Le silence et le chant liturgique
d'après le Maître des cérémonies de Benoît XVI, Mgr Guido
Marini |
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Le 24 novembre 2009 -
(E.S.M.)
- Il est urgent de redécouvrir l'authentique esprit de la
liturgie, tel qu'il apparaît dans la tradition
continue de l'Eglise et tel que le présente, en
lien avec le passé, le Magistère le plus récent,
de la fin du concile Vatican II jusqu'au
pontificat de Benoît XVI.
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Le pape Benoît XVI et
Mgr Guido Marini
Le silence et le chant liturgique
d'après le Maître des cérémonies de Benoît XVI, Mgr Guido
Marini
INTRODUCTION
Le 24 novembre 2009 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
-
Il est urgent de redécouvrir l'authentique esprit de la liturgie, tel qu'il
apparaît dans la tradition continue de l'Eglise et tel que le présente, en
lien avec le passé, le Magistère le plus récent, de la fin du concile
Vatican II jusqu'au pontificat de Benoît XVI.
J'ai employé ici le mot "continue" pour qualifier la tradition. C'est
un terme cher au cœur de l'actuel Souverain Pontife: il en a fait le seul
critère permettant de comprendre la vie de l'Eglise, tout particulièrement
en lien avec les enseignements conciliaires et avec les propositions de
réforme, à quelque niveau qu'elles soient.
Comment pourrait-il en être autrement? Comment pourrait-on imaginer une
Eglise d'autrefois qui serait suivie d'une Eglise d'aujourd'hui venue
effacer toute l'histoire du corps ecclésial? Comment pourrait-on imaginer
que l'Epouse du Christ était autrefois dans une époque durant laquelle
l'assistance de l'Esprit-Saint lui aurait fait défaut, et que cette époque
serait aujourd'hui soudain close et dépassée?
Certains donnent parfois l'impression d'adhérer à cette idéologie de rupture
qui, appliquée à l'histoire de l'Eglise, engendre des idées qui n'ont rien à
voir avec la foi authentique dans la mesure où conduisent à faire une
distinction entre l'Eglise pré-conciliaire et l'Eglise post-conciliaire. On
peut certainement relever des distinctions, mais à la seule condition de ne
pas en arriver à élever des murs infranchissables entre une Eglise d'avant
le Concile qui n'aurait plus rien à nous apprendre et une Eglise d'après le
Concile qui serait une nouveauté en rupture avec le passé.
La question de la "continuité", telle que nous l'abordons ici avec
sérénité et non dans un esprit polémique, est absolument essentielle pour
qui veut comprendre le véritable "esprit de la liturgie": cette idée
de "continuité" nous permet de considérer un "passé" de la
liturgie qui est tout à la fois proche et distant.
La liturgie ne saurait donc devenir un moyen d'opposer ceux qui pensent que
seul le passé est bon à ceux qui pensent que le meilleur ne peut être que
devant nous. C'est uniquement en considérant que le présent et le passé de
la liturgie constituent un unique patrimoine qui s'est développé d'une façon
homogène qu'il est possible de retrouver le goût pour l'authentique esprit
de la liturgie. Il nous faut donc accepter de voir l'Eglise dans son unité
et non comme le résultat de nos constructions parcellaires: ce n'est que
cette vision globale de l'Eglise qui qui peut nous ramener à l'essentiel de
ce qu'est la liturgie à travers laquelle le Christ fait irruption dans nos
vies.
C'est aussi en nous appuyant sur ce critère de "continuité"
permettant de comprendre ce qu'est l'authentique "esprit de la liturgie"
que nous devons devenir capables de dire si telle musique ou tel chant peut
ou ne peut pas être intégré au patrimoine de la musique liturgique ou
sacrée. En d'autres termes, nous devons être à même de distinguer quelles
sont les compositions qui peuvent être insérées dans la liturgie en raison
de leur cohérence avec l'authentique esprit de la célébration.
Parlons d'abord de cet "esprit de la liturgie" à partir duquel il est
possible d'identifier la vraie musique et le vrai chant liturgiques. En
abordant ce thème, nous n'aurons pas la prétention d'être exhaustif, pas
plus que nous aurons la prétention de répondre à toutes les questions qui,
pour être traitées, devraient être abordées sous des angles très variés. Je
me limiterai donc à ne considérer que quelques aspects de ce qui fait
l'essence de la liturgie, me tournant plus particulièrement vers la
célébration eucharistique telle que l'Eglise nous la présente et comme j'ai
pu l'approfondir durant les deux années passées au service du pape Benoît
XVI, lequel est un véritable maître de la spiritualité liturgique tant par
son enseignement que par les exemples qu'il donne lorsqu'il célèbre
lui-même.
LA PARTICIPATION ACTIVE.
Tous les saints et les saintes ont célébré et vécu la liturgie à travers une
"participation active". La sainteté de leur vie est incontestablement
le plus beau témoignage d'une participation très vivante à la liturgie de
l'Eglise. C'est donc à juste titre que Vatican II a insisté sur la nécessité
de retrouver le sens de la participation à la liturgie et d'y introduire les
fidèles: c'est là un moyen mis à la disposition des baptisés qui aspirent à
la sainteté; pour cette raison, la nécessité de participer "activement"
à la liturgie a été confirmée dans de nombreux documents magistériels
récents.
Cependant, l'idée de "participation" n'a pas toujours été comprise et
vécue dans le sens où l'entendait l'Eglise. Certes, nous participons
activement lorsque nous accomplissons notre rôle au service de la liturgie;
nous participons aussi activement lorsque nous veillons à être attentif à la
Parole de Dieu que nous entendons et à la prière que nous récitons; nous
participons quand nous unissons nos voix à celle des autres fidèles pour
chanter...
Pourtant, tout ça n'est vraiment la "participation active" que si
c'est un moyen de susciter l'adoration du mystère du Christ Jésus mort et
ressuscité pour nous. Seul celui qui pénètre ce mystère et y unit sa vie en
vue d'obtenir les grâces liées à la célébration montre qu'il a réellement
compris ce qu'est la liturgie et ce que signifie "participer activement".
La véritable action qui se déroule dans la liturgie est l'action de Dieu
lui-même; c'est à cette œuvre réalisée par le Christ que nous sommes appelés
à participer pour notre salut. Voilà quelle est la spécificité du culte
chrétien en regard de tout autre acte d'adoration: ici, c'est Dieu lui-même
agit et fait ce qui est essentiel, tandis que l'homme est appelé à être
ouvert à l'action divine pour de se laisser transformer par elle.
En conséquence, l'essentiel de la "participation active" est de
veiller à ce que tout ce que nous faisons, nous, ne devienne pas plus
important que ce que fait Dieu pour nous permettre de devenir un avec le
Christ. Voilà pourquoi la participation est impossible sans l'adoration.
Ecoutons une fois encore ce qu'enseigne la Constitution
Sacrosanctum Concilium : "Aussi l'Eglise se soucie-t-elle d'obtenir
que les fidèles n'assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs
étrangers ou muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses
prières, ils participent consciemment, pieusement et activement à l'action
sacrée, soient formés par la parole de Dieu, se restaurent à la table du
Corps du Seigneur, rendent grâce à Dieu; qu'offrant la victime sans tache,
non seulement par les mains du prêtre, mais aussi ensemble avec lui, ils
apprennent à s'offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés par la
médiation du Christ dans l'unité avec Dieu et entre eux pour que,
finalement, Dieu soit tout en tous."(n. 48).
Voici donc ce qui constitue l'essentiel; tout le reste est secondaire.
Je pense tout particulièrement ici à certaines actions extérieures que l'on
voit faire surtout au moment de la liturgie de la Parole: le fait d'affirmer
que ces actions ne sont pas essentielles ne permet pas de conclure qu'elles
sont importance. Mais les transformer en quelque chose qui va focaliser
l'attention des fidèles montre une certaine méconnaissance du véritable
esprit de la liturgie.
Par conséquent, la véritable formation liturgique ne peut pas se limiter à
apprendre à réaliser des actions extérieures, mais doit consister à aller
vers l'essentiel, vers l'action de Dieu qui s'effectue à travers le mystère
pascal du Christ dans lequel il faut s'engager pour se laisser transformer.
Il ne faut donc pas confondre la seule "gestion des rites" avec la vraie
participation à l'acte liturgique. Sans dénigrer le sens et l'importance du
geste extérieur qui accompagne la participation intérieure, il nous faut
reconnaître que la liturgie demande bien plus qu'une simple implication de
notre corps par les rites; elle exige que nous la fassions pénétrer dans le
quotidien de notre existence pour nous amener à vivre de ce que le
Saint-Père Benoît XVI appelle la "cohérence eucharistique". C'est
précisément l'exercice de cette "cohérence" qui est l'expression la plus
authentique de notre participation à l'action salvifique du Christ.
Il faut encore poser une autre question: sommes-nous vraiment certains que
pour obtenir une "participation active" il faille faire en sorte que
tout soit immédiatement compréhensible? L'entrée dans le mystère de Dieu ne
se fait-il pas aussi à l'aide de ce qui touche le cœur?
Trop souvent, nous donnons une place démesurée à la parole et nous oublions
que le langage de la liturgie est aussi fait de silences, d'images, de
symboles, de gestes... Ces diverses facettes du langage liturgique, auquel
il faut ajouter la langue latine, le chant grégorien et la polyphonie sacré,
conduisent au centre du mystère et permettent la véritable participation.
QUELLE MUSIQUE POUR LA LITURGIE?
Je n'ai pas l'intention d'aborder ici des questions techniques se rapportant
directement à la musique sacrée ou liturgique. D'autres le feront avec une
plus grande compétence au cours de prochaines rencontres. Mais j'ai tout de
même à cœur de souligner que la question de la musique liturgique se
saurait être traitée indépendamment de la question se rapportant à
l'authentique esprit de la liturgie et, par conséquent, touchant la
théologie de la liturgie et de la spiritualité qui en découle.
Comment faire - dès lors nous savons que la liturgie est un don de Dieu qui
nous guide et qui, par le culte, nous permet d'aller au-delà de nous-mêmes
pour nous unir à lui et aux autres - oui, comment faire pour donner des
orientations permettant de comprendre l' "esprit de la liturgie" et
permettant de reconnaître ce qu'est réellement la vraie musique et le chant
pour la liturgie de l'Eglise?
Permettez-moi de faire une brève réflexion qui orientera mon propos:
demandons-nous pourquoi l'Eglise, dans ses documents plus ou moins récents,
souligne qu'il existe un certain type de musique et de chant plus
particulièrement adapté à la célébration liturgique. Déjà à l'époque du
Concile de Trente, l'Eglise était intervenue dans les querelles entre
artistes pour affirmer qu'en matière de chant, l'union entre parole et
musique devait être une priorité, que l'utilisation d'instruments devait
être limitée, et qu'il fallait savoir faire la différence entre la musique
sacrée et la musique profane. En fait, la musique sacrée ne peut pas se
limiter à n'être qu'une expression subjective: la forme que doit avoir le
chant liturgique est ancrée dans la Bible et dans la tradition de l'Eglise.
Plus récemment, S. Pie X est intervenu lui aussi pour écarter la musique
d'opéra de la liturgie et pour affirmer que le chant grégorien et la
polyphonie remontant à la contre-réforme devaient demeurer les modèles d'une
musique véritablement liturgique, distincte de la musique sacrée en général.
Vatican II, puis les récents textes magistériels, n'ont fait que répéter la
même chose.
Alors pourquoi cette insistance de l'Eglise sur les caractéristiques de la
musique et du chant liturgique? Pourquoi vouloir que le chant et la musique
attribués à la liturgie demeurent distinctes de toute autre forme musicale?
Pourquoi le chant grégorien et la polyphonie sacrée devraient-ils demeurer
les seuls modèles de la musique liturgique, même populaire?
La réponse à ces questions se trouve exactement dans ce que nous avons
essayé de dire à propos de l'esprit de la liturgie. Ces formes musicales
sont, en raison de leur sainteté, de leur la beauté et de leur universalité,
la traduction en mélodies et en chants du véritable esprit de la liturgie:
elles introduisent à l'adoration du mystère célébré et permettent de ce fait
une participation véritable, pleine et fructueuse à l'action de Dieu dans et
par le Christ. Elles introduisent dans la vie de l'Eglise et, par là, dans
la contemplation du mystère.
Pour finir, permettez-moi de citer encore une fois le Cardinal Ratzinger.
Dans son livre "Un chant nouveau pour le Seigneur", il écrit
(pp. 168-169): "Gandhi évoque les trois milieux
dans lesquels s'est développée la vie dans le cosmos, et note que chacun
d'eux porte une façon d'être qui lui est propre. Dans la mer vivent les
poissons, silencieux. Les animaux qui vivent sur la terre ferme crient,
tandis que les oiseaux qui peuplent le ciel chantent. Le silence est le
propre de la mer; le propre de la terre ferme, c'est le cri; le propre du
ciel, le chant. Mais l'homme participe des trois: il porte en lui la
profondeur de la mer, le fardeau de la terre et les hauteurs du ciel. C'est
pourquoi il est aussi silence, cri et chant. Aujourd'hui - ajouterais-je -
nous le voyons, il ne reste plus que le cri à l'homme sans transcendance,
parce qu'il ne veut plus être que terre et qu'il tente aussi de transformer
en sa terre les profondeurs de la mer et les hauteus du ciel. Or, la
véritable liturgie - la liturgie de la communion des saints - lui restitue
sa totalité. Elle lui réapprend le silence et le chant en lui ouvrant les
profondeurs de la mer et en lui apprenant à voler, à participer de l'être
des anges. En élevant le cœur, elle fait à nouveau retentir la mélodie
ensevelie. Oui, nous pouvons même dire maintenant, à l'inverse: on reconnaît
la véritable liturgie à ce qu'elle nous libère de l'agir ordinaire et nous
restitue la profondeur et la hauteur, le silence et le chant. On reconnaît
la liturgie authentique à ce qu'elle est cosmique et non fonction du groupe
qui célèbre. Elle chante avec les anges, elle se tait avec la profondeur du
tout, en attente. C'est ainsi qu'elle libère la terre, qu'elle la sauve."
En conclusion, je dirai que depuis quelques années dans l'Eglise, beaucoup
de voix s'élèvent pour parle de la nécessité d'engager un renouveau de la
liturgie qui serait à peu près semblable à celui qui fut à l'origine de la
réforme promue par Vatican II. Ce renouveau devrait viser à obtenir une "réforme
de la réforme", c'est-à-dire une meilleure compréhension de
l'authentique esprit de la liturgie. Il s'agit donc de mener à son terme la
providentielle réforme de la liturgie que les Pères du Concile avaient
commencée mais qui, en pratique, n'a pas toujours été appliquée.
("L'introduction à l'esprit de la liturgie", tel était le
thème d'une conférence donnée par Mgr Guido Marini le 14 novembre à Gênes,
dans le cadre d'une rencontre avec les responsables diocésains de la musique
liturgique.)
Osservatore Romano. Trad. DC/APL
Sources : Proliturgia
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 24.11.2008 -
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