4ème Prédication de Carême 2023 du Cardinal Cantalamessa
Le 24 mars 2023 - E.S.M.
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Le cardinal Raniero Cantalamessa, prédicateur de
la maison pontificale, a poursuivi ce vendredi 24 mars
par sa 4ème prédication du temps de Carême 2023, dans
laquelle il s’est focalisé sur la liturgie, la
qualifiant de «ce vers quoi tend l’évangélisation».
Cardinal
Cantalamessa -
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4ème Prédication de Carême 2023 du Cardinal Cantalamessa
Après des prédications sur l'évangélisation et sur la théologie, le
prédicateur de la maison pontificale a axé son quatrième enseignement du
temps de Carême sur la liturgie.
MYSTERIUM FIDEI !
Réflexions sur la liturgie
4ème Quatrième prédication de Carême 2023
Après celles sur l'évangélisation et sur la théologie, je voudrais
vous proposer aujourd'hui quelques réflexions sur la liturgie et le
culte de l'Église, toujours dans l'intention d'apporter une
contribution - aussi modeste et indirecte soit-elle - aux travaux du
Synode. La liturgie est le point d'arrivée, c’est-à-dire ce vers
quoi tend l'évangélisation. Dans la parabole de l'Évangile, les
serviteurs sont envoyés sur les routes et aux croisées des chemins
pour inviter tous les hommes au banquet. L'Église est la salle du
banquet et l'Eucharistie, « le repas du Seigneur » qui y est
préparé.
Nous partons, pour notre réflexion, d'une parole de la Lettre aux
Hébreux : pour s'avancer vers Dieu - dit-elle - il faut d'abord «
croire qu'il existe ». Mais avant même de croire qu'il existe (ce
qui manifeste déjà qu’on s’en est approché), il est nécessaire
d'avoir au moins « eu vent » de son existence. C'est ce que nous
appelons le sens du sacré et ce qu'un auteur célèbre appelle le «
numineux », le qualifiant de « mystère immense et fascinant ». Saint
Augustin a étonnamment anticipé cette découverte de la
phénoménologie religieuse moderne. S'adressant à Dieu dans les
Confessions, il dit : « Dès que je pus vous découvrir […] je
frissonnais d’amour et d’horreur : contremui amore et orrore ». Et
encore : « elle me glace d’épouvante, et m’embrase d’amour (et
inhorresco et inardesco) : épouvante, en tant que je suis si loin ;
amour, en tant que je suis plus près . »
Si le sens du sacré venait à manquer, viendrait à manquer aussi le
terreau ou le climat dans lequel s'épanouit l'acte de foi. Charles
Péguy a écrit que « l'effrayante rareté et l'indigence du sacré
sont la marque profonde du monde moderne ». Si le sens du sacré
a chuté, il en est resté cependant le regret de ce que quelqu'un a
appelé, de manière séculaire, la « nostalgie du totalement autre »
(Max Horkheimer).
Plus que quiconque, les jeunes ressentent ce besoin d'être
transportés hors de la banalité du quotidien, de s'évader, et ils
ont inventé leurs propres moyens de satisfaire ce besoin. Les
spécialistes de la psychologie de masse ont observé que les jeunes
qui participèrent à des concerts de rock célèbres - comme ceux des
Beatles, d'Elvis Presley ou le festival de Woodstock en 1969 -
furent transportés hors de leur monde quotidien et projetés dans une
dimension qui leur donnait l'impression de quelque chose de
transcendant et de sacré.
Il n'en va pas différemment pour ceux qui assistent aujourd'hui à
des méga-rassemblements de chanteurs et de groupes. Le fait d’être
très nombreux et de vibrer à l'unisson d'une foule amplifie leur
émotion à l’infini. On a le sentiment de faire partie d'une réalité
différente, supérieure, qui donne lieu à une sorte de « dévotion ».
Le terme « fan » (abréviation de fanatic, c’est-à-dire fanatique)
est l'équivalent sécularisé de « dévot ». La qualification d' «
idoles » donnée à leurs chanteurs favoris correspond profondément à
la réalité.
Ces rassemblements de masse peuvent avoir leur valeur artistique et
véhiculer parfois des messages nobles et positifs, comme la paix et
l'amour. Ce sont des « liturgies », au sens premier et profane du
terme, c'est-à-dire des spectacles offerts au public, par devoir ou
pour en attirer les faveurs. Mais elles n'ont rien à voir avec
l'expérience authentique du sacré. Dans le titre « Divine Liturgie
», on a ajouté l'adjectif divin précisément pour la distinguer des
liturgies humaines. Il y a une différence qualitative entre les
deux.
Essayons de voir par quels moyens l'Église peut être, pour les
hommes d'aujourd'hui, le lieu privilégié d'une véritable expérience
de Dieu et du transcendant. La première occasion à laquelle nous
pensons, également en raison de la similitude extérieure, ce sont
les grands rassemblements promus par les différentes Églises
chrétiennes. Pensons, par exemple, aux Journées Mondiales de la
Jeunesse et aux innombrables événements - congrès, conventions et
rassemblements - auxquels participent des dizaines (parfois des
centaines) de milliers de personnes dans le monde entier. On ne
compte pas le nombre de personnes pour qui ces événements ont été
l'occasion d'une expérience forte de Dieu et le début d'une relation
nouvelle et personnelle avec le Christ.
Ce qui fait la différence entre ce type de rencontres de masse et
celles décrites ci-dessus, c'est qu'ici le protagoniste n'est pas
une personnalité humaine, mais Dieu. Le sens du sacré que l'on y
expérimente est le seul vraiment authentique, et non un succédané,
car il est suscité par le Saint des Saints et non par une « idole ».
Il s'agit toutefois d'événements extraordinaires, auxquels tout le
monde ne peut pas toujours participer. L'occasion par excellence et
la plus courante, pour faire l'expérience du sacré dans l'Église,
c’est la liturgie. La liturgie catholique s'est transformée en peu
de temps, passant d'une action à forte empreinte sacrale et
sacerdotale à une action plus communautaire et participative, où
tout le peuple de Dieu joue son rôle, chacun avec son propre
ministère.
Je voudrais essayer de dire comment je vois et comment je m’explique
ce changement. Il ne s'agit en aucun cas de s'ériger en juge du
passé, mais de mieux comprendre le présent. Le présent de l'Église
n'est jamais une négation du passé, mais un enrichissement de
celui-ci ; ou, comme dans le cas présent, un dépassement du passé
récent pour retrouver le passé plus ancien et originel.
Dans l'évolution de l'Église comprise comme peuple, il se passe
quelque chose de semblable à ce qui se passe avec l'Église comprise
comme bâtiment. Nous pensons à certaines basiliques et cathédrales
célèbres : combien de transformations architecturales au cours des
siècles pour répondre aux besoins et aux goûts de chaque époque !
Mais c’est toujours la même Église, dédiée au même saint. S'il y a
bien une tendance générale à l'époque moderne, c'est de restaurer
ces édifices - chaque fois que c'est possible et que cela en vaut la
peine - en leur redonnant leur structure et leur style d'origine. La
même tendance est en cours pour l'Église en tant que peuple de Dieu
et en particulier pour sa liturgie. Le Concile Vatican II en a été
un moment décisif, mais pas un début absolu. Il a recueilli les
fruits de nombreux travaux antérieurs.
Il ne s'agit certes pas d'entrer ici dans l'histoire séculaire de la
liturgie - d'autres l'ont fait, et du point de vue qui nous
intéresse . Je voudrais simplement souligner l'évolution qui
concerne le sens du sacré. Au début de l'Église et pendant les trois
premiers siècles, la liturgie est bien une « liturgie »,
c'est-à-dire une action du peuple (la racine laos, peuple, est parmi
les composantes étymologiques de leitourgia). À partir de saint
Justin, de la Traditio Apostolica de saint Hippolyte et
autres sources de l'époque, nous obtenons une vision de la Messe
certainement plus proche de la vision réformée d'aujourd'hui que de
celle des siècles passés. Que s'est-il passé depuis lors ? La
réponse se trouve dans un mot que nous ne pouvons pas éviter, même
s'il est sujet à des abus : la cléricalisation ! Dans aucun autre
domaine, elle n'a agi de manière plus visible que dans la liturgie.
Le culte chrétien, et en particulier le sacrifice eucharistique, est
rapidement passé, en Orient comme en Occident, d'une action du
peuple à une action du clergé. Pendant des siècles et des siècles,
la partie centrale de la Messe, le Canon, était prononcé en latin
par le prêtre à voix basse, derrière un rideau ou un mur (un temple
dans le temple !), hors de la vue et de l'écoute du peuple. Le
célébrant n'élevait la voix qu'aux derniers mots du Canon : "Per
omnia saecula saeculorum", et le peuple répondait « Amen ! » à ce
qu'il n'avait pas entendu, et encore moins compris. Le seul contact
avec l'Eucharistie, annoncé par la sonnerie des cloches ou des
carillons, était le moment de l'élévation de l'Hostie. Il y a là un
retour évident à ce qui se passait dans le culte de l'Ancien
Testament, lorsque le Grand-Prêtre entrait dans le Sancta sanctorum,
avec l'encens et le sang des victimes, et que le peuple se tenait à
l'extérieur, tremblant, envahi par le sens de la majesté et de
l'inaccessibilité de Dieu.
Le sens du sacré est ici très fort, mais après le Christ, est-il
juste et authentique ? C’est là la question cruciale. La Lettre aux
Hébreux dit : « Vous n'êtes pas venus vers […] le feu […]
l'obscurité, les ténèbres ni l'ouragan, pas de son de trompettes ni
de paroles prononcées […] Le spectacle était si effrayant que Moïse
dit : Je suis effrayé et tremblant . Vous êtes venus vers Jésus, le
médiateur d'une alliance nouvelle, et vers le sang de l'aspersion,
son sang qui parle plus fort que celui d'Abel . » Le Christ a
pénétré au-delà du voile et n'a pas refermé la brèche derrière lui .
Le sacré a changé sa façon de se manifester : non plus comme un
mystère de majesté et de puissance, mais comme une capacité infinie
d'effacement, de dissimulation. Après la consécration, le célébrant
dit ou chante : « Il est grand le mystère de la foi ! » Certains
d'entre nous, parmi les plus anciens, se souviendront que cette
exclamation se trouvait même insérée au milieu de la formule de
consécration du vin : "Hic est enim calix sanguinis mei, novi et
aeterni testamenti - Mysterium fidei ! - qui pro vobis et pro multis
effundetur in remissionem peccatorum". Comme si l'Eglise
s'arrêtait, à mi-parcours, étonnée de ce qu'elle était en train de
dire !
La réforme a bien fait, bien sûr, de déplacer cette exclamation à la
fin de la consécration, mais nous ne devrions pas perdre le sens de
l'étonnement contenu dans cette exclamation et surtout comprendre
quelle doit être la véritable raison de notre étonnement. Elle doit
être du même ordre que celle que nous lisons dans les chants du
serviteur de l’Éternel :
Il étonnera de même une multitude de
nations ;
devant lui les rois resteront bouche
bée,
car ils verront ce que, jamais, on ne
leur avait dit,
ils découvriront ce dont ils
n'avaient jamais entendu parler .
Admiration et émerveillement, oui, mais devant quoi ? Non pas la
majesté, mais l'humiliation du Serviteur ! François d'Assise était
bien de ceux qui éprouvaient ce sentiment aigu : « Que tout homme
craigne » – écrivait-il dans une lettre à tout son Ordre – « que le
monde entier tremble, et que le ciel exulte, quand le Christ, Fils
du Dieu vivant, est sur l’autel entre les mains du prêtre ! » Mais «
craindre et trembler » pour quoi ? Écoutons ce qui suit : « O
humilité sublime, O humble sublimité ! Le maître de l’univers, Dieu
et Fils de Dieu, s’humilie pour notre salut, au point de se cacher
sous une petite hostie de pain ! Voyez, frères, l’humilité de Dieu .
»
Il s'agit seulement de ne pas gaspiller cette opportunité qu’offre
la liturgie renouvelée avec des improvisations arbitraires et
bizarres, et de garder la sobriété et la sérénité nécessaires, même
lorsque la Messe est célébrée dans des situations et des contextes
particuliers.
Dans toutes les prières eucharistiques passées et présentes,
l'invitation qui suit immédiatement la consécration est toujours de
se souvenir : "Unde et memores", « faisant donc mémoire ». C'est la
réponse au commandement de Jésus : « Faites ceci en mémoire de moi !
» Mais de lui, de quoi devons-nous surtout nous souvenir ? « Ainsi
donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette
coupe, vous proclamez la mort du Seigneur . »
Essayons d'aller une fois au-delà des mots, ou plutôt de donner aux
mots un contenu existentiel et pas seulement rituel. Revenons au
moment où Jésus les a prononcés ; cherchons - dans la mesure où les
récits évangéliques nous permettent de le savoir - à saisir dans
quelles conditions intérieures cette parole « Faites ceci en mémoire
de moi » est sortie de la bouche du Rédempteur. Il voit clairement
vers quoi il s'avance. Plusieurs fois il en a parlé, mais comme de
loin. Le moment est maintenant venu ; il n'y a même plus de temps
pour atténuer l'angoisse. Les paroles : « Ceci est la coupe de
mon sang » ne laissent aucun doute. C'est quelqu'un qui va à la
mort, et à une mort atroce. "Qui pridie quam pateretur" : «
la veille de sa passion »....
Et que se passe-t-il autour de lui ? Les apôtres trouvent le moyen
de se disputer à nouveau pour savoir qui est le plus grand , comme
des frères qui se querellent pour se partager l'héritage autour du
lit de mort de leur père. L'un d'eux, dans quelques heures, le
vendra pour trente deniers : "In qua nocte tradebatur" : la
nuit où il était livré. C'est dans ces conditions qu'il institue le
sacrement par lequel il s'engage à rester avec les siens jusqu'à la
fin du monde. Où trouver un mystère plus « immense et fascinant »
que celui-là ? Le jour où le Seigneur nous permettra, ne serait-ce
qu'un instant, de jeter un regard au fond de cet abîme d'amour et de
douleur, je crois que nous ne pourrons plus vivre comme avant. Cela
explique pourquoi le Père Pio de Pietrelcina semblait peiner pendant
la Messe et ne pas pouvoir terminer la consécration.
Mais nous devons maintenant achever notre relecture de la Messe.
Elle n'est pas seulement constituée du Canon avec la consécration,
il y a aussi la Liturgie de la Parole et la Communion. Nous avons à
notre disposition des moyens que nous n'avions pas dans le passé,
pour mettre en valeur la Liturgie de la Parole et en faire aussi
l'occasion d'une expérience du sacré. Grâce au chemin que l'Église a
parcouru entre-temps dans de nombreux domaines, nous avons un accès
nouveau, plus direct, à la Parole de Dieu. Elle peut résonner avec
plus de richesse et d'intelligence que par le passé.
La liturgie d'aujourd'hui est très riche en Parole de Dieu, sagement
disposée, selon l'ordre de l'histoire du salut, dans un cadre de
rites souvent restaurés dans la linéarité et la simplicité des
origines. Nous devons tirer le meilleur parti de ces moyens. Rien ne
peut toucher plus profondément le cœur de l'homme et lui faire
sentir la réalité transcendante de Dieu qu'une Parole vivante de
Dieu, La liturgie d'aujourd'hui est très riche en Parole de Dieu,
sagement disposée, selon l'ordre de l'histoire du salut, dans un
cadre de rites souvent restaurés dans la linéarité et la simplicité
des origines. Nous devons tirer le meilleur parti de ces moyens.
Rien ne peut toucher plus profondément le cœur de l'homme et lui
faire sentir la réalité transcendante de Dieu qu'une Parole vivante
de Dieu, proclamée avec foi, au cours de la liturgie et qui touche
la vie. La foi - dit saint Paul – naît de ce que l’on écoute,
c’est-à-dire de la parole du Christ : Fides ex auditu .
Certaines paroles de Jésus, peut-être entendues un peu plus tôt dans
l'Évangile du jour, reviennent résonner dans le cœur au moment de la
consécration, comme si elles étaient prononcées à nouveau par leur
auteur vivant et réellement présent sur l'autel. Je me souviendrai
toujours du moment où, après avoir commenté dans l'Évangile les
paroles de Jésus : « Il y a ici bien plus que Jonas, […] il y a
ici bien plus que Salomon », en me relevant de ma génuflexion
après la consécration, je m’exclamai intérieurement, convaincu et
plein d'étonnement : « Il y a ici bien plus que Salomon ! »
La lecture de l'Ancien Testament, qui fait pendant avec le passage
de l'Évangile, libère également des significations nouvelles et
éclairantes. Dans le passage de la figure à la réalité, l'esprit -
disait saint Augustin - s'illumine comme « une torche en mouvement
». Comme aux deux disciples d'Emmaüs, Jésus continue à nous
expliquer « dans toute l’Écriture, ce qui le concernait ».
Et puis, disais-je, la Communion. Comment la liturgie peut-elle
faire, de ce moment aussi, l'occasion d'une expérience du sacré, non
seulement au niveau individuel, mais aussi communautaire ? Je
dirais, avec le silence. Il y a deux sortes de silence : un silence
que nous pouvons appeler ascétique et un silence mystique. Un
silence par lequel la créature cherche à s'élever jusqu'à Dieu, et
un silence provoqué par Dieu qui se fait proche de la créature. Le
silence qui suit la Communion est un silence mystique, comme celui
que l’on observe dans les théophanies de l'Ancien Testament. Après
la Communion, nous devrions nous redire les paroles du prophète
Sophonie (1, 7) : « Silence devant le Seigneur Dieu ! » Il ne
devrait jamais manquer un moment, même bref, de silence absolu après
la Communion.
La tradition catholique a ressenti le besoin de prolonger et de
donner plus d'espace à ce moment de contact personnel avec le Christ
eucharistique et a développé au cours des siècles, surtout à partir
du XIIIème siècle, le culte de l'Eucharistie en dehors de la Messe.
Il ne s'agit pas d'un culte à part, détaché et indépendant du
sacrement, mais il s’agit de continuer à « faire mémoire » du
Christ, de ses mystères et de ses paroles, une manière de « recevoir
» Jésus toujours plus profondément dans notre vie. Une manière
d'intérioriser le mystère reçu. L'adoration eucharistique est le
signe le plus clair que l'humilité du Christ et son abaissement dans
l'Eucharistie ne nous font pas oublier que nous sommes en présence
du « Très Saint », de celui qui, avec le Père et le Saint-Esprit, a
créé le ciel et la terre.
Là où l’adoration eucharistique est pratiquée - par les paroisses,
les individus et les communautés - ses fruits sont visibles, même
comme moment d'évangélisation. Une église pleine de fidèles dans un
silence parfait, pendant une heure d'adoration devant le
Saint-Sacrement exposé, ferait dire à quiconque entrerait à ce
moment-là : « Dieu se trouve là ! » Je me souviens du commentaire
d'un non-catholique, à la fin d'une heure d'adoration eucharistique
silencieuse, dans une grande église paroissiale des États-Unis,
remplie de fidèles : « Maintenant je comprends », dit-il à un
ami, « ce que vous, les catholiques, vous voulez dire quand vous
parlez de "présence réelle" ! »
S'il y a une raison pour laquelle je regrette le latin, c'est
qu'avec sa disparition disparaissent certaines hymnes nées pour ces
moments et qui ont servi à des générations de croyants de toutes
langues pour exprimer leur chaleureuse dévotion au Jésus de
l'Eucharistie : l'Adoro te devote, l'Ave verum, le Panis angelicus.
Ils ne survivent aujourd'hui presque que grâce à la musique que des
artistes célèbres ont écrite pour eux.
Nous, « auxiliaires du Christ et intendants des mystères de Dieu
» et, de différentes manières, tout fidèle impliqué dans le culte de
l'Église, nous pourrions nous sentir écrasés et impuissants devant
une tâche aussi sublime. Nous en avions toutes les raisons. Comment
aider les gens aujourd'hui à faire une expérience du sacré et du
surnaturel dans la liturgie, nous qui connaissons en nous-mêmes
toute la pesanteur de la chair et sa nature réfractaire à l'esprit ?
Là aussi, la réponse est toujours la même : « Vous recevrez la force
de l'Esprit Saint ! » Lui que l’on définit comme « l'âme de l'Église
», est aussi l'âme de sa liturgie, la lumière et la force des rites.
C'est un cadeau que la réforme liturgique de Vatican II ait placé
l'épiclèse - c'est-à-dire l'invocation de l'Esprit Saint - au cœur
de la Messe : d'abord sur le pain et sur le vin, puis sur tout le
corps mystique de l'Église. J'ai un grand respect pour la vénérable
prière eucharistique du Canon Romain et j'aime l’employer encore
parfois, puisque c'est avec elle que j'ai été ordonné prêtre. Je ne
peux cependant qu’y constater avec regret l'absence totale de
l'Esprit Saint. Au lieu de l'épiclèse consécratoire sur le pain et
sur le vin, nous y trouvons la formule générique : « Sanctifie
cette offrande par la puissance de ta bénédiction... »
C'était là aussi une triste conséquence de la polémique entre
l'Orient et l’Occident. Autrefois, cela nous a poussés, nous les
Latins, à mettre entre parenthèses le rôle de l'Esprit Saint pour
attribuer toute l'efficacité aux paroles de l'institution, et cela a
poussé les Grecs à mettre entre parenthèses les paroles de
l'institution pour attribuer toute l'efficacité à l'action du
Saint-Esprit. Comme si le mystère s'accomplissait par une sorte de
réaction chimique dont on peut déterminer le moment exact.
Il est, toutefois, une perle que le Canon Romain a transmise de
génération en génération et que la réforme liturgique a justement
conservée et insérée dans toutes les nouvelles prières
eucharistiques : il s'agit précisément de la doxologie finale : «
Par lui, avec lui et en lui, à toi, Dieu le Père tout-puissant, dans
l'unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire pour les
siècles des siècles » : Per ipsum, cum ipso et in ipso est tibi,
Deo Patri omnipotenti, in unitate Spiritus Sancti, omnis honor et
gloria per omnia saecula saeculorum.
Cette formule exprime une vérité fondamentale que saint Basile a
formulée dans le premier traité écrit sur l'Esprit Saint. « Dans
l'ordre de l'être, ou de la sortie des créatures de Dieu »,
écrit-il, « tout part du Père, passe par le Fils et vient à nous
dans l'Esprit ; dans l'ordre de la connaissance, ou du retour des
créatures à Dieu, tout commence avec l'Esprit Saint, passe par le
Fils Jésus-Christ et retourne au Père ». La liturgie étant le moment
par excellence du retour des créatures à Dieu, tout en elle doit
partir et prendre son élan de l'Esprit Saint.
L'ancien missel contenait toute une série de prières que le prêtre
devait réciter pour se préparer à la Messe. Aujourd'hui, nous ne
pourrions pas mieux nous préparer à la célébration que par une
courte mais intense prière à l'Esprit Saint, afin qu'il renouvelle
en nous l'onction sacerdotale et mette dans nos cœurs le même élan
qu'il a mis dans le cœur du Christ de nous offrir au Père en
sacrifice de bonne odeur. L'épître aux Hébreux dit que Jésus, «
poussé par l'Esprit éternel, s'est offert lui-même à Dieu comme une
victime sans défaut ». Prions afin que ce qui s'est passé dans
la Tête puisse aussi se réaliser en nous, membres de son Corps.
Traduit en Française par Cathy
Brenti de la Communauté des Bèatitudes.
Revoir la 4ème prédication de Carême du cardinal Raniero
Cantalamessa
A relire :
-
1ère Prédication de Carême du Cardinal Cantalamessa
-
2ème Prédication de Carême 2023 du Cardinal Cantalamessa
-
3ème Prédication de Carême 2023 du Cardinal Cantalamessa
-
5ème Prédication de Carême 2023 du cardinal Cantalamessa
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Sources : ktotv.com
- E.S.M.
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constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.)
24.03.2023