Motu Proprio : Benoît XVI et la «
paix liturgique » |
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Le 23 septembre 2008 - (E.S.M.) -
En publiant le motu proprio Summorum Pontificum, Benoît XVI a
cherché à établir la paix liturgique et à créer un mouvement de
resacralisation de la liturgie. C'est un texte de grande portée qui
appelle chacun à faire un geste et à se remettre en cause.
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Le pape Benoît XVI
ans la cathédrale d'Albano-
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Motu Proprio : Benoît XVI et la « paix liturgique »
Les deux formes du rite romain :
Quelle cohabitation ?
par Christophe Geffroy
Le 23 septembre 2008 - Eucharistie
Sacrement de la Miséricorde
- Le motu proprio Summorum Pontificum est entré en
application il y a un an, le 14 septembre 2007. Il est sans doute trop tôt
pour tirer un bilan, mais non pour s'interroger sur l'avenir des deux formes
liturgiques du rite romain, de leur cohabitation, de leur enrichissement
mutuel comme le pape l'espérait. À l'occasion de ce premier anniversaire,
Christophe Geffroy publie à la mi-septembre au Cerf un essai sur ces
questions, intitulé Benoît XVI et "la paix liturgique". Le texte qui
suit est un extrait en avant-première de la conclusion de ce livre.
L'objection immédiate souvent entendue, notamment de la part d'évêques, est
que l'institutionnalisation de deux formes du même rite risque de diviser
les communautés diocésaines. Dans l'histoire de l'Église latine, la
diversité liturgique a été cependant bien plus fréquente que l'unité de
rite. En France, il a fallu attendre le XIXe siècle pour voir le rite romain
de saint Pie V s'imposer partout au détriment des nombreuses liturgies
gallicanes. La pluralité liturgique n'est donc pas obligatoirement un
ferment de division, elle n'est pas un obstacle en soi à la communion
ecclésiale. Quoi qu'il en soit, dans sa
Lettre aux évêques accompagnant le
Motu Proprio, Benoît XVI a clairement répondu que
cette crainte de voir des « désordres » ou des « fractures dans les
communautés paroissiales » n'était pas fondée. Et de fait, l'expérience
montre que plus les communautés « traditionnelles » ont été bien
accueillies, meilleure a été leur intégration dans le diocèse. Il reste
néanmoins du chemin à parcourir de part et d'autre pour rentrer dans
l'esprit de paix auquel nous convie le pape.
D'abord de la part de beaucoup d'évêques qui, dans leur diocèse, devraient
être comme des pères pour leurs ouailles : c'est à eux les premiers de
manifester un geste d'amour et d'accueil à l'égard de toutes les
sensibilités liturgiques légitimes reconnues par l'Église - même si parfois
certains défenseurs de la forme extraordinaire n'ont pas toujours été
suffisamment respectueux de leur autorité. Jusqu'à maintenant, dans
l'immense majorité des cas, la présence d'une forte communauté attachée à la
liturgie tridentine n'a jamais été considérée comme une richesse pour un
diocèse, mais comme un danger à contenir en essayant surtout d'éviter sa
croissance. Le motu proprio Summorum Pontificum, pourtant très explicite,
n'a pas encore changé les mentalités et les pratiques : alors que ce texte
laisse l'initiative aux curés, ceux-ci, dans nombre de diocèses, ne peuvent
répondre librement aux demandes qui leur sont adressées en raison d'une
politique restrictive mise en place par les évêques ou leurs vicaires
généraux. La messe tridentine continue de faire peur : peur surtout de la
voir se développer un peu partout si elle n'était plus entravée, d'où ces
attitudes mesquines et cette volonté de freiner le développement de ce
mouvement favorable à l'ancien Ordo. Lorsque les évêques (et leur clergé,
parfois bien plus hostile que l'Ordinaire lui-même) considéreront la
présence de ces communautés « traditionnelles » comme une richesse et non
comme un handicap ou une « concurrence », une étape essentielle aura été
franchie.
Cela suppose aussi de prendre en compte la diversité de la galaxie «
traditionaliste » et de cesser les amalgames qui n'ont guère de sens - le
but étant de discréditer cette mouvance qui serait davantage dirigée par
certaines idées politiques que par des convictions religieuses - ou de
comprendre enfin qu'aujourd'hui la majorité de ces fidèles n'a plus une
hostilité de principe au Concile Vatican II - leur évolution allant de toute
façon dans le bon sens, vers une reconnaissance du Magistère
post-conciliaire. Ces communautés traditionnelles, si elles n'étaient pas
méprisées, marginalisées ou ignorées, s'il y avait une stratégie pastorale
concertée pour les intégrer véritablement à la vie du diocèse, pourraient
être un apport réel: outre la liturgie qu'elles contribueraient à «
resacraliser », elles sont le plus souvent formées de familles nombreuses et
jeunes qui ont un dynamisme certain pour le catéchisme souvent en crise
ailleurs, le scoutisme, la création d'écoles libres totalement catholiques,
sans compter que naît en leur sein un nombre de vocations
proportionnellement supérieur aux moyennes diocésaines. Il serait temps de
rendre un jour un hommage à ces fidèles qui ont su résister au vent de folie
qui a soufflé durant les années 60-80 et qui ont maintenu contre vents et
marée un riche patrimoine liturgique avec une indéfectible fidélité à
l'Église et à Rome.
Les catholiques attachés à la forme extraordinaire ont eux aussi un bout de
chemin à parcourir. Il doit être parfaitement clair qu'il ne peut y avoir de
remise en cause fondamentale de l'enseignement du concile Vatican II et des
papes, de Jean XXIII à Benoît XVI. Certes, une critique argumentée et non
polémique de certains aspects du Magistère a non seulement toujours été
possible, mais elle est même un service rendu quand elle est réalisée dans
l'esprit de l'Église et le respect des autorités. Le même état d'esprit est
nécessaire face à la réforme liturgique de Paul VI. Il nous paraît légitime
et même nécessaire de présenter des critiques argumentées et constructives
du nouvel Ordo Missae, comme le cardinal Ratzinger, le Père Bouyer,
Mgr Gamber ou le Père Nichols, par exemple, l'ont fait. Mais leurs critiques
n'ont jamais été jusqu'à remettre en cause la nouvelle messe elle-même au
point que ce serait un témoignage que de ne jamais la célébrer! Leurs
critiques ne les ont jamais empêchés de voir la réforme comme une liturgie
reçue par l'Église et donc forcément légitime et orthodoxe: tous,
d'ailleurs, la célèbrent
(ou l'ont célébrée pour les défunts)
habituellement. C'est un point capital sur lequel le cardinal Ratzinger a
été très clair en traçant la limite à ne pas franchir: « l'expression du
désir d'une nouvelle révision est possible [...]. Mais ceci à
condition que la critique n'empêche pas et ne détruise pas l'obéissance, et
qu'elle ne mette pas en discussion la légitimité de la liturgie de l'Église
». « Pour que la diversité
[liturgique]
ne brise pas l'unité, écrit le P. Robert Cabié, il
est nécessaire qu'elle ne soit mêlée d'aucune suspicion à l'égard des autres
traditions ».
[Il y a ici une citation du Père Serge-Thomas Bonino qui
explique pourquoi on ne peut juger le nouveau missel déficient d'un point de
vue de la foi en l'Église, ndlr.] [...]
C'est la raison pour laquelle l'autorité ne peut accepter que des prêtres
jettent un doute grave sur la liturgie que le pape lui-même célèbre pour
justifier d'user exclusivement de l'ancien missel. On pourrait comprendre
que pour faciliter le retour dans l'Église des prêtres de la Fraternité
Saint-Pie X, Rome accepte de leur garantir la pratique exclusive de l'ancien
missel - ce qu'elle a fait avec l'Institut du Bon Pasteur créé en septembre
2006 par d'anciens membres de la Fraternité fondée par Mgr Lefebvre. Mais
cela crée une ambiguïté détestable, une exception sur laquelle d'autres
s'appuient, si bien qu'un tel engagement ne pourrait avoir qu'un temps - car
il faudrait espérer que la grâce de la communion retrouvée éclairerait peu à
peu les esprits et les ouvrirait à une attitude plus ecclésiale. Dans le cas
des autres instituts bénéficiant de l'usage de la liturgie tridentine, une
position totalement rigide en faveur d'un usage exclusif des anciennes
formes liturgiques est intenable. D'abord pour les raisons de fond évoquées
plus haut, mais aussi pour des raisons pastorales et pratiques. C'est la
place de ces Instituts dans la vie de l'Église qui est ainsi posée. Ces
Instituts apportent une richesse réelle à l'Église et ont un niveau de
formation assez supérieur à la moyenne des séminaires; de plus, ils sont
pour le moment les seuls à former des prêtres, non seulement pour célébrer
selon la forme extraordinaire du rite romain, mais aussi dans l'esprit très
contemplatif de cette liturgie tridentine, sans parler du catéchisme qu'ils
enseignent de façon traditionnelle, attirant ainsi de nombreuses familles
lassées de l'indigence des catéchismes diocésains officiels : leur
légitimité n'est donc pas en cause. Elle l'est d'autant moins qu'ils sont
appelés à jouer un rôle croissant dans les diocèses, le motu proprio
Summorum Pontificum apportant la garantie de la pérennité de l'ancienne
forme liturgique - au moins jusqu'à une éventuelle « réforme de la réforme »
- qui est elle-même appelée à se développer dans l'avenir.
Certes, il est indispensable que la forme extraordinaire soit également
célébrée dans les paroisses par des curés diocésains, mais cela n'est pas
contradictoire avec un accueil généreux de ces Instituts, comme les diocèses
le font par exemple pour les communautés charismatiques: il y a largement
assez d'espaces - c'est un euphémisme vu le manque de prêtres - pour que la
forme extraordinaire soit célébrée à la fois par des prêtres de ces
Instituts et par des prêtres diocésains. Le motu proprio devrait normalement
conduire à la « banalisation » de la messe tridentine et donc à sa
réintroduction progressive dans les paroisses. C'est un point essentiel, car
il n'est pas bon que les « traditionalistes » demeurent très majoritairement
déconnectés de leurs paroisses géographiques. Une paroisse d'élection, où
les fidèles viennent parfois de loin, ne peut avoir le même fonctionnement
et le même rayonnement missionnaire qu'une paroisse où les fidèles, étant
sur place, connaissent les gens, contribuent à la vie locale et aux œuvres
d'évangélisation et de charité. Certes, les paroisses d'élection ont leur
légitimité et sont parfois la seule solution viable actuellement, mais leur
multiplication risquerait de favoriser la tentation du « ghetto ». La
paroisse géographique - au sens large du terme - demeure la structure de
base indispensable de l'Église et il est important que les «
traditionalistes » s'y retrouvent et s'y investissent. Cela signifie que des
paroisses géographiques puissent aussi être confiées à des prêtres célébrant
habituellement la forme extraordinaire, comme cela se fait par exemple pour
des prêtres du Renouveau charismatique.
Le nouvel Ordo
Dans ce contexte nouveau où est recherchée la paix liturgique, on a du mal à
comprendre le , ^ blocage de certains de ces prêtres [fi « traditionnels »
qui refusent toute r | célébration du nouvel Ordo - donc I aussi la
concélébration de la messe J chrismale avec l'évêque. En quoi le charisme de
ses Instituts serait-il atteint ou trahi si l'un de leurs prêtres célèbre
cette messe ? Comment répondre à la volonté de paix du pape Benoît XVI, instituer un
respect réciproque et multiplier les ponts si l'on refuse systématiquement
la célébration d'une autre forme du même rite ? Si ces prêtres sont vraiment
persuadés de la richesse de la forme extraordinaire et de son bienfait pour
l'Église, ils ne devraient pas avoir peur de l'autre forme, y compris en la
célébrant s'il y a nécessité.
Cette question de la célébration du nouvel Ordo se posera pour ces Instituts
de façon de plus en plus pressante avec le temps. Il suffit d'observer la
situation des diocèses dans un pays comme la France. Nous allons vers une «
désertification » spirituelle effrayante: rapidement, un certain nombre de
diocèses n'auront plus que quelques dizaines de prêtres âgés, aussi chacun
d'entre eux sera soumis à une charge très lourde. Que feront les Instituts
traditionnels si des évêques, n'ayant personne d'autre, les appellent à la
rescousse en leur donnant carte blanche sur le plan liturgique ?
Refuseront-ils ces missions au prétexte que les paroisses qu'on leur propose
ne connaissent pas la forme extraordinaire et qu'il n'est pas possible de
l'imposer du jour au lendemain à des fidèles qui n'y sont pas préparés ? À
terme, une telle attitude ne pourrait qu'apparaître scandaleuse, comme une
réponse de nantis ignorant la pauvreté ambiante, bref un comportement
anti-missionnaire, un refus de participer à la nécessaire réévangélisation
des diocèses: ce serait un peu comme s'il n'y avait plus de logements, mais
que les prêtres de ces Instituts demandaient toujours à vivre dans des
hôtels cinq étoiles. Les paroisses ou chapelles traditionnelles sont
aujourd'hui très favorisées, car les fidèles qui les fréquentent
représentent une frange privilégiée du catholicisme: ils sont généralement
assez bien formés, acceptent le Credo sans l'ombre d'un doute, assurent de
bons catéchismes, se confessent régulièrement et ils disposent d'un prêtre
pour un nombre de chrétiens beaucoup plus faible qu'ailleurs
(de façon très schématique, les « traditionalistes » disposent d'un
prêtre pour 500 fidèles, alors que la moyenne en France est d'environ un
prêtre pour 5000 fidèles, cela monte jusqu'à plus de 10000).
Ces fidèles ont bien évidemment le droit d'avoir des prêtres correspondant à
leur sensibilité. Ce devrait être au demeurant l'intérêt de l'Église
d'encourager de telles communautés, jeunes et dynamiques - qu'elles soient
traditionnelles, charismatiques ou autre -, car elles sont la base
indispensable pour un véritable renouveau chrétien.
Du côté des prêtres, la question se pose différemment. Peut-on trouver
attrayant et même légitime de ne consacrer tout son ministère qu'à des îlots
privilégiés quand tout s'écroule autour de soi ? Un jour ou l'autre, ne
faudra-t-il pas que ces prêtres mettent la main à la pâte et acceptent, au
moins provisoirement dans un premier temps, de célébrer le nouvel Ordo pour
répondre au besoin de ces paroisses vides de prêtres depuis trop
longtemps... avec certes l'idée de former les fidèles à l'ancien missel ? De
tels prêtres pourraient alterner des ministères en milieux traditionnels et
dans les paroisses ordinaires. Mais sauf à se cantonner à long terme dans un
ministère pour catholiques privilégiés, on voit mal comment les Instituts
traditionnels pourront échapper longtemps à ces terribles questions.
Christophe Geffroy
© Cerf, extrait de Benoît XVI et la « paix liturgique » (extrait du
chapitre de conclusion, les notes et références ont ici été enlevées), 320
pages, 24 €. Commandez-le franco de port dès maintenant à La Nef (2 cour des
Coulons, 78810 Feucherolles) ou disponible en librairie vers fin septembre
2008.
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Motu Proprio
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Sources : LA NEF • N°196 SEPTEMBRE 2008
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M. sur Google actualité)
23.09.2008 -
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