Motu Proprio de Benoît XVI, les formes du rite
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Le 03 septembre 2007 -
(E.S.M.) - Avec le Motu proprio Summorum
pontificum de Benoît XVI, la forme "tridentine" ou "de St Pie V" du rite
romain est reconnue comme pouvant subsister "extraordinairement" à côté
de la forme "issue de Vatican II" du même rite, laquelle forme, elle,
devant désormais être considérée comme "ordinaire".
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Missel
du XIVe siècle -
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Motu Proprio de Benoît XVI, les formes du rite romain
LES FORMES DU RITE ROMAIN
Les fidèles qui souhaitent participer à la liturgie romaine célébrée sous sa
forme "extraordinaire" doivent utiliser - selon le Motu proprio de Benoît
XVI - le "missel de Jean XXIII", lequel dérive directement du missel dit "de
St. Pie V". On peut dès lors se poser deux questions: de quel(s) missel(s)
disposait-on pour célébrer la messe dans le rite romain avant la parution du
missel "de St. Pie V"? Comment est né ce missel qu'on appelle aujourd'hui "de
St. Pie V"?
Dans le cadre d'un colloque qui s'est tenu sous l'égide du Centre
International d'Études Liturgiques,(1) Dom Jean-Marie Pommarès, moine de
Flavigny et membre de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline
des Sacrements, a donné une conférence sur "l'origine du missel romain dans
la réforme de saint Pie V". Nous reprendrons ici plusieurs éléments de son
travail afin de montrer comment se présentait le rite romain avant
l'apparition des premiers missels imprimés - dont celui de Pie V -.
Comment "fabriquait-on" un missel avant
l'apparition de l'imprimerie ?
C'est la première question que l'on peut se poser; Dom Pommarès y répond.
Pour répondre au besoin précis d'une cathédrale, d'une paroisse, d'un
monastère... on faisait appel à un copiste qui retranscrivait à la main
toutes les formules nécessaires à la célébration de la messe. Il
"choisissait" les prières devant être recopiées en fonction de la coutume
locale et des besoins de l'endroit. Il existait donc, en matière de
liturgie, une réelle liberté. Mais une liberté réglementée, c'est-à-dire ne
pouvant être valablement exercée et n'ayant une légitimité que dans le cadre
du respect du droit coutumier.(2)
Le copiste reprend donc un modèle qu'il a à sa disposition - pas forcément
le meilleur d'ailleurs, mais celui qu'il juge le plus pratique - et y
introduit, sous le contrôle d'un clerc compétent, les coutumes locales
jugées utiles. Puis, ce nouveau missel - un exemplaire unique - rejoint le
sanctuaire pour lequel il est fait. Il n'est donc pas question de veiller en
tout premier lieu à une forme unique de la liturgie romaine, tout comme il
n'est pas question de faire tomber la liturgie dans l'anarchie. Le droit
coutumier, en effet, sert ici de rail conducteur.
Il n'est pas question non plus de comparer les missels entre eux : si l'on
trouve deux ouvrages qui diffèrent sur quelques points, on les considère
avec indulgence, en tenant compte de leur destination, de l'usage qu'on en
fait, et des difficultés de confection.
Les premiers missels romains imprimés.
Avec l'apparition de l'imprimerie, la façon de "faire" un missel romain va
changer. Le premier missel romain est publié, semble-t-il, vers 1470 à
Constance. Puis, d'autres ouvrages commencent à circuler.
Il faut remarquer que ces missels imprimés offrent tous un certain nombre de
variantes: si elles sont minimes dans le "canon romain" - seule prière
eucharistique de la liturgie romaine à l'époque - elles sont nettement plus
nombreuses dans les lectures, dans les prières d'offertoire et de communion.
Le rite romain n'est donc pas un "monolithe" qui va traverser les siècles,
comme d'aucuns auraient trop tendance à le penser aujourd'hui.
Très rapidement cependant, un désir de plus grande unité se fait sentir; il
y sera répondu par le décret du Concile du Latran, en 1515, dans lequel le
pape Jules II précise que les livres traitant de la foi et des mœurs
devront être approuvés par l'évêque avant de pouvoir être édités. Les
missels romains qui circulent doivent donc recevoir une approbation
officielle avant de pouvoir servir à la célébration de la messe. Ainsi, en
1539, un missel romain est publié pour le diocèse de Paris: il est
officiellement approuvé par l'archevêque Jean du Bellay, preuve que le droit
épiscopal en matière de liturgie commence à s'affirmer.
Le concile de Trente.
Au moment où s'ouvre le Concile de Trente, en 1545, peu d'évêques diocésains
se sont véritablement occupés de vérifier le contenu des missels romains
dont ils se servent: un certain "pluralisme" continue d'exister... Il faut
attendre 1562 pour constater que les pères conciliaires se décident à faire
une liste d' "abus" qu'ils constatent dans la liturgie. Au nombre de
ceux-ci, des ajouts faits dans le Gloria, des façons de célébrer indignes ou
douteuses, des différences de rites d'un endroit à l'autre, des préfaces
dont l'origine est suspecte, et le fait que durant l'offertoire on appelle
déjà "hostia sancta et immaculata"(3) le pain qui n'est pas encore
consacré.
En septembre 1562, un projet d'unification de la liturgie est approuvé; mais
on ne parle pas d'une "révision" du missel romain. L'affaire est mise entre
les mains du Souverain Pontife, le Concile de Trente reconnaissant ainsi le
pouvoir suprême du pape en matière de législation liturgique, une
reconnaissance qui sera du reste clairement réaffirmée dans la Constitution
Sacrosanctum Concilium de Vatican II.(4)
Le travail de Pie V.
Dominicain, le P. Michel Ghislieri devient pape en 1565 et prend le nom de
Pie V. Le nouveau pontife nomme des experts qu'il charge de réaliser un
missel romain unique. On sait que ces experts travaillent essentiellement en
se basant sur les divers missels conservés à la bibliothèque du Vatican. Ils
aboutiront à la réalisation d'un missel romain qui sera publié en 1570
accompagné de sa Bulle de promulgation (5), datée du 14 juillet de la même
année.
Comme le montre Dom Pommarès dans son étude, la liturgie codifiée dans le
missel romain de 1570, liturgie que les mouvements "traditionalistes"
appellent "tridentine" ou "traditionnelle" ou encore "de S. Pie V", et que
le pape Benoît XVI appelle "forme extraordinaire du rite romain", est, telle
que nous la voyons célébrée aujourd'hui - et au moins sur certains points -
davantage une liturgie du XIIIème siècle parée des fastes du XVIIIème
siècle, qu'une liturgie "traditionnelle" si l'on entend le mot
"traditionnelle" comme devant désigner une liturgie dont la forme se
rapproche de celle des origines qui se faisait à Rome.
Le "nouveau" missel romain, que le pape Benoît XVI qualifie de "recomposé"
dans son Motu proprio, tel qu'il est publié par Pie V, reflète bien les
soucis de l'époque:
- favoriser une unité liturgique dans l'Occident chrétien (le Nouveau Monde
et l'Afrique n'étant pas encore pris en considération),
- mettre le fidèle à l'abri des erreurs doctrinales qui pourraient
s'introduire dans la prière officielle de l'Église à la faveur des courants
de pensée issus du Protestantisme ou de l'Anglicanisme,
- affirmer le pouvoir du Souverain Pontife en ce qui concerne l'organisation
des rites liées à la célébration d'un sacrement.
Le missel romain que promulgue Pie V répond à une situation historique bien
précise - "occidentale" devrait-on dire - qui voit l'émergence de la pensée
moderne mais n'entrevoit pas les questions nouvelles que va soulever la
diffusion du christianisme dans des terres fraîchement découvertes.
Le missel promulgué par Pie V est-il utilisé dans
les diocèses ?
On a tort de penser que la liturgie romaine telle qu'elle fut codifiée dans
le missel promulgué par Pie V fut partout fidèlement suivie. L'étude du R.P.
Dom Pommarès atteste que de nombreux diocèses ne tinrent aucun compte du
missel "tridentin". L'exemple de Paris est, sur ce point, éloquent: un
missel publié en 1648 - donc moins d'un siècle après la parution du missel
romain promulgué par Pie V - porte le titre de Missalis Parisiensis cum
Missali romano ex decreto sacrosancti Concilii Tridentini restituto...
Nous sommes bien en présence d'un "missel parisien" supplémenté par le
"missel romain" restitué par Trente. Pour la liturgie, à Paris, on se montre
d'abord parisien... puis éventuellement romain.
En 1654 est publié, toujours dans le diocèse de Paris, un nouveau missel.
Cette fois-ci, il s'agit bien d'un "missel parisien" corrigé d'après le
"missel tridentin".
La parution d'un tel ouvrage montre bien que l'autorité diocésaine, après
s'être poliment inclinée devant les directives romaines concernant la
liturgie, affirme dans un second temps son pouvoir et son indépendance. Au
XVIIIème siècle, chaque diocèse de France publiera ses propres livres
liturgiques, dans une totale insoumission vis-à-vis du Saint-Siège: on
obtiendra ainsi des liturgies plus ou moins teintées de jansénisme.
Il faudra attendre la venue
de Dom Prosper Guéranger et la publications de ses travaux sur la
liturgie pour voir la fin d'une sorte d'anarchie qui s'était emparée du rite
romain.
Conclusion.
L'histoire de la liturgie romaine - pour peu qu'on veuille bien la voir avec
une certaine objectivité - montre bien en quoi a consisté l'œuvre du
Concile de Trente puis du pape Pie V. L'ouvrage qu'on appelle "missel de S.
Pie V" définit tous les éléments qui entrent dans la célébration de
l'Eucharistie selon le rite romain; il s'agit sans conteste d'un "missel
romain" parmi d'autres qui ont pu exister jusqu'au XVIème siècle. Mais ce
missel "de S. Pie V" est-il LE missel "traditionnel"? En quoi la liturgie
qu'il définit serait-elle plus "traditionnelle" qu'une autre?
En fait, le projet de Pie V n'a jamais été de faire paraître un "missel
traditionnel", mais de réaliser une unification de la liturgie à partir des
nombreuses variantes que connaissait le rite romain (5) avant la découverte
de l'imprimerie.
Avec le Motu proprio Summorum pontificum de Benoît XVI, la forme
"tridentine" ou "de S. Pie V" du rite romain est reconnue comme pouvant
subsister "extraordinairement" à côté de la forme "issue de Vatican II" du
même rite, laquelle forme, elle, devant désormais être considérée comme
"ordinaire".
Denis CROUAN docteur en théologie,
Pdt de Pro Liturgia
NOTES.
(1) C.I.E.L., Actes du Colloque de Versailles,
nov. 1999, 84, av. Aristide Briand, F92120 Montrouge.
(2) Dom Pommarès note: "la consultation des recueils de lois ecclésiastiques
et de décrets des conciles ne fait apparaître qu'un petit nombre de règles
(une dizaine sur quelques mille ans!) portant sur des particularités, et
aucune réglementation d'ensemble pour la rédaction des livres liturgiques".
(3) On retrouve des traces de cette façon de désigner l'hostie dans la forme
"extraordinaire" de liturgie romaine; ainsi, dans la prière du Suscipe qui
ouvre le rite d'offertoire, le célébrant dit bien "...hanc immaculatam
hostiam...".
(4) Cf. art. 22.
(5) Il s'agit de la Bulle Quo primum tempore.
(5) Parmi ces variantes du rite romain primitif, citons le rite d'Aquilée
qui disparut en 1596. Ce rite était aussi en usage à Milan jusqu'au XVIème
siècle. A ce moment, les paroisses qui avaient refusé d'adopter la liturgie
milanaise, furent "autorisés" par Rome à utiliser le missel publié par S.
Pie V. (cf. Arcdale A. KING, Liturgies anciennes, éd. Mame, Tours, 1961).
Le Motu Proprio du pape Benoît XVI
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Le texte officiel et tous les commentaires
Sources:
PRO LITURGIA
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.09.2007 - BENOÎT XVI -
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