Ukraine. Bartholomée, l’adversaire de rang le plus élevé du
patriarcat de Moscou
Le 03 janvier 2023 -
(E.S.M.)
-
L’agression de la Russie contre l’Ukraine a bouleversé la vie
des Églises orthodoxes sur la terre qui a donné naissance au
christianisme de ces deux peuples. Mais on pourrait espérer qu’un
miracle de nouvel œcuménisme ne puisse pas émerger de cette crise.
Laure des Grottes, le vénérable
monastère situé au cœur de Kiev
Ukraine. Bartholomée, l’adversaire de rang le plus élevé du patriarcat de
Moscou
Le plan de paix des grecs-catholiques, dans une guerre qui est
aussi de religion
Le 03 janvier 2023 - E.
S. M. - L’agression de la Russie contre l’Ukraine a également
bouleversé la vie des Églises orthodoxes dans la terre qui a donné
naissance au christianisme de ces deux peuples. Mais il n’est pas
dit qu’un miracle de nouvel œcuménisme ne puisse pas émerger de
cette crise.
En Ukraine, il y a trois Églises orthodoxes. La plus grande, avec à
sa tête le métropolite Onuphre, est statutairement liée au
patriarcat de Moscou ; une autre, indépendante, et dirigée par le
patriarche Épiphane, a vu le jour en 2018 avec l’approbation du
patriarcat œcuménique de Constantinople ; et une troisième, plus
petite, avec comme patriarche Philarète, s’est séparée de Moscou au
moment de la dissolution de l’empire soviétique. De plus, il y a une
Église grecque-catholique de rite oriental bien vivante, avec
environ 5 millions de fidèles, dirigée par l’archevêque majeur de
Kiev, Sviatoslav Shevchuk.
Alors que l’Église grecque-catholique et les deux Églises orthodoxes
indépendantes de Moscou se sont immédiatement et unanimement
montrées solidaires de la résistance de l’Ukraine contre l’agression
russe, en ce qui concerne l’Église orthodoxe liée au patriarcat de
Moscou, la guerre a créé de sérieux problèmes.
Depuis le début, son patriarche Onuphre, avec le consensus d’une
bonne partie des évêques, du clergé et des fidèles, a condamné
l’agression russe et s’est dissocié des
thèses pro-Poutine débridées de Cyrille, le patriarche de
Moscou.
Le 27 mai, l’Église d’Onuphre a même convoqué un
concile qui
s’est prononcé en faveur de l’autonomie envers Moscou et a prévu une
modification en ce sens de ses propres statuts. Et cela alors que de
mois en mois, le sentiment antirusse grandit dans une population qui
s’identifie toujours plus avec la nation ukrainienne et qui est
tentée çà et là d’adhérer à l’autre Église orthodoxe,
l’indépendante, qui a vu le jour en 2018.
Et pourtant, dans l’Église d’Onuphre, nombreux sont ceux qui, à tous
les niveaux, continuent à agir en faveur des agresseurs.
Quand fin septembre, après les référendums mis en scène par les
russes dans les territoires occupés, l’acte d’annexion des régions
de Donetsk, Lougansk, Zaporozhye et Kherson a été signé à Moscou,
trois prélats de l’Église ukrainienne d’Onuphre étaient présents à
la cérémonie. D’autres, dont deux évêques, se sont réfugiés en
Russie après que l’Ukraine ait reconquit les territoires de leurs
diocèses. Et six autres évêques (cinq de Crimée et un de la région
de Lougansk) avaient soustrait leurs diocèses à l’autorité du
métropolite de Kiev pour les replacer directement sous la
juridiction directe du patriarcat de Moscou.
Au cours du synode qui s’est tenu en novembre, Onuphre n’a toutefois
pris aucune mesure disciplinaire contre les collaborateurs. Ce qui a
incité le gouvernement de Kiev à adopter, début décembre, un
décret visant à punir « dans les organisation religieuses en
Ukraine » tous ceux qui entretiennent des rapports de collaboration
avec Moscou.
Ce décret fait suite à des inspections des services de sécurité qui
se sont déroulés à plusieurs endroits au cours des dernières
semaines et a rapidement conduit à soumettre des personnalités
importantes de l’Église orthodoxe d’Onuphre à des mesures
restrictives, dont les métropolites de Zaporozhye, Lougansk,
Borispol, Chernovig, l’archevêque de Konstantinov, le supérieur du
monastère de Melitopol et le curé de la cathédrale de Kherson.
Mais la sanction qui a fait le plus de bruit a été celle qui a
frappé l’historique Laure des Grottes (photo), le vénérable
monastère situé au cœur de Kiev, le berceau du christianisme de la
Rus’ antique, appartenant à l’État ukrainien mais dont la gestion
était jusqu’à hier confiée à l’Église orthodoxe russe. Le président
ukrainien Volodymyr Zelensky l’a soustraite à Moscou pour l’assigner
à l’Église orthodoxe ukrainienne indépendante, celle du patriarche
Épiphane. L’higoumène de la Laure – déjà impliqué dans des trafics
illégaux auparavant – a été arrêté à la frontière avec la Moldavie
et est accusé de contrebande d’icônes antiques.
Dans ce climat tendu, certaines voix se sont élevées pour dénoncer
le tournant liberticide, faisant fi de la liberté religieuse,
emprunté par Zelensky par ces mesures d’inspection et de rétorsion.
Mais bien plus grandes encore sont les craintes concernant les
tensions entre les deux plus grandes Églises orthodoxes d’Ukraine,
celle qui est encore statutairement liée à Moscou et celle qui est
indépendante, la première étant encore empreinte d’un
traditionalisme philo-russe tandis que la seconde est nettement plus
patriotique.
Zelensky ne fait pas mystère de son souhait de voir converger la
première Église dans la seconde, à l’enseigne d’une symbiose
totalement ukrainienne et antirusse entre le trône et l’autel.
Même le vieux patriarche Philarète demande une unification, en
proposant un concile panorthodoxe ukrainien qui opte pour une pleine
indépendance politique et spirituelle de l’Église nationale.
Des intellectuels renommés tels que Sergiej Chapnin et le centre
d’études ecclésiastiques CEMES de Salonique s’engagent également en
faveur de l’unité entre les Églises orthodoxes. Sans parler du
patriarche œcuménique de Constantinople, Bartholomée, l’adversaire
de rang le plus élevé du patriarcat de Moscou.
Mais beaucoup craignent que l’échec d’un tel processus d’unification
librement décidé par les Églises ukrainiennes n’ouvre la voie à une
unité imposée par le gouvernement de Kiev. À moins qu’un autre
acteur n’intervienne pour donner une impulsion positive à
l’unification, quelqu’un d’étranger aux disputes intra-orthodoxes,
c’est-à-dire l’Église grecque-catholique d’Ukraine.
En effet, cette Église grecque-catholique soutient depuis longtemps
une proposition unitaire que l’archevêque majeur de l’époque,
Lubomyr Husar, avait décrit comme suit en 2008 dans la revue « Il
Regno » : « Ce que nous souhaitons, désirons et nous efforçons
de faire, c’est de favoriser le retour à l’unité ancestrale de
l’Église à Kiev. Ceci requiert avant tout un chef unique, un unique
patriarche, comme toujours pour les Églises orientales. Et nous,
grecs-catholiques, voudrions que ce patriarche soit en pleine
communion avec le successeur de Pierre, tout en laissant aux
communautés orthodoxes la latitude de conserver leurs références
canoniques et spirituelles ».
L’archevêque majeur Shevchuk identifie l’origine historique de cette
unification au synode de Brest de 1595, dans lequel « l’Église
d’Ukraine tout entière, en union avec son métropolite, a réaffirmé
la communion avec Rome, dans la forme dont on a conservé la mémoire
à Kiev pendant tout le premier millénaire, la mémoire d’une Église
indivise, avant le schisme de 1054 », et comme alternative au
patriarcat de Moscou naissant, qui à l’époque « ne représentait pas
un centre spirituel et religieux traditionnellement reconnu ».
Mgr Shevchuk a consacré un livre-entretien à cette reconstruction
historique et à ce qui pourrait être aujourd’hui un retour à
l’unité, il s’intitue « Dimmi la verità », il est sorti en 2018 et
Settimo Cielo en avait publié les traits essentiels :
ºGuerres
de religion. Pourquoi en Ukraine les plus œcuméniques sont les
grecs-catholiques
Il est difficile de dire si ce retour œcuménique à l’unité trouvera
un écho en Ukraine. Certes, au niveau concret, Mgr Shevchuk est
totalement solidaire de la riposte héroïque, et notamment militaire,
de sa patrie contre l’agression russe, et est en dialogue réciproque
et respecté avec les Églises orthodoxes de son pays, tout en étant
pour sa part en communion avec Rome sans rien concéder aux excès
monarchiques du primat papal.
Un rêve difficile mais pas impossible. Pendant que dans le camp de
l’orthodoxie, Moscou et Constantinople sont au bord du schisme, avec
comme épicentre la fracture en Ukraine, c’est peut-être justement
dans ce pays martyrisé que pourrait s’ouvrir un chemin d’unité
chrétienne qui donnerait une leçon au monde entier.
Un article de
Sandro Magister, vaticaniste à
L’Espresso.
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Sources : diakonos.be -
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 03.01.2023