Benoît XVI: " la vertu essentielle du
grand théologien est l'humilité d'être avec l'Église"
ROME, le 30 Mai 2007 -
(E.S.M.) -
L'Audience Générale de ce matin s'est déroulée à 11h Place Saint Pierre où
le Saint Père Benoît XVI a repris le cycle de catéchèses sur les Pères Apostoliques, et s'est arrêté sur la figure
de Tertullien.
Le pape Benoît XVI -
Audience Générale place St Pierre
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Benoît XVI: " la vertu essentielle du grand théologien est l'humilité d'être
avec l'Église"
Audience Générale du pape Benoît XVI
L'Audience Générale de ce matin s'est déroulée à 11h Place Saint Pierre où
le Saint Père Benoît XVI a repris le cycle de catéchèses interrompu par son
voyage au Brésil, sur les Pères Apostoliques, et s'est arrêté sur la figure
de Tertullien.
Après avoir repris ses catéchèses en différentes langues, Benoît XVI a
adressé des salutations particulières aux groupes de fidèles présents.
L'Audience Générale s'est conclue avec le chant du Pater Noster et
la Bénédiction Apostolique.
Benoît XVI a donc consacré une partie de sa réflexion au drame humain du
célèbre apologète africain né en 150, Tertullien, qui après s'être converti
au christianisme, a terminé en s'écartant de l'Église à cause de son
inflexibilité et de son subjectivisme.
Texte intégral de la catéchèse du pape Benoît XVI
Chers frères et sœurs,
Avec la catéchèse d'aujourd'hui, nous reprenons le fil des catéchèses
abandonnées à l'occasion du voyage au Brésil et nous continuons à parler des
grandes personnalités de l'Église antique : ce sont des maîtres de la foi
également pour nous aujourd'hui et des témoins de l'actualité éternelle de
la foi chrétienne. Nous parlons aujourd'hui d'un Africain, Tertullien, qui,
entre la fin du deuxième siècle et le début du troisième, inaugure la
littérature chrétienne en langue latine. C'est avec lui que commence une
théologie dans cette langue. Son œuvre a porté des fruits décisifs, qu'il
serait impardonnable de sous-estimer. Son influence se développe à divers
niveaux : de celui du langage et de la redécouverte de la culture classique,
à celui de l'identification d'une « âme chrétienne » commune dans le monde
et de la formulation de nouvelles propositions de coexistence humaine. Nous
ne connaissons pas exactement la date de sa naissance et de sa mort. En
revanche, nous savons qu'il reçut à Carthage, vers la fin du IIe siècle, de
parents et d'enseignants païens, une solide formation rhétorique,
philosophique, juridique et historique. Il se convertit ensuite au
christianisme, attiré - semble-t-il - par l'exemple des martyrs chrétiens.
Il commença à publier ses écrits les plus célèbres en 197. Mais une
recherche trop individuelle de la vérité, ainsi que certains excès de son
caractère - c'était un homme rigoureux - le conduisirent graduellement à
abandonner la communion avec l'Église et à adhérer à la secte du montanisme.
Toutefois, l'originalité de sa pensée liée à l'efficacité incisive de son
langage lui assurent une position de relief dans la littérature chrétienne
antique.
Ses écrits à caractère apologétique sont en particulier célèbres. Ils
manifestent deux intentions principales : celle de réfuter les très graves
accusations que les païens formulaient contre la nouvelle religion, et celle
- plus active et missionnaire - de transmettre le message de l'Évangile en
dialogue avec la culture de l'époque. Son œuvre la plus célèbre,
l'Apologétique, dénonce le comportement injuste des autorités publiques
envers l'Église ; il explique et défend les enseignements et les mœurs des
chrétiens ; il détermine les différences entre la nouvelle religion et les
principaux courants philosophiques de l'époque ; il manifeste le triomphe de
l'Esprit, qui oppose le sang, la souffrance et la patience des martyrs à la
violence des persécuteurs : « Pour autant qu'elle soit raffinée - écrit
l'Africain -, votre cruauté ne sert à rien : elle constitue même une
invitation pour notre communauté. A chaque coup de faux que vous nous
portez, nous devenons plus nombreux : le sang des chrétiens est une semence
efficace ! (semen est sanguis christianorum)»
(Apologétique 50, 13). En vérité,
à la fin, le martyre et la souffrance sont victorieux et plus efficaces que
la cruauté et la violence des régimes totalitaires.
Mais Tertullien, comme tout bon apologiste, ressent dans le même temps
l'exigence de communiquer de manière positive l'essence du christianisme.
C'est pourquoi il adopte la méthode spéculative pour illustrer les
fondements rationnels du dogme chrétien. Il les approfondit de manière
systématique, à commencer par la description du « Dieu des chrétiens » : «
Celui que nous adorons - atteste l'Apologiste - est un Dieu unique ». Et il
poursuit, en utilisant les antithèses et les paradoxes caractéristiques de
son langage : « Il est invisible, même si on le voit ; insaisissable, même
s'il est présent à travers la grâce ; inconcevable, même si les sens humains
peuvent le concevoir; c'est pourquoi il est vrai et grand ! »
(ibid., 17, 1-2).
En outre, Tertullien accomplit un pas immense dans le développement du dogme
trinitaire ; il nous a donné en latin le langage adapté pour exprimer ce
grand mystère, en introduisant les termes « une substance » et « trois
Personnes ». De même, il a également beaucoup développé le langage correct
pour exprimer le mystère du Christ, Fils de Dieu et vrai Homme.
L'Africain aborde également l'Esprit Saint, en démontrant son caractère
personnel et divin : « Nous croyons que, selon sa promesse, Jésus Christ
envoya l'Esprit Saint au moyen du Père, le Paraclet, le sanctificateur de la
foi de ceux qui croient dans le Père, dans le Fils et dans l'Esprit »
(ibid., 2, 1). Dans l'œuvre de
Tertullien, on lit également de nombreux textes sur l'Église, que Tertullien
reconnaît toujours comme « mère ». Après son adhésion au montanisme il n'a
pas oublié non plus que l'Église est la Mère de notre foi et de notre vie
chrétienne. Il s'arrête aussi sur la conduite morale des chrétiens, sur la
vie future. Ses écrits sont importants également pour saisir des tendances
présentes dans les communautés chrétiennes à propos de la Très Sainte Vierge
Marie, des sacrements de l'Eucharistie, du Mariage et de la Réconciliation,
du primat pétrinien, de la prière... En particulier, en cette époque de
persécution, où les chrétiens semblaient une minorité perdue, l'Apologiste
les exhorte à l'espérance, qui - selon ses écrits - n'est pas simplement une
vertu en elle-même, mais une modalité qui touche chaque aspect de
l'existence chrétienne. Nous avons l'espérance que l'avenir nous appartient
parce que l'avenir appartient à Dieu. Ainsi, la résurrection du Seigneur est
présentée comme le fondement de notre résurrection future, et elle
représente l'objet principal de la confiance des chrétiens : « La chair
ressuscitera - affirme catégoriquement l'Africain - : toute la chair, la
chair elle-même, et la chair tout entière. Où qu'elle se trouve, celle-ci
est en dépôt auprès de Dieu, en vertu du très fidèle médiateur entre Dieu et
les hommes Jésus Christ, qui restituera Dieu à l'homme et l'homme à Dieu »
(Sur la résurrection des morts 63, 1).
Du point de vue humain, on peut sans aucun doute parler d'un drame de
Tertullien. Au fil des années, il devint toujours plus exigeant à l'égard
des chrétiens. Il prétendait d'eux en toute circonstance, et en particulier
dans les persécutions, un comportement héroïque. Rigide dans ses positions,
il n'épargnait pas de lourdes critiques et finit inévitablement par se
retrouver isolé. Du reste, aujourd'hui encore, de nombreuses questions
restent en suspens, non seulement sur la pensée théologique et philosophique
de Tertullien, mais également sur son attitude à l'égard des institutions
politiques et de la société païenne. Cette grande personnalité morale et
intellectuelle, cet homme qui a apporté une si grande contribution à la
pensée chrétienne, me fait beaucoup réfléchir. On voit qu'à la fin, il
manque de simplicité, il lui manque l'humilité de s'insérer dans l'Église,
d'accepter ses faiblesses, d'être tolérant avec les autres et avec lui-même.
Lorsque l'on ne voit plus que sa propre pensée dans sa grandeur, à la fin,
c'est précisément cette grandeur qui se perd. La caractéristique essentielle
d'un grand théologien est l'humilité de demeurer avec l'Église, d'accepter
les faiblesses de celle-ci ainsi que les siennes, car seul Dieu est
réellement entièrement saint. Nous avons en revanche toujours besoin du
pardon.
En définitive, l'Africain demeure un témoin intéressant des premiers temps
de l'Eglise, lorsque les chrétiens étaient les authentiques sujets d'une «
nouvelle culture » dans la confrontation rapprochée entre l'héritage
classique et le message évangélique. C'est à lui que l'on doit la célèbre
affirmation selon laquelle notre âme « est 'naturaliter' chrétienne »
(Apologétique 17, 6), dans
laquelle Tertullien évoque l'éternelle continuité entre les authentiques
valeurs humaines et les valeurs chrétiennes ; et également cette autre
réflexion, directement empruntée à l'Évangile, selon laquelle « le chrétien
ne peut pas même haïr ses propres ennemis »
(cf. Apologétique 37), dans
laquelle la conséquence morale, inéluctable, du choix de foi, propose la «
non violence » comme règle de vie : personne ne peut manquer de voir
l'actualité dramatique de cet enseignement, également à la lumière du vif
débat sur les religions.
En somme, dans les écrits de l'Africain, on retrouve de nombreux thèmes
qu'aujourd'hui encore, nous sommes appelés à affronter. Ceux-ci nous
appellent à une féconde recherche intérieure, à laquelle j'exhorte tous les
fidèles, afin qu'ils sachent exprimer de manière toujours plus convaincante
la Règle de la foi, celle - pour revenir encore une fois à Tertullien - «
selon laquelle nous croyons qu'il existe un seul Dieu, et personne en dehors
du Créateur du monde : il a tiré chaque chose du néant au moyen de son
Verbe, engendré avant toute chose » (La
prescription des hérétiques 13, 1).
Texte original de la catéchèse du pape Benoît XVI º
Italien
Synthèses:
ºBenoît XVI nous présente le grand théologien Tertullien
º
Benoît XVI salue les Frères des Écoles chrétiennes de France
Les oeuvres de Tertullien
Sources: www.vatican.va
- ZF --
E.S.M.
© Copyright 2007 du texte original - Libreria Editrice Vatican
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 30.05.2007 - BENOÎT XVI