Le pape Benoît XVI et la paix liturgique (1) |
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Le 06 septembre 2007 -
(E.S.M.) - La Nef a consacré un dossier
exceptionnel au sujet du Motu Proprio de Benoît XVI. Ils ont demandé à
dix-huit personnalités ecclésiastiques de leur donner leur analyse du
texte. Ci-dessous l'une d'elle, première partie.
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Des
personnes jeunes découvraient également cette forme liturgique...
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C'est ici
Le pape Benoît XVI et la paix liturgique
(première partie)
Longtemps attendu, le
Motu Proprio Summorum Pontificum est pour l'Église un événement qui
nous semble important, bien au-delà du nombre de fidèles qu'il touche
directement. Certes, le
cardinal Jean-Pierre Ricard a eu raison d'affirmer que rien ne changera
concrètement pour une grande majorité de catholiques et qu'il est donc
déplacé de hurler au scandale face à une mesure qui
est posée dans un esprit de paix et de réconciliation. Telle est en
effet la volonté affichée du Saint-Père, ne l'oublions pas.
La réconciliation vise notamment la Fraternité Saint-Pie X fondée par Mgr
Lefebvre: dans sa
Lettre aux évêques, Benoît XVI évoque les divisions du passé et il
déplore que « les responsables de l'Église [n 'aient] pas fait suffisamment
pour conserver ou conquérir la réconciliation et l'unité ». Mais la volonté
du pape est plus large et concerne plus globalement
la paix liturgique. On ne comprend rien aux raisons de ce Motu
proprio si l'on ignore le passé, la façon brutale dont la réforme de la
messe a été imposée dans des pays comme la France. Le pape le rappelle et il
n'est pas inutile de le relire : « Beaucoup de personnes qui acceptaient
clairement le caractère contraignant du concile Vatican II, et qui étaient
fidèles au pape et aux évêques, désiraient cependant retrouver également la
forme de la sainte Liturgie qui leur était chère; cela s'est produit avant
tout parce qu'en de nombreux endroits on ne célébrait pas fidèlement selon
les prescriptions du nouveau Missel; au contraire, celui-ci finissait par
être interprété comme une autorisation, voire même une obligation de
créativité; cette créativité a souvent porté à des déformations de la
Liturgie à la limite du supportable. Je parle d'expérience, parce que j'ai
vécu moi aussi cette période, avec toutes ses attentes et ses confusions. Et
j'ai constaté combien les déformations arbitraires de la Liturgie ont
profondément blessé des personnes qui étaient totalement enracinées dans la
foi de l'Église. »
Face à ces bouleversements liturgiques post-conciliaires, des catholiques
ont maintenu vivante la messe dite de saint Pie V (ou plutôt du bienheureux
Jean XXIII), dont le pape Benoît XVI confirme qu'elle ne fut «jamais abrogée
». Cela s'entend en droit, car dans les faits, si les évêques avaient été
plus généreux, plus paternels, s'ils n'avaient pas mis tant d'obstacles et
tant de mesquineries aux demandes des fidèles, y compris à l'occasion
d'événements aussi dramatiques qu'un enterrement, sans doute un tel Motu
proprio n'aurait pas été nécessaire et se serait-on évité bien des peines et
du temps perdu. Certes, cette résistance « traditionaliste », si elle avait
donc un aspect fort légitime reconnu par le pape lui-même, n'est pas exempte
de critiques, car la limite entre une juste résistance et la désobéissance
ouverte n'est pas toujours très claire, surtout en des périodes
conflictuelles comme celle des années post-conciliaires qui ont coïncidé
avec la révolution soixante-huitarde qui a tout remis en cause, en
commençant par l'autorité sous toutes ses formes.
L'esprit de rupture
Ce n'est pas le moindre paradoxe de cette crise que ceux qui ont prétendu
défendre le principe d'autorité sont ceux qui l'ont concrètement contestée
au point de désobéir et provoquer eux-mêmes la rupture avec le Siège de
Pierre. Une telle désobéissance, rompant le sensum fidelium et ainsi
conduisant selon sa pente naturelle à une telle déchirure dans l'Église, ne
peut se justifier d'aucune façon, même a posteriori. S'il est fréquent que
Dieu utilise des actions contestables pour en tirer un bien, cela n'a jamais
légitimé pour autant de telles actions ; l'accueil du fils prodigue ne
justifie pas ses errements, il symbolise le souci de l'Église pour tous ses
enfants...
L'esprit de rupture qui cherche à faire table rase du
passé n'a pas sa place dans l'Église et n'est pas compatible avec la notion
de développement homogène qui prévaut aussi bien en matière de dogme que de
liturgie. Cet esprit de rupture, dépassant le concile et
s'autoproclamant « l'esprit du concile », a
particulièrement sévi en France et la liturgie en a été sans doute la
victime principale — au moins concrètement pour les fidèles.
Il ne faut pas oublier cet esprit révolutionnaire qui
a balayé d'un revers de la main ce qui faisait la piété traditionnelle de
tout un peuple. En effet, à lire certaines réactions au Motu proprio,
on a l'impression qu'il n'y a jamais eu de crise, ni conflit ni injustice,
que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes et que c'est ce
texte dû à la paternelle bienveillance de Benoît XVI qui va conduire à « des
situations de crises et de divisions » (1). Pour ces chrétiens, leurs frères
attachés aux anciennes formes liturgiques n'existent pas et ne doivent pas
exister: la situation de ghetto dans laquelle on les a parqués leur semble
normale. Sans doute se persuadent-ils qu'il ne s'agit que de quelques vieux
retardataires incapables de s'adapter à une liturgie plus moderne. Le
Saint-Père, heureusement, sait qu'une telle image caricaturale ne reflète
pas la réalité: « des personnes jeunes, écrit-il, découvraient également
cette forme liturgique, se sentaient attirées par elle et y trouvaient une
forme de rencontre avec le mystère de la très Sainte Eucharistie qui leur
convenait particulièrement. »
Pour Benoît XVI, le maintien des anciennes formes liturgiques répond ainsi à
un besoin spirituel légitime. Il n'est pas besoin de comprendre le latin
pour apprécier une liturgie plus verticale, réputée inaccessible, mais qui
transmet ce qui est avant tout un Mystère insondable et qui, ce faisant,
parle le langage de l'âme accessible à tout être soucieux
de contemplation. Le maintien de cette liturgie
assure aussi une continuité entre le passé et le présent, il ancre la
liturgie dans sa grande tradition et permet de conserver une base solide
pour, le moment venu, quand les esprits seront prêts, engager « la réforme
de la réforme » qui sera nécessaire pour unifier les deux formes de l'unique
rite romain: « Ce qui était sacré pour les générations précédentes, écrit
Benoît XVI, reste grand et sacré pour nous, et ne peut à l'improviste se
retrouver totalement interdit, voire considéré comme néfaste. Il est bon
pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et
dans la prière de l'Église, et de leur donner leur juste place. »
(à
suivre)
par Christophe Geffroy
(1) P. André Gouzes-Vidal dans Le
Figaro du 16 juillet 2007.
Table : ►
Motu Proprio
Sources: La
Nef
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 06.09.2007 - BENOÎT XVI -
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