Une seule terre sainte pour Juifs, Palestiniens et Chrétiens.
Certains y croient vraiment
Le 21.05.2024 -
E.S.M.
- Le cardinal Pierbattista Pizzaballa, le
patriarche latin de Jérusalem, avec l’autorisation
d’Israël et en empruntant un passage secret, s’est rendu
en personne à Gaza, en compagnie du Grand Hospitalier de
l’Ordre de Malte, pour apporter aide et réconfort aux
quelques centaines de chrétiens restés dans la ville
(photo). Il a trouvé Gaza dans un état de destruction
tel que il n’en avait vu auparavant qu’en 2014 à Alep,
en Syrie.
S.M
Mgr Pizzaballa -
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Une seule terre sainte pour Juifs, Palestiniens et Chrétiens. Certains y
croient vraiment
Le 21 mai 2024 -
E.S.M. -
Jeudi 16 mai, deux jours après que
Settimo Cielo se soit fait l’écho de l’extraordinaire « lectio »
qu’il avait tenue à Rome sur ce que l’Église peut faire au beau
milieu de la guerre sans fin entre Israël et les Palestiniens, le
cardinal Pierbattista Pizzaballa, le patriarche latin de Jérusalem,
avec l’autorisation d’Israël et en empruntant un passage secret,
s’est rendu en personne
à Gaza, en compagnie du Grand Hospitalier de l’Ordre de Malte,
pour apporter aide et réconfort aux quelques centaines de chrétiens
restés dans la ville (photo). Il a trouvé Gaza dans un état de
destruction – a-t-il déclaré – tel que il n’en avait vu auparavant
qu’en 2014 à Alep, en Syrie.
Et ce même16 mai, dans une coïncidence parfaite, le jésuite israélien
David Neuhaus, grand expert du dialogue entre Juifs et Chrétiens, déclarait
à la une du dernier numéro de «
La Civiltà Cattolica » que le patriarche Pizzaballa était l’homme
d’Église qui était plus en mesure que quiconque de rétablir des relations
positives entre les chrétiens et « nos pères dans la foi », comme Benoît XVI
aimait appeler les Juifs, plutôt que nos « grands frères ».
« Mgr Pizzaballa parle hébreu et est engagé depuis longtemps dans le
dialogue entre Juifs et Chrétiens et sa nomination comme patriarche a été
accueillie par les Israéliens comme une avancée positive », constate le P. Neuhaus dès la première page de son éditorial.
En effet, avant lui « le patriarche de Jérusalem avait toujours été un
Arabe », avec par conséquent « des tensions avec les autorités de l’État
d’Israël ». Mais, en revanche, le Pape François – reconnaît fort justement
le P. Neuhaus – a pris non seulement la décision de nommer un Italien ami
des Juifs actif depuis des années en Terre Sainte, mais également de le
créer cardinal, le 30 septembre dernier, quelques jours avant le massacre
perpétré le 7 octobre par le Hamas qui a déclenché ce dernier épisode
dramatique de la guerre. »
Le P. Neuhaus prend acte qu’aujourd’hui, la distance entre les autorités
israéliennes et le Pape « s’est accentuée et s’est étendue à de nombreux
Juifs dans le monde entier ». Et dans cet article de « La Civilità Cattolica »,
il souhaite justement « approfondir et analyser cette crise ».
Mais il veut également identifier le chemin pour revenir à des relations
plus positives entre Juifs et Chrétiens.
*
D’autant que ce sont surtout certaines déclarations et gestes du Pape
François qui ont précipité cet état de crise.
Le P. Neuhaus cite en particulier la double rencontre que le Pape a eue
le 22 novembre 2023 avec la famille des otages israéliens à Gaza et avec des
parents de Palestiniens tués dans cette ville, qu’il a rassemblés sous un
même jugement : « Ce n’est pas faire la guerre ça, c’est du terrorisme ». Ce
qui lui a valu « l’indignation » des autorités israéliennes pour « ce
parallélisme inapproprié ».
Le P. Neuhaus fait ensuite allusion au jugement exprimé par le Pape à
d’innombrables reprises : « La guerre est une défaite pour tous ». Une
« ritournelle permanente » – écrit-il – qui « a suscité la consternation non
seulement des autorités israéliennes et des personnalités Juives dans le
monde entier, mais également des Ukrainiens, dans le contexte de la guerre
en cours en Russie ».
L’origine géographique du pape actuel n’est pas étrangère à ce
durcissement de ses relations avec Israël. Le P. Neuhaus fait remarquer que
« François vient avec une conscience baignée dans le contexte
latino-américain de lutte contre l’oppression et de solidarité avec les
pauvres. Tandis que le dialogue avec les Juifs occupait une place centrale
dans la pensée européenne, le Pape François a commencé à élargir la
perspective », avec une insistance particulière sur « le dialogue avec
l’islam, la pauvreté, la migration et les questions brûlantes de l’égalité,
de la liberté et de la justice pour le peuple palestinien ».
L’analyse du P. Neuhaus sur l’évolution des rapports entre le pontificat
actuel et Israël ces derniers mois est très riche et bien documentée, et
mérite d’être lue dans son intégralité. Parmi les nombreuses voix critiques
qui s’élèvent du côté Juif, on peut citer en particulier celle du Grand
Rabbin de Rome, Riccardo Di Segni. C’est d’ailleurs sur ses déclarations
qu’il s’appuie pour introduire la deuxième partie de son éditorial, avec cet
« incipit » :
« Les déclarations passionnées de M. Di Segni touchent du doigt le cœur
de la crise. De nombreux Juifs impliqués dans le dialogue avec l’Église
insistent sur le fait que leur fidélité à l’État d’Israël fait partie
intégrante de leur identité juive. Mais qu’en pense l’Église dans le
contexte du dialogue avec le peuple juif qui s’est développé à partir du
Concile Vatican II ? »
*
Pour le P. Neuhaus, le « cœur de la crise » réside dans la différence de
point de vue sur l’identité de l’État d’Israël.
Pour les Juifs, « l’événement le plus important depuis l’Holocauste a été
la restauration d’un État juif dans la terre promise, comme lieu physique de
leur alliance entre eux et Dieu », et donc « pour des raisons bien plus
profondes que simplement politiques ».
« Il faut toutefois rappeler – ajoute le P. Neuhaus – que cette terre est
également la patrie des Palestiniens. Aujourd’hui, en Israël-Palestine, il y
a sept millions de Juifs israéliens et sept millions d’Arabes
palestiniens ».
D’où la solution des deux États, qui « faciliterait certainement les
relations entre Israël et la communauté internationale, y compris le
Saint-Siège ».
Sauf qu’ « il s’agit d’une question politique et diplomatique qui doit
être résolue par les canaux appropriés ». Et ce n’est que comme cela que
l’Église catholique l’a toujours compris, dans les différents textes que
cite le P. Neuhaus, en particulier dans
ce document de 1985 de la Commission pour les rapports religieux avec le
judaïsme :
« Les chrétiens sont invités à comprendre ce lien religieux juif avec la
terre d’Israël, qui plonge ses racines dans la tradition bibliques, tout en
se gardant de faire elle-même une interprétation religieuse particulière
d’une telle relation. En ce qui concerne l’existence de l’État d’Israël et
de ses décisions politiques, il convient de les considérer avec une grille
de lecture qui ne soit pas religieuse en lui-même, mais fondée sur les
principes communs du droit international ». Et il est clair, ajoute le P. Neuhaus, que « l’Église adhère fermement à une telle position », même « dans
la guerre dévastatrice qui fait rage à Gaza ».
Mais on ne peut pas non plus éluder le fait que « le dialogue de l’Église
avec le peuple Juif n’est ni politique ni diplomatique ».
Parce qu’il doit être beaucoup plus que cela, avertit le P. Neuhaus. Il
doit être « un profond dialogue religieux, théologique et spirituel basé sur
les racines communes dans les Écritures d’Israël visant à partager les
préoccupations et à travailler ensemble pour réparer un monde détruit ».
L’Église catholique doit voir dans le dialogue avec le peuple Juif « une
question essentielle pour sa propre identité. Juifs et catholiques partagent
une grande partie de l’Écriture sainte. On ne peut pas comprendre Jésus sans
son enracinement dans le monde juif et l’Église cherche aujourd’hui à
honorer ce monde juif. En effet, elle est bien conscience que de nombreux
Juifs lient leur propre identité juive à l’État d’Israël, parce qu’ils le
considèrent comme une garantie pour leur bien-être dans une monde qui a
souvent été horriblement cruel à leur égard. Certains d’eux considèrent même
l’existence d’un tel État comme une nécessité inhérente au fait d’être
juif ».
Mais à nouveau, bien qu’elle se soit engagée dans le dialogue « à écouter
et à apprendre », l’Église sait que dans « cette terre que les Juifs
appellent ‘Terre d’Israël’, également vénérée par les Chrétiens et les
Musulmans, il y a un peuple privé de ses droits, le peuple palestinien ».
Depuis Paul VI, écrit le P. Neuhaus, tous les papes n’ont pas manqué de
« reconnaître explicitement les Palestiniens comme un peuple, et pas
seulement comme un groupe de réfugiés ». Ils ont toujours associé à leurs
visites en Israël celle des territoires palestiniens, et à celle des lieux
sacrés des Juifs, ceux des Musulmans et des Chrétiens.
Plus récemment, le P. Neuhaus renvoie au geste riche de signification de
cette audience privée du Pape ce 27 mars 2023 avec le Palestinien Bassam
Aramin et l’Israélien Rami Elhanan, « deux pères en deuils actifs dans le
Parents Circle, un forum israélo-palestinien de parents qui ont perdu leurs
enfants dans le conflit ».
Mais il a également eu, la dernière veille de Pentecôte, pendant la
visite du Pape François à Vérone, cette émouvante
accolade publique entre le Pape, l’Israélien Maoz Inon, dont les parents
ont été tués par le Hamas le 7 octobre, et le Palestinien Aziz Sarah, dont
le frère est mort sous les coups des armées israéliennes.
Comme témoignage de ce positionnement, le P. Neuhaus recommande la
lecture de la
lettre pastorale envoyée le 24 octobre 2023 aux fidèles de Jérusalem par
le patriarche Pizzaballa.
Et il conclut son éditorial non seulement sur le souhait d’un « dialogue
intime d’amitié entre Chrétiens et Juifs après des siècles d’éloignement et
de rejet », mais également sur cette question remplie d’espérance :
« Les Juifs et les Palestiniens ne pourraient-ils à leur tour aspirer à
un même horizon, à la fin des hostilités et à la construction d’un futur
partagé dans une terre appelée à être sainte, en Israël-Palestine ? ».
Une question d’où transparaît encore une fois ce rêve d’un État unique
pour Juifs et Arabes « dans une égalité finalement réconciliée » que le P.
Neuhaus a déjà appelé de ses vœux à de nombreuses reprises dans « La Civiltà
Cattolica », en lieu et place de cette solution à deux États qui risquera
toujours d’entraîner un dangereux clivage ethnico-religieux des identités de
chacun.
Quant au patriarche Pizzaballa, son nom revient de plus en plus souvent
dans les petits papiers des cardinaux, dans la perspective d’un futur
conclave.
*
Pour preuve de la difficulté de ce dialogue, il faut tout de même
signaler que quelques jours avant son article dans « La Civiltà Cattolica »,
le P. David Neuhaus avait signé dans « L’Osservatore Romano » du 7 mai un
autre article intitulé «
Antisémitismo e Palestina » qui avait fait l’objet de fortes critiques
de la part de l’Ambassadeur d’Israël près le Saint-Siège, Raphael Schutz,
avec un droit de réponse que le quotidien du Vatican a refusé de publié mais
dont John L. Allen Jr a fait largement écho dans «
Crux » ce 19 mai.
Sandro Magister est le vaticaniste émérite de l’hebdomadaire
L’Espresso.
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Sources
: diakonos.be-
E.S.M.
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constitue pas un document officiel
Eucharistie sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 21.05.2024