Dossier "Le charisme de Benoît XVI"
Rome, le 29 octobre 2007 -
(E.S.M.) - Une subtile analyse et un gros
travail de traductions sur le site Benoît et moi, l'actualité de Benoît
XVI vue de France. Une mini-polémique initiée par un éditorial du
Corriere della Sera.
Le saint Père Benoît XVI -
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º
C'est ici
Dossier "Le charisme de Benoît XVI"
Source : site
beatriceweb.eu
Il n'est plus possible au-delà des Alpes, d'ignorer l'importance des foules
qui viennent à Rome pour voir et écouter CE pape.
Les records de Jean-Paul II sont battus.
C'est l'origine d'une mini-polémique initiée par un éditorial du Corriere
della Sera.
Le Blog de Raffaella s'en fait l'écho, et intervient même dans le débat,
avec des arguments de qualité.
Plutôt que de nier des faits qui s'imposent, la grande presse essaie donc de
les expliquer, c'est-à-dire de les détourner à son profit, tout en
instruisant les lecteurs, pourquoi se gêner: en France, ils appellent cela "décryptage"!!!
L'article publié dans le grand quotidien de Milan pourrait se retrouver tel
quel dans le Monde, ou même le Figaro. Il est loin de ne contenir que des
points négatifs, d'ailleurs (la fermeté avec laquelle il défend l'orthodoxie
et revendique la primauté du Catholicisme le rend, encore plus que son
prédécesseur, l'homme de la situation...). Il a au moins le mérite de
pulvériser la fable de la pluralité de la presse, et cela se confirme au
niveau européen, et même mondial.
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Une petite remarque: pourquoi parler "des peurs"? J'ai remarqué que le mot,
lorsqu'il est utilisé par des charlatans, est écrit au pluriel. Comme pour
lui donner un poids quasiment ésotérique (réservé aux initiés). La peur,
c'est banal. Les peurs, il faut croire que cela sonne mieux. On sent le
jugement du spécialiste.
Décidément, Luc Ferry était particulièrement inspiré, lorsqu'il a évoqué (à
propos du "Grenelle de l'environnement") une logique de la peur selon
laquelle cette passion, naguère encore honteuse, serait désormais un vecteur
de sagesse.
La peur (ou les peurs) c'est ridicule, sauf lorsqu'elle sert les intérêts de
ceux qui l'instrumentalisent à leur profit.
Tourisme religieux en Italie
Une étude sur le tourisme religieux dans
notre Pays.
"Dans les hôtels, augmentation de 25% en trois ans"
Tourisme et foi, l'effet Ratzinger "plus de pèlerins qu'avec Wojtyla"
Présences record à Rome.
"Qu'il y ait plus d'allemands était prévisible. Mais Benoît XVI a réchauffé
le coeur de tous "
Elvira Serra
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Personne n'aurait parié sur lui. Le 19 avril 2005, lorsqu'il fut élu à la
chaire de Pierre et apparut à la loge centrale de la Basilique, avec ce pull
noir qui dépassait du vêtement papal, presque emblématique de sa façon
d'aller à l'essentiel, tous pensèrent la même chose : "Il ne sera jamais
comme Jean-Paul II".
Et pourtant Benoît XVI, dans le siècle Joseph Alois Ratzinger, a gagné.
Celui que 'Le Manifesto' (ndt: quotidien communiste!!!) étiqueta de façon
irrévérencieuse (et sans générosité) comme "le berger allemand", jour après
jour a conquis les plus sceptiques.
La preuve ? Depuis ce jour, dans la Capitale, le tourisme religieux a crû.
Et il suffit d'un exemple : les "tours" sur les autobus à deux étages de
"Rome Chrétienne" ont augmentés de 300% en 2006. Brevivet, un des
plus importants opérateurs touristiques catholiques, estime à 20%
l'accroissement du nombre de pèlerins. Le Spi, le Secrétariat des 40
associations catholiques italiennes qui organisent des voyages religieux,
calcule une hausse de 15% Tandis que l'Œuvre romaine des pèlerinages a
compté 4.6 millions de touristes religieux en 2006
contre 2.2 millions en 2003.
Alors, faut-il parler encore de Benoît XVI ? Parce que nous serons très
éloignés de ce "si je me me trompe vous me corrigerez" avec lequel Papa
Wojtyla séduisit les italiens, méfiants envers un pontife étranger. Il ne
fera peut-être jamais tourner une canne dans sa main à la Charlie Chaplin,
comme le fit son prédécesseur, devant les jeunes rencontrés à Castel
Gandolfo en 2000.
Pourtant, il doit bien y avoir aussi un effet Ratzinger si au cours de la
seconde année du pontificat, 3.368.200 pèlerins ont accouru pour écouter ses
audiences (et déjà la première année, la salle de presse du Saint Siège
avait parlé de chiffres "record" avec 3.222.820 fidèles, bien supérieurs à
ceux enregistrés par le "grand communicateur" Karol Wojtyla).
"Effectivement les présences au Vatican ont augmenté considérablement, et
elles ne sont pas liées seulement à la dévotion pour Jean-Paul II,
universellement considéré comme quelqu'un de la famille", explique le Père
César Atuire, administrateur délégué de l'Œuvre romaine des pèlerinages,
qui chaque année "portent" au Vatican 300.000 personnes.
"Le phénomène est plus complexe: il y a encore la nouveauté du pontificat;
ce Pape voyage moins et ce faisant il invite les fidèles à venir le
rencontrer; et puis Benoît XVI n'est pas extraverti, mais il a des
Catéchèses très claires et directes qui le rapprochent des gens. S'il
n'en était pas ainsi, on n'expliquerait pas la grande foule aux audiences et
aux célébrations à Saint-Pierre, qui n'a pas l'air de diminuer ".
L'effet Ratzinger
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Même la lecture "laïque" de Mariapia Garavaglia, adjoint au maire de Rome
déléguée au Tourisme, n'échappe pas à l'effet-Ratzinger.
Selon elle: "Le dimanche la place Saint-Pierre reçoit toujours plus de gens
que ce que nous attendons, même lorsqu'il fait froid. Les bus à deux étages
de "Rome Chrétienne" sont toujours pleins. Dans les hôtels romains, les
arrivées ont augmenté du 25,8% au cours des 3 dernières années. Le signe
"plus" est devant toutes les présences en ville. Le pèlerinage religieux est
pour nous un critère de succès. Maintenant, nous attendons le Jubilée de
Saint-Paul, l'été prochain ".
Alors, peut-être le mérite en revient-il un peu au pape qui joue du piano et
porte le camauro. Parce que, qu'il y ait davantage d'allemands était
prévisible (+ 18,08% selon Bitlab). Personne cependant ne soupçonnait
que le "berger allemand" puisse aussi réchauffer les cœurs des gens.
Riccardo Bertoli, directeur général de Brevivet se souvient: "Lorsque
Jean-Paul II a disparu, nous avons craint de ne plus voir de foules de
fidèles à Saint Pierre. Et à l'inverse, il a suffi des premiers passages sur
la place avec la papamobile.
La froideur teutonique a cédé la place à la chaleur humaine :
il faut être là pour le comprendre ".
© Copyright Corriere della Sera, 26 octobre 2007
Article original Blog de Raffaella.
L'éditorial du Corriere della Sera
Pourquoi Papa Ratzinger est si populaire ?
Le charisme, et les peurs
Sergio Romano
A ceux qui paraissent surpris de l'augmentation du tourisme religieux à Rome
après l'élection à la papauté d'un homme beaucoup moins exubérant et
charismatique que son prédécesseur, je suggère quelques exemples tirés
d'événements récents.
À Moscou, à l'occasion de l'enterrement de Boris Eltsine, Vladimir Poutine,
ex-colonel du Kgb, a enterré son prédécesseur avec la liturgie solennelle de
la tradition orthodoxe dans la cathédrale du Christ Sauveur.
À Rangoon, capitale d'un État gouverné par une junte militaire, la
protestation contre le régime a explosé lorsque quelques milliers de moines
bouddhistes ont commencé à manifester silencieusement dans les rues de la
ville.
À Washington, pendant un grande meeting évangéliste, plusieurs candidats
républicains potentiels à la présidence (parmi lesquels Rudolph Giuliani,
divorcé et favorable à l'avortement) se sont succédé sur le podium pour
montrer à l'assemblée qu'ils n'étaient pas insensibles à la question des
"valeurs", réclamées, selon les sociologues américains, par près de 70
million d'électeurs "rinati" (born again).
À Istanbul et à Ankara, avant la question arménienne et la crise Kurde, le
problème le plus débattu était le voile qui couvre les cheveux de la femme
du nouveau président turc.
Et finalement, dans le cœur de l'Europe laïque, quelques millions de
musulmans ont scrupuleusement observé la prescription de jeûne du Ramadan.
Il existe un renouveau religieux qui se manifeste sous des formes
différentes, mais qui investit beaucoup de sociétés contemporaines.
L'intégrisme musulman est seulement sa manifestation la plus extrême et
radicale.
Ce phénomène est probablement le résultat de beaucoup de
peurs.
La première est économique et sociale. Pour les jeunes et pour beaucoup de
classes sociales, la globalisation et la crise de l'État providence ont
rendu l'avenir beaucoup plus incertain et inquiétant qu'il ne l'était à
l'époque où les emplois étaient stables, les soins sanitaires plus ou moins
garantis et la prévention assurée.
La seconde peur est "environnementaliste". Le réchauffement global, la fonte
des glaces, les tsunami, les inondations et les grands incendies, jusqu'à
ceux des jours derniers en Californie, ont réveillé la crainte d'un nouvel
"an Mil".
La troisième peur investit l'aire des certitudes et des coutumes morales.
Les anciennes lois qui ont gouverné durant des siècles les instants
fondamentaux de la vie - la naissance, la procréation et la mort - ont
laissé la place à une gamme plus large d'options, de la fécondation
artificielle à l'euthanasie, des unions de fait (ndt: DICO = PACS) aux
mariages entre des homosexuels. Ce qui peut sembler progrès, représente pour
beaucoup un facteur de perte de sens et de confusion. Alors que les hommes
politiques vivent au jour le jour et cherchent à contenter tous leurs
électeurs, les religions donnent des réponses nettes et ils offrent aux
fidèles désorientés une ancre de certitude.
Benoît XVI est très différent de Jean-Paul II.
Alors que le Pape polonais était un apôtre moderne, un
berger continuellement à la recherche de nouvelles brebis, le Pape allemand
est d'abord un docteur de l'Église, une chaire de principes inaliénables et
de silences solennels.
Mais la fermeté avec laquelle il défend l'orthodoxie
et revendique la primauté du Catholicisme le rend, encore plus que son
prédécesseur, l'homme de la situation.
Dans une interviewe publiée par le Corriere du 20 octobre, il a
rappelé ses hésitations et ses incertitudes à l'époque du Concile. Ce mea
culpa (le pape Benoît XVI a dit qu'il avait été "trop
timoré", durant la période ayant immédiatement suivi le Concile Vatican II
(1962-65) dans sa résistance aux positions théologiques d'avant-garde, en un
temps qu'il décrit comme "extrêmement confus et agité"), il
tranquillise les fidèles et il les attire vers la Chaire de Pierre.
Il est nécessaire que les laïques, s'ils veulent défendre leurs propres
valeurs, se préparent à le faire avec autant de zèle et autant de rigueur.
© Copyright Courrier du soir, 26 octobre 2007
Qu'est-ce que le charisme ?
Et voici l'excellent commentaire de Raffaella, qui s'indigne des propos du
journaliste, une sorte de Jean-François Kahn transalpin, d'après l'article
(l'idée de pluralité de la presse, même au niveau européen, est
littéralement pulvérisée par cet éditorial!).
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Eh bien..., nous Catholiques sommes convaincus que l'Esprit-Saint a choisi
le bon Pape au bon moment.
Il n'y a donc pas à s'étonner que Benoît XVI soit "l'homme
de l'instant".
Si j'ai bien compris, d'un coté vous considérez le Pape Benoît comme
"dangereux" et invitez les laïques à employer le même zèle et la même
rigueur dans la défense de leurs valeurs (que seraient-elles ? Dans
l'éditorial ce n'est pas précisé...) et, de l'autre côté, vous êtes
convaincu que c'est la précarité et la peur qui poussent les fidèles dans
les "bras" de la religion. En ce sens le Papa serait
"tranquillisant".
..... Je crois qu'il y a d'autres explications. Je suis convaincue que le
charisme de Benoît XVI, qui consiste à rendre "raisonnable
la foi", fascine beaucoup de personnes, même ceux qui étaient (et
peut-être sont) loin de l'Église.
Et voilà que ressort la fameuse question: comment peut-il se faire que tant
de gens accourent à Rome, bien que ce pape ne soit pas aussi charismatique
que son prédécesseur ? Là réside l'erreur.
La question à poser n'est pas celle-là mais une autre: qu'est-ce que le
charisme ? La sympathie ? L'exubérance ? La beauté physique ? La capacité de
communiquer avec de belles paroles ? Non! Voilà la définition du charisme
selon Don Giussani:
"Un charisme - écrit don Giussani -
peut se définir comme un don de l'Esprit donné à une
personne dans un contexte historique déterminé, afin que cet individu donne
naissance à une expérience de foi qui puisse avoir des conséquences utiles à
la vie de l'Église. Je souligne le caractère existentiel du charisme: il
rend plus convaincant, plus persuasif, plus "abordable" le message chrétien
dans la tradition apostolique. Un charisme est la phase ultime de
l'Incarnation, c'est-à-dire une modalité particulière à travers laquelle le
Fait de Jésus-Christ homme-Dieu m'atteint et, à travers ma personne, il peut
en rejoindre autres ".
Voilà pourquoi le Pape Benoît est un homme charismatique, comme l'était
Jean-Paul II. Le don de l'Esprit est présent chez les deux, même si c'est de
manière différente.
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Réponse au Corriere
Charisme du Pape
LES PEURS DU CORRIERE
En première page du Corriere della Sera de vendredi 26 octobre 2007,
Sergio Romano se demande dans l'éditorial ("le charisme et les peurs")
les motifs de la popularité croissante de Benoît XVI,
d'autant plus évident lorsqu'on considère qu'il est "beaucoup moins
exubérant et charismatique que prédécesseur".
Romano saisit l'occasion pour insérer le cas Benoît XVI dans un renouveau
religieux mondial, où trouvent leur place les moines bouddhistes de
Birmanie, la religiosité islamique, les funérailles religieuses d'Eltsin, la
pression politique des évangélistes américains.
Il explique donc que l'homme moderne est traversé d'une série de peurs
(économique pour la précarité, ambiante pour les catastrophes climatiques,
éthique pour des nouvelles lois morales et les découvertes scientifiques sur
l'homme) et les religions donnent à tout cela une réponse claire et nette,
exempte de doutes.
Benoît XVI, homme de doctrine, "chaire de principes
inaliénables et de silences solennels", serait donc "l'homme de
l'instant", un dispensateur de certitudes pour
l'homme égaré et confondu.
La conclusion de Romano est une leçon à apprendre pour "son" monde, une
sorte d'appel aux armes : "Il est nécessaire que les laïques, s'ils veulent
défendre leurs valeurs, se préparent à le faire avec autant de zèle et
autant de rigueur".
Avec Romano, nous pouvons être d'accord sur un point : l'homme occidental
moderne, est confus et égaré. Mais il l'est justement parce que les laïques
- il vaudrait mieux dire les laïcistes - ont défendu leurs (anti-)valeurs
tellement bien qu'ils les ont imposées à toute la société occidentale. Parmi
elles, pour citer la liste dressée par Romano:
fécondation artificielle, euthanasie, unions de fait et liens homosexuels,
catastrophisme environnementaliste.
Le problème des laïques n'est donc pas de ne pas savoir défendre ses
valeurs, mais il est précisément dans les valeurs qu'ils proposent.
Lorsqu'on choisit le relativisme comme valeur
fondamentale, le risque est inévitablement le nihilisme, le doute, le
scepticisme. Et donc la confusion, la tension, la violence, la destruction.
Le Pape rencontre un intérêt croissant parmi les gens parce qu'il a lancé le
grand défi de la raison, dans la prise de conscience que l'ouverture à la
raison porte à reconnaître la présence du Mystère. L'Église ne propose pas
de confortables certitudes pour hommes en proie à la peur, elle propose au
contraire un fascinant voyage en pleine mer pour des hommes courageux,
capables prendre leur nature au sérieux, inaliénable exigence de plénitude
et de bonheur. Dans ce 'oui', Benoît XVI est l'homme de l'instant : parce
qu'il a compris clairement que le problème de l'homme
est dans l'usage de la raison.
Et le défi est lancé autant à l'Occident nichilista qu'à ceux qui
font de la religion une prétexte pour anéantir les hommes, à commencer par
le fondamentalisme islamique.
Romano se trompe donc lorsqu'il mélange toutes les religions, en parlant de
"renouveau (revival)" global. Il confond ce que les journaux télévisé
nous montrent avec la réalité mondiale. Il n'existe pas actuellement de
revival religieux global : si nous regardons en Europe, la situation des
Églises Protestantes (celles qui sont tellement plébiscitées par nos
laïques), est décourageante quant à fréquentation et à l'intensité; les
enterrements religieux d'Eltsine sont plus un signal politique que religieux
(le communisme a pendant des décennies empêché l'expression publique de la
religion); l'influence des moines birmans n'est pas vraiment en croissance,
elle a toujours existé (et pas seulement en Birmanie), seulement ce n'est
que maintenant que nos journaux télévisés s'en sont aperçus; les musulmans
qui en Europe respectent le Ramadan l'ont toujours fait et il est discutable
qu'ils soient en augmentation ... sauf que maintenant ils font l'actualité.
Par-dessus tout, mettre en relation les protestations birmanes avec les
peurs typiques de notre société (précarité, environnementalisme) n'a
évidemment pas de sens. C'est seulement un moyen d'éviter le défi que Benoît
XVI a lancé à chaque homme, en offrant aux lecteurs de confortables
certitudes, comme de dire : ne vous inquiétez pas, c'est seulement une mode,
une faiblesse de quelqu'un qui a peur.
La vraie peur est au contraire celle de Romano et de ceux qui, comme lui,
évitent de se confronter avec la réalité, en la couvrant du voile des
illusions.
© Copyright le Timon, 26 octobre 2007
D'autres arguments, dans l'Avvenire
LA FOI N'EST PAS PEUR
Flou laïque face à la question de Dieu
DAVIDE RONDONI
Sergio Romain dédiait hier son éditorial dans le 'Corriere' au
phénomène de l'augmentation du tourisme religieux à Rome. On pouvait
s'attendre à un hymne de louanges au maire Veltroni pour les mille
attractions de la capitale.
A l'inverse, Romano en vient droit au doute qui le tourmente, et
probablement aussi un peu les intellectuels qui rédigent et les patrons qui
dirigent son journal.
Comment est-il possible que Papa Ratzinger 'attire' ? Un Pape, en outre, qui
ressemble à cela, 'un docteur de l'église, une chaire de principes
inaliénables et de silences solennels', à l'opposé, selon le chroniqueur du
Corriere, de Jean-Paul II, 'apôtre moderne' ?
La conclusion qu'en tire le journaliste et historien voudrait être
'tranquillisante '.
Ne vous en faites pas, mes enfants, suggère l'éditorial dès son titre, et
c'est la vieille rengaine habituelle. L'histoire habituelle, celle que nous
connaissons par cœur et qu'on nous répète ad nauseam depuis au moins
trois cents ans: lorsque l'homme a peur, il s'accroche à des figures
charismatiques et il redécouvre la religion. Et devant cette montée des
peurs, des gens de milieux différents se fient au charisme d'hommes de
confiance.
L'éditorialiste cite plusieurs phénomènes qui selon lui apportent la preuve
de ce 'revival' religieux, en rapprochant en vrac les funérailles selon le
rite orthodoxe d'Eltsine, la lutte non-violente des moines birmans, ou le
poids électoral des 'born again' américains, avec l'observance du
ramadan par des millions de citoyens européens d'aujourd'hui. Et
naturellement il conclut cette étrange énumération en mettant en tête
l'intégrisme musulman (celui qui inspire les kamikazes, pour tout dire)
comme la 'manifestation la plus évidente et radicale' de ce 'revival'.
L'éditorial se conclut par un bizarre appel aux laïques: qu'ils se préparent
avec autant de zèle et de rigueur à défendre leurs propres valeurs.
Le discours de Romano est vieux. Et je me
permets d'ajouter un terme qui peut sonner étrangement, accolé au nom d'un
intellectuel aussi posé que le sien: il est dangereux.
Interpréter le phénomène religieux comme s'il était une sorte d'impulsion
irrationnelle, animée par des peurs variées, c'est répéter une leçon rancie,
c'est banaliser un phénomène complexe, ayant fait l'objet encore récemment
d'études anthropologiques sérieuses, libres d'oeillères vetero-illuministes.
Et banaliser en un instant des phénomènes complexes, c'est faire
l'antichambre de violences possibles et de troubles majeurs.
Lorsque ceux qui s'auto définissent comme 'laïques'
accepteront que l'interlocuteur qui se définit comme religieux ne soit pas
seulement un malade atteint de phobies, quelqu'un qui a peur de la vie,
alors ils feront un vrai pas en avant, et ils découvriront plein de choses
intéressantes. Par exemple que dans l'utilisation vraiment laïque de
la raison, dans l'honnêteté laïque face aux évènement, la réelle ligne de
fracture ne passe pas entre les soi-disant laïques et les religieux, mais
entre les sectaires et ceux qui ne le sont pas, entre les vrais laïques
croyants ou non, et les idéologues. Et ils découvriront aussi que mettre
dans le même sac des phénomènes religieux qui s'expriment de manières si
différentes n'a pas sens, au-delà d'une appartenance générique de tous à un
niveau consubstantiel à la nature humaine éternelle, qui est la recherche
d'un sens. En somme ils découvriront que toutes les religions ne sont pas
égales, qu'il y a une histoire, des différences, que même un esprit laïque
devrait savoir cueillir.
Tout ceci, heureusement est en train de se passer, et justement sous la
papauté de Ratzinger, le Pape qui lance à tous,
croyants en un Dieu ou non, le défi de l'utilisation authentique de la
raison. Le Pape en effet invite (avec quelque succès)
à la redécouverte de ce qu'un homme vraiment
raisonnable et ouvert à la vie est un homme religieux. Peut-être est-ce
précisément cela qui inquiète.
© Copyright Avvenire, 27 octobre 2007
Sources: beatriceweb.eu
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 29.10.2007 - BENOÎT XVI
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