La parole de Dieu, affirme Benoît XVI, est
l'expression d'un message intrinsèquement cohérent |
|
Le 25 décembre 2007 -
(E.S.M.) - L'échec des prophètes, rapporte
Benoît XVI, son propre échec, apparaissent maintenant sous un autre
éclairage. Ils sont précisément le chemin qui aboutit à ce que les
hommes « se convertissent et que Dieu leur pardonne ». C'est cet échec
qui va faire que s'ouvrent les yeux et les oreilles de tous. La croix
est la clé permettant de déchiffrer les paraboles.
|
La
guérison de l’aveugle de naissance -
Duccio di Buoninsegna -
Pour agrandir l'image:
►
C'est ici
La parole de Dieu est l'expression d'un message
intrinsèquement cohérent
LE MESSAGE DES PARABOLES
Chapitre 7 - Le message des paraboles
(pages 207 à 243)
1) Nature et
finalité des paraboles
►Benoît
XVI
2)
Jésus lui-même est la
semence, il est le Royaume de Dieu en personne :
Alors que Jülicher avait formulé son « point saillant » en termes presque
humanistes, bien dans l'esprit de son temps, on l'assimila ultérieurement
aux tenants de l'imminence eschatologique en disant qu'en dernière instance,
toutes les paraboles concourraient à annoncer l'avènement imminent de L'eschaton,
du « Royaume de Dieu ». Mais, il s'agit là d'une interprétation qui fait
violence à la diversité des textes. Le plus souvent, greffer sur les
paraboles une perspective eschatologique imminente relève purement et
simplement du coup de force et de l'arbitraire. À l'inverse, Jeremias a
souligné à juste titre que chaque parabole a son contexte particulier,
de
même qu'un message spécifique. Il a donc dégagé dans son livre sur les
paraboles neuf grands thèmes, tout en recherchant bien sûr le fil qui les
relie, le centre même du message de Jésus. Ce faisant, Jeremias sait ce
qu'il doit à l'exégète anglais Charles H. Dodd, mais il prend ses distances
avec lui sur un point essentiel.
Dodd a fait de l'orientation des paraboles vers le
thème du Royaume de Dieu, de la seigneurie de Dieu, le point
central de son exégèse, mais il refuse l'imminence eschatologique telle
qu'elle est formulée par les exégètes allemands, et il relie l'eschatologie
à la christologie : le Royaume de Dieu arrive dans la personne du Christ.
En se référant au Royaume de Dieu, les paraboles
renvoient au Christ, qui est le vrai visage du royaume. Jeremias a
estimé ne pas pouvoir accepter ce point de vue de « l'eschatologie réalisée
», selon l'expression employée par Dodd ; il parle, lui, d'« eschatologie en
train de se réaliser ». Ce faisant, il conserve malgré tout, même si c'est
sous une forme atténuée, l'idée fondamentale de l'exégèse allemande selon
laquelle Jésus proclame l'imminence
(temporelle) de la
venue du Royaume de Dieu et la présente sous différentes formes à ses
auditeurs, dans les paraboles. Le lien entre christologie et eschatologie
devient ainsi encore plus ténu. Reste à savoir, indique Benoît XVI, ce que l'auditeur doit penser
de tout cela deux mille ans après. En tout cas, il est bien obligé de
considérer comme erroné l'horizon eschatologique imminent tel qu'il existait
à l'époque, car le Royaume de Dieu au sens de transformation radicale du
monde par Dieu n'est pas advenu, et il lui est également impossible de faire
sienne cette idée pour l'époque actuelle. Toutes les réflexions menées
jusqu'ici nous ont conduits à reconnaître que l'attente d'une fin des temps
imminente est bien un aspect présent dans la réception du message de Jésus
par le christianisme primitif. Mais elles ont montré aussi qu'on ne peut
appliquer cette vision des choses à toutes les paroles de Jésus et qu'en
aucun cas, on ne peut l'élever au rang de thème essentiel de son message.
Sur ce point, Dodd était beaucoup plus proche de la démarche effective des
textes. Dans le cas précis du Sermon sur la montagne, mais aussi lors de
l'interprétation du Notre Père, nous avons vu que le thème le plus profond
de la prédication de Jésus était son propre mystère, le mystère du Fils,
dans lequel Dieu est présent parmi nous et où il accomplit sa parole. Et
nous avons vu,
que Jésus annonce le Royaume de Dieu dans sa personne comme étant à la fois
à venir et déjà présent. En ce
sens, il faut donner raison à Dodd sur le fond : oui, si l'on veut, le
Sermon sur la montagne est « eschatologique », mais eschatologique au
sens où le Royaume de Dieu se « réalise » dans la venue de Jésus. Il est
donc tout à fait possible de parler d'« eschatologie
en train de se réaliser » puisque Jésus, celui qui est venu, est bien
aussi tout au long de l'histoire celui qui vient, et c'est de cette « venue
» qu'en dernière instance, il nous parle. Nous pouvons donc être tout à fait
d'accord avec les derniers mots du livre de Jeremias quand il dit : «
L'année de grâce que Dieu avait promise est commencée. Car est apparu Celui
dont la gloire cachée flamboie derrière chaque parole et chaque parabole :
le Sauveur (Ibid., p. 309). »
Mais au moment même où nous concevons l'ensemble des paraboles comme des
invitations cachées et complexes à croire en Jésus et au fait qu'il est le «
Royaume de Dieu en personne », voici que nous nous heurtons à un obstacle
irritant : une parole du Christ. Les trois Évangiles synoptiques nous disent
que, les disciples lui ayant demandé quel sens donner à la parabole du
semeur, Jésus commence par faire une réponse générale sur le sens de la
prédication en paraboles. Au cœur de cette réponse se trouve une parole du
Livre d'Isaïe (6, 9), que les
synoptiques restituent dans des variantes différentes. Voici ce que dit le
texte de Marc dans la traduction soigneusement raisonnée de Jeremias
(Ibid., p. 25) : « A vous (c'est-à-dire au cercle des disciples),
Dieu a donné le mystère du Règne de Dieu ; mais pour ceux qui sont
au-dehors, tout est énigmatique, afin que
(comme il est écrit)
"ils voient et cependant ne voient pas, entendent et cependant ne
comprennent pas, à moins qu'ils ne se convertissent et que Dieu ne leur
pardonne" » (Mc 4, 11-12). Que
signifie cela ? Est-ce que par hasard les paraboles du Seigneur serviraient
à rendre son message inaccessible pour mieux le réserver à un petit cercle
d'élus à qui il les expliquerait lui-même ? Les
paraboles sont-elles là non pour ouvrir, mais pour fermer ? Dieu
prend-il le parti de ne vouloir qu'une élite, et non l'ensemble,
la totalité
de nous tous ?
Pour comprendre cette mystérieuse parole du Seigneur, il faut prendre pour
point de départ sa citation d'Isaïe et la lire à partir de son propre
chemin, dont lui connaît l'issue. En parlant ainsi, Jésus s'intègre à la
lignée des prophètes, son destin est un destin de prophète. Prise dans son
intégralité, la parole d'Isaïe est encore bien plus dure et bien plus
effrayante que l'extrait cité par Jésus. Il est dit dans le Livre d'Isaïe :
« Alourdis le cœur de ce peuple, rends-le dur
d'oreille, bouche-lui les yeux ; il ne faut pas qu'il voie de ses yeux,
qu'il entende de ses oreilles, que son cœur comprenne, qu'il se convertisse
et qu'il soit guéri » (Is 6, 10).
Le prophète échoue. Son message contredit trop fortement l'opinion
dominante, les habitudes de vie bien ancrées. Seul son échec permet que sa
parole soit agissante. Cet échec du prophète est une sombre question qui
domine toute l'histoire d'Israël et, d'une certaine façon, il se renouvelle
sans cesse dans l'histoire de l'humanité. Il se renouvelle tout d'abord dans
le sort réservé à Jésus Christ, qui finit sur la croix.
Mais c'est
précisément de la croix que procède sa grande fécondité.
Et de manière inattendue, on voit surgir de nouveau ici le lien avec la
parabole du semeur, qui est le contexte dans lequel les Évangiles
synoptiques placent la parole de Jésus. Il est frappant de voir l'importance
que prend l'image de la semence dans l'ensemble du message de Jésus. Le
temps de Jésus, le temps des disciples, est le temps des semailles et de
la semence. Le « Royaume de Dieu » est présent comme une semence. Vue de
l'extérieur, la semence est une chose insignifiante que l'on peut ignorer.
La graine de moutarde, qui est une image du Royaume de Dieu, est la plus
petite de toutes les graines, et pourtant elle porte en elle un arbre tout
entier. La semence est la présence de la réalité future. Dans la semence, ce
qui est à venir est déjà présent de manière cachée. Elle est le présent de
la promesse. Lors du dimanche des Rameaux, le Seigneur a résumé les
multiples paraboles de semence en dévoilant pleinement leur sens : «
Amen,
amen, je vous le dis : si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il
reste seul ; mais s'il meurt, il donne beaucoup de fruit »
(Jn 12, 24).
Jésus lui-même est la
semence. Son « échec » sur la croix est précisément le chemin qui mène du
cercle restreint vers le grand nombre, vers tous : « Et moi, quand j'aurai
été élevé de terre, j'attirerai à moi tous les hommes »
(Jn 12, 32).
L'échec des prophètes, son propre échec, apparaissent maintenant sous un
autre éclairage. Ils sont précisément le chemin qui aboutit à ce que les
hommes « se convertissent et que Dieu leur pardonne
». C'est cet échec qui va faire que s'ouvrent les yeux et les oreilles de
tous. La croix est la clé permettant de déchiffrer les paraboles. Dans son
discours d'adieu à ses disciples, le Seigneur dit à ce propos : « J'ai
employé des paraboles (un discours voilé) pour vous parler de tout cela.
L'heure vient où, sans employer de paraboles, je vous annoncerai ouvertement
tout ce qui concerne le Père » (Jn 16, 25). Ainsi les paraboles parlent de
façon cachée du mystère de la croix ; mieux, elles en font intrinsèquement
partie. Car, parce qu'elles laissent entrevoir le mystère divin de Jésus,
elles aboutissent à une contradiction. C'est précisément là où elles
atteignent le plus haut degré de clarté, comme dans la parabole des
vignerons homicides (cf. Mc 12, 1-12), qu'elles marquent des étapes sur le
chemin qui mène à la croix. Dans les paraboles, Jésus n'est pas seulement le
semeur qui répand la semence de la parole de Dieu, il est lui-même la
semence qui tombe en terre pour mourir et qui peut donner ainsi beaucoup de
fruit.
Dans ces conditions, l'explication inquiétante que Jésus donne du sens de
ses paraboles nous conduit à la compréhension de leur signification la plus
profonde, pour peu que nous lisions la Bible et tout particulièrement les
Évangiles comme unité et totalité - comme cela est requis de par la nature
même de la parole écrite de Dieu -, qui, dans toutes ses strates
historiques, est l'expression d'un message intrinsèquement cohérent. Mais
peut-être est-il utile, après cette explication théologique tirée du cœur
même de la Bible, de considérer l'aspect spécifiquement humain des
paraboles. Qu'est-ce en fait qu'une parabole ? Et que cherche celui qui la
dit ?
à suivre ...
3) Qu'est-ce en fait qu'une
parabole ? Et que cherche celui qui la dit ?
Tous les articles sur le livre
►
"Jésus de Nazareth"
Sources: www.vatican.va
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 25.12.2007 - BENOÎT XVI
- T/J.N. |