Benoît XVI plus à la page que "les
maîtres du soupçon" |
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Le 09 mai 2008 -
(E.S.M.) - Le prestigieux écrivain italien, auteur, à
l’instar des deux derniers papes, d’ouvrages qui furent des best-sellers
mondiaux, raisonne à partir du dernier livre de Benoît XVI.
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Vittorio MESSORI -
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Le pape Benoît XVI ne cherche pas à aller "contre" mais "au-delà" de
l'exégèse moderne
Dès les premières lignes du prologue de son « Jésus de Nazareth », Joseph
Ratzinger explique pourquoi, pressé par une sorte d’urgence, il a consacré à
son livre « chaque moment libre » y compris
après l’élection au siège épiscopal de Rome. Et il explique pourquoi «
ne sachant pas combien de temps et combien de forces
me seront encore accordées… », il a décidé d’anticiper en forme de
livre, les chapitres les plus importants du texte projeté, ceux qui traitent
de la vie publique du Nazaréen, en renvoyant à plus tard la réflexion sur «
les évangiles de l’enfance » et le « mystère pascal », c’est-à-dire les
récits de sa passion, mort et résurrection.
Benoît XVI explique cette hâte en utilisant une expression très
significative, qui contraste avec son ton toujours si mesuré et équilibré.
S’il a décidé de revenir aux sources mêmes, au Fondateur lui-même, c’est
qu’aujourd’hui existe « une situation dramatique pour
la foi », foi qui se dissout si on ne combat pas l’agression - qui
provient aussi d’une certaine « intelligentsia » catholique - à la vérité
historique des récits évangéliques, selon laquelle, le Christ, le Messie, le
Fils de Dieu annoncé et adoré par l’Église serait une construction tardive
qui a peu ou rien à voir avec le « Jésus de l’histoire », un obscur
prédicateur parmi tant d’autres au sein de la tradition juive. «
L’impression, écrit le pape Benoît XVI, que nous savons bien peu de choses
sur le véritable Jésus et que son image aurait pris forme uniquement grâce à
la seule foi en sa divinité », a pénétré profondément dans la conscience
commune de la chrétienté.
Ce livre, par conséquent, veut être un instrument pour « recommencer », pour
avancer dans la nouvelle évangélisation lancée avec tant d’insistance par
Jean-Paul II. Ainsi, nous nous trouvons devant des pages pensées et voulues
pour revisiter, réaffirmer et sauvegarder le fondement de l’édifice
chrétien. Ce n’est qu’à la lumière d’une certitude de foi retrouvée qu’il
est possible de s’adonner à des élévations spirituelles et d’en extraire les
conséquences morales. Mais si Jésus n’est pas l’Oint et l’Annoncé mais un
Yeoshua quelconque, prédicateur ambulant des marches incertaines de l’ère
entre Auguste et Tibère, sont abusives et grotesques
les élucubrations que l’on extrait d’un enseignement qui est le fruit d’on
ne sait quelles manipulations obscures et d’interpolations.
Bien que je sois allergique aux hyperboles journalistiques, cette fois-ci
des adjectifs comme « splendide » et peut-être même « décisif »
(pour les croyants et sans doute pas seulement pour eux)
me semblent s’appliquer au Jésus du théologien bavarois qui fête son
quatre-vingt-unième anniversaire et déjà le troisième comme vicaire de ce
Christ dont nous parlons ici. Tandis que dans les listes des livres les plus
vendus prolifèrent des titres qui plaignent l’innocence ou dénoncent
l’ignorance de ceux qui s’obstinent à se dire croyants,
voici un Pape-professeur qui déplace « les maîtres du soupçon » petits et
grands, en se montrant plus à la page qu’eux tous.
On trouve aujourd’hui en abondance dans les librairies des libelles qui sont
supposés démontrer « qu’il n’est plus possible d’être chrétien » en
reprenant la propagande de polémistes du XIXe siècle, répétant les
médiocrités alambiquées de pharmaciens et notaires de la province
maçonnique. Ils se présentent comme des révélations dévastatrices pour la
foi, des arguments qui enthousiasmaient même un jeune socialiste, un
autodidacte comme Benito Mussolini qui - au balcon de l’Assemblée, drapé
d’un drapeau rouge - accordait une minute, montre en main, au Dieu
inexistant pour le foudroyer. On répand des livres certainement plus
insidieux et, à la fois, plus sophistiqués, dans lesquels des professeurs
formés dans les schémas du XXe siècle font des investigations sur Jésus.
Selon eux, les méthodologies incertaines et fréquemment arbitraires
dénommées « historico-critiques » seraient des « sciences » et, par
conséquent, parfaitement objectives et indiscutables.
Ils oublient, par contre, d’avertir le lecteur que ces schémas sont si peu
historiques et si peu critiques que chaque génération d’exégètes réfute les
thèses de la précédente donnant pour sûre et certaine une nouvelle vérité
destinée, de toute évidence, à être réfutée à son tour.
En route pour la postmodernité.
De même, comme le rappelle avec ironie Ratzinger, « qui lit ces reconstructions du véritable Jésus,
s’aperçoit rapidement qu’il s’agit principalement de ‘photographies’ des
auteurs et de leurs idéaux », adoptant pour science certaine leur propre
tempérament et l’esprit du temps. Il est difficile de prendre au tragique
des biblistes de cette trempe qui, durant des décennies, ont vénéré comme
prince de la pensée ou ont du moins suivi Rudolf Bultmann
(à qui Ratzinger décoche de temps à autre des flèches acérées)
qui décréta sentencieusement qu’il n’existe et ne peut exister quelque
relation que ce soit entre ce que racontent les évangiles et ce qui c’est
passé réellement, tout en refusant obstinément de se rendre en Palestine :
si les lieux et l’archéologie contredisaient la théorie livresque, tant pis
pour eux, mais pas pour la théorie.
Pour qui est resté au XIXe ou au XXe siècle, voilà que surgit la voix
discordante d’un pape. Non pas un pape qui en appelle au principe d’autorité
ni formaté au style que Hans Küng désigne avec tout le dédain du clerc «
adulte » « l’archaïque théologie romaine », mais un intellectuel,
un spécialiste parmi les plus appréciés du monde,
qui a traversé toute la modernité pour enfin surgir dans la postmodernité.
L’époque qui, après avoir trituré de toutes les façons possibles les versets
de l’évangile pour en jeter les restes dans la corbeille du mythique, du
didascalique et de l’édifiant, s’est aperçu de ce qu’en réalité, en agissant
ainsi, l’énigme de Jésus, non seulement ne se dissolvait pas, mais devenait
plus épaisse et que, qui sait ?, la simple lecture des évangiles « tels
qu’ils sont », peut être plus éclairante que la théorie d’un académicien
allemand.
Et je ne dis pas allemand par hasard, mais parce qu’en Allemagne - où chaque
université y compris les universités publiques ont deux facultés de
théologie et d’exégèse, l’une protestante et l’autre catholique - est née et
s’est développée jusqu’à l’hypertrophie, la méthode « historico-critique »,
acceptée ensuite partout par les biblistes, intimidés par des noms aux
résonances teutonnes, qui adoptent la sévère et sans appel « Wissenschaft
», la Science avec majuscules. « Formgeschichte », «
Redaktiongeschichte », « Wirkunggeschichte », «
Entmithologiesierung », « Urquelle » et un cortège sans fin de
théories et systèmes que le Professeur Ratzinger connaît sur le bout des
doigts, qui sont nés et ont été cultivés dans les universités où il a
enseigné et qui, dans sa jeunesse, l’ont, lui aussi, fasciné. Soyons clair :
ces théories, aujourd’hui, il ne les répudie ni ne les condamne. « J’espère,
écrit-il, que le lecteur comprendra que ce livre n’a pas été écrit contre
l’exégèse moderne, mais avec reconnaissance pour tout ce qu’elle nous a
apporté et continue à nous apporter ».
Il ne rejette rien de tout ce qui est valable dans ce qui provient de ses
collègues académiciens. Il ne veut pas aller « contre » mais « au-delà »,
conscient de ce que c’est précisément la recherche - concrète, sensée et dès
lors ouverte à toutes les possibilités, y compris
celle de s’ouvrir au mystère - qui peut nous montrer qu’il existe
dans l’Écriture davantage de choses que ce que la critique positiviste ou le
rationalisme exégétique pourrait nous faire découvrir. Ainsi, au final, un
spécialiste comme lui, revenu de toutes les théories, systèmes ou méthodes,
conscient de chaque objection, peut conclure que, si l’on veut atteindre
Jésus, « chacun de nous peut faire confiance aux
évangiles » et qu’il n’est pas vrai que la recherche historique
soit en désaccord irréversible avec la foi. Que du contraire, à la fin, elle
peut la confirmer. Le livre que notre professeur commença comme Cardinal et
a complété comme Pontife, semble être dans la ligne du cri de celui qu’il
appelle toujours « mon très aimé et vénéré prédécesseur ». Si ce « N’ayez
pas peur ! » de Jean-Paul II résonne aussi dans ces pages qui ne craignent
pas la critique des savants, qui la respectent, qui prennent ce qu’elles
apportent de positif, c’est qu’elles vont au-delà.
Par Vittorio MESSORI
(Traduit de l’espagnol par Gonzalo Dechamps, que nous
remercions vivement).
Tout le livre :
Jésus de Nazareth
Sources : Vittorio MESSORI
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 09.05.08 -
T/J.N. |