Benoît XVI se demande s'il nous est
encore permis de croire |
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Le 26 décembre 2008 -
(E.S.M.)
- Ce dont il est essentiellement question ici, c'est de ce qui «
enracine notre confiance en une réalité qui n'est pas et ne peut pas
être l'œuvre de nous-mêmes, et qui pour cette raison rend possible et
soutient notre existence ». Par la foi, nous reconnaissons que ce qui
donne son sens propre à notre expérience ne peut être que quelque chose
que nous avons reçu.
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La foi
chrétienne -
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Benoît XVI se demande s'il nous est encore permis de croire
RÉFLEXIONS SUR LE CREDO
(Chapitre 6)
(Page précédente :
De quoi est-il question quand on parle de salut)
Le 26 décembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
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L'un des desiderata du concile en matière de théologie - et non le moindre -
portait sur une présentation plus complète et unifiée de la doctrine
catholique, avec une référence particulière au mystère du Christ qui en est
le centre. Une « Introduction au christianisme » qui procéderait par une
série d'investigations théologiques sur les profondes significations du
Credo pouvait parfaitement répondre à cette demande. Les réflexions
de Joseph Ratzinger sur le Credo virent le jour sous la forme d'une série de
conférences données à Tübingen en 1967. (J.
RATZINGER, La foi chrétienne hier et aujourd'hui,
1968). Elles n'étaient pas spécialement
destinées à des étudiants en théologie, mais au public le plus large. Bien
que solidement charpentées, leur ton s'accordait donc à leurs destinataires
: un ton plutôt populaire, en particulier dans le choix de l'auteur de les
illustrer de figures tirées du folklore allemand. Un exemple apparaît dès la
préface. J. Ratzinger cherche à qui comparer le théologien contemporain qui,
trop souvent, au nom des meilleures raisons pastorales, édulcore le contenu
de la foi pour en faciliter chez ses auditeurs la compréhension. Il en
trouve l'illustration dans le personnage de «Hans im Gluck», figure
du folklore,
(Ndlr : Personnage d'un conte des frères Grimm)
dont le sac d'or est si lourd qu'il se laisse persuader d'en échanger le
contenu pour des substituts ayant de moins en moins de valeur. Au bout
du compte, ne se trouvant plus posséder qu'une meule à aiguiser, Hans se
débarrasse du sac sans tergiverser. Joseph Ratzinger
formule bien sûr le vœu que ses efforts ne rencontrent pas le même sort,
souhaitant que ce travail puisse remplir auprès de ses auditeurs un
service analogue à celui qu'avait rempli dans les années 30 le
théologien de Tübingen Karl Adam avec son Vrai visage du catholicisme.
Je crois
Joseph Ratzinger commence par réfléchir sur ce que
c'est que croire, dans le monde d'aujourd'hui. Il rappelle le célèbre
apologue de Kierkegaard sur le prédicateur chrétien : un clown cherche
désespérément à délivrer un message d'une urgente gravité. Lorsque ce
clown se rend compte que les gens prennent son alarme au feu de forêt
pour un stratagème destiné à les attirer au cirque, il redouble
d'efforts, ce qui ne fait qu'accroître l'hilarité de ses auditeurs,
jusqu'à ce que leur village, puis eux-mêmes, deviennent la proie des
flammes.
(S. Kierkegaard, cité dans H. Cox, la Cité séculière,
Castermann, Tournai, 1968). Pourtant, insiste
J. Ratzinger, il ne suffit pas au prédicateur ou au théologien d'enlever
ses habits d'autrefois pour être pris au sérieux.
Nous vivons dans un monde où l'incroyance fait pression sur le croyant,
tout comme la croyance fait pression sur l'incroyant dont le «
c'est peut-être vrai » fait écho au « ce n'est peut-être pas vrai » du
croyant. Il y a sans doute une certaine consolation à penser que la
transformation du "je" rituel, inclus dans le mot qui ouvre le symbole
de la foi, credo, en un "je" qui exprime sa
conviction personnelle, n'a jamais été facile. La raison de cela,
pour J. Ratzinger, tient à la nature même de Dieu et, plus précisément,
à sa transcendance par rapport au monde.
Dieu se situe, de manière essentielle, et non pas juste contingente, au
delà de notre champ de vision. C'est là une affirmation fondamentale de
l'Ancien Testament. Dire credo, par conséquent, c'est prétendre à
un mode nouveau d'accès à la réalité, qui élargit considérablement les
limites du « monde » auquel j'appartiens. Dire credo, c'est
confesser que ce que l'on ne peut voir peut pourtant être réel, et en
fait, suprêmement réel, au point d'être cela même qui porte et rend
possible toute réalité. De plus, c'est aussi cela qui, pour la Bible,
permet à chacun de mener une vie véritablement humaine. Tout en donnant
à chacun son être véritable, il ne peut être atteint que par un
changement de direction dans la vie, par ce qui est appelé une «
conversion ».
C'est lorsque nous en venons à nous demander quel est le contenu de ce
credo que les difficultés commencent. Les tentatives actuelles d'aggiornamento
en théologie ne servent qu'à nous rendre plus douloureusement conscients
de tout ce qu'il y a de suranné dans ce qui nous est offert à croire.
Elles ne font que confirmer « un soupçon : on cherche désespérément à
nous présenter comme moderne ce qui de toute évidence appartient au
passé »
(La foi chrétienne, p. 17).
On en trouve un symptôme dans le regard de la théologie catholique
moderne sur la tradition, qui en vient fréquemment à voir en elle la
force motrice, orientée vers le futur, du
sens de la foi, plutôt que le legs solidement établi de l'Église
primitive. Hélas, pas plus l'intellectualisme de ceux qui
démythologisent que le pragmatisme de ceux qui « mettent à jour » ne
peuvent supprimer le scandale qui réside au cœur du christianisme. Ce
scandale, J. Ratzinger le nomme la « positivité du
christianisme ». La foi chrétienne, en tout premier lieu, a pour
objet l'entrée de Dieu dans l'histoire, Dieu qui s'implique avec
l'homme. Elle clame qu'avec Jésus, l'Éternel est entré dans ce monde.
Selon le prologue du quatrième évangile, Jésus est l'« exégèse » du
Père. De prime abord, le fait d'avoir à chercher Dieu dans un homme
semblerait rendre les choses plus faciles. Pourtant, aujourd'hui
nous sommes déconcertés devant cette « révélation » chrétienne. En la
comparant avec la religiosité asiatique, on peut se demander s'il n'eût
pas été plus simple d'adorer ce qui est éternel et caché, de s'y
abandonner dans la méditation et d'y aspirer. N'eût-il pas mieux valu
que Dieu nous laissât dans notre éloignement infini ? N'aurait-il pas
été plus facile de nous élever au-dessus des contingences de ce monde,
pour percevoir dans une paisible contemplation le mystère ineffable, au
lieu qu'il faille maintenant nous livrer au positivisme de la foi, nous
limiter à une seule figure et placer le salut de l'homme et du monde sur
une pointe d'aiguille, un point fortuit de l'espace et du temps ?
(La foi chrétienne, p. 19)
Et Joseph Ratzinger se demande si à présent, en toute
intégrité intellectuelle, il nous est encore
seulement permis de croire.
Pour répondre à cette question, il examine comment nous en sommes venus
à l'image que nous nous faisons maintenant de ce qui est
fondamentalement « réel » : les phénomènes le sont - et rien d'autre.
Par une interprétation qui résume audacieusement une tranche
considérable de l'histoire de la pensée, il en distingue deux figures
cruciales : Gianbattùsta Vico et Karl Marx. Pour Vico, ce qui peut être
connu, c'est ce que l'homme a fait, ses actions et ses réalisations dans
l'histoire : verum quia factum.
(Ndlr : "C'est vrai parce que cela
a été fait")
Malheureusement, la victoire de l"historicisme de Vico, au milieu du
xixe siècle, coïncida avec les découvertes de Darwin en biologie.
Au moment même où, selon un anthropocentrisme radical, l'homme ne
peut connaître que son œuvre propre, il se voit réduit à s'accepter
comme un produit purement fortuit, comme un simple «factum»
(La foi chrétienne, p. 25).
Mais si, avec Darwin, la signification de l'histoire se trouva congédiée
du jour au lendemain, elle revint par la porte de derrière avec Marx.
Dans le marxisme, la vérité est centrée sur l'action et le futur. Ce qui
peut être connu, c'est la transformation révolutionnaire du monde par
l'homme - lorsqu'elle se produit. L'axiome devient ici verum quia
faciendum
(Ndlr : "C'est vrai parce que cela
doit être fait").
Ce tournant vers la sociologie et l'expectation des lendemains ruina les
efforts de la théologie pour s'adapter à Vico et au mouvement qu'il
avait initié. Alors, renonçant à présenter la foi dans son historicité,
comme interprétation de ce dont le peuple a fait l'expérience dans le
passé, les théologiens, pour rester en prise avec la pensée de leur
temps, se virent obligés de considérer le langage même de la foi comme
une rhétorique destinée à permettre l'action à venir.
(Joseph Ratzinger aborde ici pour la première fois un
ensemble de théologies qui tournent autour du concept de « théologie
politique » : théologies de la révolution, représentées par T. RENDTORFF
et H. E. TÖDT,
Théologie der Révolution. Analysen
undMaterialen, Suhrkamp, Francfort, 1968;
théologies de l'espérance, avec par exemple J. MOLTMANN,
Théologie de l'espérance, traduit par F. et
J.-P. Thévenaz, Cerf, Paris, 1970 ; et théologies
du « monde », notamment avec J. B. METZ,
Pour une théologie du monde, traduit par H.
Savon, Cerf, Paris, 1971. Voir La foi chrétienne, p. 28).
L'idée d'« histoire du salut » cède le pas à la théologie politique, à
la théologie de la libération. Ni l'une ni l'autre de ces approches,
l'historique et la politique, ne sont sans valeur. Chacune d'elles
éclaire des facettes importantes de ce qu'est la foi. Pourtant,
prises exclusivement, elles cachent plus qu'elles ne révèlent le sens du
mot credo. Car, sous-jacent à ce mot, insiste Joseph
Ratzinger, il y a une approche de la réalité
spécifique à la Bible, à laquelle ne se rattachent ni Vico ni Marx. J.
Ratzinger résume cette approche biblique en deux termes, « prendre appui
» et « comprendre »,
(Ndlr : En parallèle avec l'anglais stand - understand,
ou l'allemand stehen - verstehen) qui font
particulièrement référence à Is 7,9 : « Si vous
ne croyez pas, vous ne subsisterez pas. »
Ce dont il est essentiellement question ici, c'est de ce qui «
enracine notre confiance en une réalité qui n'est pas et ne peut pas
être l'œuvre de nous-mêmes, et qui pour cette raison rend possible et
soutient notre existence » (La foi
chrétienne, p. 30). Par
la foi, nous reconnaissons que ce qui donne son sens propre à notre
expérience ne peut être que quelque chose que nous avons reçu.
À la différence du baron de Münchhausen, nous ne pouvons nous sortir du
marais en nous tirant par la queue de notre propre chevelure. En disant
"credo", nous déclarons que dans ce monde, la réception du sens
prime sur son élaboration par l'homme - sans qu'en soit pour autant
dépréciée la valeur de la créativité humaine. Bien loin d'être
irrationnelle, la foi est par conséquent un mouvement vers le sens et la
vérité, vers le logos. J. Ratzinger considère que l'hellénisation de
l'Évangile dans le monde grec des premiers siècles chrétiens ne fut pas
simplement légitime, mais bien providentielle - et il trouve des
indications en ce sens dans le texte des Actes
(Cf. par exemple Ac 16,6-10, où saint Paul se voit
empêché d'aller en Asie et, en songe, est invité à passer en Macédoine).
De plus, si le mot credo s'inscrit dans un dialogue, s'il est
adressé à quelqu'un, son registre n'est cependant pas purement
individuel, un dialogue entre Dieu et l'âme, mais entre Dieu et la
personne vivante de l'Église. Se tournant alors vers la forme ecclésiale
de la foi, Joseph Ratzinger explique la raison qui lui fait choisir le
Symbole des apôtres
(ou Symbole romain)
comme base d'une « introduction au christianisme ». C'est qu'il s'agit
de la formulation de la foi élaborée par l'Église pour les candidats à
l'entrée, par le baptême, dans cette vie de foi. Ce n'est bien sûr pas
le seul credo connu dans l'histoire de l'Église. En tant que
Credo latin, il reflète jusqu'à un certain point l'éloignement
progressif entre chrétientés occidentale et orientale, attestant par là
même à la fois de la grandeur et de la misère de l'histoire du
christianisme
(La foi chrétienne, p. 41) -
réminiscence de l'image de l'homme dépeint par Pascal. Le Symbole des
apôtres reflète cependant la foi de l'Église primitive qui, en son
noyau, agrège la foi du Nouveau Testament lui-même. J. Ratzinger fait
observer que la structure ternaire, trinitaire, de ce symbole correspond
à la triple renonciation au monde, à la chair, et au démon, exigée du
néophyte
(idem, p. 42, avec une référence à la liturgie
baptismale de saint Hippolyte de Rome, Traditio apostolica).
La doctrine est inséparable de la conversion de
l'être en son entier. J. Ratzinger considère que de ce point de
vue le singulier est théologiquement préférable au pluriel
(credo et non pas credimus).
La forme plurielle, en grec pisteuomen, fut introduite lorsque
les symboles baptismaux furent réutilisés à des fins nouvelles, telles
des déclarations communes d'évêques luttant pour maintenir l'unité
doctrinale. Ces développements étaient bien sûr légitimes : la relation
dialogique «je - tu » conduit naturellement au « nous »
de tous ceux qui partagent la même foi. J.
Ratzinger, suivant en cela Karl Rahner, trouve instructif que ceux qui
formulèrent les premières professions dogmatiques de l'Église aient
utilisé pour les nommer le terme symbolum, symbolon. À l'origine,
dans le monde antique, un « symbole » se composait des deux moitiés d'un
anneau, d'un bâton ou d'une tablette. La possession d'une moitié
permettait au détenteur de l'autre de reconnaître un hôte, un messager,
le partenaire d'un traité. Ainsi le symbolon de la foi renvoie à
l'unité d'un grand nombre dans l'unicité du Verbe. À l'image de Marius
Victorinus, philosophe néoplatonicien contemporain de saint Augustin,
qui un temps ne vit pas la nécessité d'une Église institutionnelle,
jusqu'à ce qu'il saisisse enfin l'idée chrétienne, quiconque veut
prétendre au nom de chrétien doit trouver le Logos dans la communauté
(Saint AUGUSTIN, Confessions, VIII, 2,3-5)
: « La foi chrétienne n'est pas une idée, mais une vie; elle n'est
pas esprit qui se replie sur lui-même, mais incarnation, esprit dans le
corps de l'histoire et de la société.»
(La foi chrétienne, p. 51).
A suivre :
Je crois en Dieu
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Sources : Introduction à la
théologie de Joseph Ratzinger
-
(E.S.M.)
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
26.12.2008 -
T/Théologie
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