Comprendre la pensée de Benoît XVI,
interview du père Michel Viot |
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Le 03 septembre 2009 -
(E.S.M.)
- Tandis que l'opinion publique découvre avec intérêt la
troisième encyclique de Benoit XVI, « Caritas in Veritate », le
Père Michel Viot, diocésain de Blois, publie un ouvrage, Le vrai
et le faux - Comprendre la pensée de Benoît XVI. Guide de
lecture de la seconde encyclique « Spe Salvi », ce livre
présente une belle occasion pédagogique de lier l'ensemble des
écrits pontificaux et d'en éclairer la compréhension.
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Comprendre la pensée de Benoît XVI, interview du père Michel Viot
Par Mgr Bernard Podvin
Le 03 septembre 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
Le Père Viot répond aux questions du Père Podvin, porte-parole de la
Conférence des évêques de France.
Vous situez «
Spe
Salvi » parmi les documents théologiques les plus denses
de Benoît XVI, pouvez-vous préciser ce point de vue ?
Le Pape y aborde toutes les composantes essentielles de la foi chrétienne,
se fondant sur l'Ecriture et la Tradition. Il y jette un regard neuf et
propose des relectures qui prennent en compte l'évolution des esprits. Aussi
n'apparaît-il pas comme un conservateur qui ne ferait que répéter le passé,
mais bien comme un pasteur et un théologien ayant souci d'actualiser la foi.
Cette encyclique met en avant ce qui a fait le succès de la foi chrétienne :
la grande espérance qui ne se limite pas à la vie sur la terre, mais qui
s'épanouit dans la vie éternelle, objet d'espérance en ce monde. D'emblée et
dès les premières pages, le lecteur, surtout s'il est chrétien, se pose la
question du lien entre ce qu'il fait de sa vie et son espérance. Et là,
espérance est aussi à comprendre au sens de foi (Chap. 2). Ainsi les deux
premières encycliques traitent-elles des trois vertus théologales. Et Spe
Salvi de deux : espérance et foi. D'où la densité. La table des matières est
éloquente. L'exposé encore plus, il renvoie à plusieurs auteurs anciens,
d'autres plus proches dans le temps ou mêmes contemporains et montre ainsi
toute la portée du christianisme. L'analyse papale n'esquive aucune
difficulté. Les questions difficiles sont abordées avec toute la rigueur
scientifique d'un grand théologien, à titre d'exemples, les plus frappants :
les chapitres 8 et 9. Espérance dans la souffrance, le Christ Sauveur et
Juge, deux thèmes souvent parents très pauvres de l'enseignement de l'Eglise
aujourd'hui.
Vous dites que Benoît XVI parle de la grande espérance de l'homme qui
résiste malgré toutes les désillusions. « Ce ne peut être que Dieu qui nous
a aimés jusqu'à ce que tout soit accompli ». Comment parler de cette
espérance à un occident sécularisé ?
Il suffit de jeter un coup d'œil à l'histoire de l'humanité pour se rendre
compte que toutes les espérances que les doctrinaires ou des idéologues ont
fait miroiter à l'homme n'étaient au fond que des espoirs qui ont été déçus.
Il leur manquait la verticalité et le désintéressement. Seule l'espérance
des biens éternels ne trompe pas, car elle correspond à quelque chose
d'inscrit dans la nature même de l'homme : l'aspiration au bonheur. Que de
saints connus et, plus encore, ignorés, ont su vivre les pieds bien sur
terre mais le regard tourné vers le ciel, vers le Dieu Père qui les attend !
Il n'y a en cela nul fanatisme : sous toutes les latitudes, indépendamment
du degré de culture, tout au long de vingt siècles, des hommes et des femmes
ont trouvé dans cette espérance d'un monde vraiment meilleur une raison
d'être, à leur façon, positive d'appréhender la vie et son cortège
d'épreuves. Le Christ est vainqueur du monde par la Croix. Vouloir vivre le
dos tourné à Dieu, c'est se fermer à la seule espérance qui tienne. C'est
faire une option suicidaire.
Les martyrs, évoqués par Benoît XVI en son encyclique, seraient-ils les
seuls à être capables de cette union totale au Christ dans l'espérance ?
Bien sûr que non, et heureusement, car autrement qu'en serait-il des autres
? Etablir une liste par degrés de sainteté n'aurait pas de sens. Dieu seul
connaît la somme de grâces qu'il a accordées à chaque individu et la mesure
de sa réponse. Beaucoup de saints sont parvenus à une union mystique des
plus élevées. Ce que le martyre apporte de particulier, c'est l'affirmation
héroïque de la foi, qui fait entrer directement au ciel. Mais plus d'un
martyr n'a pas été un modèle de christianisme avant d'être mis à mort au nom
du Christ. Il serait donc impropre de parler, dans ces cas, d'union totale
au Christ dans l'espérance.
Le chrétien, dites-vous, ne peut se contenter de dire
« non » au théisme et à l'athéisme : où vous semble se situer la difficulté
la plus grande d'être chrétien aujourd'hui ? Ne dit-on pas que l'opinion est
religieusement indifférente ?
Permettez-moi de réagir tout de suite au début de la question. Oui, le
double non au théisme et à l'athéisme d'Adorno et de Horkheimer (les
philosophes marquants de l'école de Francfort) est impossible pour le
chrétien, car sa foi inclut l'incarnation. Il peut en effet dire oui au
théisme du christianisme et adorer l'image que Dieu lui-même s'est donnée en
son Fils, et ce, sans idolâtrie. Cela étant, je ne pense pas que l'opinion
soit religieusement indifférente. Il faudrait préciser de quel milieu ou
pays l'on parle. Il existe des milieux très militants anti-catholiques,
pro-avortement, euthanasie, et j'en passe, qui manifestent un « credo » bien
arrêté, lequel credo, qu'on le veuille ou non, s'exprime par référence à
Dieu, rejeté, contré en l'occurrence. De façon plus positive, l'on constate
partout dans notre pays un regain très net de piété populaire. Que
l'expression de la religion connaisse des hauts et des bas, cela se
comprend. Mais l'on ne pourra jamais effacer le sentiment religieux : il est
inhérent à l'homme. Les goulags et autres camps d'extermination
totalitaires, entre autres, le prouvent, ainsi que l'échec à venir à bout de
la religion des gouvernements nazis, anti-chrétiens, anarchistes et
communistes partout dans le monde (généralement le christianisme) malgré
leur volonté affichée et les énormes moyens mis en œuvre. Les martyrs sont
une semence de sainteté.
La principale difficulté de nos jours, vient de l'ignorance religieuse.
Celle-ci est savamment organisée dans l'éducation, les moyens de
communication sociale, etc. Les évêques de France se sont penchés sur la
question de la transmission de la foi de telle façon qu'elle soit comprise
par les générations actuelles. Le rôle de l'internet est sans doute
important : c'est un vecteur d'évangélisation qui peut réserver beaucoup de
surprises agréables (et d'autres moins utiles). Mais le contact humain ne
saurait être remplacé par la machine.
Finalement en quoi consiste véritablement l'espérance
chrétienne selon Benoît XVI ?
Il me semble que le pape répond lui-même à cette question quand il écrit : «
Notre Espérance est toujours essentiellement aussi espérance pour les
autres, c'est seulement ainsi qu'elle est vraiment espérance pour moi. En
tant que chrétiens, nous ne devrions jamais nous demander seulement :
comment puis-je me sauver moi-même ? Nous devrions aussi nous demander : que
puis-je faire pour que les autres soient sauvés et que surgisse aussi pour
les autres l'étoile de l'espérance ? Alors j'aurais fait le maximum pour mon
salut personnel. » (fin du paragraphe 48 de l'encyclique).
Votre activité de théologien et votre ministère
pastoral sont souvent liés dans votre écriture. Que suggérez-vous à nos
visiteurs internautes pour devenir témoins de l'espérance ?
Je suggère aux visiteurs internautes de ce site, désireux de devenir témoins
de l'espérance, de commencer par relire tout ce qui concerne les lieux
d'apprentissage de l'espérance, les paragraphes 32 à 48 inclus. Il leur
faudra alors se souvenir de ce qu'ils ont vécu ou vivent encore quand leur
conscience leur indique qu'ils se trouvent sur de tels lieux.
Dans leur prière par exemple, quelle place tient la
grande espérance quand ils formulent certaines demandes concernant leur vie
d'ici-bas, ou encore que signifie pour eux que Christ soit sauveur et juge
dans leur manière de se comporter ici-bas ?
Certes, je lie mes activités de théologien et mon ministère pastoral, tout
simplement parce que je suis, modestement, comme le Saint Père, témoin d'une
foi qui se veut vivante, qui débouche donc sur les œuvres au quotidien.
L'énoncé de vérités religieuses doit toujours
s'accompagner de signes ou d'exemples concrets, tout comme la phrase « Tes
péchés te sont pardonnés » s'achève dans le « Lève-toi et marche ».
Quel lien faites-vous entre les trois encycliques de Benoît XVI ? Quels
conseils pédagogiques donneriez-vous pour ne pas passer à côté de ces
trésors ?
A mon sens, les lire et relire calmement et, surtout, les porter dans la
prière en demandant à l'Esprit Saint ses lumières et ses conseils sur la
façon de les faire passer dans notre vie personnelle, puis en transmettre le
contenu aux autres, de façon adaptée à chacun.
Cela dit, on ne peut oublier que Benoît XVI est pape et universitaire de
haute qualité. La marque pédagogique est donc plus frappante que chez ses
prédécesseurs. Ainsi, selon les urgences de ce monde, la troisième
encyclique aurait dû être la première. Et ce, d'autant plus qu'elle pouvait
prendre la suite logique d'autres encycliques de ses prédécesseurs sur la
doctrine sociale de l'Eglise.
Mais le Saint Père a vu plus loin. Il sait à quel point la notion d'amour de
Dieu donne lieu à des raisonnements aberrants comme aussi l'espérance
chrétienne est complètement déformée dans l'esprit des chrétiens, quand elle
n'est pas éteinte. Avant donc de montrer comment l'amour de Dieu pourrait
s'incarner en toute vérité dans une certaine façon de vivre en société, il
importait donc de rappeler ce qu'était vraiment l'amour pour le
christianisme (Deus
Caritas est) ainsi que l'espérance (Spe
Salvi).
Sans la référence aux deux premières encycliques, les affirmations de la
troisième risquent d'être mal comprises. Aussi je ne suis pas étonné de voir
les anti-Benoît XVI, qui dans le meilleur des cas n'ont lu qu'en diagonale
les deux premières encycliques, se jeter sur la troisième avec passion. Les
récupérations politiques déformant les paroles du Saint Père sont alors à
craindre. Ce qui ne serait pas le cas si les deux premières, et surtout Spe
Salvi, étaient mieux connues. Une note optimiste cependant, et heureusement
: dans de nombreux diocèses en France des initiatives se prennent. Par
exemple, le diocèse de Paris et le Collège des Bernardins ont eu
l'intelligence d'organiser un magnifique colloque pour la sortie de cette
troisième encyclique et d'en publier une édition avec les interventions du
colloque. Il y a donc présentation et commentaires de haute qualité du texte
papal et une excellente introduction de Monseigneur Jérôme Beau, évêque
auxiliaire de Paris, Directeur du Collège des Bernardins. Le terrain est
donc balisé. Mais celui qui lira bien ces textes aura finalement envie de
connaître tout de même les deux premières encycliques.
Référence du livre :
« Le vrai et le faux » - Comprendre la pensée de Benoit XVI, par Michel
Viot, Editions L'œuvre spirituelle, 2009.
Sources : eglise.catholique
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.09.09 -
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