Benoît XVI : "Priez le maître des moissons!"
ROME, le 27 septembre 2006 -
(E.S.M.) - Dans son discours aux prêtre et diacres permanents
que le Vatican vient de publier, le Saint Père Benoît XVI rappelle:
"nous ne pouvons pas simplement "produire" des
vocations, celles-ci doivent venir de Dieu. "
Le pape Benoît XVI - cathédrale de Freising
Benoît XVI :
"Priez le maître des moissons!"
Rencontre avec
les prêtres et les diacres permanents de la Bavière
Voyage Apostolique du pape Benoît XVI à Munich, Altöttinh
et Ratisbonne
(9-14 SEPTEMBRE 2006)
DISCOURS
DU SAINT-PÈRE
Cathédrale de Freising
Jeudi 14 septembre 2006
Chers confrères dans le ministère
épiscopal et le sacerdoce,
chers frères et soeurs!
C'est pour
moi un moment de joie et de profonde gratitude - gratitude pour tout ce que
j'ai pu vivre et recevoir au cours de cette visite pastorale. Tant de
cordialité, tant de foi, tant de joie en Dieu - une expérience qui m'a
frappé profondément et qui m'accompagnera comme source de vigueur
renouvelée, déclare Benoît XVI. Gratitude également en particulier pour le
fait qu'à présent, j'ai pu enfin retourner dans la Cathédrale de Freising et
j'ai pu la voir sous son nouvel et splendide aspect. Merci au Cardinal
Wetter, merci aux deux autres Evêques bavarois, merci à tous ceux qui ont
collaboré, merci à la Providence qui a permis la restauration de la
Cathédrale qui se présente aujourd'hui dans sa nouvelle beauté! Maintenant
que je me trouve dans cette cathédrale, reviennent à nouveau au plus profond
de moi de nombreux souvenirs à la vue des anciens compagnons et des jeunes
prêtres qui transmettent le message et le flambeau de la foi. Il me revient
à la mémoire les souvenirs de mon ordination, que le Cardinal Wetter a
évoquée: lorsque j'étais ici, prosterné sur le sol, comme enveloppé par la
Litanie de tous les saints, par l'intercession de tous les saints, je me
rendais compte que sur ce chemin, nous ne sommes pas seuls, mais que la
foule des saints marche avec nous, et que les saints encore vivants, les
fidèles d'aujourd'hui et de demain, nous soutiennent et nous accompagnent.
Puis il y eut le moment de l'imposition des mains... et, enfin, lorsque le
Cardinal Faulhaber nous dit: "Iam non dico vos servos, sed amicos" - "Je ne
vous appelle plus serviteurs, mais amis", - alors j'ai perçu l'ordination
sacerdotale comme l'initiation dans la communauté des amis de Jésus, qui
sont appelés à demeurer avec Lui et à annoncer son message.
Puis le
souvenir qu'ici, j'ai pu moi-même ordonner des prêtres et des diacres, qui
sont à présent engagés dans le service à l'Evangile et qui, pendant de
nombreuses années - désormais des décennies -, ont transmis le message et le
transmettent encore. Et je pense naturellement également aux processions de
saint Corbinien. Il était encore de coutume, alors, d'ouvrir le reliquaire.
Et comme l'Evêque était placé derrière l'urne, je pouvais voir directement
le crâne de saint Corbinien, et me voir ainsi dans la procession des siècles
qui parcourt le chemin de la foi - je pouvais voir que, dans la procession
des temps, nous pouvons marcher nous aussi, en faisant en sorte qu'elle
avance vers l'avenir, ce qui devenait clair lorsque le cortège passait dans
le cloître près des très nombreux enfants rassemblés, sur le front desquels
je pouvais tracer le signe de la bénédiction de la croix. En ce moment, nous
faisons encore cette expérience, c'est-à-dire que nous sommes en procession,
dans le pèlerinage de l'Evangile, que nous pouvons être à la fois pèlerins
et guides de ce pèlerinage, et que, à la suite de ceux qui suivirent le
Christ, nous Le suivons avec eux, et nous entrons ainsi dans la lumière.
Alors que je dois à présent commencer l'homélie, je voudrais m'arrêter
sur deux points uniquement. Le premier est relatif à l'Evangile qui vient
d'être proclamé - un passage que nous avons tous déjà tant de fois écouté,
interprété et médité dans notre coeur. "La moisson est abondante" dit le
Seigneur. Et lorsqu'il dit: "...est abondante", il ne se réfère pas
seulement à ce moment-là, et aux chemins de la Palestine sur lesquels il
était en pèlerinage au cours de sa vie terrestre; c'est une parole qui vaut
également aujourd'hui. Cela signifie: dans le coeur des hommes croît une
moisson. Cela signifie, encore une fois: au plus profond d'eux, il y a
l'attente de Dieu; l'attente d'une directive qui soit lumière, qui indique
la voie. L'attente d'une parole qui soit plus qu'une simple parole.
L'espérance, l'attente de l'amour qui, au-delà de l'instant présent, nous
soutienne et nous accueille éternellement. La moisson est abondante et
attend des ouvriers parmi toutes les générations. Et dans toutes les
générations, bien que de façon différente, vaut toujours également l'autre
parole: les ouvriers sont peu nombreux.
"Priez le maître de la
moisson d'envoyer des ouvriers!". Cela signifie: la moisson est là, mais
Dieu veut se servir des hommes, afin qu'elle soit apportée dans le grenier.
Dieu a besoin d'hommes. Il a besoin de personnes qui disent: Oui, je suis
disposé à devenir ton ouvrier pour la moisson, je suis disposé à apporter
mon aide afin que cette moisson qui mûrit dans le coeur des hommes puisse
véritablement entrer dans les greniers de l'éternité et devenir communion
divine éternelle de joie et d'amour. "Priez le maître des moissons!". Cela
veut dire également: nous ne pouvons pas simplement "produire" des
vocations, celles-ci doivent venir de Dieu. Nous ne pouvons pas, comme c'est
peut-être le cas pour d'autres professions, à travers une propagande bien
ciblée, à travers, pour ainsi dire, des stratégies adaptées, simplement
recruter des personnes. L'appel, partant du coeur de Dieu, doit toujours
trouver la voie du coeur de l'homme. Et toutefois: précisément afin qu'il
parvienne au coeur des hommes, notre collaboration est également nécessaire.
Le demander au maître des moissons signifie certainement avant tout prier
pour cela, secouer notre coeur et dire: "Fais-le, s'il te plaît! Réveille
les hommes! Allume en eux l'enthousiasme et la joie pour l'Evangile!
Fais-leur comprendre que c'est le trésor plus précieux que tous les autres
trésors, et que celui qui l'a découvert doit le transmettre!", insiste
Benoît XVI.
Nous ébranlons le coeur de Dieu. Mais prier Dieu ne se
réalise pas seulement à travers des prières; cela implique également une
transformation de la parole en action, afin que de notre coeur en prière
jaillisse également l'étincelle de la joie en Dieu, de la joie pour l'Evangile,
et qu'elle suscite en d'autres coeurs la disponibilité à prononcer leur
"oui". En tant que personnes de prière, emplies de Sa lumière, nous
atteignons les autres et, en les faisant participer à notre prière, nous les
faisons entrer dans le rayon de la présence de Dieu, qui agira ensuite. Dans
ce sens, nous voulons toujours prier à nouveau le maître de la moisson,
secouer son coeur et, avec Dieu, toucher dans notre prière également le
coeur des hommes, afin que, selon sa volonté, Il y fasse mûrir le "oui", la
disponibilité; la constance, à travers toutes les confusions de l'époque, à
travers la chaleur de la journée mais également l'obscurité de la nuit, de
persévérer fidèlement dans le service, tirant constamment précisément de lui
la conscience que, - bien que laborieux - cet effort est beau, il est utile,
car il conduit à l'essentiel, c'est-à-dire à obtenir que les hommes
reçoivent ce qu'ils attendent: la lumière de Dieu et l'amour de Dieu.
Le second point dont je voudrais traiter est une question pratique. Le
nombre de prêtres a diminué, même si en ce moment, nous pouvons constater
que toutefois, nous sommes véritablement présents, qu'aujourd'hui également,
il y a des prêtres jeunes et âgés et qu'il existe des jeunes qui
s'acheminent vers le sacerdoce. Mais les fardeaux sont devenus plus lourds:
gérer deux, trois, quatre paroisses ensemble, et cela avec toutes les
nouvelles fonctions qui se sont ajoutées, est quelque chose qui peut sembler
décourageant. Souvent on me demande, et chacun se demande d'ailleurs à
soi-même et à ses confrères: mais comment pouvons-nous y arriver? N'est-ce
pas une profession qui nous consume, dans laquelle, à la fin, nous ne
pouvons plus ressentir de joie en voyant que, en dépit de tous nos efforts,
cela ne suffit jamais? Tout cela nous épuise!
Que peut-on répondre?
Naturellement, je ne peux pas donner de recettes infaillibles; je voudrais
toutefois transmettre certaines indications fondamentales. Je tire la
première de la Lettre aux Philippiens (cf. 2, 5-8), où saint Paul dit à tous
- et naturellement de façon particulière à tous ceux qui travaillent dans la
vigne de Dieu - que nous devons "avoir en nous les sentiments de Jésus
Christ". Ses sentiments étaient tels que, face au destin de l'homme, il ne
supporta presque plus son existence dans la gloire, mais dut descendre et
assumer l'incroyable, la pleine misère de la vie humaine jusqu'à l'heure de
la souffrance sur la croix. Tel est le sentiment de Jésus Christ: se sentir
poussé à apporter aux hommes la lumière du Père, à les aider afin qu'à
travers eux, et en eux, se forme le Royaume de Dieu. Et le sentiment de
Jésus Christ consiste dans le même temps dans le fait qu'Il demeure toujours
profondément enraciné dans la communion avec le Père, plongé en elle. Nous
le voyons, pour ainsi dire, de l'extérieur dans le fait que les évangélistes
nous rapportent à plusieurs reprises qu'Il se retire sur la montagne, seul,
pour prier. Son action naît du fait qu'il est plongé dans le Père:
précisément parce qu'il est plongé dans le Père, il doit sortir et parcourir
tous les villages et toutes les villes pour annoncer le Royaume de Dieu,
c'est-à-dire sa présence, son "existence" parmi nous; afin que le Royaume
devienne présent en nous et, à travers nous, transforme le monde; afin que
sa volonté soit faite sur la terre comme au ciel, et que le ciel arrive sur
la terre. Ces deux aspects font partie des sentiments de Jésus Christ. D'une
part, connaître Dieu de l'intérieur, connaître le Christ de l'intérieur,
être avec Lui; ce n'est que si cela se réalise que nous découvrons
véritablement le "trésor". D'autre part, nous devons également aller vers
les hommes. Nous ne pouvons plus garder le "trésor" pour nous-mêmes, mais
nous devons le transmettre.
Je voudrais expliquer plus encore et de
façon concrète cette indication fondamentale sous ses deux aspects: il faut
qu'il y ait un ensemble de zèle et d'humilité, c'est-à-dire de
reconnaissance de ses propres limites. D'une part, le zèle: si nous
rencontrons véritablement le Christ toujours à nouveau, nous ne pouvons pas
le garder pour nous. Nous nous sentons poussés à aller vers les pauvres, les
personnes âgées, les plus faibles et ainsi également vers les enfants et les
jeunes, vers les personnes dans la plénitude de leur vie; nous nous sentons
poussés à être "annonciateurs", apôtres du Christ. Mais pour que ce zèle ne
devienne pas vide et usant pour nous, il doit aller de pair avec l'humilité,
la modération, l'acceptation de nos limites. Combien de choses devraient
être faites - je vois que je n'en suis pas capable. Cela vaut pour les curés
- du moins j'imagine, dans quelle mesure - cela vaut également pour le Pape:
il devrait faire tant de choses! Et mes forces ne suffisent tout simplement
pas. Ainsi, je dois apprendre à faire ce que je peux et laisser le reste à
Dieu et à mes collaborateurs et dire: "En définitive, c'est Toi qui dois le
faire, car l'Eglise est à Toi. Et Toi, tu me donnes seulement l'énergie que
je possède. Qu'elle te soit donnée, car elle vient de Toi; je laisse le
reste, précisément, à Toi". Je crois que l'humilité d'accepter cela - "c'est
ici que finissent mes énergies, je Te laisse le soin, Seigneur, de faire le
reste" - cette humilité est décisive. Et avoir également confiance: Il me
donnera également les collaborateurs qui m'aideront et qui feront ce que je
n'arrive pas à faire.
Et encore, "traduit" à un troisième niveau,
cet ensemble de zèle et de modération signifie également l'ensemble du
service dans toutes ses dimensions et l'intériorité. Nous ne pouvons servir
les autres, nous ne pouvons donner que si, personnellement, nous recevons
également, si nous ne nous vidons pas nous-mêmes. Et pour cela, l'Eglise
nous propose des espaces de liberté qui, d'une part, sont des espaces pour
une nouvelle "expiration" et "inspiration" et, d'autre part, deviennent
centre et source du service, poursuit Benoît XVI. Il y a avant tout la
célébration de la Messe: ne la célébrons pas comme quelque chose de
routinier, que, d'une certaine façon, "je dois faire", mais célébrons-la "de
l'intérieur"! Identifions-nous avec les mots, les actions, avec l'événement
qui là, devient réalité! Si nous célébrons la Messe en priant, si les
paroles que nous prononçons: "Ceci est mon Corps", naissent véritablement de
la communion avec Jésus Christ qui nous a imposé les mains et nous a
autorisés à parler avec son Moi lui-même, si nous accomplissons
l'Eucharistie avec une intime participation dans la foi et dans la prière,
alors, elle ne se réduit pas à un devoir extérieur, alors l'"ars celebrandi"
vient de lui-même, car il consiste précisément à célébrer en partant du
Seigneur et en communion avec Lui, et ainsi de façon juste également pour
les hommes. Alors nous aussi en tirons toujours à nouveau un grand
enrichissement et, dans le même temps, nous transmettons aux hommes plus que
ce qui est à nous, c'est-à-dire: la présence du Seigneur.
L'autre
espace libre que l'Eglise, pour ainsi dire, nous impose, et ainsi, nous
libère également en nous le donnant, est la Liturgie des Heures.
Efforçons-nous de la réciter comme une véritable prière, une prière en
communion avec l'Israël de l'Ancienne et de la Nouvelle Alliance, une prière
en communion avec les personnes en prière de tous les siècles, une prière en
communion avec Jésus Christ, une prière qui s'élève du Moi le plus profond,
du sujet le plus profond de ces prières, ajoute Benoît XVI. Et en priant
ainsi, nous faisons participer à cette prière également les autres hommes,
qui n'en n'ont pas le temps, ou l'énergie, ou encore la capacité.
Nous-mêmes, en tant que personnes de prière, nous prions pour représenter
les autres, accomplissant ainsi un ministère pastoral de premier degré. Il
ne s'agit pas de se retirer dans le privé, mais c'est une priorité
pastorale, une action pastorale dans laquelle nous-même devenons à nouveau
prêtres, nous sommes à nouveau remplis par le Christ, nous incluons les
autres dans la communion de l'Eglise en prière et, dans le même temps, nous
laissons émaner la force de la prière, la présence de Jésus Christ dans ce
monde.
La devise de ces jours-ci était: "Celui qui croit n'est
jamais seul". Cette parole vaut et doit valoir précisément également pour
les prêtres, pour chacun de nous. Et elle vaut à nouveau sous un double
aspect: celui qui est prêtre n'est jamais seul, car Jésus Christ est
toujours avec lui. Il est avec nous; nous sommes nous aussi avec Lui! Mais
cela doit valoir également dans l'autre sens: celui qui devient prêtre est
introduit dans un presbyterium, dans une communauté de prêtres avec l'Evêque.
Et il est prêtre en étant en communion avec ses confrères. Engageons-nous
afin que cela ne demeure pas uniquement un précepte théologique et
juridique, mais devienne une expérience concrète pour chacun de nous.
Ouvrons-nous réciproquement cette communion, ouvrons-la en particulier à
ceux dont nous savons qu'ils souffrent de solitude, qu'ils sont opprimés par
des interrogations et des problèmes, peut-être par des doutes et des
incertitudes! Ouvrons-nous réciproquement cette communion, conclut Benoît
XVI et alors, nous ferons l'expérience en étant avec l'autre, avec les
autres, plus encore et de façon plus joyeuse également de la communion avec
Jésus Christ! Amen.
Sources: © Copyright 2006 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 27.09.2006 - BENOÎT XVI