L'interprétation fidèle du Concile |
|
Le 02 mars 2009 -
(E.S.M.)
- Ndlr : A notre avis cet article pose plus de questions qu'il
n'apporte de réponses. En fin de page vous trouverez un lien qui ouvre
sur six pages qui correspondent d'avantage à notre réceptivité.
|
Le Père Giovanni
Scalese
L'interprétation fidèle du Concile
Le 02 mars 2009 - Eucharistie Sacrement de la Miséricorde
-
A l'occasion de la levée de l'excommunication des quatre évêques
lefebvristes, il a été dit qu'ils ne pourraient revenir dans la pleine
communion de l'Église que s'ils acceptaient entièrement et sans réserve
Vatican II.
Mais de quoi parle t'on, au juste ? Du Concile, ou de son "esprit" ?
C'est la question à laquelle cet article, écrit en juin 2008 par le Père
Scalese, tente de trouver une réponse. (1er Mars 2009)
Le Père Giovanni Scalese appartient à l'ordre des Clercs réguliers de
Saint-Paul. Il a fait sa licence de théologie à l'Université Grégorienne
Pontificale. Il a enseigné la Religion, l'Histoire et la Philosophie à
Florence et à Bologne. Il est actuellement missionnaire en Asie.
(voir sa
biographie sur son site)
Dans ce très long article (et très argumenté, sinon je ne
l'aurais pas traduit!, dixit benoit-et-moi), il s'interroge pour commencer sur
l'opportunité du Concile.
Était-il vraiment nécessaire ? A t'il servi à quelque chose d'autre que le
résultat qui est sous les yeux de chacun, à savoir des Églises vides,
surtout là où l'esprit a prévalu sur la lettre.
Il constate que ce qui au départ était un Concile pastoral,
(donc, selon lui, contingent, c'est-à-dire "lié aux
conditions de l'Église et du monde du temps dans lequel il s'est déroulé")
est devenu "plus contraignant qu'un concile dogmatique".
La raison de cela ? Ce qu'il nomme, donc, "l'esprit du Concile",
imposé par l'aile progressiste, qui s'est substitué à sa "lettre",
c'est-à-dire des documents certes "fruits de compromis humains", mais
peut-être réellement inspirés par l'Esprit, qui a empêché que l'irréparable
ne soit accompli, et somme toute équilibrés; cet esprit est devenu "comme
un poison qui a pénétré l'Église dans toutes ses fibres. Si maintenant nous
voulons assainir l'Église, nous ne devons pas annuler le Concile, mais le
libérer du prétendu « esprit du Concile »".
C'est ce qu'a voulu dire le Pape Benoît XVI, dans son
Discours à la Curie Romaine du 22
décembre 2005.
Le texte en italien figure ici
http://querculanus.blogspot.com/.. sur le blog (que je
trouve personnellement remarquable) de l'auteur, "Senza peli
sulla lingua". (voir aussi : Hans Kung: délires d'un
octogénaire)
***
Je compte sur votre indulgence pour excuser les quelques coquilles qui se
seront peut-être glissées à mon insu dans la traduction d'un texte assez
long (benoit-et-moi)
Le concile et « l'esprit du concile »
À plus de quarante ans de la conclusion du Vatican II (8
décembre 1965), et surtout après le désormais célèbre
Discours de Benoît XVI à la Curie Romaine (22 décembre
2005) et le
Motu Proprio « Summorum Pontificum » (7 Juillet 2007),
il me semble qu'on peut considérer non seulement comme légitime, mais dans
une certaine mesure naturel, de reconsidérer le Concile. Naturellement, les
notes qui suivent n'ont aucune prétention à être définitives; elles veulent
seulement être une réflexion à haute voix, ouverte à n'importe quelle
contribution ultérieure. La réflexion sera caractérisée par une extrême
franchise, mais en même temps un profond attachement à l'Église. Pour des
exigences de clarté, je diviserai le développement en quatre points :
opportunité, valeur, interprétation et « esprit » du Concile.
1. L'opportunité du Concile
Jusqu'à il y a quelque temps j'étais fermement convaincu de l'utilité du
Concile. Malgré les indéniables abus, je disais : « Il le fallait ».
Ma conviction se basait sur l'expérience - directe (pour
ce que peut valoir l'expérience d'un enfant) et indirecte
(à travers les études et les témoignages de ceux qui étaient
un peu plus vieux que moi) - de l'Église pré-conciliaire.
Aujourd'hui, je dirais plutôt : « Il y avait le besoin d'un profond
renouvellement de l'Église ». Le fait est qu'un tel renouvellement est
encore nécessaire. Cela signifie que le renouvellement espéré n'a pas eu
lieu. Donc, le Concile a échoué à atteindre son objectif. Le Concile, c'est
vrai, a promu toute une série de réformes : parfois, selon les cas,
profitables, opportunes ou nécessaires ; d'autres fois inutiles, sinon
nuisibles (pensons à la bureaucratisation de l'Église avec
l'institution des divers synodes, des conseils pastoraux, des commissions,
etc..). Mais ces réformes structurelles n'ont pas produit ipso
facto le renouvellement de l'Église, qui reste un fait éminemment
spirituel et exclusivement dépendant de la grâce de l'Esprit Saint et de
notre conversion personnelle. Ce fut une pieuse illusion de penser qu'il
suffisait d'un concile pour rénover l'Église. Au contraire, il semblerait
que les effets du Concile aient été opposés à ceux espérés : la réforme
liturgique a rendu les églises désertes ; le renouvellement des catéchèses a
répandu l'ignorance religieuse ; la réforme de la formation sacerdotale a
vidé les séminaires ; la modernisation de la vie religieuse met en danger
l'existence de beaucoup d'instituts ; l'ouverture de l'Église au monde, au
lieu de favoriser la conversion du monde, a signifié la « mondanisation
» de l'Église elle-même. Il est vrai que nous devons considérer ces choses
avec un certain détachement et avec un sens historique : l'Église a affronté
dans le passé bien d'autres difficultés et elle les a toujours heureusement
dépassées. C’est pourquoi, si nous croyons, il n'y a pas de quoi s’inquiéter
tant que ça. Mais un fait est certain : nous attendions la « nouvelle
Pentecôte », et il est venu la semaine sainte ; nous attendions le «
printemps de l'Esprit », et sont arrivées les brouillards de l'automne.
Je dirais plus. Habituellement, on regarde le Concile (que
ce soit du côté traditionaliste, ou du côté progressiste) comme
un champignon sorti pendant la nuit. En oubliant qu'il se situe dans le
sillage d'un chemin de réforme de l'Église en cours depuis déjà quelques
décennies : pensons au mouvement liturgique, au renouvellement des études
bibliques, au mouvement œcuménique, etc, qui étaient déjà en cours de longue
date. Les Papes habituellement les plus admirés par les conservateurs
(Saint Pie X et Pie XII) ont été parmi les acteurs majeurs de ces
mouvements. Pour faire un exemple, la réforme liturgique n'a pas commencé
avec Vatican II, mais elle était déjà en cours depuis plusieurs années. Pie
XII avait apporté des contributions considérables à cette réforme
(pensons à la révision des rites de la semaine sainte).
Certes, elle était à peine entamée et aurait dû se poursuivre. Mais cela
rend une question inévitable : un concile était-il vraiment nécessaire pour
continuer une réforme déjà notoirement entamée, graduellement réalisée et,
ce qui compte le plus, partagée par tous ? Il me semble très significatif
que personne parmi les traditionalistes n'a jamais soulevé d'objection sur
le Missel réformé par le Bienheureux Jean XXIII, en 1962, qui pourtant se
différencie de celui promulgué par Saint Pie V. On pourrait tenir le même
discours sur la réévaluation de la Sainte Écriture dans la vie de l'Église
ou sur la promotion du dialogue œcuménique. Donc, y avait-il vraiment besoin
d'un concile ? Les réformes promues par Vatican II n'auraient-elles pas pu
être réalisées (peut-être mieux, car conduites avec plus
de prudence et mieux tenues sous contrôle) par le Siège
Apostolique, comme cela s'était produit jusqu'alors ? Je ne peux pas encore
donner une réponse définitive à ces questions ; mais, de ce que j'ai dit
jusqu'à présent, ma propension à donner une réponse négative à la première
question et affirmative à la deuxième paraît évidente.
Il me reste seulement une perplexité. Peut-être était-il opportun, sinon
vraiment nécessaire, de convoquer le concile pour continuer le travail
commencé avec Vatican I. N'oublions pas que ce Concile avait été interrompu
; à plusieurs reprises, on avait pensé le reprendre, sans finalement en
faire rien. À ce qu'il semble, Pie XII laissa le projet dans un tiroir,
parce qu'il se rendait compte de ce qui aurait pu arriver à l'Église en
convoquant le Concile. Il fallut la sainte inconscience de Jean XXIII pour
reprendre ce projet et le faire se réaliser (même si
ensuite, je ne sais pour quel motif, il préféra convoquer un nouveau Concile
Vatican II, plutôt que reprendre Vatican I). En tout cas, il
était évident à quiconque que l'œuvre de Vatican I était restée inachevée :
sa « Constitution dogmatique sur l'Église du Christ »
Pastor
æternus
avait traité du primat et de l'infaillibilité du Souverain Pontife Romain,
mais il n'avait pas eu temps (peut-être providentiellement)
de considérer
les autres aspects du mystère de l'Épouse du Christ. Là encore, la réflexion
sur l'Église avait continué dans les décennies suivantes [qu'on voie l'encyclique
Encyclique Mystici Corporis Christi de Pie XII (29 juin 1943)] et avait
abouti à Vatican II, qui cherchait à donner une vision plus complète et
équilibrée de l'Église par rapport à celle exagérément déséquilibrée du
précédent Concile. A juste titre Paul VI, dans son discours du 21 novembre
1964 (celui dans lequel il proclama Marie «
Mère de l'Église »), dit qu'avec la promulgation de
Lumen
Gentium avait été « accomplie l'oeuvre du Concile Œcuménique Vatican I
». Il faut dire d'autre part qu'une telle oeuvre ne peut pas encore se dire
entièrement épuisée : après Vatican II la réflexion sur l'Église a continué,
donnant des fruits ultérieurs appréciables. Qu'on pense à ce qu'on nomme «
ecclésiologie de communion », qui peut réellement constituer un changement
radical dans la manière de penser la théologie sur l'Église, permettant à
tous les aspects (même à ceux
apparemment opposés comme collégialité et primauté, Églises particulières et
Église universelle) de trouver leur place.
2 La valeur du Concile
Venons-en au second aspect, celui de la valeur du Concile.
Vatican II a été convoqué et s'est présenté lui-même comme « Concile
pastoral ». Que je sache, c'était la première fois dans l'histoire de
l'Église qu'était convoqué un Concile pastoral. Tout au plus, il y avait eu
des conciles disciplinaires, qui, comme par hasard avaient tous connu de
retentissants échecs (comme cela se produisit pour le
Concile Latran V, qui peu avant le Concile de Trente avait tenté en vain de
réformer l'Église de l'époque) ; mais des conciles pastoraux,
jamais. Habituellement les conciles étaient convoqués pour définir la
doctrine en laquelle croire ; cette fois par contre cela était exclu ex
professo : « Le but principal de ce Concile n'est pas la discussion de
tel ou tel thème de la doctrine fondamentale de l'Église… Pour cela, il n’y
a pas besoin de Concile… Il est nécessaire que cette doctrine certaine et
immuable, qui doit être fidèlement respectée, soit approfondie et présentée
de sorte qu'elle réponde aux exigences de notre temps… On devra recourir à
une manière de présenter les choses qui correspondent le mieux au magistère,
dont le caractère prioritairement pastoral » (Jean
XIII, Discours d'ouverture du Concile, 11 octobre 1962 - voir à : Le Sens du
Concile Vatican II sur la page :
Unam sanctam).
Donc, le problème n'était pas de définir la doctrine
(puisque déjà définie), mais de trouver une nouvelle manière de
la présenter. Objectif plus que légitime pour l'Église, qui n'a pas
seulement le devoir de définir et garder la vérité, mais aussi celui de la
répandre.
Mais on pourrait objecter encore une fois, en employant les paroles mêmes du
Pontife : Pour cela, fallait-il un Concile ? Ne réalisait-on pas que,
s'agissant non pas de questions doctrinales, mais seulement de stratégies
pastorales, on courait le risque de faire un effort immense, destiné à être
très vite dépassé par le cours des évènements ? Ne se rendait-on pas compte
qu'en faisant ainsi, on donnait à ce Concile un caractère résolument
contingent, lié au caractère transitoire de ce moment historique ? Personne
ne peut ignorer que le monde d'aujourd'hui est totalement différent de celui
d'il y a quarante ans. Pouvons-nous considérer comme encore actuel dans le
monde d'aujourd'hui, marqué par le désenchantement, sinon le pessimisme et
par le désespoir, la Constitution
Gaudium et
Spes, avec son optimisme naïf ?
Ici aussi, cependant, une perplexité. Une perplexité qui jaillit d'une
observation sur l'Église d'aujourd'hui. Si nous faisons une comparaison
entre les différentes Églises locales, nous nous apercevons que le Concile a
été appliqué par elles de manière assez différente. Eh bien, dans les pays
où, plus que le Concile, on a appliqué (nous verrons plus
loin la distinction) l'« esprit du Concile »
(on pense à la France ou la Hollande), le résultat a été… le
désert. On ne peut cependant pas dire que la situation est meilleure dans
les pays, comme la Pologne ou l'Irlande, où le Concile a été appliqué sans
beaucoup de conviction et seulement de manière formelle. Seulement dans des
pays, comme l'Italie, où, parmi mille limites et contradictions, on s'est
efforcé de promouvoir le renouvellement pastoral voulu par le Concile,
l'Église continue à enregistrer une certaine vitalité. Donc, peut-être un
Concile pastoral n'a t'il pas été entièrement inutile
3. L'interprétation du Concile
Il me semble particulièrement important de définir avec clarté la valeur du
Concile, parce que d'elle dépend son interprétation correcte. Opportun ou
inopportun qu'il était, Concile il y a eu. C'est une donnée de fait. Même si
ce fut une erreur, il me semble assez impensable qu'aujourd'hui on puisse
l'ignorer ou même, comme certains traditionalistes le souhaiteraient,
l'abroger.
Il ne reste qu'à l'interpréter correctement. C'est la position assumée par
le Pape Benoît XVI dans le
Discours à la Curie Romaine du 22 décembre 2005,
peu après son élection, à l'occasion du 40ème anniversaire de la conclusion
de Vatican II. La position du Pape est claire : une « herméneutique de la
réforme » en opposition à une « herméneutique de la discontinuité et de la
rupture ». Le Concile doit être interprété à la lumière de la tradition
ininterrompue de l'Église. Rien à redire à cela. A moins d’indiquer d’autres
critères d'herméneutique.
Premier parmi tous, justement, la considération du caractère spécifique du
Concile : si nous voulons interpréter correctement Vatican II, nous devons
toujours nous rappeler qu'il s'agit, comme nous le disions, d'un Concile
pastoral : cela signifie qu'il a un caractère contingent, lié aux conditions
de l'Église et du monde du temps dans lequel il s'est déroulé. Nous ne
pouvons pas absolutiser Vatican II. Et au contraire, c'est exactement ce qui
s'est passé : ce qu'il avait voulu être, et avait effectivement été, un
Concile pastoral (et donc avec toutes les limites que cela comportait), à un
certain point est devenu plus contraignant qu'un Concile dogmatique. On
pouvait mettre en discussion tous les dogmes de la foi catholique, mais gare
à mettre Vatican II en discussion. Un exemple de cette absurdité : la
réconciliation avec les lefebvristes à ce jour, est subordonnée à une
acceptation inconditionnelle du Concile. Mais ne se rend-on pas compte de
l'absurdité ? Dans le dialogue œcuménique, on s'efforce justement de
déterminer l'essentiel sur lequel nous pouvons tous nous retrouver d'accord
(in necessariis unitas), négligeant les diversités accidentelles
(in dubiis libertas) ; à l'intérieur de l'Église
catholique ce qui nous unit ne serait plus la même foi, mais l'acceptation
d'un Concile qui s'était lui-même défini comme pastoral!
Second critère : le Concile a émané des documents variés, pas tous de même
valeur (*) : il y a quatre constitutions, neuf décrets et trois
déclarations. Il ne serait pas correct de mettre sur un même plan une
déclaration et une constitution. Ces mêmes constitutions n'ont pas toutes la
même valeur : une d'elles, celle sur la liturgie, n'est définie par aucun
adjectif ; deux, celle sur l'Église et celle sur la divine révélation, se
déclarent « dogmatiques » (quoiqu'elles ne définissent pas
de nouveau dogme) ; la dernière,
Gaudium et
Spes, se présente comme une constitution « pastorale ». Je crois qu'il
est important de recourir à ces critères herméneutiques, parce qu'en fait,
les principales contestations des traditionalistes au Concile portent, comme
par hasard, sur des déclarations, et pas sur des constitutions dogmatiques :
ce que les lefebvristes critiquent le plus dans le Concile, c'est la liberté
religieuse (Déclaration
Dignitatis Humanae) et le rapport avec les religions
non-chrétiennes (Déclaration
Nostra
Aetate). Il me semble que, sur la base des critères
herméneutiques exposés plus haut, il est plus que légitime de maintenir sur
de tels sujets des positions diversifiées.
4. L'« esprit du Concile »
Dernier point. Lorsqu'on interprète un texte, un des critères herméneutiques
fondamentaux est d'établir l'intention de l'auteur ; si le texte est
juridique, on recherche la mens du législateur (cf can. 17
CJC). Dans ce cas, les progressistes (parmi
eux, in primis, ceux que l'on nomme l'« École de Bologne »),
n'ont-ils pas raison de se référer à l'« esprit du Concile », qui se
situerait au-delà de la lettre de ses documents et dont eux mêmes seraient
les dépositaires ? Pour être franc, j'en suis arrivé à la conclusion que les
« dossettiens » (appelons-les ainsi par commodité,
sans pour autant exprimer un quelconque jugement sur Don Giuseppe Dossetti)
n'ont pas tous les torts d'en appeler à l'« esprit de Concile ». Je veux
dire : cet « esprit » n'est pas né de leur imagination; c'était vraiment
l'esprit d'une bonne partie des pères conciliaires ; je ne saurais dire si
c'était celui de la majorité ou seulement d'une minorité aguerrie
(aujourd'hui nous dirions : un puissant lobby). À
lire les chroniques de Concile, il y a de quoi rester pantois
(voir sur le site Una vox, le compte rendu « Le Concile jour
après jour » : http://www.unavox.it/doc89.htm).
Je me souviens que Mgr Ettore Cunial nous confia un jour ne jamais avoir
entendu de sa vie autant d'hérésies que pendant le Concile : s'il n'y avait
pas eu l'assistance de l'Esprit Saint et si ces positions avaient prévalu,
on aurait détruit l'Église en peu de jours.
Mais justement, il y avait l'Esprit Saint (Dieu sait écrire droit sur des
lignes courbes) et, ajoutons-nous, il y avait aussi le bon Paul VI, qui tint
la situation en main et sut mener le Concile à sa conclusion.
Même en considérant les choses d'un point de vue purement humain, les
discussions parmi les différents groupes présents au Concile conduisirent à
des compromis honorables, qui trouvèrent leur expression dans les documents
conciliaires, équilibrés et fondamentalement partagés par tous
(même Mgr Lefebvre signa tous les documents, y compris
Dignitatis Humanae).
Mais précisément parce qu’il y avait les fruits de compromis humains, les
dossettiani ont continué à en appeler à l'« esprit de Concile »
(c'est-à-dire à l'esprit du lobby progressiste du Concile) comme à l'unique
clé de lecture légitime du Concile. De leur point de vue, ils n'ont pas tous
les torts : les documents conciliaires sont issus de compromis ; ils ne
reflètent pas l'esprit de ceux qui avaient voulu le Concile et en auraient
souhaité une issue bien différente. Le problème est : sommes-nous sûrs que
cet « esprit » coïncide avec l'Esprit de Dieu ? Sommes-nous vraiment sûrs
que l'Esprit Saint s'est exprimé à travers l'« esprit de Concile » et pas
plutôt à travers la lettre des documents conciliaires, cette lettre, fruit
de compromis humains ?
Le problème est d'autant plus grave, que cette mentalité
(l'« esprit de Concile » identifié avec l'intentio auctoris ou mens du
législateur) n'était pas répandue seulement dans les cercles
progressistes de l'Église, mais influença dans une certaine mesure la
réalisation même du Concile de la part des hiérarchies suprêmes.
Voici un exemple tiré de la réforme liturgique. Le Concile avait prévu la
conservation de l'usage de la langue latine dans la liturgie en général
(Sacrosanctum
Concilium, n. 36), dans la célébration de la Messe
(ibid., n. 54) et dans le texte de l'Office divin
(ibid., n. 101). Eh bien, ce ne fut pas un quelconque prêtre
rebelle qui transgressa cette règle, mais c'est le Souverain Pontife
lui-même qui autorisa la traduction intégrale de la liturgie dans les
langues vulgaires (avec comme conséquence, l'abandon
inévitable de la langue latine). Pourquoi cela ? Parce que, bien
que contre la lettre du Concile, cela semblait correspondre à sa mens.
Et c'est ce qui a ruiné l'Église. La faute de la crise de l'Église ne peut
pas être attribuée au Concile en tant que tel, ou au moins aux documents qui
en ont jailli, même pas au défaut d'application de la part de quelque
irréductible contestataire, mais à la diffusion à tous les niveaux de ce
qu'on croyait être le vrai « esprit du Concile », mais était en réalité,
pour employer l'image de Paul VI, la « fumée de Satan » qui s'insinuait dans
l'Église.
Il ne s'agit pas ici de criminaliser qui que ce soit, encore moins le pauvre
Paul VI, qui fit tout pour s'opposer aux interprétations extrémistes du
Concile. Mais tel était malheureusement le climat; tous en furent dans d'une
certaine façon contaminés et, peut-être en toute bonne foi, ils furent
amenés à se détacher de la lettre de Concile.
L'« esprit du Concile » a été comme un poison qui a pénétré l'Église dans
toutes ses fibres. Si maintenant nous voulons assainir l'Église, nous ne
devons pas annuler le Concile, mais le libérer du prétendu « esprit du
Concile ». Quel est l'antidote ? Revenir à la lettre du Concile, dans
laquelle s'exprime le vrai esprit du Concile, qui est aussi l'esprit de la
tradition ininterrompue de l'Église.
Ceci peut même comporter, si nécessaire, des révisions de plusieurs
réformes, là où celles-ci se sont détachées de la volonté explicite du
Concile. On parle avec toujours plus d'insistance d'une « réforme de la
réforme » liturgique.
Pourquoi pas ? La solution actuelle (la coexistence de
deux formes du même rite) peut être acceptée seulement comme
solution transitoire, mais ne peut certes pas être considérée comme la
solution idéale et définitive. Cette interaction réciproque des deux usages
liturgiques, prévue par le Saint Père Benoît XVI dans la
Lettre d'accompagnement du
Motu Proprio aux Évêques, devient de plus en plus nécessaire : « Les deux
formes de l'usage du Rite Romain peuvent s'enrichir mutuellement : dans le
Missel ancien pourront et devront être insérés de nouveaux saints et
quelques nouvelles préfaces… Dans la célébration de la Messe selon le Missel
de Paul VI , pourra se manifester, de manière plus forte que ce qui a eu
cours jusqu'à présent, cette sacralité qui attire beaucoup de gens vers
l'ancien usage ».
La lettre du 23 juin 2003 du Cardinal Ratzinger à Heinz-Lothar Barth se
révèle encore plus explicite: « Je crois qu'à long terme l'Église romaine
doit avoir de nouveau un seul rite romain. L'existence de deux rites
officiels pour les évêques et pour les prêtres est difficile « à gérer » en
pratique. Le rite romain du futur devrait être un seul, célébré en latin ou
en vernaculaire, mais complètement dans la tradition du rite qui a été
transmis. Il pourrait assumer quelques nouveautés qui se sont avérés
valides, comme les nouvelles fêtes, quelques nouvelles préfaces dans la
Messe, un lectionnaire étendu avec plus de choix qu'avant, mais pas trop,...
». Plus ou moins ce qu'avait prévu le Concile.
Par conséquent, pour autant qu'il soit légitime de discuter sur le Concile,
nous devons admettre que, si on veut trouver un point d'équilibre entre les
différentes "âmes" de l'Église, on ne le trouvera probablement que dans la
lettre du Concile lui-même, fruit des efforts des pères conciliaires, de la
sage médiation de Paul VI et, surtout, de l'assistance de l'Esprit Saint.
Ndlr
: Pour en savoir plus nous vous donnons en lien un article qui donne
quelques pistes de réflexions : CE QUI A MAL
TOURNÉ AVEC VATICAN II :
une "explication" de la crise que traverse actuellement l'Église catholique
(6 pages) Depuis plusieurs mois, Benoît XVI, ne
cesse de nous commenter tous les textes de Vatican II. Le temps semble venu,
nous suggère t-il, de réfléchir sur la pertinence de Vatican II. C’est
l’événement central de l’histoire de l’Église en notre temps. Ses seize
documents, bien qu’avec une force inégale, sont la mesure de la Foi des
catholiques romains. Bien compris, c’est une bénédiction pour l’Église – "
bien compris. "
Sources : benoit-et-moi
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 02.03.2009 -
T/Eglise |