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Une visite chez le pape émérite Benoît XVI
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Le 10 décembre 2014 -
(E.S.M.)
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Benoît XVI a accordé un entretien à un journaliste allemand du
Frankfurter Allgemeine Zeitung, Jörg Bremer. Il coupe court aux
interprétations interventionnistes des modification apportées à un
texte de 1972 sur les divorcés remariés.... et en dit le moins
possible.
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Mater Ecclesiae au
Vatican
Une visite chez le pape émérite Benoît XVI
"Vater Benedikt" - Le silencieux du Vatican
Le 10 décembre 2014 - E.
S. M. - Les chaussures rouges, signe de la dignité
pontificale, ont disparu. A leur place, une paire de sandales en cuir avec
des chaussettes, qui pourraient être celles d'un moine quelconque, ou
peut-être d'un touriste allemand se promenant à Rome. L'habit, en revanche,
est restée la soutane blanche du Pape, symbole d'un statut qui demeure, même
après la renonciation à la papauté.
Mais lui, confie Ratzinger à un journaliste allemand, aurait préféré être
appelé simplement «Père Benoît»; sauf qu'alors, il était «trop faible et
fatigué» pour réussir à s'imposer. A présent, dit Joerg Bremer, l'un des
correspondants à Rome du Frankfurter Allgemeine, dans l'entretien publié
aujourd'hui dans l'édition du dimanche du journal, Ratzinger semble avoir
retrouvé ses forces.
A 87 ans, il se déplace sans canne dans sa maison de Mater Ecclesiae au
Vatican, ses yeux pétillent et ses réponses sont promptes et précises. Et,
avec une grande attention, il avertit le journaliste sur ce qu'il peut
écrire et ce qu'il ne peut pas. Comme son désir, après la renonciation,
d'être appelé simplement «Vater Benedikt»; «Cela, je peux
l'écrire?» interroge Bremer. «Allez-y - répond le Père Benoît-
peut-être que cela peut aider».
Mais pourquoi le pape émérite, qui vit retiré et ne se fait voir en
public que quand le Pape en fonction l'invite (la dernière fois pour la
béatification de Paul VI), décide-t-il de parler avec un journaliste,
rompant, avec toute la prudence nécessaire, la règle du silence qu'il s'est
imposé depuis qu'il a choisi de vivre comme un moine?
La raison réside probablement dans la sortie d'un nouveau volume, le
quatrième du recueil de ses écrits. Le fait est qu'en 1972, le professeur de
théologie Joseph Ratzinger, dans un document «Sur la question de
l'indissolubilité du mariage» s'était exprimé en termes possibilistes
sur la question de la réadmission des divorcés remariés à Eucharistie; dans
certains cas particuliers, avait écrit Ratzinger, la réadmission pouvait
être «couverte par la tradition».
Pour la republication, Ratzinger a préféré reformuler les conclusions et
répéter ce qu'il a affirmé en tant que cardinal puis en tant que pape, à
savoir l'inviolabilité de la doctrine sur l'indissolubilité du mariage, avec
ses conséquences en termes d'admission à la communion.
Pourrait-on dire alors que le Pape émérite a voulu entrer, et peut-être se
mettre un peu en travers, dans le débat voulu par François pour le Synode
consacré à ces thèmes? C'est une «absurdité totale» répond Benoît,
qui souligne qu'il a d'«excellents contacts» avec François.
La révision du texte a été décidée en Août, quelques mois avant le synode,
et ne contient «rien de nouveau». À cet égard, Ratzinger rappelle
l'enseignement de Jean-Paul II, «et moi-même, comme préfet de la
Congrégation pour la Doctrine de la Foi, j'ai écrit des choses beaucoup plus
radicales». Toujours avec le Pape Jean-Paul II, dont il fut un proche
collaborateur, Ratzinger rappelle - tel que rapporté par Bremer - que les
divorcés remariés ne devraient toutefois pas être exclus de la vie de
l'Eglise; par exemple, ils doivent pouvoir être parrains et marraines dans
le baptême (actuellement de nombreux diocèses requièrent de souscrire à des
modules, contresignés par le curé, où l'on déclare, entre autres choses, «ne
pas avoir contracté de mariage seulement civil, ni vivre en concubinage, ni
avoir procuré un divorce»).
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Au synode sur la famille le pape émérite Benoît XVI prend lui aussi la parole
Dans la demi-heure de conversation, il y a encore du temps pour une pensée
en vue de Noël, en particulier en Terre Sainte, qui touche particulièrement
la mémoire du Pape émérite, biographe de Jésus. Parce que Jésus n'était pas
seulement un esprit, sa présence est datée et «cette dimension terrestre
est importante pour la foi des hommes». Puis, au moment des salutations,
Benoît montre des médailles et des souvenirs du pontificat: «vous pouvez
les garder si vous voulez. A condition que cela n'alimente pas un culte de
la personnalité», a plaisanté avec un humour allemand (??), avant de
retourner à son silence, le pape émérite qui voulait être appelé seulement
"Père Benoît".
***
A peine assis sur le canapé dans son salon, le Père
Benoît (Vater Benedikt) affirme que c'était une «pure absurdité»
de penser qu'il s'était interposé dans le débat déclenché lors du récent
synode de famille pour permettre l'accès à la communion pour les divorcés
catholiques remariés. Au contraire, il dit: «J'essaie d'être aussi
silencieux que possible».
Agé de 87 ans, le Pape émérite vit détaché du monde à Mater Ecclesiae, l'un
des bâtiments construit au début du 20e siècle à l'intérieur du Vatican, et
qui a été rénové pour son usage. Derrière de grandes fenêtres il est situé
dans un espace ouvert et lumineux dans les jardins du Vatican, entouré de
rosiers et de vignes. De sa fenêtre de salon, le Père Benoît peut regarder
le paysage de début d'hiver, vers la coupole de la basilique Saint-Pierre.
Depuis qu'il a renoncé à la papauté en Février 2013, il n'a émergé que trois
fois de ce cloître pour être vu en public, et à chaque fois, à l'invitation
spécifique de son successeur, François. La plus récente a été à la messe de
béatification de Paul VI.
En cette dernière occasion, devant la Basilique Saint-Pierre, Benoît XVI
semblait irradier la paix de la renonciation. Il semblait plus fort qu'il ne
l'était au moment où il a démissionné en tant que Pape et durant les mois
qui ont suivis. A l'intérieur de sa maison, il n'utilise pas sa canne. Mais
il marche lentement et il est un peu voûté. Ses yeux sont brillants, et il
donne des réponses promptes dans son allemand teinté d'accent bavarois. Il
porte toujours la soutane blanche de pape, mais aujourd'hui, au lieu des
chaussures rouges, il porte des sandales en cuir marron avec des chaussettes
blanches.
Malgré sa vie cloîtrée, l'ancien pape reçoit des visiteurs. Surtout des
évêques qui souhaitent lui rendre visite, mais aussi son éditeur allemand,
Manuel Herder, ainsi que de vieux amis de la Bavière. Et apparemment, il
rencontre François plus souvent que ce qui est fait connaître publiquement.
Sur cela, Benoît dit seulement: «Nous avons un très bon contact». Il dit
qu'il ne veut pas être considéré comme une ombre planant sur son
successeur: «Il a une présence si forte, que je ne pourrais jamais avoir
avec mes faiblesses physiques et l'état où je suis»
En attendant, observe-il fermement, «les fidèles sont pleinement et
clairement conscients de qui est le vrai pape». Et il regrette que dès le
début, il n'ait pas su rendre plus claire la différence entre les façons de
s'adresser à lui et au pape régnant. Il dit qu'il aurait souhaité être
appelé «Père Benoît» après sa démission - Vater Benedikt ou Padre Benedetto
- mais à l'époque il ne l'a pas fait, [car il était trop faible et fatigué].
Je demande: «Pourrais-je écrire cela?». «Oui, s'il vous plaît. Cela peut
aider».
Depuis qu'il s'est retiré, Benoît ne parle pas aux journalistes, sauf s'ils
viennent le voir pour des visites de courtoisie. Mais cette fois, il m'a
dit, au moins à deux reprises, quoi écrire et ne pas écrire. Il dit que
c'est important pour lui que tout le monde comprenne qu'il ne se considère
pas comme un co-Pape qui s'impliquerait dans les affaires de l'Église, et surtout
pas qu'il le ferait pour prendre position contre le pape.
Peut-être insiste-t-il à ce sujet parce que le Tome 4 de ses Opera
Omnia vient d'être publié, et son essai de 1972 "Sur la question de
l'indissolubilité du mariage" a été réimprimé. Mais la conclusion, dit le
Père Benoît, a été «entièrement remanié».
Il avait écrit en 1972 que dans des cas particuliers, permettre la communion
aux divorcés remariés pourrait être «couvert» par la tradition. Mais depuis
lors, il a affirmé «l'impossibilité» pour les divorcés remariés de recevoir
l'Eucharistie.
Néanmoins, le Père Benoît dit que c'est «absurde» de soutenir qu'à cause de
cela, il veut se mêler de la controverse dans l'Eglise. Il dit qu'il a
réécrit l'essai en Août, des mois avant la première assemblée synodale en
Octobre, et qu'il n'y a «rien de nouveau» par rapport à ce que Jean-Paul II
avait affirmé précédemment, que « comme préfet de la Doctrine de la Foi,
j'ai écrit en termes encore plus drastiques».
Benoît n'a pas l'intention d'en dire plus au sujet de l'indissolubilité du
mariage sacramentel. L'enseignement de l'Église doit rester tel qu'il est.
Mais pour lui, il est important que les divorcés remariés qui ne peuvent
recevoir la communion soient aidés dans leur pratique religieuse, afin de
«ne pas porter un fardeau plus lourd pour eux qu'il n'est nécessaire». Il
cite la Lettre apostolique de Jean-Paul II 'Familialris Consortio', écrite
après l'assemblée synodale sur la famille qu'il avait convoquée en 1981 et
qui en appelle à une pastorale qui n'exclut pas les divorcés remariés, mais
plutôt «devrait leur permettre de sentir l'amour de la Église.»
Ces couples devraient même pouvoir se joindre à des comités d'église et être
parrain/marraine de baptême, écrit le Père Benoît dans
sa nouvelle conclusion à la fin de l'article de 1972, tel qu'il apparaît maintenant dans
le quatrième volume des Œuvres complètes; un livre épais de 700 pages, et
Benoît ironise disant que "personne n'aurait cherché justement ces
phrases-là, sinon des gens qui cherchaient quelque chose de particulier dans
ces 700 pages" .
* * *
Le soleil d'hiver brille doucement à travers la fenêtre et les rideaux sur
les cheveux blancs de Benoît et le canapé blanc à côté d'un guéridon. Sur la
longueur d'un des murs, une partie de sa bibliothèque. Il y a un grand écran
de télévision, Benoît aimant à regarder les informations italiennes du soir,
et un film de temps en temps. Des peintures avec des sujets sacrés décorent
les murs blancs. Un crucifix est suspendu à un mur. Il dit qu'il doit être
«très reconnaissant au bon Dieu de se porter encore si bien». Il prie
et lit, réfléchit, et prépare une petite homélie pour chaque dimanche, mais il dit qu'il n'écrira plus rien - et il regarde ses
mains.
A l'annulaire droit il porte un anneau d'évêque en or qui lui avait été
donné par le pape Paul VI . Autour de son cou, il porte une
croix pectorale en or et argent comme celles qu'il a donnée à de nombreux
évêques, quand il était pape.
Il parle à des amis et continue de cultiver des amitiés. Il semble être
tellement soulagé de n'avoir plus à porter le fardeau de ce qui était
autrefois son ministère. Il n'y a plus de discours à prononcer, plus de
déplacement. Il n'aurait jamais réussi à continuer à faire tout le travail
nécessaire, remarque-t-il. Et donc, «rester en charge n'aurait vraiment pas
été correct».
Une couronne de l'Avent est posée sur la table à thé. Une bougie est
allumée, annonçant Noël. Cette fête, qui pour Benoît depuis qu'il était un
enfant à Marktl, en Haute-Bavière, a toujours été la plus belle de toutes
les fêtes de l'Église, même si Pâques est théologiquement plus importante.
Il se souvient de la luge sur la neige et la glace; des chansons et de la
musique orchestrale; de la liturgie spéciale pour la messe de Noël.
Alors que l'Église d'Occident célèbre l'Incarnation de Dieu à Noël, les
Eglises orientales sont plus axées sur la commémoration de l'Epiphanie - qui
est la manifestation publique de Jésus avec son baptême dans le Jourdain;
c'est le même mystère, dit-il, mais abordé sous des angles différents.
Les souvenirs de Benoît XVI s'attardent sur la Terre Sainte où Jésus a vécu
et où «ses empreintes affirment le mystère de l'incarnation de Dieu». Bien
sûr, dit-il, «on n'a pas besoin d'aller en Terre Sainte pour faire
l'expérience de l'Esprit Saint. Mais Jésus lui-même n'était pas un esprit -
il peut être datée à un moment historique précis », et cette dimension
terrestre est encore utile pour la foi des gens».
La demi-heure convenue pour l'entrevue est presque terminée. Mais Benoît n'a
pas hâte de dire adieu, même quand il semble qu'on entende des sons
indiquant qu'on prépare le repas. Pour le visiteur, il y a une petite
boîte-cadeau sur un plateau d'argent. Elle contient un médaillon de bronze
posé sur du satin rouge. Le médaillon montre Benoît avec la coupole de
Saint-Pierre derrière lui. Il y a aussi deux photos-souvenirs. Tout cela
faisant partie de ce qui avait été préparé pour sa visite au Mexique et à
Cuba, début 2012. Il dit: «Vous pouvez les prendre si vous le souhaitez»
avec un sourire espiègle, «même si on ne doit certainement pas encourager un
culte de la personnalité», tandis qu'il se lève avec un peu de difficulté et
tend la main.
Il reste derrière, le temps que le visiteur prenne l'ascenseur vers le rez
de chaussée, où en effet, la cuisine a été préparée, et la table de la salle
à manger dressée pour le «père de famille» et sa petite communauté.
Dans le vestiaire de la petite entrée, il y a la veste matelassée blanche de
Benoît. Après le déjeuner, il aime sortir pour nourrir les chats. Plus tard, vers 16 heures, il fait
une petite promenade dans les jardins. Près de la porte, il y a un banc de
bois d'Etzelsbach in Eichsfeld, le sanctuaire marial d'Allemagne de l'Est où
Benoît, lors de sa dernière visite apostolique dans son pays natal, avait
célébré les vêpres en l'honneur de la Sainte Vierge. Le banc porte gravée la
devise de ce voyage de 2011, «Là où Dieu est, là est le futur».
par Jörg Bremer, Correspondant politique en
Italie et au Vatican du Frankfurter Allgemeine Zeitung
►
Mgr Georg Gänswein : Mon Noël avec deux Papes - 10.12.2014
Sources : Trad .
benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.12.2014
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