Catéchèse de Benoît
XVI - mardi 30 août 2005
Psaume 126 : La sueur inutile de qui ne
travaille pas avec Dieu à ses côtés
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ROME, Mardi 30 août 2005– Benoît XVI
souligne que le Psaume 126 n’hésite pas à taxer d’ « inutile » la sueur de qui
travaille sans avoir Dieu à ses côtés.
Le pape est venu ce matin en hélicoptère depuis sa résidence d’été de
Castelgandolfo pour présider l’audience générale hebdomadaire qui a eu lieu
place Saint-Pierre en présence de quelque 10.000 visiteurs venus d’Italie et du
monde entier.
Benoît XVI a repris sa série de catéchèses sur les psaumes et les cantiques des
vêpres, commentant le psaume 126, que l’Eglise latine chante aux vêpres le
mercredi de la 3e semaine liturgique.
« Dieu récompense au contraire jusqu’au sommeil
de ses amis », souligne le pape en commentant le psaume 126. Voici la traduction
du texte intégral de la catéchèse de Benoît XVI.
Lecture: Ps 126, 1.3-5
Si le Seigneur ne bâtit la maison,
les bâtisseurs travaillent en vain
si le Seigneur ne garde la ville,
c’est en vain que veillent les gardes.
En vain tu devances le jour,
Tu retardes le moment de ton repos,
Tu manges un pain de douleur ;
Dieu comble son bien-aimé quand il dort.
Des fils, voilà ce que donne le Seigneur,
des enfants, la récompense qu’il accorde ;
comme des flèches aux mains d’un guerrier,
ainsi les fils de la jeunesse.
Heureux l’homme vaillant
qui a garni son carquois de telles armes !
S’ils affrontent leurs ennemis sur la place,
ils ne seront pas humiliés.
Chers frères et sœurs,
1. Le Psaume 126 qui vient d'être proclamé, présente à nos yeux un spectacle en
mouvement : une maison en construction, la ville avec ses gardes, la vie des
familles, les veillées nocturnes, le travail quotidien, les petits et les grands
secrets de l'existence. Mais une présence décisive se dresse sur tout, celle du
Seigneur qui plane sur les œuvres de l'homme, comme le suggère le début incisif
du Psaume: « Si le Seigneur ne bâtit la maison, en vain peinent les bâtisseurs »
(v. 1).
Une société solide naît, certes, de l'engagement de tous ses membres, mais elle
a besoin de la bénédiction et du soutien de ce Dieu qui, malheureusement, est
souvent exclu ou ignoré. Le Livre des Proverbes souligne le primat de l'action
divine pour le bien-être d'une communauté et il le fait de façon radicale, en
affirmant que « c'est la bénédiction du Seigneur qui enrichit, sans que l'effort
y ajoute rien » (Pr 10, 22).
2. Ce Psaume sapientiel, fruit de la méditation sur la réalité de la vie de
chaque jour, est construit substantiellement sur une opposition: sans le
Seigneur, on cherche en vain à construire une maison stable, à édifier une ville
sûre, à faire fructifier son propre labeur (cf. Ps 126, 1-2). Avec le Seigneur,
en revanche, on a la prospérité et la fécondité, une famille riche d'enfants et
sereine, une ville bien équipée et défendue, libre des cauchemars et du manque
de sécurité (cf. vv. 3-5).
Le texte s'ouvre en mentionnant le Seigneur, représenté comme le bâtisseur de la
maison et la sentinelle qui veille sur la ville (cf. Ps 120, 1-8). L'homme sort
le matin pour accomplir le travail qui fait vivre sa famille et au service du
développement de la société. C'est un travail qui occupe ses énergies,
provoquant la sueur de son front (cf. Gn 3, 19) au cours de toute la journée
(cf. Ps 126, 2).
3. Et bien le psalmiste, tout en reconnaissant l'importance du travail, n'hésite
pas à affirmer que tout ce travail est inutile si Dieu n'est pas aux côtés de
celui qui peine. Et il affirme que, en revanche, Dieu récompense même le sommeil
de ses amis. Le psalmiste veut ainsi exalter le primat de la grâce divine, qui
donne sa consistance et sa valeur à l'action humaine, bien qu'elle soit marquée
par des limites et son caractère caduc. Dans l'abandon serein et fidèle de notre
liberté au Seigneur, même nos œuvres deviennent solides, capables de porter un
fruit permanent. Notre « sommeil » devient ainsi un repos béni par Dieu, destiné
à sceller une activité qui a un sens et une teneur.
4. On passe, à ce point, à l'autre scène tirée de notre Psaume. Le Seigneur
offre le don des enfants, considérés comme une bénédiction et une grâce, signe
de la vie qui continue et de l'histoire du salut tendue vers de nouvelles étapes
(cf. v. 3). Le psalmiste exalte en particulier « les fils de la jeunesse »: le
père qui a eu des enfants dans sa jeunesse les verra non seulement dans toute
leur vigueur, mais ils seront son soutien dans la vieillesse. Il pourra ainsi
affronter l'avenir en sécurité, devenant semblable à un guerrier, armé de ces «
flèches » pointues et victorieuses que sont les enfants. (cf. vv. 4-5).
L'image, prise à la culture de l'époque, a pour but de célébrer la sécurité, la
stabilité, la force d'une famille nombreuse, comme on le répétera dans le Psaume
127 successif, dans lequel est brossé le portrait d'une famille heureuse.
La scène finale représente un père entouré de ses enfants, qui est accueilli
avec respect à la porte de la ville, siège de la vie publique. Avoir des enfants
est donc un don qui apporte vie et bien-être à la société. Nous en sommes
conscients de nos jours, face aux pays que la baisse démographique prive de la
fraîcheur, de l'énergie, de l'avenir incarné par les enfants. Sur tout cela se
dresse cependant la présence bénissante de Dieu, source de vie et d'espérance.
5. Le Psaume 126 a souvent été utilisé par les auteurs spirituels précisément
pour exalter cette présence divine, décisive pour avancer sur la voie du bien et
du royaume de Dieu. Ainsi, le moine Isaïe (mort à Gaza en 491) dans son
Asceticon (Logos 4, 118), rappelant l'exemple des antiques patriarches et
prophètes, enseigne: « Ils se sont placés sous la protection de Dieu en
implorant son assistance, sans placer leur confiance dans quelque labeur qu'ils
aient pu accomplir. Et la protection de Dieu a été pour eux une ville fortifiée,
car ils savaient que sans l'aide de Dieu, ils étaient impuissants et leur
humilité leur faisait dire avec le Psalmiste: “Si le Seigneur ne construit pas
la maison, en vain le gardien veille” » (Recueil ascétique, Abbaye de
Bellefontaine, 1976, pp. 74-75).
Cela est aussi valable aujourd'hui: seule la communion avec le Seigneur peut
préserver nos maisons et nos villes.
La plénitude de la divinité rayonne sur
l'univers et sur l'humanité. |
Catéchèse sur l’hymne de l’Epître
aux Colossiens que l’Eglise chante aux vêpres le mercredi de la 3e semaine
liturgique (Col 1,3.12.15.17-18)
ROME, Mercredi 7 septembre 2005 – Dans le Christ, « la plénitude de la
divinité rayonne sur l'univers et sur l'humanité, devenant source de paix,
d'unité, d'harmonie », affirme Benoît XVI.
Lecture : Col 1,
3.12.15.17-18
Rendons grâce à Dieu le Père,
lui qui nous a donné d'avoir part à l'héritage des saints,
dans la lumière.
Nous arrachant à la puissance des ténèbres,
il nous a placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé
en lui nous avons le rachat, le pardon des péchés.
Il est l'image du Dieu invisible, le premier-né,
avant toute créature :
en lui, tout fut créé, dans le ciel et sur la terre.
Les êtres visibles et invisibles, puissances, principautés,
souverainetés, dominations, tout est créé par lui et pour lui.
Il est avant toute chose, et tout subsiste en lui.
Il est aussi la tête du corps, la tête de l'Église :
c'est lui le commencement, le premier-né d'entre les morts,
afin qu'il ait en tout la primauté.
Car Dieu a jugé bon qu'habite en lui toute plénitude
et que tout, par le Christ, lui soit enfin réconcilié,
faisant la paix par le sang de sa Croix,
la paix pour tous les êtres
sur la terre et dans le ciel.
Chers frères et sœurs,
1. Nous nous sommes déjà arrêtés
précédemment sur la fresque grandiose du Christ, Seigneur de l'univers et de
l'histoire, qui domine l'hymne placé au début de la Lettre de saint Paul aux
Colossiens. En effet, ce cantique rythme chacune des quatre semaines autour
desquelles s'articule la Liturgie des Vêpres.
Le cœur de l'hymne est constitué par les versets 15-20, dans lesquels le Christ
entre en scène de manière directe et solennelle, défini comme « image » du «
Dieu invisible » (v. 15). Le terme grec eikon, « icône », est cher à l'Apôtre:
dans ses Lettres, il l'utilise neuf fois en l'appliquant aussi bien au Christ,
icône parfaite de Dieu (cf. 2 Co 4, 4), qu'à l'homme, image et gloire de Dieu
(cf. 1 Co 11, 7). Toutefois, avec le péché, celui-ci « a changé la gloire du
Dieu incorruptible, contre une représentation, simple image d'hommes
corruptibles » (Rm 1, 23), choisissant d'adorer les idoles et devenant
semblable à elles.
Nous devons donc continuellement modeler notre être et notre vie sur l'image du
Fils de Dieu (cf. 2 Co 3, 18), car nous avons été « arrachés à la puissance des
ténèbres », « placés dans le Royaume de son Fils bien-aimé » (Col 1, 13). Et
cela est le premier impératif de cet hymne: modeler notre vie sur l'image du
Fils de Dieu, pénétrant dans ses sentiments et dans sa volonté, dans sa pensée.
2. Ensuite, le Christ est proclamé « premier-né (engendré le premier) avant
toute créature » (v. 15). Le Christ précède toute la création (cf. v. 17), étant
engendré de toute éternité: car « en lui tout fut créé [...] par lui et pour lui
» (v. 16). Même dans l'antique tradition juive, l'on affirmait que « tout le
monde a été créé en vue du Messie » (Sanhédrin 98b).
Pour l'Apôtre, le Christ est aussi bien le principe de cohésion (« tout subsiste
en lui »), que le médiateur (« par lui »), et la destination finale vers
laquelle converge toute la création. Il est l'« aîné d'une multitude de
frères » (Rm 8, 29), c'est-à-dire qu'il est le Fils par excellence dans la
grande famille des fils de Dieu, dans laquelle le Baptême nous insère.
3. A ce point, le regard passe du monde de la création à celui de l'histoire: le
Christ est « la Tête du Corps, la tête de l'Eglise » (Col 1, 18) et il l'est
déjà à travers son Incarnation. En effet, Il est entré dans la communauté
humaine, pour la diriger et la composer en un « corps »; c'est-à-dire en une
unité harmonieuse et féconde. La consistance et la croissance de l'humanité
possèdent dans le Christ la racine, l'axe vital, « le principe ».
C'est précisément avec ce primat que le Christ peut devenir le principe de la
résurrection de tous, « le premier-né d'entre les morts », car « tous revivront
dans le Christ... Comme prémices, le Christ, ensuite ceux qui seront au Christ »
(1 Co 15, 22-23).
4. L'hymne touche à sa conclusion en célébrant la « plénitude », en grec «
pleroma », que le Christ possède en lui comme don d'amour du Père. C'est la
plénitude de la divinité qui rayonne sur l'univers et sur l'humanité, devenant
source de paix, d'unité, d'harmonie parfaite (Col 1, 19-20).
Cette « réconciliation » et « pacification » est effectuée à travers « le sang
de la croix », par lequel nous sommes justifiés et sanctifiés. En versant son
sang et en se donnant lui-même, le Christ a répandu la paix qui, dans le langage
biblique, est le résumé des biens messianiques et de la plénitude salvifique
étendue à toute la réalité créée.
L'hymne se termine donc sur un horizon lumineux de réconciliation, d'unité,
d'harmonie et de paix, sur lequel se lève de manière solennelle la figure de
celui qui en est l'auteur, le Christ, « Fils bien-aimé » du Père.
5. Les écrivains de l'antique tradition chrétienne ont réfléchi sur ce passage
intense. Saint Cyrille de Jérusalem, dans un de ses dialogues, cite le cantique
de la Lettre aux Colossiens pour répondre à un interlocuteur anonyme qui lui
avait demandé: « Nous disons donc que le Verbe engendré par Dieu le Père a
souffert pour nous dans sa chair ?». La réponse, dans le sillage du Cantique,
est affirmative. En effet, affirme Cyrille, « l'image du Dieu invisible, le
premier-né de toute créature, visible et invisible, pour qui et en qui tout
existe, a été donné – dit Paul – pour chef à l'Eglise: il est, en outre, le
premier-né d'entre les morts », c'est-à-dire le premier de la série des morts
qui ressuscitent. Cyrille poursuit: « Il a fait sien tout ce qui est propre à la
chair de l'homme » et “endura une croix, dont il méprisa l'infamie” (He 12, 2).
Nous disons que ce n'est pas un simple homme, comblé d'honneurs, je ne sais
comment, qui en raison de son lien avec lui a été sacrifié pour nous, mais que
c'est le Seigneur de la gloire lui-même qui a été crucifié » (Perché Christo è
uno: Collection de Textes patristiques, XXXVII, Rome 1983, p. 101).
Devant ce Seigneur de la gloire, signe de l'amour suprême du Père, nous élevons
nous aussi notre chant de louange et nous nous prosternons en adoration et en
action de grâce.
La grande famille des enfants de Dieu, où le Baptême nous fait accéder
Catéchèse en langue française
Le Cantique de la Lettre aux Colossiens
nous présente le Christ « image du Dieu invisible », «premier-né de toutes
créatures», engendré de toute éternité, comme le principe de cohésion, le
médiateur et celui vers qui converge toute la création.
Il est le « premier-né d’une multitude de frères », le Fils par excellence dans
la grande famille des enfants de Dieu, où le Baptême nous fait accéder.
Le Christ est entré dans l’humanité pour la gouverner, l’organiser en un
«corps», en une unité harmonieuse et féconde.
La consistance et la croissance de l’humanité ont en Lui leur racine, leur axe
vital, leur « principe ».
En conclusion, l’hymne célèbre la ‘plénitude’ du Christ, comme le don d’amour du
Père; et il s’achève sur un horizon lumineux de réconciliation, d’unité,
d’harmonie et de paix, sur lequel se lève, solennelle, la figure de celui qui en
est l’auteur, le Christ, Fils « bien-aimé » du Père.
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