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Mgr Georg Gänswein :
Mon Noël avec deux Papes
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Le 10 décembre 2014 -
(E.S.M.)
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Une longue interview de "padre Georg" menée par Ignazio Ingrao,
pour le journal italien "Il mio Papa" .
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Le pape Benoît XVI et
Mgr Georg Gänswein
Mgr Georg Gänswein :
Mon Noël avec deux Papes
Le 10 décembre 2014 - E.
S. M. -
"Il mio Papa" publie une très longue interview du secrétaire du pape
émérite, Mgr Gänswein par Ignazio Ingrao. C'est probablement un complément à
l'autre interview, celle accordée par Benoît XVI ces jours-ci à un journal
allemand, pour répéter que le seul Pape est bien François (
L'interview du pape émérite au FAZ).
Ceci étant posé, l'interview est très intéressante, et si elle reprend des
épisodes connus (comme la façon dont Mgr Gänswein a vécu la démission de
Benoît XVI), elle contient des éléments inédits, et même quelques passages
très beaux et émouvants.
L'histoire l'a appelé à être un témoin discret et crucial d'événements
inouïs. D'abord, le majordome infidèle qui volait des documents sur le
bureau du pape pour les transmettre à la presse. Puis la démission de Benoît
XVI . Ensuite l'élection du Pape argentin. La coexistence de deux papes au
Vatican. Et lui est devenu le bras droit des deux. Nous parlons de Mgr Georg
Gänswein, né il ya 58 ans dans une petite ville de la Forêt Noire (Riedern
am Wald, archidiocèse de Fribourg ) et qui a fini sans le vouloir, sous les
projecteurs du monde.
Pour la presse, il est est Padre Georg: le beau secrétaire du Pape Benoît
XVI , le George Clooney de la Curie. Admiré et désiré par toutes les femmes.
Il suffit de parler un peu avec lui, cependant, pour réaliser combien il est
loin de ce stéréotype. Imperméable aux sirènes de la mondanité, strict avec
lui-même, don Georg vit l'Église comme un service et les dernières années
ont même été marquées par de pesantes souffrances pour ce qui est arrivé à
Papa Ratzinger. Il reçoit «Il mio Papa» dans un salon à côté de son
bureau, dans la Préfecture de la Maison pontificale .
C'est le cœur de la machine complexe et articulée des audiences papales, des
visites des chefs d'Etat, du protocole, des rencontres diplomatiques. Le
carrefour pour l'accès au Pontife. Un travail énorme à effectuer avec tact
et discrétion. Un travail de grande confiance. Auquel s'ajoute, dans la
soirée, son ancien service de secrétaire de Benoît XVI, qui réside dans le
monastère Mater Ecclesiae sur la colline du Vatican. François nous regarde
avec son doux sourire, d'un cadre accroché au mur. De côté, un merveilleux
triptyque médiéval de la Vierge avec l'Enfant: synthèse efficace de ce
qu'est la Curie romaine , où le passé et le futur s'entremêlent
harmonieusement, où la tradition et la réforme sont complémentaires.
* * *
- Excellence, dimanche dernier était le début de
l'Avent. Quelles suggestions offrez-vous aux lecteurs de «Il mio Papa» pour
vivre au mieux la préparation à Noël?
« L'Avent est un temps de préparation. Ce n'est pas une valeur en
soi, mais par rapport à un objectif, l'objectif que nous nous fixons: vivre
bien la naissance du Seigneur. Mais nous ne sommes pas faits de pur esprit,
nous sommes des hommes de chair et de sang. C'est pourquoi il est important
de fixer en ces semaines qui précèdent Noël deux ou trois points concrets
que nous voulons améliorer ou que nous désirons changer. Tout d'abord, je
dirais de donner plus de temps pour le silence intérieur. Nous garder un peu
plus de temps pour la prière et la lecture de l'Ecriture Sainte. Puis faire
des actes de charité perceptibles: accompagner quelqu'un qui en a besoin,
visiter un malade, donner quelque chose de nous-mêmes à ceux qui sont dans
le besoin, demandent pardon où nous sommes trompés».
- En Italie, mais pas seulement, celui-ci est un Noël
difficile, avec de nombreux problèmes économiques. Cela signifie qu'il doit
être vécu surtout sous le signe de la pauvreté?
« L'esprit de Noël est un esprit de gratitude et d'espérance. Mais
attention: ce n'est pas que dans le passé ou dans d'autres lieux, la
situation était meilleure. Je veux dire, il y a toujours une urgence
concrète ou une pauvreté cachée à secourir, une solitude à «panser» une
douleur à consoler. Le don de Noël est de trouver le courage d'accepter ce
défi: découvrir la joie de l'Enfant Jésus, du Seigneur qui vient à nous,
dans toutes les situations auxquelles nous sommes confrontés ".
- Comment le Pape François vit-il Noël?
« Je dois avouer que je ne connais pas les traditions personnelles de
François sur Noël. Nous savons qu'il est un homme de prière. Il nous le
montre tous les jours. Donc, je pense qu'à Noël, il cherche à avoir encore
plus de temps pour la rencontre avec le Seigneur, plus d'occasions de
recueillement. Pour cela, les belles et nourrissantes célébrations
liturgiques sont une aide».
- Et le pape Benoît XVI, comment passera-t-il ces
festivités?
« Le Pape Benoît ressent très fort le temps de Noël. Il y a d'abord
la riche liturgie qui caractérise ces jours et donne un "parfum" spécial aux
prières. Maintenant, il a aussi plus de temps pour méditer le mystère de la
naissance du Seigneur».
- Vous échangez des cadeaux avec le Pape?
« Mais bien sûr. Avec le pape Benoît et les Memores (femmes
laïques consacrées, ndlr) qui vivent dans la maison nous avons toujours
échangé des cadeaux dans l'après-midi de Noël, comme dicté par notre
tradition, même pendant le pontificat».
- Que vous a offert Benoît XVI à Noël dernier?
« Une belle étole blanche et un livre d'art religieux».
- Et vous, que lui avez-vous donné?
« Je me mets toujours avec les Memores et nous essayons de
faire quelque chose de beau et utile: un livre, ou un vêtement, ou un objet
pour son bureau»
- Vous mettez des décorations de Noël?
« Oui. Dans notre chapelle il y a un arbre décoré et une belle
crèche. Un autre arbre et une crèche se trouvent dans le salon. Le pape
émérite aime beaucoup les scènes de la nativité et des décorations de Noël».
- Comment passez-vous les fêtes?
« Comme dans une famille. Le Pape Benoît, les Memores et moi,
nous nous retrouvons souvent ensemble pour chanter les chants lyriques de
Noël, qui sont typiques de notre tradition. Nous avons un gros livre qui
rassemble des chants en allemand et en italien. Nous écoutons aussi quelques
CD avec de la musique de Noël».
- Quel est le chant de Noël que vous aimez le mieux?
« "Stille Nacht" ("Ô douce nuit"), je le chante depuis l'enfance».
- Vous préparez le dîner de Noël?
« Bien sûr. C'est une partie essentielle de la fête .
- L'an dernier, François et Benoît ont déjeuné
ensemble le 27 Décembre à Santa Marta. Un repas est-il prévu de nouveau
cette année?
« Jusqu'à présent, on n'en a pas parlé. L'année dernière, en effet,
François a invité le pape émérite au déjeuner à Santa Marta, mais d'abord,
il avait fait une visite au Monastère chez nous. Depuis Benoît XVI a
quelques problèmes de marche. Et ceci rend peut-être plus difficile de
répéter ce qui s'est passé à Noël dernier. J'espère cependant que François
aura un peu de temps pour venir visiter le pape Benoît, qui en serait très
heureux .
- Ressentez-vous la nostalgie des fêtes de Noël
passées avec votre famille, dans votre pays?
« A présent, cela fait dix-huit ans que je vis à Rome. Ma maison est
ici. Certes, je me rappelle avec affection les fêtes de Noël passées en
famille durant mon adolescence. Quand nous allions à la messe de minuit sous
la neige, et puis rentrions à la maison et échangions les cadeaux. Les
chants que nous faisions tous ensemble avec grands-parents, les parents et
les frères et sœurs. Nous étions trois générations sous un même toit».
- Vous jouiez, aussi?
« Oui, je jouais de la clarinette et je chantais. J'ai toujours aimé
la musique».
- Vous retournerez chez vous, durant les fêtes de
Noël?
« Nous verrons. Les autres années, je suis allé à la maison pour
trois ou quatre jours entre le Nouvel An et l'Epiphanie, quand les audiences
du pape sont suspendues, à l'exception de l'audience générale. J'ai un père
très malade de 93 ans admis dans un foyer de soins, et une tante de 90 ans,
qui vit à la maison avec un soignant. Et puis, il y a mes frères et sœurs et
leurs familles, parents et amis. Je sens beaucoup la valeur et la proximité
de la famille. Cela me fait du bien de passer un peu de temps avec eux».
- Le Noël de l'année 2012 a été très spécial. Vous
saviez déjà que ce serait le dernier Noël de Benoît XVI comme «pape
régnant», avant la renonciation?
« Oui, je le savais. Bien sûr, je devais garder le secret».
- Dans votre cœur, vous espériez que le Pape
changerait d'avis et ne démissionnerait pas?
« Quiconque connaît le pape Benoît sait que c'est un homme qui, quand
il prend une décision, ne revient pas en arrière. Il n'a pas de doutes.
J'étais triste dans mon cœur, mais je ne pouvais pas montrer quoi que ce
soit à l'extérieur».
- Comment Ratzinger vous a-t-il communiqué sa
décision?
« Il m'a appelé. Nous étions seuls. Et il m'a dit qu'après beaucoup
de réflexion et de prière, il en était venu "Coram Domino" à une décision
d'une grande importance: pour le bien de l'Eglise, il voulait renoncer au
ministère pétrinien. Il a souligné que cette décision avait été prise en
pleine liberté, et conscient des graves conséquences».
- Il vous a demandé votre avis? Il a pris conseil
auprès de vous?
« Vraiment pas. Quand il me l'a dit, la décision était déjà prise».
- D'autres étaient déjà au courant?
« Seulement deux personnes. Elles aussi tenues par le secret
pontifical».
- Comment avez-vous réagi?
« J'étais choqué. Je voulais le contredire, mais sans succès. Il m'a
fallu beaucoup de temps pour digérer cette décision. Cela m'a beaucoup aidé
de voir la sérénité et la détermination avec lesquelles le Pape Benoît a
fait et vécu ce choix, soutenu par la foi et la grâce du Seigneur».
- Vous vous êtes confié à d'autres, avant que Benoît
ne fasse l'annonce au monde?
« Juste une fois, j'en ai parlé avec l'une des deux personnes qui le
savait. Pour me donner du courage, et même pour nous donner du courage
mutuellement».
- Que pensez-vous de ceux qui, aujourd'hui, affirment
qu'en réalité, le pape légitime est encore Benoît, qu'il n'aurait pas
renoncé à la papauté, mais seulement à l'exercice actif de celle-ci?
« Je pense que c'est une absurdité théologique, et même la logique.
Le texte de la démission de Benoît XVI, prononcé le 11 Février 2013 dans la
Salle du Consistoire, est sans ambiguïté. Il n'y a rien à «interpréter». A
la renonciation ont succédé la Sede vacante, le Conclave et enfin l'élection
du nouveau pape. Le pape légitime s'appelle François».
- Presque deux ans après, comprenez-vous plus à fond
les raisons du choix de Benoît XVI?
« Je comprends de mieux en mieux ... Dans l'homélie de la Messe du
début de pontificat, le 24 Avril 2005, le Pape Benoît XVI avait dit: "Priez
pour moi, afin que je ne me dérobe pas, par peur des loups". Dans son
pontificat, il n'a pas fui devant les loups. Il les a affrontés avec
courage, détermination et force. Et avec le même courage, avec la même
détermination et avec la même force, il a pris une décision exceptionnelle
quand il a senti ses forces l'abandonner».
- Comment vivez-vous votre service à deux papes en
même temps?
« C'est un beau don. Et en même temps aussi un beau défi».
- Comment est organisé votre journée?
« La journée commence par la messe avec le pape Benoît; suit le temps
por la prière, le bréviaire et le petit déjeuner. Après je vais à la
préfecture et je commence mon service aux côtés de François: il y a des
audiences, les rencontres officielles et ainsi de suite. Après avoir terminé
ces rendez-vous, je reviens au bureau pour préparer les rendez-vous
ultérieurs. A l'heure du déjeuner, je rentre au monastère pour déjeuner avec
le Pape Benoît. Après le déjeuner, nous faisons un peu de marche, suivie
d'un court repos, puis nous récitons ensemble le chapelet en marchant dans
les jardins du Vatican. Après je reviens au bureau pour réduire la montagne
de courrier, signer des lettres, recevoir les gens. Vers 19h30, je rentre à
la maison pour le dîner avec le pape Benoît et les Memores. La soirée est
alors le moment pour faire le secrétaire du pape émérite: expédier le
courrier arrivé et tout préparer pour le lendemain».
- Combien de temps reste-t-il pour vous-même?
« Très peu, presque rien. C'est le prix à payer».
- Et le temps pour vos promenades en montagne ou pour
aller skier ou jouer au tennis?
« Les excursions en montagne sont devenues très rares,
malheureusement. Depuis le 11 février 2013, je n'ai pas joué au tennis. Sans
parler du ski».
- Vos «supérieurs» ne vous le permettent pas?
« La question n'est pas là. Cela dépend de moi et non pas de mes
«supérieurs». Je devrais trouver la meilleure façon de m'organiser et de
prendre un peu de temps pour me reposer».
- C'est une de vos résolutions pour la nouvelle année?
« Exactement. Avoir plus de temps pour se recharger pendant la
semaine signifie finalement également pouvoir mieux servir l'Église. Mais je
le répète, cela dépend de moi».
- On a écrit que François penserait à vous envoyer
comme archevêque dans quelque diocèse allemand. C'est possible? Combien de
temps encore resterez-vous au Vatican?
« A plusieurs reprises, quelques journaux m'ont envoyé dans plusieurs
diocèses allemands: de Fribourg à Hambourg, en passant par Munich et Berlin.
Tout est inventé, des âneries. Le fait est que je suis et que je resterai
ici, au Vatican. Le temps est dans les mains du Seigneur».
- Dans votre vie de prêtre, combien a pesé votre
apparence physique? Sentez-vous les yeux des femmes sur vous?
« Il est temps de dédramatiser. Au début, oui, j'ai été frappé quand
on m'a comparé à l'acteur George Clooney ou d'autres personnages de cinéma.
J'en ai ri un peu. Puis j'ai commencé à ne plus y faire attention. Je sais
qu'il y a des gens qui s'arrêtent à l'aspect physique. Mais c'est à nous de
comprendre que derrière, il y a plus, quelque chose de plus spirituel et
profond qui est beaucoup plus important ".
- Comment est votre caractère, vous vous mettez
parfois en colère?
« Je suis une personne qui a beaucoup le sens du devoir. Parfois
trop. Ainsi, il peut arriver que je me mette en colère, si je vois un
travail mal fait, ou note un manque d'attention ou de respect envers les
compétence et les responsabilités».
- Le pape Benoît, au contraire, ne s'inquiète jamais,
et n'élève jamais la voix?
« Non, jamais. C'est un homme très doux. Mais cela ne signifie pas
que ce n'est pas une personne ferme et décidée. Il ne sent pas le besoin
d'élever la voix. Plutôt, quand il baisse le ton, cela signifie qu'il tient
vraiment à souligner que quelque chose ne va pas».
- Et François? C'est vrai que de temps en temps, il
crie?
« Je ne sais pas. Avec moi, il n'a jamais élevé la voix. Mais s'il y
a quelque chose qui lui tient particulièrement à cœur, il peut "s'enflammer"
».
Ignazio Ingrao
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Une visite chez le pape émérite Benoît XVI - 10.12.2014
Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 10.12.2014
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