pendant la vie de Jésus.
Beaucoup d’entre eux descendent d’anciennes tribus arabes et, au cours de
l’histoire, ils ont partagé le sort et les luttes des musulmans. En effet,
en 630, le Prophète étant vivant, ils sont entrés dans son armée, conduite
par son fils adoptif et son cousin, et ils ont combattu contre l'armée
byzantine des orthodoxes à la bataille de Mechtar. C’est de cette bataille
qu’ils ont tiré leur nom tribal qui signifie "les renforts" et le patriarche
latin Fouad Twal lui-même descend de ces tribus.
En 1099, au moment de la chute de Jérusalem, ils ont été massacrés par les
croisés catholiques à côté de leurs compagnons d’armes. Plus tard, de 1916 à
1918, pendant la grande révolte arabe, ils ont combattu contre les musulmans
turcs, à côté de leurs amis musulmans, sous mandat colonial protestant, et
dans les guerres arabo-israéliennes de 1948, 1967 et 1973 ils ont combattu
avec les musulmans arabes contre les juifs.
Non seulement les Jordaniens chrétiens ont toujours défendu la Jordanie,
mais ils ont contribué infatigablement et patriotiquement à sa construction,
jouant des rôles importants dans les domaines de l'éducation, de la santé,
du commerce, du tourisme, de l'agriculture, de la science, de la culture et
dans beaucoup d’autres secteurs. Tout cela pour dire que, alors que Votre
Sainteté les considère comme ses coreligionnaires chrétiens, nous les
considérons comme nos compatriotes jordaniens et ils font partie de cette
terre comme la terre elle-même. J’espère que cet esprit unitaire jordanien
d’harmonie interreligieuse, de bienveillance et de respect mutuel, sera un
exemple pour le monde entier et que Votre Sainteté le portera à des endroits
comme Mindanao et dans certaines parties de l'Afrique sub-saharienne, où les
minorités musulmanes subissent de fortes pressions de la part de majorités
chrétiennes, et aussi en d’autres endroits où c’est l’inverse qui se
produit.
Aujourd’hui, comme j’ai accueilli Votre Sainteté à travers quatre aspects de
ma personnalité, je vous reçois aussi à travers quatre aspects de la vôtre.
Je reçois en vous le leader spirituel, souverain pontife et successeur de
Pierre pour 1,1 milliard de catholiques qui vivent partout à côté de
musulmans et que je salue en vous recevant.
Je reçois en vous le pape Benoît XVI, vous dont le pontificat est
caractérisé par le courage moral d’agir et de parler selon votre conscience,
indépendamment des modes du moment, vous qui êtes aussi un maître théologien
chrétien, auteur d’encycliques historiques sur les belles vertus cardinales
de l'amour et de l’espérance, vous qui avez réintroduit la Messe
traditionnelle en latin pour ceux qui le souhaitent et avez en même temps
fait du dialogue interreligieux et intrareligieux la priorité de votre
pontificat, pour répandre la bonne volonté et la compréhension entre toutes
les populations de la terre.
Je reçois en vous le chef d’Etat, qui est aussi un leader mondial et global
sur des questions vitales de morale, d’éthique, d’environnement, de paix, de
dignité humaine, de soulagement de la pauvreté et de la souffrance et même
de crise financière mondiale.
Je reçois en vous, enfin, un simple pèlerin de paix qui vient avec humilité
et gentillesse prier là où Jésus-Christ, le Messie – la paix soit avec lui!
– a été baptisé et a commencé sa mission il y a 2 000 ans.
Alors, bienvenue en Jordanie, Saint-Père, pape Benoît XVI! Dieu dit dans le
Coran: "Que la paix soit avec les messagers et que Dieu, le Seigneur des
mondes, soit loué".
Texte intégral du
discours du Saint Père
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Discours de Benoît XVI à la mosquée Al-Hussein Bin-Talal à Amman
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Visite du musée et de la mosquée Al-Hussein Bin-Talal
et rencontre avec le monde musulman, le corps
diplomatique et le recteur de l'université
jordanienne
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Traduction française par
Charles de Pechpeyrou, Paris, France.
Source: Sandro Magister
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 11.05.2009 -
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