Homélie de Benoît XVI en la Solennité
du Corps et du Sang du Christ |
 |
Cité du Vatican, le 24 mai 2008 -
(E.S.M.)
- Le Pape Benoît XVI a célébré jeudi la Messe de la Fête-Dieu et
a guidé la Procession du Saint-Sacrement. Voici le texte intégral de
l'homélie du Saint-Père.
|
Le pape
Benoît XVI - Pour
agrandir l'image ►
Cliquer
Homélie de Benoît XVI en la Solennité du Corps et du Sang du Christ
VATICAN - Le Pape Benoît XVI célèbre la Messe de la Fête-Dieu et guide la
Procession du Saint-Sacrement : « S’agenouiller devant l’Eucharistie est une
profession de liberté : celui qui s’incline devant Jésus ne peut pas et ne
doit pas se prosterner devant aucun pouvoir terrestre »
MESSE ET PROCESSION EUCHARISTIQUE
À LA BASILIQUE DE SAINTE MARIE MAJEURE
EN LA SOLENNITÉ DE CORPUS DOMINI
HOMÉLIE DU PAPE BENOÎT XVI
Parvis de la Basilique Saint-Jean-de-Latran
Jeudi 22 mai 2008
Chers frères et sœurs!
Après le temps fort de l'année liturgique, qui s'est centré sur Pâques et se
déroule sur trois mois - d'abord les quarante jours du Carême, puis les
cinquante jours du temps pascal -, la liturgie nous fait célébrer trois
fêtes qui ont plutôt un caractère "synthétique": la Très Sainte Trinité,
puis le Corpus Domini, et enfin le Sacré Cœur de Jésus. Quel est le sens
exact de la solennité d'aujourd'hui, du Corps et du Sang du Christ ? La
célébration elle-même que nous accomplissons nous le dit dans le déroulement
de ses gestes fondamentaux: avant tout, nous sommes rassemblés autour de
l'autel du Seigneur, pour être ensemble en sa présence; en deuxième lieu, il
y a aura la procession, c'est-à-dire le cheminement avec le Seigneur; et
enfin l'agenouillement devant le Seigneur, l'adoration, qui débute lors de
la messe et accompagne toute la procession, mais culmine dans le moment
final de la bénédiction eucharistique, quand nous nous prosternerons devant
Celui qui s'est abaissé jusqu'à nous et a donné sa vie pour nous.
Arrêtons-nous sur ces trois attitudes, pour qu'elles soient vraiment des
expressions de notre foi et de notre vie.
La première action, donc, est celle du rassemblement en présence du
Seigneur. C'est ce qu'anciennement on appelait "statio". Imaginons un
instant que dans tout Rome, il n'y ait que ce seul autel, et que tous les
chrétiens de la ville soient invités à se rassembler ici pour célébrer le
Sauveur mort et ressuscité. Cela nous donne l'idée de ce que la célébration
eucharistique pouvait être aux origines, à Rome et dans beaucoup d'autres
villes touchées par le message évangélique: dans chaque Eglise particulière
il n'y avait qu'un seul évêque et autour de lui, autour de l'Eucharistie
qu'il célébrait, se constituait la communauté, unique parce qu'il n'y a
qu'un Calice béni et qu'un pain rompu, comme nous l'avons écouté dans les
paroles de l'apôtre Paul dans la deuxième lecture (cf.
1 Co 10, 16-17). Une autre et célèbre expression paulinienne nous
vient en mémoire: "Il n'y a ni Juif ni Grec, il n'y a ni esclave ni homme
libre, il n'y a ni homme ni femme; car tous vous ne faites qu'un dans le
Christ Jésus" (Ga 3, 28). "Tous vous ne faites
qu'un"! Dans ces paroles on sent la vérité et la force de la révolution
chrétienne, la révolution plus profonde de l'histoire humaine, qu'on
expérimente justement autour de l'Eucharistie: ici se rassemblent en
présence du Seigneur des personnes différentes par leur âge, leur sexe, leur
condition sociale, leurs idées politiques. L'Eucharistie ne peut jamais être
un fait privé, réservé à des personnes qui se sont choisies par affinité ou
amitié. L'Eucharistie est un culte public, qui n'a rien d'ésotérique,
d'exclusif. Même ici, aujourd'hui, nous n'avons pas choisi nous-mêmes qui
nous rencontrerons, nous sommes venus et nous nous trouvons les uns aux
côtés des autres, réunis par la foi et appelés à devenir un corps unique en
partageant le seul pain qui est le Christ. Nous sommes unis au delà de nos
différences de nationalité, de profession, de classe sociale, d'idées
politiques: nous nous ouvrons les uns aux autres pour devenir un à partir
de Lui. Et cela, depuis les origines, a été une caractéristique du
christianisme réalisée de manière visible autour de l'Eucharistie, et il
faut toujours être attentif afin que les tentations récurrentes de
particularisme, même si elles sont de bonne foi, n'aillent pas de fait dans
un sens contraire. Le Corpus Domini nous rappelle donc avant tout ceci:
qu'être chrétien veut dire se réunir de partout pour être en présence de
l'unique Seigneur et devenir un avec Lui et en Lui.
Le deuxième aspect constitutif est le cheminement avec le Seigneur. C'est la
réalité manifestée par la procession, que nous vivrons ensemble après la
messe, presque comme son prolongement naturel, en nous déplaçant derrière
Celui qui est la Voie, le Chemin. Par le don de Lui-même dans l'Eucharistie,
le Seigneur Jésus nous libère de nos "paralysies", nous fait nous relever et
nous fait "procéder", nous fait donc faire un pas en avant, et puis un autre
pas, et ainsi nous nous mettons en chemin, avec la force de ce Pain de la
vie. Comme cela arrive au prophète Elie, qui s'était réfugié dans le désert
par peur de ses ennemis, et avait décidé de se laisser mourir
(cf. 1 R 19, 1-4). Mais Dieu le tira de son
sommeil et lui fit trouver près de lui une galette qui venait d'être cuite:
"Lève-toi et mange - lui dit-il - autrement le chemin sera trop long pour
toi" (1 R 19, 5-7). La procession du Corpus
Domini nous enseigne que l'Eucharistie veut nous libérer de tout abattement
et de tout inconfort, il veut nous relever, pour que nous puissions
reprendre le chemin avec la force que Dieu nous donne à travers Jésus
Christ. C'est l'expérience du peuple d'Israël dans l'exode hors d'Egypte, la
longue pérégrination à travers le désert, dont a parlé la première lecture.
Une expérience qui est constitutive pour Israël, mais demeure exemplaire
pour toute l'humanité. En effet, l'expression "l'homme ne vit pas seulement
de pain, mais (...) de tout ce qui sort de la bouche de Yahvé"
(Dt 8, 3) est une affirmation universelle, qui se
réfère à tout homme en tant qu'homme. Chacun peut trouver sa propre voie,
s'il rencontre Celui qui est Parole et Pain de vie et se laisse guider par
sa présence amicale. Sans le Dieu-avec-nous, le Dieu proche, comment
pouvons-nous soutenir le pèlerinage de notre existence, aussi bien
individuellement que dans la société et la famille des peuples?
L'Eucharistie est le Sacrement du Dieu qui ne nous laisse pas seul sur le
chemin, mais se place à nos côtés et nous indique la direction. En effet, il
ne suffit pas de marcher devant soi, il faut voir où l'on va! Le "progrès"
ne suffit pas, s'il n'y a pas de critères de référence. Et même, si on court
en dehors de la route, on risque de finir dans un précipice, ou du moins de
s'éloigner plus rapidement du but. Dieu nous a créés libres, mais ne nous a
pas laissés seuls: il s'est fait Lui-même "voie" et est venu pour marcher
avec nous, pour que notre liberté ait aussi le critère pour discerner la
route juste et la parcourir.
A ce point, on ne peut manquer de penser au début du "décalogue", les dix
commandements, où il est écrit: "Je suis Yahvé, ton Dieu, qui t'ai fait
sortir du pays d'Egypte, de la maison de servitude. Tu n'auras pas d'autres
dieux devant moi" (Ex 20, 2-3). Nous trouvons
ici le sens du troisième élément constitutif du Corpus Domini:
s'agenouiller en adoration devant le Seigneur. Adorer le Dieu de Jésus
Christ, qui s'est fait pain rompu par amour, est le remède le plus valable
et radical contre les idolâtries d'hier et d'aujourd'hui. S'agenouiller
devant l'Eucharistie est une profession de liberté: celui qui s'incline
devant Jésus ne peut et ne doit se prosterner devant aucun pouvoir
terrestre, aussi fort soit-il. Nous les chrétiens nous ne nous agenouillons
que devant Dieu, devant le Très Saint Sacrement, parce qu'en lui nous savons
et nous croyons qu'est présent le seul Dieu véritable, qui a créé le monde
et l'a tant aimé au point de lui donner son Fils unique
(cf. Jn 3, 16). Nous nous prosternons devant un Dieu qui s'est
d'abord penché vers l'homme, comme un Bon Samaritain, pour le secourir et
lui redonner vie, et il s'est agenouillé devant nous pour laver nos pieds
sales. Adorer le Corps du Christ veut dire croire que là, dans ce morceau de
pain, se trouve réellement le Christ, qui donne son vrai sens à la vie, à
l'univers immense comme à la plus petite créature, à toute l'histoire
humaine comme à l'existence la plus courte. L'adoration est une prière qui
prolonge la célébration et la communion eucharistique et dans laquelle l'âme
continue à se nourrir: elle se nourrit d'amour, de vérité, de paix; elle se
nourrit d'espérance, parce que Celui devant lequel nous nous prosternons ne
nous juge pas, ne nous écrase pas, mais nous libère et nous transforme.
Voilà pourquoi se rassembler, cheminer, adorer nous remplit de joie. En
faisant nôtre l'attitude d'adoration de Marie, dont nous faisons mémoire de
manière particulière en ce mois de mai, prions pour nous et pour tous;
prions pour toutes les personnes qui vivent dans cette ville, pour qu'elles
puissent Te connaître, ô Père, et Celui que Tu as envoyé, Jésus Christ. Et
avoir ainsi la vie en abondance. Amen.
Autre synthèse ►
Benoît XVI : Adorer le Corps du Christ signifie croire en Lui - 23.05.08
Texte original de
l'homélie du Saint-Père
►
Italien
Regarder
la vidéo en
italien ou en
Français
Sources : www.vatican.va -
E.S.M.
© Copyright 2008 - Libreria Editrice Vaticana
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 23.05.2008 -
T/Benoît XVI |