Discours de Bartholomée : luttons
ensemble contre la pauvreté et le racisme |
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Cité du Vatican, le 21 octobre 2008 -
(E.S.M.)
- Discours de Bartholomée lors des vêpres dans la Chapelle
Sixtine présidées par le pape Benoît XVI, samedi dernier.
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Le patriarche
Bartholomée Ier
Discours de Bartholomée : luttons ensemble contre la pauvreté et le racisme
Le 21 octobre 2008 - Eucharistie Sacrement
de la Miséricorde
- Le Vatican publie le discours du Patriarche oecuménique Bartholomée Ier lors
des vêpres dans la Chapelle Sixtine présidées par le pape Benoît XVI, samedi
dernier.
Sainteté,
Pères synodaux,
J’éprouve un sentiment d’humilité mais également d’enthousiasme à avoir été
gracieusement invité par Votre Sainteté à m’adresser à la XIIe Assemblée
générale ordinaire du Synode des Évêques, une rencontre historique d’Évêques
de l’Église catholique romaine provenant du monde entier, réunis en un même
lieu afin de méditer sur “la Parole de Dieu” et de délibérer à propos de
l’expérience et de l’expression de cette Parole “dans la vie et la mission
de l’Église”.
Cette aimable invitation de Sa Sainteté à notre modeste personne est un
geste plein de sens et de signification - nous dirions même un événement
historique en soi. C’est en effet la première fois dans l’histoire qu’un
Patriarche oecuménique se voit offrir la possibilité de s’adresser à un
Synode des Évêques de l’Église catholique romaine, et donc de faire partie
de la vie de l’Église soeur à un si haut niveau. Nous considérons cela comme
une manifestation du travail du Saint Esprit qui conduit nos Églises à des
relations réciproques plus étroites et plus profondes et comme une étape
importante en vue de la restauration de notre pleine communion.
Il est bien connu que l’Église orthodoxe attache une importance
ecclésiologique fondamentale au système synodal. Avec la primauté, la
synodalité constitue le pilier du gouvernement de l’Église et de son
organisation. Ainsi que l’a indiqué la Commission internationale conjointe
pour le Dialogue théologique existant entre nos deux Églises dans son
Document de
Ravenne, l’interdépendance entre synodalité et primauté traverse
tous les niveaux de la vie de l’Église : local, régional et universel. Dès
lors, en ayant aujourd’hui le privilège de nous adresser à votre Synode, nos
espoirs augmentent de voir un jour nos deux Églises converger pleinement sur
le rôle de la primauté et de la synodalité dans la vie de l’Église, ce à
quoi notre Commission théologique commune dédie actuellement ses études.
Le thème auquel ce synode épiscopal dédie son travail revêt une
signification cruciale non seulement pour l’Église catholique romaine mais
également pour tous ceux qui sont appelés à témoigner le Christ dans notre
temps. La mission et l’évangélisation demeurent un devoir permanent de
l’Église dans tous les temps et en tout lieu; elles font partie de la nature
de l’Église puisqu’elle est appelée “Apostolique” tout à la fois dans le
sens de l’origine de sa foi, enracinée dans l’enseignement original des
Apôtres, et en ce qu’elle proclame la Parole de Dieu dans tous les contextes
culturels, à tout moment. L’Église doit donc redécouvrir la Parole de Dieu à
chaque génération et l’adresser avec une vigueur et une persuasion
renouvelées à notre monde contemporain qui, au fond de son coeur, a soif du
message de paix, d’espoir et de charité de Dieu.
Ce devoir d’évangélisation serait grandement valorisé et renforcé si tous
les chrétiens se trouvaient dans une position à partir de laquelle ils
pourraient la mener d’une seule voix et comme une Église pleinement unie.
Dans sa prière au Père peu avant Sa passion, notre Seigneur a exprimé
clairement que l’unité de l’Église est inaltérable en ce qui concerne sa
mission “afin que le monde croie” (Jn 17, 21).
Il est donc fort approprié que ce Synode ait ouvert ses portes aux délégués
fraternels oecuméniques de façon à ce que nous puissions tous devenir
conscients de notre mission commune d’évangélisation et des difficultés et
problèmes liés à sa réalisation dans le monde d’aujourd’hui.
Ce Synode a, sans aucun doute, étudié le thème de la Parole de Dieu en
profondeur et dans tous ses aspects, théologique, pratique et pastoral. Dans
notre modeste intervention, nous nous limiterons à partager avec vous des
réflexions sur le thème de notre rencontre, partant de la manière dont la
tradition orthodoxe l’a approché au cours des siècles et en particulier à
partir des enseignements de la patristique grecque. Plus concrètement, nous
voudrions nous concentrer sur trois aspects du thème, à savoir, l’écoute
et la proclamation de la Parole de Dieu au travers des Écritures Saintes; la
contemplation de la Parole de Dieu dans la nature et par dessus tout dans la
beauté des icônes et enfin l’expérience et le partage de la
Parole de Dieu dans la communion des saints et la vie sacramentelle de
l’Église. Nous estimons qu’ils sont tous fondamentaux dans la vie et la
mission de l’Église.
Ce faisant, nous cherchons à partir de la riche tradition patristique datant
du début du IIIe siècle et qui expose une doctrine de cinq sens spirituels.
Écouter la Parole de Dieu, contempler la Parole de Dieu et toucher la Parole
de Dieu sont autant de manières spirituelles de percevoir l’unique mystère
divin. Se basant sur le livre des Proverbes (2, 5)
à propos de “tu trouveras la connaissance de Dieu” , Origène
d’Alexandrie s’exclame : Ce sens se révèle comme la vue pour la contemplation
des formes immatérielles, l’écoute pour le discernement des voix, le goût
pour savourer le pain vivant, l’odorat pour sentir de doux parfums
spirituels et le toucher pour manier la Parole de Dieu qui est comprise par
toutes les facultés de l’âme.
Les sens spirituels sont décrits de manière diverses comme “cinq sens de
l’âme”, facultés “divines” ou “facultés intérieures” et même comme “facultés
du coeur” ou de l’“esprit”. Cette doctrine a inspiré la théologie des
Cappadociens (spécialement Basile le Grand et Grégoire de
Nysse) tout comme il l’a fait pour la théologie des Pères du
Désert (en particulier Évagre le Pontique et Macaire le
Grand).
1. Écouter et proclamer la Parole de Dieu au
travers de l’Écriture
Lors de chaque célébration de la Divine Liturgie de Saint Jean Chrysostome,
le célébrant qui préside l’Eucharistie prie “que nous soyons rendus dignes
d’écouter le Saint Évangile”. C’est pourquoi, “ce que nous avons entendu, ce
que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé, ce que nos mains
ont touché du Verbe de vie” (1Jn 1,1) n’est pas
d’abord et avant tout l’une de nos facultés ou un droit en tant qu’êtres
humains; c’est un privilège et un don en tant qu’enfants du Dieu vivant.
L’Église chrétienne est, avant tout, une Église scripturaire. Même si les
méthodes d’interprétation ont pu varier d’un Père de l’Église à l’autre,
d’une ”école” à l’autre et entre l’Orient et l’Occident, l’Écriture était
toujours reçue comme une réalité vivante et non pas comme lettre morte.
Dans le contexte d’une foi vivante donc, l’Écriture est le témoin vivant
d’une histoire vécue parlant du rapport entre un Dieu vivant et son peuple
vivant. La Parole “qui a parlé par les prophètes” (Symbole
de Nicée-Constantinople) a parlé en vue d’être écoutée et d’être
suivie d’effet. Il s’agit tout d’abord d’une communication orale et directe
conçue pour des destinataires humains. Le texte écrit est, par suite, dérivé
et secondaire; le texte écrit est toujours au service de la parole
prononcée. Elle n’est pas transmise de manière mécanique mais communiquée de
génération en génération comme une parole vivante. Par la bouche du prophète
Isaïe, le Seigneur promet :
“De même que la pluie et la neige descendent des cieux et n'y retournent pas
sans avoir arrosé la terre ... ainsi en est-il de la parole qui sort de ma
bouche, elle ne revient pas vers moi sans effet, sans avoir accompli ce que
j'ai voulu” (Is 55, 10-11).
De plus, ainsi que l’explique Saint Jean Chrysostome, la Parole divine
démontre la profonde considération
pour la diversité des personnes et des contextes culturels de ceux qui
écoutent et reçoivent. L’adaptation de la Parole divine à la capacité
spécifique personnelle et le contexte culturel particulier définit la
dimension missionnaire de l’Église qui est appelée à transformer le monde
par la Parole. En silence comme par le biais de déclarations, en prière ou
en actes, la Parole divine s’adresse au monde entier, “de toutes les nations
faites des disciples”
(Mt 28, 19)
sans aucun privilège ou préjudice de race, de culture, de sexe ou de classe.
Lorsque nous portons à terme ce mandat divin, nous sommes assurés que “voici
que je suis avec vous pour toujours” (Mt 28, 20).
Nous sommes appelés à proclamer la Parole divine dans toutes les langues,
“Je me suis fait tout à tous, afin [que nous puissions en]
sauver à tout
prix quelques-uns”
(1Co 9, 22).
En outre, en tant que disciples de la Parole de Dieu, il est aujourd’hui
encore plus nécessaire que jamais que nous fournissions une seule
perspective - au-delà de celles d’ordre social, politique ou économique -
à
propos de la nécessité d’éradiquer la pauvreté, de pourvoir à un monde
globalement équilibré, de combattre le fondamentalisme ou le racisme et de
développer la tolérance religieuse dans un monde conflictuel. En répondant
aux besoins des pauvres, des vulnérables et des marginaux du monde, l’Église
peut s’avérer être un repère dans l’espace et un acteur de la communauté
mondiale. Alors que le langage théologique de la religion et de la
spiritualité diffère du vocabulaire technique de l’économie et de la
politique, les barrières qui, dans un premier temps, semblent séparer les
préoccupations religieuses (telles que le péché, le salut
et la spiritualité) des intérêts pragmatiques
(tels que le commerce, les affaires et la politique) ne sont pas
impénétrables et s’écroulent devant les multiples défis de la justice
sociale et de la mondialisation.
Que cela concerne l’environnement ou la paix, la pauvreté ou la faim,
l’éducation ou l’assistance sanitaire, il existe aujourd’hui un très haut
degré de préoccupation et de responsabilité communes qui est ressenti de
manière particulièrement forte par les personnes de foi tout comme par ceux
dont les perspectives sont expressément laïques. Notre engagement sur ces
sujets n’ébranle pas ou n’abolit pas les différences existant entre les
disciplines ou les désaccords avec ceux qui regardent le monde de manières
différentes. Désormais, les signes croissants d’un attachement commun au
bien-être de l’humanité et de la vie du monde sont encourageants. Il s’agit
d’une rencontre de personnes et d’institutions qui laisse bien présager pour
notre monde. Et c’est une participation qui met l’accent sur la vocation
suprême et sur la mission des disciples et des adhérents à la Parole de Dieu
qui consiste à transcender les différences politiques ou religieuses de
manière à transformer l’ensemble du monde visible pour la gloire du Dieu
invisible.
2. Contempler la Parole de Dieu - La beauté des
icônes et de la nature
L’invisible n'a jamais été plus visible que dans la beauté de l’iconographie
et les merveilles de la création. Selon les mots du roi des images sacrés,
saint Jean de Damas: “En tant qu’artisan du ciel et de la terre, Dieu le
Verbe a été Lui-même le premier à peindre et à représenter les icônes”.
Chaque coup de pinceau d’un iconographe - comme chaque mot d’une définition
théologique, chaque note musicale psalmodiée, et chaque pierre taillée d’une
petite chapelle ou d’une superbe cathédrale - exprime la Parole divine dans
la création, qui loue Dieu en chaque être vivant et en tout ce qui est
vivant.(cf. Ps 150, 6)
En confirmant les images sacrées, le Septième Concile oecuménique de Nicée
n’était pas intéressé à l’art religieux; c’était la continuation et la
confirmation des premières définitions sur la plénitude de l’humanité de la
Parole de Dieu. Les icônes sont un rappel visible de notre vocation divine;
elles représentent une invitation à nous élever au-dessus de nos
préoccupations futiles et des questions réductrices de ce monde. Elles nous
encouragent à chercher l’extraordinaire dans le très ordinaire, à nous
remplir du même émerveillement qui caractérise la stupeur divine dans
Genèse: “Dieu vit tout ce qu'il avait fait : cela était très bon.”
(Gn 1, 30-31). Le terme grec
(Septante)
pour “bonté” est Kallos (beauté), qui implique - étymologiquement et
symboliquement - un sens d’“appel”. Les icônes soulignent la mission
fondamentale de l’Église consistant à reconnaître que toutes les personnes
et toutes les choses sont créées et appelées à être “bonnes” et “belles”.
En effet, les icônes nous rappellent une autre façon de voir les choses, une
autre façon de vivre les réalités, une autre façon de résoudre les conflits.
Nous sommes invités à assumer ce que l’hymnologie du Dimanche de Pâques
appelle “une autre façon de vivre”. Car nous avons eu un comportement
arrogant et méprisant envers la création naturelle. Nous avons refusé de
voir la Parole de Dieu dans les océans de notre planète, dans les arbres de
nos continents, et dans les animaux de notre terre. Nous avons renié notre
propre nature, qui nous appelle à nous baisser suffisamment pour écouter la
Parole de Dieu dans la création, si nous voulons devenir “participants
de la nature divine” (2P 1,4). Comment
pouvons-nous ignorer les vastes implications de la Parole divine qui se fait
chair ? Pourquoi n’avons-nous pas perçu la nature créée comme l’extension du
Corps du Christ ?
Les théologiens chrétiens orientaux mettent toujours en évidence les
dimensions cosmiques de l’incarnation divine. La Parole incarnée est
intrinsèque à la création, qui est issue de l’énoncé divin. Saint Maxime le
Confesseur insiste sur la présence de la Parole de Dieu en toute chose
(cf. Col 3,11); le Logos divin demeure au centre du monde,
révélant mystérieusement son principe premier et son but ultime
(cf. 1P 1,20). Ce mystère est décrit par saint Athanase
d’Alexandrie.
Le Logos [écrit-il] n’est contenu par aucune chose mais il contient tout.
Il
est en toute chose tout en étant en dehors de toute chose... le premier-né
du monde entier sous tous ses aspects.
Le monde entier est un prologue à l’Évangile de Jean. Et quand l’Église ne
reconnaît pas les dimensions plus larges, cosmiques de la Parole de Dieu, et
qu’elle limite ses préoccupations aux questions purement spirituelles, alors
elle néglige sa mission consistant à implorer Dieu de transformer - en tout
temps et en tout lieu, “ dans tous les lieux de son dominion” - tout le
cosmos pollué. Il n’est pas étonnant que, le Dimanche de Pâques, quand la
célébration pascale atteint son point culminant, les chrétiens orthodoxes
chantent :
Maintenant tout est rempli de lumière divine : le ciel et la terre, et toutes
les choses sous la terre. Que la création tout entière se réjouisse.
Toute “écologie profonde” authentique est donc indissolublement liée à la
théologie profonde.
“Même une pierre”, écrit Basile le Grand, “porte le sceau de la Parole de
Dieu. Cela est vrai pour une fourmi, une abeille et un moustique, les
créatures les plus petites. Car Il déploie les vastes océans et étale les
immenses mers; et Il crée l’aiguillon creux de l’abeille.”
En nous rappelant notre condition infime dans la création vaste et
merveilleuse de Dieu, il souligne seulement notre rôle central dans le plan
de salut de Dieu pour le monde entier.
3. Toucher et partager la Parole de Dieu - la
communion des saints et les sacrements de la vie
La Parole de Dieu “sort à l’extérieur de Lui en extase” avec persistance
(Denis l’Aéropagite) cherchant avec passion à
“habiter parmi nous”
(Jn 1,14), pour que le monde ait la vie en
abondance. (Jn 10,10). La miséricorde de Dieu
est répandue et partagée “afin de multiplier les objets de sa bienfaisance”
(Grégoire le Théologien) Dieu assume tout ce qui est à nous, “lui
qui a été éprouvé en tout, d'une manière semblable, à l'exception du péché.”
(He 4,15), afin de nous offrir tout ce qui est à Dieu et faire de nous des
dieux par la grâce. “Pour vous [Il] s'est fait pauvre, de riche qu'il était,
afin de vous enrichir par sa pauvreté.”, écrit le grand Apôtre Paul
(2 Co 8,9), à qui cette année est à pertinemment dédiée.
Telle est la Parole de Dieu; nous lui rendons grâce et gloire.
La Parole de Dieu a son incarnation la plus profonde dans la création, avant
tout dans le Sacrement de la Sainte Eucharistie. C’est là que
la Parole
devient chair et nous permet non pas simplement de l’écouter ou de le voir,
mais aussi de le toucher de nos propres mains, comme le déclare saint Jean
(1 Jn 1,1) et faire de Lui une partie de notre
corps et de notre sang
selon les paroles de saint Jean Chrysostome.
Dans la Sainte Eucharistie, la Parole entendue est à la fois vue et partagée. Ce n’est pas un hasard si dans les premiers documents
eucharistiques, comme le livre de la Révélation et la Didachée,
l’Eucharistie était associée à la prophétie, et les évêques qui la
célébraient étaient considérés comme les successeurs des prophètes
(par ex. Martirion Polycarpi). L’Eucharistie était
déjà décrite par saint Paul
(1 Co 11) comme la “proclamation” de la mort de
Jésus et sa deuxième Venue. Le but de l’Écriture étant fondamentalement la
proclamation du Royaume et l’annonce des réalités eschatologiques,
l’Eucharistie nous donne un avant-goût du Royaume et elle est, en ce sens,
la proclamation de la Parole par excellence. Dans l’Eucharistie, la Parole
et le Sacrement ne deviennent qu’une réalité. La Parole cesse d’être des
“mots” et devient une Personne, incarnant tous les êtres humains et la
création tout entière.
Dans la vie de l’Église, l’insondable abaissement
et le partage généreux
du Logos divin se reflète dans les vies des saints, expérience
tangible et expression humaine de la Parole de Dieu dans notre communauté.
Ainsi, la Parole de Dieu devient le Corps du Christ, à la fois crucifié et
glorifié. Il s’ensuit que le saint a une relation organique avec le ciel et
la terre, avec Dieu et avec la création tout entière. Dans la lutte
ascétique, le saint réconcilie la Parole et le monde. Par la repentance et
la purification, le saint est rempli - comme le souligne Abba Isaac le
Syrien - de compassion pour toutes les créatures, ce qui correspond à
l’humilité et à la perfection ultimes.
C’est pour cela que le saint aime avec une chaleur et une grandeur
inconditionnelles et irrésistibles. À travers les saints, nous connaissons
la Parole même de Dieu, puisque - comme l’affirme saint Grégoire Palamas -
"Dieu et ses saints partagent la même gloire et la même splendeur”.
En la
présence discrète d’un saint, nous apprenons comment la théologie et
l’action coïncident. Dans l’amour compatissant du saint, nous vivons
l’expérience de Dieu “notre père” et de la miséricorde de Dieu
“inébranlablement durable” (Ps 135, LXX). Le
saint est consommé par le feu de l’amour de Dieu. C’est pour cela que le
saint communique la grâce et ne peut tolérer la moindre manipulation ou
exploitation dans la société ou dans la nature. Le saint fait simplement ce
qui est “bon et juste” (Liturgie divine de saint Jean Chrysostome), en
donnant toujours de la dignité à l’humanité et en honorant la création. “Ses
paroles ont la force des actions et son silence le pouvoir des discours”.
(Saint Ignace d’Antioche).
Et dans la communion des saints, chacun est appelé à “devenir comme le
feu” (Apophtegmes des Pères du désert),
afin de toucher le monde par la force
mystique de la Parole de Dieu, de manière à ce que - comme le Corps du
Christ étendu - le monde puisse lui aussi dire: “Quelqu’un m’a touché!”
(Cf. Mt 9, 20). Le mal ne peut être éradiqué que par la sainteté,
et non pas par la dureté. Et la sainteté introduit dans la société une
graine qui guérit et transforme. Imprégnés de la vie des sacrements et de la
pureté de la prière, nous pouvons pénétrer au plus profond du mystère de la
Parole de Dieu. C’est comme les plaques tectoniques de l’écorce terrestre:
les couches les plus profondes n’ont qu’à bouger de quelques millimètres
pour bouleverser la surface de la planète. Mais pour que cette révolution
spirituelle ait lieu, nous devons vivre une expérience radicale de métanoïa
- une conversion d’attitudes,
d’habitudes et de pratiques - pour avoir mal
employé ou abusé de la Parole de Dieu, des dons de Dieu et de la création de
Dieu.
Une telle conversation est, certes, impossible sans la grâce divine; elle ne
s’obtient pas simplement par de plus grands efforts ou par la volonté
humaine. "Pour les hommes c'est impossible, mais pour Dieu tout est
possible." (Mt 19,26) : Le changement spirituel
a lieu quand nos corps et nos âmes sont greffés sur la Parole vivante de
Dieu, quand nos cellules contiennent le flux sanguin vivifiant des
sacrements, quand nous sommes ouverts à tout partager avec tous.
Comme nous le rappelle saint Jean Chrysostome, le sacrement de “notre
prochain” ne peut pas être isolé du sacrement de “l’autel”. Malheureusement,
nous avons ignoré la vocation et l’obligation à partager. Si nous prétendons
garder le sacrement de l’autel, nous ne pouvons pas renoncer au sacrement du
prochain, ou l’oublier, car il représente une condition fondamentale pour la
réalisation de la Parole de Dieu dans le monde dans la vie et dans la
mission de l’Église.
Chers Frères dans le Christ,
Nous avons exploré l’enseignement patristique des sens spirituels, en
analysant le pouvoir d’écouter et de proclamer la Parole de Dieu dans
l’Écriture, de voir la Parole de Dieu dans les icônes et dans la nature,
ainsi que de toucher et partager la Parole de Dieu dans les saints et les
sacrement,. Or, afin de rester fidèles à la vie et à la mission de l’Église,
nous devons être personnellement transformés par cette Parole. L’Église doit
ressembler à une mère, qui est soutenue par ce qu’elle mange, mais qui, en
même temps, nourrit à travers cette nourriture. Tout ce qui ne nourrit pas
tous, ne peut pas nous soutenir. Quand le monde ne partage pas la joie de la
Résurrection du Christ, c’est une atteinte à notre intégrité et à notre
engagement à vivre la Parole de Dieu. Avant la célébration de chaque
Liturgie divine, les chrétiens orthodoxes prient que cette Parole soit "rompue et consommée, distribuée et partagée” en communion. Et “nous savons,
nous, que nous sommes passés de la mort à la vie, parce que nous aimons nos
frères” et nos soeurs (1Jn 3,14).
Le défi auquel nous sommes confrontés est le discernement de la Parole de
Dieu face au mal, la transfiguration du moindre détail et de toute tache de
ce monde à la lumière de la résurrection. La victoire est déjà présente au
plus profond de l’Église, à chaque fois que nous vivons l’expérience de la
grâce de la réconciliation et de la communion. Alors que chacun de nous
lutte - en son for intérieur et dans le monde - pour reconnaître le pouvoir
de la Croix, nous commençons à apprécier le fait que chaque acte de justice,
chaque étincelle de beauté, chaque mot de vérité peut graduellement enlever
l’écorce du mal. Au-delà de nos faibles efforts, nous avons, cependant,
l’assurance de l’Esprit qui “vient au secours de notre faiblesse”
(Rm 8,26) et reste à nos côtés pour nous défendre
et nous “réconforter” (Jn 14, 16), en pénétrant
toutes les choses et “nous transformant - comme l’affirme saint Siméon le
Nouveau Théologien - en tout ce que la Parole de Dieu dit à propos du
royaume : perle, grain de sénevé, levain, eau, feu, pain, vie et chambre
nuptiale mystique”. Telle est la puissance et la grâce de l’Esprit Saint,
que nous invoquons en conclusion de ce discours, et présentant à Sa Sainteté
et à chacun nos bénédictions.
Ô roi, céleste Consolateur,
Esprit de Vérité
Toi qui es partout présent
Et qui emplis tout,
Trésor de biens et donateur de vie,
Viens et demeure en nous,
Purifie-nous de toute souillure
Et sauve nos âmes, Toi qui es bonté
et qui aimes l’humanité.
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Sources : www.vatican.va
-
E.S.M.
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Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.10.2008 -
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