Benoît XVI et Mgr Guido Marini, le
maître de cérémonie du pape |
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Le 07 septembre 2008 -
(E.S.M.)
- On peut dire de Piero Marini qu'il possédait l'art de la
chorégraphie. Autant de scènes émouvantes qui ont fait le tour du monde
grâce à la télévision, tout comme, peu de temps après, les images de
l'intronisation du successeur de Jean-Paul II. Ce jour-là, Marini avait
revêtu le Pape Benoît XVI de cet ample pallium censé rappeler la forme
de l'étole que portait les papes au treizième siècle.
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Benoît XVI et Mgr Guido Marini, le maître de cérémonie du pape
Marini contre Marini : Créativité, continuité, Tradition -
Par Camillo Berger - "Vatican Magazin"
Le 07 septembre 2008 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
- On peut dire de Piero Marini qu'il possédait l'art de la chorégraphie...
Ce prélat, originaire de la région de Pavie, était depuis 1987 le maître de
cérémonie des liturgies papales : c'est à lui que l'on doit les
impressionnantes mises en scènes des voyages du Pape ou de la célébration de
l'Année Sainte en l'an 2000. Personne n'oubliera non plus la messe de
Requiem du défunt Pape Jean-Paul II : la procession solennelle, le livre des
Saintes Ecritures posé ouvert sur un simple cercueil en bois, avec en plus
cette légère brise qui tournait les pages une à une... Autant de scènes
émouvantes qui ont fait le tour du monde grâce à la télévision, tout comme,
peu de temps après, les images de l'intronisation du successeur de Jean-Paul
II. Ce jour-là, Marini avait revêtu le Pape Benoît XVI de cet ample pallium
censé rappeler la forme de l'étole que portait les papes au treizième
siècle.
Mgr Marini avait fait ses classes auprès de l' "architecte" de la réforme
conciliaire : c'est en effet comme Secrétaire de Mgr Annibale Bugnini qu'il
contribua à mettre en place la "messe restaurée" que le Pape Paul VI devait
rendre obligatoire pour toute l'Église en 1970. Jean-Paul II, quant à lui,
fit de son maître de cérémonie, Marini, un évêque en 1998, et finalement un
archevêque en 2003.
Dans certains milieux, au Vatican, on considérait que les mises en scènes de
Marini lors des cérémonies pontificales, usant parfois de musiques
populaires et d'éléments plutôt exotiques, avaient un "côté Broadway"
bien marqué. Jean-Paul II lui laissait une grande liberté de mouvement;
Benoît XVI, par contre, se mit à contrecarrer les projets de Marini, les
rendant plus conformes à ses propres idées sur la question liturgique.
Vint le 1er octobre 2007: ce jour-là, le Pape Benoît XVI promut Piero Marini
au poste de Président du Conseil Pontifical pour les Congrès Eucharistiques
- un Conseil parfaitement inconnu jusqu'ici, même des gens bien informés -
et désigna
Guido Marini pour être son nouveau Maître des cérémonies. Lui aussi
avait été formé dans le giron des "Princes de l'Église". Il fut en effet
Secrétaire particulier des archevêques et des cardinaux de Gênes, tels
Giovanni Canestri (jusqu'en 1995), Dionigi Tettamanzi (jusqu'en 2002), et de
Tarcisio Bertone, l'actuel Cardinal Secrétaire d'État.
Et il est évident que Benoît XVI aura trouvé en Guido Marini l'homme qu'il
fallait pour diriger les cérémonies liturgiques du pape: l'homme qui serait
digne de sa pleine et entière confiance.
La suite ne relève pas d'un grand programme de rénovation de la liturgie,
mais plutôt, discrètes comme quelques notes portées en bas de page, de
petites transformations parfois surprenantes voulues par le Pape et son
Maître de cérémonies. Il convient de distinguer ici entre des questions
purement pratiques - vestimentaires par exemple -, et des accents mis par
Benoît XVI sur des points concernant directement la liturgie et dont il
espère étendre ainsi les effets à l'Église toute entière.
Ce fut d'abord, en
Juillet 2007, la
soudaine libéralisation de l'ancien missel et le retour de son utilisation
sous le nom de "forme extraordinaire de la célébration de la messe", ce qui,
selon les voeux express de Benoît XVI, devrait mener à l'avenir à un
enrichissement mutuel des deux formes du rite romain.
Puis, le Pape se mit à profiter des fêtes liturgiques célébrées au cours de
l'année pour poser des signes en matière de liturgie. C'est ainsi que le 13
janvier 2008, fête du
Baptême du Christ, Benoît XVI a célébré une messe en latin, selon le
rite ordinaire, à l'ancien autel de la Chapelle Sixtine, dirigeant ainsi son
regard, en même temps que celui les fidèles, vers une croix posée sur cet
autel, croix qu'il place depuis ce jour sur tout autel sur lequel il
célèbre. Puis, lors de la
célébration de la Fête-Dieu, le 22 mai, à la Basilique du Latran, il
fait installer un banc de communion devant le choeur: ceux qui viennent
recevoir le Corps du Christ devront se mettre à genoux et recevoir l'hostie
sur la langue. Il fait de même au cours de son voyage en Italie du Sud : à
Santa Maria di Leuca et Brindisi, la communion est distribuée sur la
langue aux fidèles agenouillés.
Fin juin, l' "Osservatore Romano" publie une interview de Mgr Guido
Marini dans laquelle celui-ci confirme que ces pratiques sont appelées à se
généraliser dans les célébrations pontificales. Il précise que la réception
de la communion dans la main est, et reste ce qu'on appelle un indult -
c'est-à-dire une exception à la règle générale en vigueur dans l'Église -
accordé aux évêques qui en font la demande. L'intention du Pape serait donc
bien, par son geste, d'insister sur le fait que cette norme valable pour
toute l'Église est toujours en vigueur. Guido Marini relève encore que la
communion dans la bouche met davantage en lumière la Présence réelle du
Christ dans le sacrement de l'Eucharistie, qu'elle soutient de façon plus
efficace la piété des fidèles et les mènent plus facilement à entrer dans la
compréhension de ce grand mystère.
Dans ce même interview, Mgr Marini revient aussi sur deux aspects essentiels
de la messe mis en évidence lors de la Fête du baptême du Christ. Il émet
l'idée que l'architecture, le style, la beauté et l'harmonie particulière
d'un lieu sacré peuvent justifier que l'on préfère célébrer la messe au
maître-autel ancien plutôt qu'à l'autel moderne tourné vers l'assistance; de
plus, cela permet d'exprimer symboliquement ce vers quoi ou plutôt Celui
vers qui est dirigée la célébration eucharistique, à savoir le Christ,
Jésus. C'est le sens de cette croix placée sur l'autel, qu'il soit ancien ou
moderne: elle indique la place centrale occupée par le Crucifié, et la
direction exacte qui doit capter l'attention des fidèles au cours de la
célébration eucharistique. Et Mgr Marini ajoute: "On ne se regarde pas
les uns les autres, mais tous regardent vers Celui qui, pour nous, est né,
mort et ressuscité, vers notre Sauveur."
La communion dans la bouche, la croix sur l'autel, l'orientation de la
célébration, voilà les accents placés par le Pape: ce sont des étapes sur le
chemin d'une "réforme de la réforme" liturgique, et cela est en droite ligne
de ce que, le Pape écrivait déjà lorsqu'il n'était encore que le Cardinal
Ratzinger.
On peut considérer encore deux nouveautés de moindre importance, introduites
de façon surprenante un jour de grande fête. Dimanche des
Rameaux, 16 mars: pour la première fois on voit Benoît XVI portant lors
de la procession d'entrée ce qu'on appelle une "ferula", une crosse
pastorale dorée qui avait appartenu à Pie IX, et qui au lieu d'un crucifix
argenté arbore une croix grecque. Et puis, le 29 juin, fête de S. Pierre et
S. Paul: le Pape porte un nouveau pallium, une bande de tissu en forme
d'anneau porté sur les épaules et se terminant sur le devant et dans le dos
par deux autres bandes ornées de croix rouges. C'en est donc fini du long
pallium croisé que Benoît XVI portait sur l'épaule gauche.
En se référant toujours à cette même interview de Guido Marini à l' "Osservatore
Romano", on découvre une explication intéressante de ce dernier
changement vestimentaire. Le port du pallium long et croisé trouvait sa
justification dans une fresque datant du XIIIème siècle, que l'on peut voir
à Subiaco, et qui montre le Pape Innocent III. Mais il semblerait que, déjà
à cette époque, cette forme de pallium était considérée comme un
"archaïsme": des études poussées ont en effet montré qu'elle n'était plus
utilisée en Occident depuis le IXème siècle. Mais si au XIIIème siècle déjà
cela passait pour un archaïsme, combien plus encore en 2005 lorsque Piero
Marini, le prédécesseur de Guido en a introduit l'usage! Et l'actuel Maître
de cérémonie de poursuivre: "le nouveau pallium est au contraire le résultat
du développement continue de la forme qu'a pris cet ornement au cours des
douze derniers siècles".
De même, explique Mgr Marini, la forme de la "ferula" n'est pas un
simple retour à une forme ancienne, mais le résultat d'une "transformation
dans la continuité", car elle reste fidèle à la forme originale du bâton de
pasteur caractéristique de la tradition romaine. On pourrait citer encore
pour finir le "camauro" et le "saturno", ou bien la mozetta blanche, sorte
de vêtement court que portait le pape durant le temps pascal.
Dans tous ces exemples, il ne s'agit pas bien sûr de "réforme de la
réforme", ni de signes particulièrement importants, mais simplement de
quelques éléments vestimentaires du pape... même si c'est là ce que
retiennent surtout les médias! Ils témoignent pourtant de ce que le pape
apprécie "l'ancien et le nouveau", qu'il ne saurait y avoir pour lui aucune
rupture de continuité. Ce que disait Guido Marini dans son interview à
propos de la liturgie, à savoir que l'herméneutique de la continuité est
toujours le meilleur critère pour comprendre l'évolution de l'Église à
travers les temps, pourrait bien s'appliquer aussi à la garde-robe du pape.
Mais que faut-il comprendre par "herméneutique de la continuité" ? Piero
Marini cherchait de grandes idées capables d'harmoniser dans la liturgie les
prières, les chants et les danses de pays lointains, et aussi leurs cultures
respectives, de les rassembler dans une symphonie optique et acoustique
compatible avec une retransmission télévisée. Le pallium dont il revêtit
Benoît XVI à peine élu fut une de ces idées-là: c'était chic, peu importe si
cela nous venait du fin fond du Moyen Age. Pour Guido Marini pourtant,
c'était un "archaïsme", quelque chose de parfaitement artificiel. Il a
préféré pour sa part réintroduire la forme très simple qu'avait prise le
pallium au cours des derniers siècles, quitte à la faire évoluer légèrement
. On dira que c'est vraiment chipoter pour un détail. Peut-être, mais cela
montre bien comment le Maître de cérémonies et le pape comprennent cette
notion de "continuité", en tout point opposée à une créativité aléatoire qui
ne considère que l'extérieur des choses.
Au-delà de ces détails, il s'agit de comprendre que la liturgie est un
trésor dont nous héritons grâce à la Tradition de l'Église, un trésor qui
s'est enrichi au cours de son histoire d'éléments qui l'ont fait évoluer de
façon organique. On ne peut laisser dire que le Pape Benoît XVI ne pense
qu'à reprendre d'anciens ornements liturgiques ou des insignes venant du
passé. Dans tout ce qu'il fait, son intention est de continuer à faire vivre
ces éléments dans le sens d'une "originalité" bien comprise - la forme la
plus accomplie de l' "originalité" étant justement la Tradition en ce
qu'elle relie l'aujourd'hui avec sa source, son "origine" -. Le théologien
Ratzinger avait déjà compris que la signification ultime de l'évolution de
la liturgie résidait dans le fait qu'elle est un don du Christ à son Église,
un don qui grandit avec l'Église et ne supporte aucune intervention brutale
de l'homme. Dans son livre "L'esprit de la Liturgie", il avait déjà
creusé cette notion de "croissance organique", et avait défendu l'idée d'une
tradition en mouvement, mais qui n'accepterait pas pour autant qu'une
créativité aléatoire vienne en disposer à son gré.
A la suite de son maître Romano Guardini, Ratzinger appelle de ses voeux une
liturgie davantage concentrée sur l'essentiel. Ce qui ne veut pas dire une
pauvreté, un purisme étroit qui serait en contradiction avec ce que dit
Jésus dans les Évangiles lors de l'onction à Béthanie. Pour Ratzinger,
chercher l'essentiel suppose un certain "défi intérieur", une quête de
pureté spirituelle, dont la motivation ultime trouve son modèle dans le
prêtre qui ne revêt pas ses ornements liturgiques pour des raisons
esthétiques, mais essentiellement pour revêtir le Christ. "Revêtir
le Christ" est un thème central de l'anthropologie paulinienne: cela
suppose un processus de conversion intérieure. L'ornement liturgique
symbolise et exprime ainsi ce désir de "revêtir le
Christ". Le prêtre renvoie au-delà de sa propre identité, il tend à
faire un avec le Christ qu'il représente à l'autel (1). Même
le Pape ne s'habille pas chez Prada, il revêt le Christ. Il n'accorde
pas son attention "aux accessoires", mais à l'essentiel. C'est là tout
l'enjeu du soucis vestimentaire de Benoît XVI : montrer aux fidèles ce
qu'est vraiment la liturgie, leur faire comprendre son véritable sens.
Dans son interview, Guido Marini insiste beaucoup sur le fait qu'il ne
s'agit pas de réintroduire des "modèles antéconciliaires" et de les imposer
à tous. Le nouveau Maître de cérémonies du Pape précise ainsi: "Les termes 'anteconciliaires'
ou 'postconciliaires' me semblent appartenir maintenant à un vocabulaire
obsolète. Et s'ils sont utilisés dans le but de distinguer dans l'évolution
de l'Église une quelconque discontinuité, ils me paraissent faux et typiques
d'une certaine étroitesse de vue. On trouve dans l'Église de "l'ancien et du
nouveau" qui ont toujours fait partie du trésor de l'Église et qui doivent
être considérés comme tels... L'essentiel est que tout concoure à ce que la
célébration liturgique soit véritablement la célébration des saints
mystères, la célébration du Seigneur crucifié et ressuscité, qui se rend
présent à son Église, qui réalise le mystère du Salut et qui, par une
participation réelle et active, nous appelle à partager sa vie, quelles
qu'en soient les conséquences."
On peut considérer que les mises en scène liturgiques de Piero Marini
étaient géniales! Mais pour Benoît XVI, elles avaient le défaut de trop
détourner de l'essentiel. La liturgie nous parle à travers des signes, des
gestes, des ornements, des chants, et aussi par la fumée qui s'élève des
encensoirs. Mais ces signes doivent nous montrer le chemin vers Dieu, et ne
pas nous ramener vers l'homme. La liturgie est au service de Dieu, pas au
service de l'homme. Dans la liturgie, ce n'est la créativité que recherche
le Pape, mais le sens du sacré.
Traduction: MH/APL
(1) Voilà pourquoi il est incongru et
"anti-liturgique" de présenter le les concélébrants au début d'une messe:
"Aujourd'hui, j'ai le plaisir de concélébrer la messe avec l'abbé Untel qui
vient de Bécon-les-Bruyères et qui passe quelques jours de vacances parmi
nous. Nous lui souhaitons la bienvenue" entend-on parfois. Non: à la messe,
ce n'est plus l'abbé Untel, mais "un" prêtre agissant comme tous les prêtres
du monde in persona Christi. (n.d.l.r.)
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Sources : PRO LITURGIA
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité) - 07.09.2008 -
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