Seul le chemin de l'amour, souligne Benoît XVI,
révèle la grandeur de la vocation humaine |
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Rome, le 28 novembre 2007 -
(E.S.M.) - Quiconque a
bien compris les signes d'espérance que nous avons rencontrés dans les
Béatitudes, signale Benoît XVI, reconnaîtra ici les attitudes
symétriquement opposées qui enferment l'homme dans l'apparence et le
provisoire, et qui, l'entraînant dans la perte de sa hauteur et de sa
profondeur, et aussi dans la perte de Dieu et du prochain, le portent à
sa ruine.
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Seul le chemin de l'amour, dont le Sermon sur la montagne décrit les voies,
révèle la richesse de la vie, la grandeur de la vocation humaine.
Quatrième chapitre :
I. Le Sermon sur
la montagne (p. 85 à 150)
1) De quoi s'agit-il ?
Benoît XVI
2)
Le renversement
des valeurs
:
BenoîtXVI
3) Les pauvres de cœur :
Benoît XVI
4)
Les doux posséderont la terre :
Benoît XVI
5)
Le pays du roi de la paix :
Benoît XVI
6)
Le contre-pouvoir au règne du mal
:
Benoît XVI
7)
Voir Dieu
(la vision intérieure des Béatitudes) :
Benoît XVI
8)
(suite)
L'amour est la vraie « morale » du christianisme
Après cette tentative de pénétrer plus profondément dans la vision
intérieure des Béatitudes (voir 7 page
précédente) - sur le thème que nous n'avons pas encore traité
des miséricordieux, nous nous arrêterons dans le cadre de la parabole du bon
Samaritain -, nous devons nous poser encore deux questions pour la
compréhension de l'ensemble. Luc fait suivre les quatre Béatitudes qu'il
transmet de quatre invectives : « Malheureux, vous les riches...
malheureux,
vous qui êtes repus
maintenant... malheureux, vous qui riez maintenant... malheureux êtes-vous
quand tous les hommes disent du bien de vous » (Lc 6, 24-26). Ces paroles
nous effraient. Que faut-il en penser ?
On peut tout d'abord constater que Jésus suit là le schéma que l'on retrouve
au chapitre 17 au Livre de Jérémie et dans le Psaume 1 : à la description du
juste chemin qui mène l'homme au salut s'oppose une mise en garde qui
démasque les fausses promesses et les fausses propositions, invitant l'homme
à se détourner d'une voie qui ne peut aboutir qu'à une chute mortelle. Nous
retrouverons une structure similaire dans la parabole du riche et de Lazare.
Quiconque a bien compris les signes d'espérance que nous avons rencontrés
dans les Béatitudes, signale Benoît XVI, reconnaîtra ici les attitudes symétriquement opposées
qui enferment l'homme dans l'apparence et le provisoire, et qui,
l'entraînant dans la perte de sa hauteur et de sa profondeur, et aussi dans
la perte de Dieu et du prochain, le portent à sa ruine. On comprend alors la
véritable intention de cette mise en garde : les invectives ne sont pas des
condamnations, elles ne sont pas motivées par la haine, l'envie ou
l'hostilité profonde. Il ne s'agit pas de condamner, mais de
mettre en garde
afin de sauver.
Voilà qui soulève une question de fond : la direction que nous indique le
Seigneur dans les Béatitudes et dans les monitions qui leur sont opposées
est-elle exacte ? Est-il vraiment grave d'être riche et repu, de rire,
d'être louangé ? C'est précisément cet aspect qui a suscité la critique
furieuse de Frédéric Nietzsche contre le christianisme. Selon lui, ce n'est
pas à la doctrine chrétienne que l'on doit s'en prendre ; c'est la morale du
christianisme, ce « crime
capital contre la vie », qu'il faut dénoncer. Et par « morale du
christianisme », il entend précisément l'orientation qui nous est donnée
dans le Sermon sur la montagne.
« Quel a été jusqu'ici le plus grand péché commis sur terre ? N'était-ce pas
la parole de celui qui a dit "malheur à ceux qui rient" ?» A l'encontre des
promesses du Christ, Nietzsche dit : Nous ne voulons nullement entrer dans
le royaume des cieux. « Nous sommes devenus des hommes et c'est pourquoi ce
que nous voulons, c'est le royaume de
la terre
(F. Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra, Quatrième partie, « La fête de
l'Âne », GF-Flammarion, 1996, p. 372). »
La perspective donnée par le Sermon sur la montagne apparaît comme une
religion du ressentiment, comme l'envie qui ronge les lâches et les
incapables qui ne sont pas de taille à se mesurer avec la vie et qui
cherchent dès lors à se venger en exaltant leur échec et en invectivant les
forts, ceux qui connaissent le succès, le bonheur. A l'ampleur du regard de
Jésus s'oppose une focalisation réductrice sur les réalités d'ici-bas ; la
volonté de profiter pleinement dès à présent du monde et de ce qu'offre la
vie, de chercher le ciel ici-bas sans se laisser arrêter par le moindre
scrupule.
Cette vision des choses, constate Benoît XVI,
est entrée pour une grande part dans la conscience
moderne et elle détermine largement la conception de l'existence qui a cours
aujourd'hui. Le Sermon sur la montagne soulève la question de l'option
fondamentale du christianisme, et nous qui sommes les enfants de notre
époque, nous répugnons intérieurement à cette option, même si nous ne sommes
pas insensibles à l'éloge des doux, des miséricordieux, des artisans de
paix, des purs. Après l'expérience des régimes totalitaires, de la brutalité
avec laquelle ils ont écrasé les hommes, raillé, asservi, frappé les
faibles, nous sommes à nouveau à même de comprendre ceux qui ont faim et
soif de justice, nous redécouvrons l'âme de ceux qui sont dans l'affliction
et leur
droit à être consolés. Face aux abus du pouvoir économique, face aux actes
de cruauté d'un capitalisme qui ravale les hommes au rang de marchandise,
nos yeux se sont ouverts sur les dangers que recèle la richesse, et nous
comprenons de manière renouvelée ce que Jésus voulait dire quand il mettait
en garde contre la richesse, contre le dieu Mammon qui détruit l'homme et
qui étrangle entre ses horribles serres de rapace une grande partie du
monde. Oui, les Béatitudes s'opposent à notre appétit spontané pour la vie,
à notre faim et à notre soif de vie. Elles exigent une «
conversion », elles
nécessitent que l'on tourne le dos à la direction que l'on voudrait
spontanément suivre. Mais ce retournement fait apparaître un univers plus
pur et plus élevé ; notre existence se met alors en bon ordre.
Le monde grec, dont la joie de vivre éclate de façon si merveilleuse dans
l'épopée d'Homère, avait néanmoins profondément conscience que le vrai péché
de l'homme, le danger majeur qui le menaçait était Vhybris,
cet orgueil
démesuré et présomptueux par lequel l'homme s'élève lui-même au rang de
divinité, veut être son propre dieu, afin de posséder pleinement la vie et
de jouir jusqu'à épuisement de tout ce qu'elle peut bien offrir. Cette
conscience que la vraie menace qui pèse sur l'homme réside dans l'étalage
qu'il fait de son arrogance triomphante, qui semble une évidence au premier
abord, la personne du Christ lui donne toute sa profondeur dans le Sermon
sur la montagne.
Nous avons vu que ce Sermon était une christologie cachée. En arrière-plan,
il y a la personne du Christ, de l'homme qui est Dieu, mais qui précisément
pour cette raison s'abaisse, se dépouille de tout, jusqu'à mourir sur la
croix. De Paul à François d'Assise, jusqu'à mère Teresa, les saints ont vécu
cette option, nous montrant ainsi quelle
était la juste image de l'homme et de son bonheur.
En résumé, conclut Benoît XVI, l'amour est la
vraie « morale » du christianisme. Ce dernier s'oppose bien sûr à l'égoïsme,
il est un exode de soi-même, et c'est précisément ainsi que l'homme vient à
lui même. A l'inverse de l'image nietzschéenne de l'homme et de sa splendeur
tentatrice, ce chemin semble au premier abord misérable, quasiment
impossible à suivre. Mais il est le véritable chemin des hauteurs de la vie
; seul le chemin de l'amour, dont le Sermon sur la montagne décrit les
voies, révèle la richesse de la vie, la grandeur de la vocation humaine.
à suivre... : II. La Torah du Messie
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Sources: www.vatican.va
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(E.S.M.) 28.11.2007 - BENOÎT XVI
- T/J.N. |