Jean Paul II sur la tombe de Jérôme
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Rome, le 09 août 2007 -
(E.S.M.) - Entre le Pape Jean Paul II
et Jérôme Lejeune, il y a en effet une convergence : l'avortement est, à
leurs yeux, la principale menace contre la paix.
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Jérôme Lejeune
Jean Paul II sur la tombe de Jérôme Lejeune
Bien cher Ami de l'Abbaye Saint-Joseph,
AOÛT 1997 : Jean-Paul II est en France pour les Journées Mondiales de
la Jeunesse. On apprend que le Pape a bousculé le programme de son
voyage : malgré des pressions contraires, il fait un crochet par
Châlo-Saint-Mars, bourg d'Île-de-France, afin de se recueillir sur la tombe
de son ami le professeur Lejeune, décédé en 1994.
Jérôme Lejeune est né en 1926, à Étampes, dans une famille que la guerre de
1939-1945 laissera ruinée. À 13 ans, la découverte de deux auteurs, Pascal
et Balzac, le marque pour la vie. Subjugué par le Dr. Bénassis, héros du "
Médecin de campagne ", il veut devenir, lui aussi, médecin de campagne,
dévoué aux humbles et aux pauvres. Après la guerre, il se jette avec passion
dans les études de médecine. Bientôt, une motivation supplémentaire le
stimule au travail : il a fait la connaissance d'une jeune Danoise, Birthe,
et s'en est épris passionnément. Le 15 juin 1951, il soutient avec succès sa
thèse de doctorat. Ce même jour, son avenir se décide dans un sens tout
différent de ses projets : un de ses maîtres, le professeur Raymond Turpin,
lui propose de collaborer à un grand ouvrage sur le " mongolisme ", maladie
qui atteignait un enfant sur six cent cinquante. Jérôme accepte. Sa voie est
désormais tracée. Le Ier mai 1952, il épouse, à Odense au Danemark, Birthe
Bringsted devenue catholique, dont il aura cinq enfants. La vie de famille
est pour lui un objet de prédilection, surtout pendant les vacances. Pendant
ses séjours à l'étranger, chaque jour il écrit à sa femme.
En 1954, il devient membre du bureau de la Société française de génétique et
attaché de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique. Depuis
les explosions d'Hiroshima et de Nagasaki, l'effet des radiations nucléaires
sur la reproduction humaine est à l'ordre du jour. Turpin oriente son équipe
vers ce domaine, et, en 1957, Jérôme est nommé, auprès de l'ONU, « expert
sur les effets des radiations atomiques en génétique humaine ». Il
participe, dès lors, à des congrès internationaux, où il se fait remarquer
par sa candide liberté de langage, face à la volonté de domination de
certaines délégations.
Trois enfants font déjà le bonheur de son foyer, lorsque la santé de son
père se dégrade. Jérôme est mis devant l'évidence : il s'agit d'un cancer
des poumons. L'agonie de ce père aimé lui fait réaliser à quel point « la
vue de la souffrance de ceux que l'on aime est insupportable ». Son regard
devient désormais plus profond : dans chaque visage de patient, il
reconnaîtra le Christ lui-même.
Profitant de nouveaux procédés photographiques, Jérôme met en évidence,-
dans un tissu provenant d'un petit " mongolien ", la présence d'un
chromosome supplémentaire, au niveau de la 2Ie paire (un être humain en
compte 23, soit 46 chromosomes). Voilà l'origine du " mongolisme ", maladie
désormais nommée " trisomie 21 ". Communication est faite de la découverte à
l'Académie de Médecine, en mars 1959. En novembre 1962, Jérôme se voit
décerner le "prix Kennedy" ; en octobre 1965, il devient titulaire de la
première chaire de génétique fondamentale à Paris. Tout porte à l'espérance
: sa découverte et la publicité qui en est faite dans le monde scientifique,
pense-t-il, stimuleront la recherche, et permettront la mise au point de
traitements appropriés pour guérir les malades et donner une espérance à
leurs parents. Les familles des malades, attirées par la renommée
internationale de Jérôme et son accueil, s'adressent de plus en plus
nombreuses à lui. Il traite plusieurs milliers de jeunes patients, venus le
consulter du monde entier ou suivis par correspondance. Il aide les parents
à comprendre et à accepter cette épreuve dans une vision chrétienne : ces
enfants trisomiques, créés à l'image de Dieu, sont promis à un avenir
éternel où rien ne demeurera de leurs infirmités. Il les assure que leur
enfant, malgré un grave handicap intellectuel, débordera d'amour et de
tendresse.
Le racisme chromosomique
Mais Jérôme perçoit, surtout dans le corps médical américain, un courant qui
préconise la suppression par l'avortement des malades à naître. Il voit avec
frayeur quels risques sa découverte vient d'engendrer pour les trisomiques.
Pour combattre cette forme de racisme, l'appel à la réalité expérimentale
lui paraît une arme décisive. Elle montre, en effet, aux esprits non
partisans, qu'il n'est pas permis de regarder comme étrangers à l'espèce
humaine des êtres qui, biologiquement, font partie de cette espèce :
l'embryon est un homme.
Août 1967 : le professeur Lejeune est convié à la septième assemblée
mondiale de l'Association médicale israélienne, à Tel-Aviv. Alternent
travaux et excursions ; la première a pour but le lac de Tibériade. «
J'entrai dans une petite chapelle de mauvais goût, relate Jérôme... Je
m'allongeai de tout mon long pour baiser la trace imaginaire des pas de
Celui qui était là ». À cet instant, il éprouve un sentiment inconnu : « Un
fils retrouvant un Père très aimé, un Père enfin connu, un Maître révéré, un
Cœur très sacré découvert, il y avait de tout cela et beaucoup plus... »
Tout fond au feu de ce brasier d'amour : le monde, les honneurs, la
réussite, la crainte du jugement de l'autre. Il n'y a plus que le Seigneur,
et la nécessité de répondre à sa bonté prévenante.
Lorsque Jérôme rejoint les autres congressistes, une force s'est emparée de
lui. Pour quel usage ? Un incident va le mettre sur la voie. En arrivant à
Cana, le guide demande si quelqu'un sait la raison de la renommée
internationale de la cité. Jérôme prend le micro et, naïvement, raconte
l'épisode évangélique des noces et le miracle de l'eau changée en vin.
Silence. Puis le guide : « Vous n'y êtes pas du tout ! Ce qui fait
l'importance de Cana, c'est la présence des laboratoires de cosmétique
Helena Rubinstein ! » Éclat de rire général. Jérôme se tait : il se sent
impuissant à venger l'outrage que le Christ vient de recevoir sous ses yeux.
Voici maintenant Nazareth : en sortant du car, tout le monde se dirige vers
la basilique de l'Annonciation. Mais les uns parlent à voix haute, d'autres
se livrent à des plaisanteries obscènes sur la visite de l'Ange et la
Virginité de MARIE. Jérôme sent qu'on le provoque. Que faire ? Il entre et,
lentement, se signe puis s'agenouille par révérence envers le mystère de
l'Incarnation accompli en ce lieu. Curieusement, son attitude humble et
courageuse fait taire les ricaneurs. Après cette profession de foi publique,
personne ne provoquera plus le professeur Lejeune, mais on le met à l'écart
du groupe.
« J'ai perdu mon "Nobel" »
En août 1969, la société américaine de génétique décerne à Jérôme le "
William Allen Mémorial Award ", la plus haute distinction qui puisse être
accordée à un généticien. Dès son arrivée à San Francisco, où on doit la lui
remettre, Jérôme perçoit nettement qu'on envisage d'autoriser l'avortement
des trisomiques. Le prétexte est qu'il serait cruel, inhumain, de laisser
venir au monde de pauvres êtres voués à une vie inférieure, et représentant
une charge intolérable pour leur famille. Jérôme tremble : « Par ma
découverte, se dit-il, j'ai rendu possible ce honteux calcul ! » Après la
remise du prix, il doit prononcer devant ses confrères une conférence.
Aura-t-il le courage de dire la vérité ? Un mot célèbre de saint Augustin
lui revient en mémoire : « Deux amours ont fait deux cités : l'amour de soi
poussé jusqu'au mépris de Dieu a fait la cité terrestre, l'amour de Dieu
poussé jusqu'au mépris de soi a fait la cité céleste ». Peu importe sa cote
dans le monde scientifique : Ce que vous avez fait au plus petit d'entre les
miens, a dit JÉSUS, en vérité c'est à Moi que vous l'avez fait!
(Mt 25, 40)
II parlera ! La nature corporelle des hommes, explique-t-il, est tout
entière contenue dans le message chromosomique, dès le premier instant de la
conception ; ce message fait du nouvel être un homme, non un singe, ni un
ours ; un homme dont toutes les virtualités physiques sont déjà incluses
dans les informations données à ses premières cellules. À ces virtualités,
qui seront au service de sa vie intellectuelle et spirituelle, rien ne sera
plus ajouté : tout est là. Il conclut avec netteté : la tentation de
supprimer par l'avortement les petits d'hommes malades va à l'encontre de la
loi morale, dont la génétique confirme le bien-fondé ; cette morale n'est
pas une loi arbitraire. Pas un applaudissement : silence hostile ou gêné
parmi ces hommes qui sont l'élite de sa profession. Jérôme les a heurtés de
front. Il écrit à son épouse : « Aujourd'hui, j'ai perdu mon " Nobel " de
médecine » ; mais il est en paix. Il confie à son journal intime : « Le
racisme chromosomique est brandi comme un drapeau de liberté... Que cette
négation de la médecine, de toute la fraternité biologique qui lie les
hommes, soit la seule application pratique de la connaissance de la trisomie
21 est plus qu'un crève-cœur... Protéger les déshérités, quelle idée
réactionnaire, rétrograde, intégriste, inhumaine ! »
Combat médiatique
Le monde médical faisant défaut, ne peut-on convaincre le monde politique ?
En juin 1970, un député français, Peyret, dépose un projet de loi permettant
le dépistage anténatal des enfants trisomiques et leur suppression par
l'avortement. À la rentrée, les médias engagent le débat. Jérôme est invité
aux Dossiers de l'Écran, émission télévisée à " grande écoute " : son
intervention lui vaut un impressionnant courrier, parmi lequel des lettres
bouleversantes de grands handicapés de naissance témoignant que leur vie n'a
pas été le cauchemar que d'aucuns prétendent, ainsi que des lettres de
parents de trisomiques, qui disent l'affolement de leur fils ou de leur
fille, lorsqu'ils ont compris qu'on veut tuer ceux qui leur ressemblent. En
réalité, la campagne en faveur de la suppression des trisomiques est un
moyen d'introduire le droit à l'avortement. On s'emploie à discréditer
Lejeune. Après avoir tenté de le contredire au cours de diverses
conférences, le 5 mars 1971, lors d'une grande réunion publique à la
Mutualité, les opposants, armés de barres de fer, en viennent à molester des
femmes, des personnes âgées, même de grands handicapés. La police doit
intervenir pour faire fuir les agresseurs. Quant à Jérôme, il s'en tire avec
quelques tomates en pleine figure.
La question de l'avortement agite maintenant toute l'Europe ; la
Grande-Bretagne a emboîté le pas aux États-Unis, qui ont légalisé le
dépistage de la trisomie et son " traitement " par l'avortement. La campagne
médiatique, en France, s'étend à l'avortement de tous les indésirables : «
Un bébé ne devient légalement une personne que lorsqu'il est né » ; « une
femme a le droit de faire ce qu'elle veut de son corps »... Arguments
spécieux, auxquels maints catholiques se montrent perméables, parfois même
au point de les propager.
Lors d'un voyage en Virginie, en octobre 1972, on présente à Jérôme un
protocole à appliquer lors d'expériences de physiologie ou de biochimie
pratiquées sur des fœtus de cinq mois, " prélevés " dans ce but par
césarienne. Il écrit à son épouse : « Le texte dit de les traiter comme
n'importe quel prélèvement de tissus ou d'organes, mais précise qu'il faut
les tuer au bout de peu de temps... J'ai simplement dit qu'aucun texte ne
pouvait réglementer le crime ». Ses confrères si qualifiés, comment en
sont-ils venus là ? Ils ont été formés, sous prétexte de rigueur
scientifique, dans une optique où Dieu n'a pas de place : est " bien ", non
ce qui est conforme à la loi de Dieu, mais ce qui est efficace ; est " mal
", ce qui gêne le progrès matériel. Pour eux, le fœtus n'est plus un homme,
une créature de Dieu, destinée à Le voir et à L'aimer toute l'éternité. Il
peut alors devenir la cible de toutes les attaques : il suffit d'obtenir une
majorité.
Le maillon le plus faible
1973 : les Etats-Unis viennent de reconnaître constitutionnellement le droit
à l'avortement en général. Au cours d'un colloque sur ce sujet, tenu le
18 mars à l'abbaye de Royaumont, en Île-de-France, une femme ayant des
responsabilités lance cette phrase : « Nous voulons détruire la civilisation
judéo-chrétienne. Pour la détruire, nous devons détruire la famille... en
l'attaquant dans son maillon le plus faible, l'enfant qui n'est pas né
encore. Nous sommes pour l'avortement !» Le 7 juin, le projet de loi
dépénalisant l'avortement est déposé à l'Assemblée nationale. Jérôme
constate que l'on avance des chiffres faux et que l'on se sert des cas
d'extrême détresse, auxquels il est pourtant très attentif, pour faire
passer le droit à l'avortement. De prétendus sondages incitent à croire que
la moitié du corps médical y est favorable : or, au même moment, grâce à
l'initiative de Madame Lejeune, sont rassemblées et publiées plus de 18.000
signatures de médecins français (soit la plus grande partie du corps
médical) déclarant leur opposition à l'avortement, et manifestant ainsi la
fausseté de la campagne médiatique. Aux médecins se joignent bientôt des
infirmières, puis des magistrats, des professeurs de droit, des juristes,
plus de 11.000 maires et élus locaux. Le projet est enrayé. Dans ce combat,
dont l'enjeu est de rester fidèle au Décalogue et de sauver des vies
humaines, une grande partie du clergé se tait. Le Curé de sa paroisse écrit
à Madame Lejeune : « L'Église ne peut pas apparaître comme un groupe de
pression. Il me semble que c'est à cause de cela que l'assemblée des évêques
garde en ce moment le silence ». Jérôme en est peiné. Un an plus tard, le 15
décembre 1974, la "loi Veil ", permettant l'avortement, est adoptée à
l'Assemblée nationale, pour une durée de cinq ans.
Le 13 mai 1981, Jérôme et son épouse sont à Rome : le Saint-Père Jean Paul
II
désire les recevoir en audience privée. Après l'entretien, le Pape les retient spontanément à déjeuner. Le soir même, en rentrant à Paris, ils
apprennent l'attentat dont Jean-Paul II vient d'être victime, quelques
heures après qu'ils l'ont quitté. La santé de Jérôme est ébranlée par cette
nouvelle. À l'automne, préoccupé par la situation internationale, Jean Paul
II décide d'envoyer à chaque chef d'État en possession de l'arme
nucléaire une délégation de membres de l'Académie pontificale des Sciences,
porteurs d'un rapport sur les dangers de la guerre atomique. Pour l'URSS, il
désigne Lejeune et deux autres. La rencontre a lieu le 15 décembre 1981. «
Nous, scientifiques, dit clairement Jérôme, nous savons que, pour la
première fois, la survie de l'humanité dépend de l'acceptation par toutes
les nations, de préceptes moraux transcendant tout système et toute
spéculation ». De cette mission diplomatique, aucun écho dans la presse. Les
tracasseries administratives, qui, à partir du vote de la loi Veil, avaient
commencé à viser Jérôme, notamment sous la forme de contrôles fiscaux
répétés, prennent une tournure plus aiguë. Ses crédits de recherche sont
supprimés ; il est contraint de fermer son laboratoire. Indignés par ce
procédé, des laboratoires américains et anglais lui octroient sans
contrepartie des crédits privés; cette solidarité désintéressée lui permet
de reconstituer une équipe de chercheurs animés des mêmes motivations.
Malgré la dérision
En août 1988, on presse le professeur Lejeune de témoigner à Maryville, aux
États-Unis, dans un procès spectaculaire dont l'enjeu est la survie de
milliers d'embryons congelés. Malgré la fatigue, Jérôme tient à se rendre
auprès de ceux qui, dans le monde entier, souffrent persécution pour leur
respect de la vie. Il veut aider surtout ses confrères catholiques à suivre
l'enseignement de l'Église, malgré la dérision du monde. En août 1989, le
roi des Belges, Baudouin Ier, en situation difficile face à son parlement
prêt à autoriser l'avortement, le prie de le conseiller. À la fin de
l'entretien, le roi lui propose : « Monsieur le professeur, cela vous
ennuierait-il que nous priions ensemble un moment ? » On sait quelle
attitude exemplaire le roi prit ensuite dans cette affaire, jusqu'à renoncer
même à sa charge pour ne pas offenser Dieu.
Jérôme ébauche en 1991 des « réflexions sur la déontologie médicale », en
sept points : « 1 . " Chrétiens, n'ayez pas peur ! " C'est vous qui détenez
la vérité, non pas qu'elle ait été inventée par vous, mais vous en êtes le
véhicule. À tous les médecins, il faudrait répéter : c'est la maladie qu'il
faut vaincre, non le malade qu'il faut attaquer. 2. L'homme est fait à
l'image de Dieu. C'est la seule raison pour laquelle il est respectable...
3. " L'avortement et l'infanticide sont des crimes abominables " (Vatican
II). 4. La morale existe objectivement ; elle est claire, elle est
universelle puisqu'elle est catholique. 5. L'enfant est indisponible et le
mariage est indissoluble. 6. Père et Mère tu honoreras :
la reproduction
uni-parentale par clonage ou par homosexualité n'est pas possible, 7.
Le
génome humain, le capital génétique de notre espèce est indisponible ».
Notons cette phrase courageuse : « Dans les Sociétés dites pluralistes, on
nous rebat les oreilles : " mais vous, chrétiens, vous n'avez pas le droit
d'imposer votre morale aux autres ! " Eh bien ! je vous le dis : non
seulement vous avez le droit de tenter de faire entrer votre morale dans les
lois, mais c'est votre devoir démocratique ! »
En service commandé
Le 5 août 1993, le Saint-Père décide la création d'une Académie
pontificale de médecine, consacrée à la défense de la vie ; le président en
sera le professeur Lejeune. Entre le Pape Jean Paul II et celui-ci, il y a en
effet une convergence : l'avortement est, à leurs yeux, la principale menace
contre la paix. Si les médecins commencent à tuer, pourquoi les gouvernants
s'en priveraient-ils ? Cette nomination laisse Jérôme abasourdi ; il
s'accorde quelques jours pour réfléchir, car il ressent une grande fatigue.
Vers la Toussaint, il consulte son ami le professeur Lucien Israël.
Celui-ci, le visage décomposé, lui met sous les yeux les radios de ses
poumons : elles révèlent un cancer déjà avancé. Jérôme accepte la réalité
avec courage et soumission à la Volonté divine. Il faut apprendre la chose à
Birthe et aux enfants : « Vous ne devez pas vous inquiéter jusqu'à Pâques :
je vivrai au moins jusque là » ; soudain, il ajoute : « Et à Pâques, il ne
peut rien arriver que de merveilleux ! » Les séances de chimiothérapie
commencent au début de décembre : elles sont très pénibles, comme il s'y
attendait. Il continue pourtant à recevoir les appels téléphoniques, à
réconforter les familles des patients. Ayant averti le pape Jean Paul II de
son état de santé et décliné la présidence de l'Académie pontificale pour la
Vie — comme celle de l'Académie des sciences morales et politiques, qui
vient de lui être attribuée - il est informé que Jean Paul II refuse
de nommer un autre président. Jérôme sourit : « Je mourrai en service
commandé ». Jusqu'à la fin, il s'efforce de rédiger les statuts de
l'Académie. Il sent son impuissance, mais son esprit de foi lui montre la
fécondité des échecs eux-mêmes. Jamais il ne se plaint : ses douleurs, unies
par amour à la Passion du Christ, peuvent remettre le monde sur son axe
véritable !
Le Mercredi Saint 30 mars 1994, comme il délire, en proie à une fièvre de
plus de 40 degrés, il est placé en soins palliatifs. Le lendemain, à l'aube,
il reprend conscience ; le Vendredi Saint, il confie au prêtre qui lui donne
les derniers sacrements : « Je n'ai jamais trahi ma foi ». C'est tout ce qui
compte devant Dieu... Il dit à ses enfants qui lui demandent ce qu'il veut
léguer à ses petits malades :.« Je n'ai pas grand-chose, vous savez...
Alors, je leur ai donné ma vie. Et ma vie, c'est tout ce que j'avais ».
Puis, ému jusqu'aux larmes, il murmure : « Ô mon Dieu ! c'est moi qui devais
les guérir, et je m'en vais sans avoir trouvé... Que vont-ils devenir ? »
Puis, rayonnant, il s'adresse aux siens : « Mes enfants, si je peux vous
laisser un message, c'est le plus important de tous : nous sommes dans la
main de Dieu. Je l'ai vérifié plusieurs fois ». Le lendemain, Samedi Saint,
se passe doucement : Jérôme est serein. Pourtant, en fin d'après-midi, la
gêne respiratoire revient, plus forte. Soudain autoritaire, il commande à sa
femme et aux siens de rentrer à la maison. Il ne veut pas qu'ils assistent à
son agonie. Le dimanche matin, vers sept heures, il dit péniblement à un
confrère, quasi-inconnu, qui lui a tenu la main une grande partie de la nuit
: « Vous voyez... j'ai bien fait... » et il rend l'esprit. Dehors, les
premières sonneries de cloches se font entendre : c'est le jour de la
Résurrection, le jour de la Vie, celle qui ne finit pas. Car le Christ est
la Vie éternelle ( 1 Jn 5, 20 )
!
Le lendemain, le Pape Jean-Paul II écrivait au sujet de Jérôme
Lejeune : « Nous nous trouvons aujourd'hui devant la mort d'un grand
chrétien du XXe siècle, d'un homme pour qui la défense de la vie est devenue
un apostolat. Il est clair que, dans la situation actuelle du monde, cette
forme d'apostolat des laïcs est particulièrement nécessaire... »
Sources: Abbaye Saint-Joseph de Clairval-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.08.2007 - BENOÎT XVI -
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