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De Pie XII à François (1er partie)
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Le jeudi 2 mars 2017 -
(E.S.M.)
- Le cardinal Robert Sarah nous brosse une fresque des papes qu'il à
connus ce qui, comme pour lui étant jeune, devrait nous aider
à mieux comprendre la signification profonde de la fonction
pontificale.
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De Pie XII à François (1er partie)
Le 2 mars 2017 - E.
S. M. -
« Tu es Petrus, et super hanc petram aedificabo Ecclesiam meam, et portae
inferi non praevalebunt advenus eam. Et tibi dabo daves Regni coelorum.
»
« Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les portes de
l'enfer ne prévaudront point contre elle. Je te donnerai les clefs du
Royaume des Cieux. » Matthieu 16, 18-19
NICOLAS DlAT : En 1945, vous venez au monde sous le pontificat du pape
Pie XII...
CARDINAL ROBERT SARAH : Lorsque j'étais enfant, je savais qu'il existait un
pape à la tête de l'Eglise, car j'entendais son nom à la messe. Ce sommet
inatteignable, j'étais persuadé que je ne le verrais jamais. J'imaginais le
successeur de Pierre comme un homme vivant en quelque sorte au paradis,
ainsi que tous ceux qui travaillaient autour de lui. Je les considérais
comme des saints et de véritables modèles de vie chrétienne. Rome, si
lointaine, représentait un peu le Ciel...
Au petit séminaire de Bingerville, j'ai commencé à mieux comprendre la
signification de la fonction pontificale. Là-bas, j'ai appris la mort du
pape, le 9 octobre 1958, alors que nous avions à peine repris l'année
scolaire. J'ai eu peur car je comprenais que le moment était important pour
l'Eglise. En outre, Pie XII était très populaire en Afrique.
Ce pontife était un homme d'une grande dignité. Le procès ouvert sur son
rôle pendant la guerre me semble d'une injustice terrible. Loin des
polémiques idéologiques, les historiens commencent leurs travaux de
recherche. Récemment, j'ai beaucoup apprécié le travail de l'Anglais Cordon
Thomas et du Français Pierre Milza. Les témoignages des milliers de Juifs
dont il avait personnellement ordonné la protection dans les monastères de
Rome, et jusqu'aux appartements pontificaux du Vatican et de la résidence
d'été de Castel Gandolfo, sont exceptionnels. Pie XII a voulu sauver des
hommes qui étaient voués à la mort. Son silence diplomatique était motivé
par le désir de ne pas aggraver le drame ignoble qui se jouait alors. Face à
des dictateurs fous et dangereux, la parole peut parfois se révéler un
instrument contre-productif.
À un autre niveau, j'ai pu moi-même faire l'expérience de la persécution
dans la Guinée de Sékou Touré. Je sais donc d'expérience que les régimes
répressifs et sanguinaires sont des problèmes complexes, et qu'il ne suffit
pas de s'exprimer publiquement pour lutter contre une dictature.
En fait, le pape craignait que la politique de Hitler contre les Juifs
devienne encore plus barbare, et que les chrétiens polonais et allemands
subissent les contrecoups de cette ignoble violence. Certes, je ne suis pas
un spécialiste de cette question, et je ne prétends d'ailleurs pas résumer
un sujet si difficile. L'horreur de la Shoah demeure comme mystère
d'iniquité.
Sur le plan ecclésial, dès son élection, par sa première encyclique
Summi
pontificatus du 20 octobre 1939, Pie XII a voulu rappeler que
son premier devoir était de témoigner de la vérité : « Le temps actuel,
vénérables frères, ajoutant aux divisions doctrinales du passé ses nouvelles
erreurs, les a poussées à des extrémités d'où ne pouvaient s'ensuivre
qu'égarement et ruine. Et avant tout il est certain que la racine profonde
et dernière des maux que Nous déplorons dans la société moderne est la
négation et le rejet d'une règle morale universelle soit dans la vie
individuelle, soit dans la vie sociale et dans les relations internationales
: c'est-à-dire la méconnaissance et l'oubli si répandu de nos jours de la
loi naturelle elle-même, laquelle trouve son fondement en Dieu, créateur
tout-puissant et Père de tous, Suprême et absolu législateur, omniscient et
juste vengeur des actions humaines. Quand Dieu est renié, toute base de
moralité s'en trouve ébranlée. » Pie XII était déjà confronté aux
prémices des problèmes que nous connaissons, la négation de Dieu et le
relativisme moral.
Je puis également affirmer que Pie XII a été plus novateur que les critiques
en conservatisme, toujours faciles, veulent le laisser penser. L'encyclique
Fidei Donum
du mois d'avril 1957 sur le renouveau de la mission, en partie inspirée par
l'exemple de Mgr Marcel Lefebvre, alors archevêque de Dakar et délégué
apostolique pour l'Afrique française, fut très importante pour le
développement de l'évangélisation. Le Souverain Pontife a voulu réveiller l'Épouse
du Christ en invitant les Églises plus anciennes de l'Occident à s'engager
dans un effort missionnaire et en encourageant les prêtres européens à aller
servir pour un temps dans un diocèse de mission. L'encyclique a été
spécialement écrite en vue de l'Afrique. À cette époque, cette terre
manquait cruellement d'apôtres et d'évangélisateurs. Grâce à Pie XII, des
prêtres ont pu quitter leurs diocèses d'origine pour aider des régions du
monde qui en manquaient.
En Guinée, après le travail fondateur des spiritains, les prêtres que nous
appelons depuis lors «fidei donum » ont permis un développement
considérable de la foi catholique.
Pour mon continent, la figure de ce pontife reste d'autant plus historique
qu'il a été le premier à ordonner des évêques africains, en particulier
Bernardin Gantin. Son souci d'une hiérarchie épiscopale autochtone était
réel.
En 1958, vous êtes donc du séminaire lorsque Jean XXIII est élu pape
?
J'étais très jeune le jour où Angelo Roncalli est monté sur le trône de
Pierre. Pourtant, j'ai perçu assez rapidement la différence de style qui
pouvait exister avec son prédécesseur. J'avais aimé la figure noble et
délicate de Pie XII, et j'appréciais maintenant la simplicité presque naïve
de Jean XXIII. Les commentateurs disaient partout qu'il était bon, proche du
peuple, comme un père de famille.
Par contre, je manquais encore de maturité pour comprendre l'ampleur du
concile voulu par ce pape. Je savais cependant que Mgr Tchidimbo
représentait mon pays, et qu'il se rendait régulièrement à Rome pour
discuter avec les évêques des autres pays du monde. S'il ne nous parlait pas
vraiment du contenu des débats, je dois cependant relater un événement qui a
marqué les fidèles catholiques de Conakry.
La cathédrale de Conakry avait un chœur élégant et ouvragé, avec une belle
réplique du baldaquin du Bernin, entourée de très beaux anges. Au moment
des premières discussions sur la réforme liturgique, Mgr Tchidimbo est
revenu à Conakry en ordonnant la destruction du baldaquin et du
maître-autel. Nous étions en colère, incrédules devant cette décision
précipitée. Avec une certaine violence, nous passions sans aucune
préparation d'une liturgie à une autre. Je peux témoigner que la préparation
bâclée de la réforme liturgique a pu faire des ravages dans la population,
en particulier chez les plus modestes, qui ne comprenaient guère la rapidité
de tels changements, ni même leur raison d'être.
Incontestablement, il est assez regrettable que des prêtres se soient
laissés aller à de tels emportements idéologiques personnels. Ils
prétendaient démocratiser la liturgie, et le peuple fut la première victime
de leurs agissements. La liturgie ne constitue pas un objet politique que
nous pourrions rendre plus égalitaire en fonction de revendications
sociales. Comment un mouvement si étrange pouvait-il produire dans la vie de
l'Église d'autres conséquences qu'un grand désarroi des fidèles ?
Pourtant, l'idée de Jean XXIII était extraordinaire. La convocation du
concile répondait vraiment aux besoins nouveaux d'une époque. Au grand
séminaire, en étudiant les différentes constitutions, nous étions admiratifs
devant le travail des Pères. Notre passion était compréhensible car de
nombreux textes du concile sont particulièrement édifiants. Je suis persuadé
que le pape Jean a souhaité que les fidèles de l'Eglise puissent connaître
une grande intimité avec Dieu. Il voulait que les croyants entrent dans une
spiritualité plus profonde. En fait, la vision surnaturelle de l'homme est
la source de son programme de réforme. Le souci d'adaptation aux temps
modernes ne lui faisait jamais oublier la nécessité transcendantale de
l'action évangélisatrice.
Aussi sa dénonciation des « prophètes de malheur » est-elle juste. Un
certain pessimisme pouvait prévaloir dans l'Eglise. La lutte contre le
communisme soviétique et son expansion dans le monde entier était si
difficile qu'elle donnait lieu à une forme de défaitisme. Certains milieux
ne croyaient peut-être plus suffisamment dans le pouvoir du Christ qui n'a
jamais abandonné ses disciples. Jean XXIII appelait au réalisme, et deux
décennies plus tard, Dieu a envoyé Jean-Paul II qui a vu la chute du mur de
Berlin...
Le concile voulait mettre en avant la part de beauté et de dignité de ce
monde. Nous ne devons pas regretter cette manière de travailler des Pères.
La reconnaissance des grandes œuvres, quand elles existent, n'a jamais
impliqué de renoncer à la vérité. Comment l'Eglise pouvait-elle ne pas louer
les progrès technologiques et scientifiques de cette époque ? Pour autant,
il relevait également du devoir pétrinien de poursuivre l'enseignement
magistériel. Jean XXIII, puis Paul VI, sont restés fidèles à ces deux
aspects. La vision positive du monde n'empêchait pas Jean XXIII de constater
avec inquiétude les signes de l'effacement de Dieu.
Dès lors, comment comprenez-vous le mot aggiornamento utilisé par le pape
dès l'ouverture du concile ?
L'aggiornamento est un instrument de réflexion pour situer l'Église
dans un monde changeant, dont certains secteurs économiques, médiatiques ou
politiques abandonnaient Dieu en s'enfonçant dans un matérialisme onirique,
libéral et relativiste. Comment l'Eglise pouvait-elle mieux porter
l'Evangile dans des pays qui manifestaient les signes d'une crise de la foi
? L'intuition de Jean XXIII fut donc prophétique. Ce pape n'a jamais voulu
abandonner la tradition ; certains ont fantasmé sur une révolution, et ils
ont cherché, avec l'aide des médias, à imposer l'image d'un pontife
révolutionnaire. Il s'agit d'une méprise politique qui ne sera pas sans
conséquence.
Benoît XVI ne renonça jamais à rappeler combien le travail des Pères avait
pu être amoindri par les interprétations médiatiques de Vatican IL Ainsi, la
volonté de Jean XXIII n'a pas été connue, mais plutôt idéologiquement
commentée et interprétée. Pourtant, les textes des Pères sont le reflet
fidèle de l'intuition originelle du pape Jean. Nous possédons un trésor
précieux auquel il est important de se référer avec fidélité.
Vos souvenirs deviennent d'autant plus précis avec Paul VI qu'il est
finalement le pape de votre jeunesse ?
Effectivement, je suis arrivé à Rome en septembre 1969. J'ai pu voir Paul VI
lorsqu'il est venu inaugurer un des bâtiments du collège Saint-Pierre où je
résidais. Pour la première fois, je touchais un pape ! L'enfant de Guinée
vivait une forme de miracle...
Paul VI a dû affronter des
bouleversements d'une difficulté hors norme. Le monde changeait très vite,
et le concile n'apportait pas l'approfondissement tant attendu.
L'herméneutique progressiste entraînait même les fidèles vers des impasses.
De nombreux prêtres ont abandonné le sacerdoce. Des couvents se vidaient et
beaucoup de religieux commençaient à renoncer à leurs habits de
consécration. Peu à peu, l'esprit du temps faisait disparaître les signes
indiquant que la main de Dieu s'était posée sur ceux qui avaient voué leur
vie au Seigneur. Il existait une impression diffuse que, même chez les
personnes consacrées, la présence de Dieu était proscrite ! Pour le pape, ce
fut une souffrance terrible.
La douleur ne l'a pas empêché de rester ferme. Il savait mieux que quiconque
que le concile avait été suscité par l'Esprit-Saint. En conduisant les
travaux des Pères, Paul VI a montré une autorité et une sûreté théologique
particulièrement enracinées dans la foi.
Le pape a voulu préserver le dépôt
de la Révélation des égarements réformistes ou révolutionnaires d'idéologues
en chambre. Il a fait tout ce qu'il pouvait pour repousser des attaques
d'une grande violence.
Ainsi, en juin 1967, son encyclique
Sacerdotalis caelibatus
sur le célibat des prêtres affronta avec rigueur la remise en
cause de la chasteté des ministres du culte. Il écrivait : « Le célibat
sacré, que l'Église garde depuis des siècles comme un joyau splendide,
conserve toute sa valeur également à notre époque caractérisée par une
transformation profonde des mentalités et des structures. Cependant, dans ce
climat où fermentent tant de nouveautés, s'est fait jour entre autres choses
la tendance, voire la nette volonté, de presser l'Eglise de remettre en
question cette institution caractéristique. D'après certains, l'observance
du célibat ecclésiastique constituerait maintenant un problème ; elle
deviendrait quasiment impossible de nos jours et dans notre monde. Cet état
de choses, qui émeut la conscience d'un certain nombre de prêtres et de
jeunes aspirants au sacerdoce et leur crée des perplexités, et qui
déconcerte beaucoup de fidèles, Nous oblige à tenir sans plus de délai la
promesse faite naguère aux Pères du concile : Nous leur avions signifié
notre projet de donner plus d'éclat et de force au célibat sacerdotal, dans
les circonstances actuelles. »
En fait, Paul VI décrétait avec fermeté une confirmation du concile de
Carthage de 390, ainsi que l'antique tradition de l'Eglise catholique sur le
célibat consacré. La loi du célibat promulguée par l'Assemblée des évêques
africains est toujours restée en vigueur et elle sera officiellement insérée
dans le grand recueil législatif de l'Eglise d'Afrique, le Codex Canonum
Ecclesiae Ajricanae, compilé et promulgué en 410, au temps de saint
Augustin.
Nombreux sont ceux qui pensent que le célibat sacerdotal relève d'une
question purement disciplinaire. Quelle est votre position ?
Le père jésuite Christian Cochini, auteur d'un livre remarquable, Les
Origines apostoliques du célibat sacerdotal, écrit avec justesse : «
Lorsque, après de longues hésitations, Pie IV se décide à faire connaître sa
réponse aux princes allemands qui demandaient à Rome d'autoriser le mariage
des prêtres, son premier mot sur la question sera pour citer le décret de
Carthage. Voici donc ce document qui allait ainsi être appelé à jouer un tel
rôle dans l'histoire du célibat ecclésiastique : "Epigone, évêque de Bulle
la Royale, dit : dans un concile antérieur, on discuta de la règle de
continence et de chasteté. Qu'on instruise donc maintenant avec plus de
force les trois degrés qui, en vertu de leur consécration, sont tenus par la
même obligation de chasteté, je veux dire l'évêque, le prêtre et le diacre,
et qu'on leur enseigne à garder la pureté. L'évêque Geneclius dit : comme on
l'a dit précédemment, il convient que les saints évêques et les prêtres de
Dieu, ainsi que les lévites, c'est-à-dire ceux qui sont au service des
sacrements divins, observent une continence parfaite, afin de pouvoir
obtenir en toute simplicité ce qu'ils demandent à Dieu ; ce qu'enseignèrent
les apôtres, et ce que l'Antiquité elle-même a observé, faisons en sorte,
nous aussi, de le garder. A l'unanimité, les évêques déclarèrent : il nous
plaît à tous que l'évêque, le prêtre et le diacre, gardiens de la pureté,
s'abstiennent du commerce conjugal avec leur épouse, afin qu'ils gardent une
chasteté parfaite ceux qui sont au service de l'Autel." Ce texte est
précieux et d'une grande importance. Il représente le document le plus
ancien de l'Église sur le célibat. Il fait mention des épouses des clercs
et, notamment, des épouses de ceux qui occupent les rangs supérieurs de la
hiérarchie sacerdotale : évêques, prêtres et diacres. La plupart de ceux-ci
se trouvaient donc engagés dans les liens du mariage. À de tels hommes, le
concile africain de Carthage ne demande rien de moins que de s'abstenir de
tout rapport conjugal et d'observer une continence parfaite. De plus, le
document nous assure que cette discipline n'est pas nouvelle. Les Pères du
concile de Carthage entendent seulement urger l'obligation de quelque chose
qui a été "enseigné par les apôtres et observé par l'Antiquité". Cette loi
est unanimement acceptée et confirmée par toute l'Eglise en fidélité à
l'enseignement de Jésus qui récompense ceux qui quittent tout pour le suivre
: "En vérité, je vous le dis : nul n'aura laissé maison, femme, frères,
parents ou enfants, à cause du Royaume de Dieu, qui ne reçoive bien
davantage en ce temps-ci, et dans le monde à venir la vie éternelle"
(Lc 18, 29-30). Et Jean-Paul II d'insister: "L'Eglise
latine, en se rapportant à l'exemple du Christ Seigneur lui-même, à
l'enseignement des apôtres et à toute la Tradition qui lui est propre, a
voulu et continue à vouloir que tous ceux qui reçoivent le sacrement de
l'ordre assument ce renoncement "en vue du Royaume des Cieux". Cette
tradition, toutefois, va de pair avec le respect des traditions différentes
d'autres Eglises. Elle constitue en effet une caractéristique, une
particularité et un héritage de l'Eglise latine : celle-ci lui doit beaucoup
et est décidée à persévérer dans cette vue, malgré toutes les difficultés
auxquelles une telle fidélité pourrait l'exposer, malgré les divers
symptômes de faiblesse et de crise de certains prêtres. Nous avons tous
conscience de porter un trésor dans des vases d'argile ; mais nous savons
bien que c'est un trésor (Jean-Paul II,
Lettre aux prêtres pour le Jeudi saint 1979). »
Non, le célibat des prêtres n'est pas responsable de la pénurie des
vocations dans certains pays du monde.
Dans ces cas précis, et ailleurs, l'ordination d'hommes mariés serait un
triste miroir aux alouettes, une illusion, une facilité confondante.
En outre, Paul VI devait traiter un sujet que Pie XII avait évoqué dans
un fameux discours aux sages-femmes. Et ce fut
Humanæ vitæ...
Oui, en 1968, la publication de l'encyclique
Humanæ vitæ a provoqué un
déferlement sans précédent de critiques acerbes contre l'enseignement de
Paul VI sur le mariage et la régulation des naissances. Ce pape, avec une
grande intelligence et une parfaite fidélité à l'enseignement de l'Église,
voulait surtout souligner deux aspects indissociables dans l'acte conjugal,
l'union et la procréation : « Cette doctrine, écrit-il, plusieurs fois
exposée par le magistère, est fondée sur le lien indissoluble, que Dieu a
voulu et que l'homme ne peut rompre de son initiative, entre les deux
significations de l'acte conjugal : union et procréation. En effet, par sa
structure intime, l'acte conjugal, en même temps qu'il unit profondément les
époux, les rend aptes à la génération de nouvelles vies, selon des lois
inscrites dans l'être même de l'homme et de la femme. C'est en sauvegardant
ces deux aspects essentiels,
union et procréation, que l'acte conjugal conserve intégralement le sens du
mutuel et véritable amour et son ordination à la très haute vocation de
l'homme à la paternité. Nous pensons que les hommes de notre temps sont
particulièrement en mesure de comprendre le caractère profondément
raisonnable et humain de ce principe fondamental » (Humanae vitae n.12).
Malgré les contestations, le pape n'a jamais voulu entrer dans la logique
d'un débat faussé par la pensée libertaire. Paul VI a publié son texte, puis
il est resté silencieux, en portant toutes les difficultés dans la prière.
Jusqu'à sa mort, le 6 août 1978, il n'a plus écrit d'encyclique.
Le successeur de Pierre savait qu'il était fidèle à la vérité. Je pense que
Giovanni Battista Montini avait une confiance infinie dans la sagesse de
l'enseignement de l'Eglise ; pour lui, malgré les souffrances temporaires,
les modes passeraient. Le combat de ce pontife est d'autant plus poignant
qu'il vouait un grand respect à la liberté de conscience. En achevant son
texte, il a choisi de s'adresser spécifiquement aux prêtres en écrivant : «
Chers fils prêtres, qui êtes par vocation les conseillers et les guides
spirituels des personnes et des foyers, Nous nous tournons maintenant vers
vous avec confiance. Votre première tâche, spécialement pour ceux qui
enseignent la théologie morale, est d'exposer sans ambiguïté l'enseignement
de l'Eglise sur le mariage. Soyez les premiers à donner, dans l'exercice de
votre ministère, l'exemple d'un assentiment loyal, interne et externe, au
magistère de l'Eglise. Cet assentiment est dû, vous le savez, non pas tant à
cause des motifs allégués que plutôt en raison de la lumière de
l'Esprit-Saint, dont les pasteurs de l'Eglise bénéficient à un titre
particulier pour exposer la vérité. Vous savez aussi qu'il est de souveraine
importance, pour la paix des consciences et pour l'unité du peuple chrétien,
que dans le domaine de la morale comme dans celui du dogme, tous s'en
tiennent au magistère de l'Eglise et parlent un même langage. Aussi est-ce
de toute Notre âme que Nous vous renouvelons l'appel angoissé du grand
apôtre Paul : "Je vous en conjure, frères, par le nom de Nôtre-Seigneur
Jésus Christ, ayez tous un même sentiment ; qu'il n'y ait point parmi vous
de divisions, mais soyez tous unis dans le même esprit et dans la même
pensée." Ne diminuer en rien la salutaire doctrine du Christ est une forme éminente de charité envers les âmes. Mais cela doit toujours être
accompagné de la patience et de la bonté dont le Seigneur lui-même a donné
l'exemple en traitant avec les hommes. Venu non pour juger, mais pour
sauver, il fut certes intransigeant avec le mal, mais miséricordieux envers
les personnes. Au milieu de leurs difficultés, que les époux retrouvent
toujours, dans la parole et dans le cœur du prêtre, l'écho de la voix et de
l'amour du Rédempteur. Parlez avec confiance, chers fils, bien convaincus
que l'Esprit de Dieu, en même temps qu'il assiste le magistère dans
l'exposition de la doctrine, éclaire intérieurement les cœurs des fidèles en
les invitant à donner leur assentiment. Enseignez aux époux la voie
nécessaire de la prière, préparez-les à recourir souvent et avec foi aux
sacrements de l'Eucharistie et de la pénitence, sans jamais se laisser
décourager par leur faiblesse. »
(À suivre 2ème partie)
Sources : Bayard
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne
constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.03.2017
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