Benoît XVI avertit, Jésus n'est pas un mythe |
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Rome, le 19 août 2007 -
(E.S.M.) - Cette page clôture le chapitre 8 et
en particulier la méditation sur le pain de vie.
Afin de comprendre dans toute sa profondeur le discours de Jésus sur le Pain
de vie, nous devons, évoque Benoît XVI, considérer
encore brièvement une phrase clé de l'Évangile de Jean, prononcée par Jésus
le dimanche des Rameaux.
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Ce que nous nommons «
pain » contient le mystère de la Passion -
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Benoît XVI avertit, Jésus n'est pas un mythe
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Évangile de Jean -
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fin du texte
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:
9) Le pain de vie (1) - Moïse n'aperçoit que le dos de Dieu
(290 à 293)
Benoît XVI
10) Le pain de vie (2) -
Moi, je suis le pain de la vie (294
à 299)
Ce développement (voir page
précédente),
poursuit donc Benoît XVI, nous ramener au discours sur
le Pain de vie, même si cela
semble surprenant. Car la pensée juive, dans son évolution interne, est
arrivée progressivement à la conclusion que le vrai pain du ciel qui
nourrissait et qui nourrit encore Israël est précisément la Loi,
la parole
de Dieu. Dans la littérature sapientielle, la sagesse, qui est accessible et
présente dans la Loi, apparaît comme du « pain »
(Pr 9, 5). La littérature
rabbinique a développé ultérieurement cette idée
(Ch. K. Barrett, Das Evangelium nach Johannes, p.
301). C'est dans cette
perspective que nous devons lire l'opposition entre Jésus et les Juifs
réunis dans la synagogue de Capharnaüm. Jésus leur fait d'abord remarquer
qu'ils n'avaient pas vu la multiplication des pains comme un « signe », ce
qu'elle était. Tout ce qui les intéressait, c'était de manger et d'être
rassasiés (cf. Jn 6, 26). Ils voyaient le salut comme quelque chose de
purement matériel, à savoir du bien-être en général, réduisant ainsi l'homme
et oubliant Dieu. S'ils voient la manne seulement comme quelque chose qui
les rassasie, on est obligé de constater que la manne n'était pas du pain
céleste, mais du pain terrestre. Elle avait beau venir du « ciel », elle
n'était qu'une nourriture terrestre, voire une nourriture de substitution,
qui devait cesser dès qu'on avait quitté le désert pour des contrées
habitées.
Mais l'homme a une faim plus grande, il a besoin de plus. Le don qui nourrit
l'homme en tant qu'homme doit être plus grand, il doit se situer sur un
autre plan. La Torah est-elle cette autre nourriture ? En elle, par elle,
l'homme peut, d'une façon ou d'une autre, faire en sorte que la volonté de
Dieu devienne sa nourriture (cf.Jn 4, 34). Oui,
affirma Benoît XVI, la Torah est du « pain »
venu de Dieu, mais elle nous montre, pour ainsi dire, seulement le dos de
Dieu, elle est « ombre ». « Le pain de Dieu, c'est celui qui descend du ciel
et qui donne la vie au monde » (Jn 6, 33). Lorsque les
auditeurs ne comprennent toujours pas, Jésus répète, encore plus clairement
: « Moi, je suis le pain de la vie. Celui qui vient à moi n'aura plus jamais
faim ; celui qui croit en moi n'aura plus jamais soif »
(6, 35).
La Loi est devenue Personne. Dans la rencontre avec Jésus, nous nous
nourrissons pour ainsi dire du Dieu vivant lui-même, nous mangeons vraiment
le « pain venu du ciel ». En conséquence, Jésus avait déjà d'emblée clarifié
que la seule œuvre que Dieu demande consiste à croire en lui. Les auditeurs
avaient demandé à Jésus : « Que faut-il faire pour travailler aux œuvres de
Dieu ? » (Jn 6, 28). Le mot grec
ergazesthai que nous trouvons ici, signifie
« gagner en travaillant (Ibid., p. 298)
». Les auditeurs sont prêts à travailler, à
œuvrer, à accomplir des « œuvres » afin de recevoir ce pain. Mais on ne peut
pas le « gagner » par le travail humain, par nos propres efforts. Il ne peut
venir à nous que comme un don de Dieu, comme une œuvre de Dieu. Dans ce
dialogue, nous trouvons toute la théologie paulinienne. Le bien suprême et
véritable, nous ne pouvons l'acquérir par nos efforts. Nous devons accepter
le don, et nous devons entrer dans la dynamique de ce qui nous est donné.
Cela se fait dans la foi en Jésus, qui est dialogue, relation vivante avec
le Père, et qui veut redevenir en nous parole et amour.
Comment pouvons-nous nous « nourrir » de Dieu, comment pouvons-nous vivre de
lui, en sorte qu'il devienne notre pain ? Cette question n'a pas encore
trouvé de réponse complète. Dieu devient du « pain » pour nous, tout d'abord
dans l'incarnation du Logos. Le Verbe se fait chair. Le Logos, indique
Benoît XVI, devient l'un
de nous ; il se met ainsi à notre niveau, dans ce qui nous est accessible.
Mais un autre pas est nécessaire au-delà de l'incarnation du Verbe
et Jésus l'exprime ainsi à la fin de son discours : « Le pain que je
donnerai, c'est ma chair, donnée pour que le monde ait la vie »
(Jn 6, 51).
Au-delà de l'acte de l'incarnation, ce mot suggère son but profond et sa
dernière réalisation : le fait que Jésus se donne jusque dans la mort et
dans le mystère de la Croix.
Cela se manifeste encore plus clairement dans le verset
53 où le Seigneur
précise qu'il nous donne aussi son sang à « boire ». Ce mot nous renvoie
clairement à l'Eucharistie, mais ici apparaît surtout le sacrifice qui la
fonde, le sacrifice de Jésus. Pour nous, Jésus verse son sang ; sortant pour
ainsi dire de lui-même, il « s'écoule », il se donne à nous.
Dans ce chapitre, la théologie de l'Incarnation et celle de la Croix
s'entremêlent donc, elles sont indissociables. On ne peut pas établir
d'opposition entre la théologie pascale des Évangiles synoptiques et de
saint Paul, et une prétendue pure théologie de l'Incarnation chez saint
Jean. L'incarnation du Verbe dont parle le prologue vise justement le don du
corps sur la Croix qui devient accessible pour nous dans le Sacrement. Ici,
Jean suit la même ligne que celle qui est développée par la Lettre aux
Hébreux en partant du Psaume 40 [39],
6-8 : « Tu n'as pas voulu de
sacrifices ni d'offrandes, mais tu m'as fait un corps »
(He 10, 5). Jésus se
fait homme pour se donner et se substituer aux sacrifices d'animaux, qui ne
pouvaient être que la manifestation d'une attente, mais pas une réponse.
Le discours sur le Pain de vie oriente le grand élan de l'Incarnation et du
chemin pascal vers le Sacrement dans lequel coexistent à la fois
l'Incarnation et la Pâque. À l'inverse, le Sacrement, l'Eucharistie, est
ainsi replacé dans le grand contexte de la descente de Dieu vers nous et
pour nous. Ainsi, l'Eucharistie est distinctement placée au cœur de l'existence chrétienne. Ici Dieu nous donne vraiment la manne que l'humanité
attendait, le véritable « pain venu du ciel
», celui dont nous pouvons vivre
en profondeur, en tant qu'humains. Mais en même temps, l'Eucharistie
apparaît comme la grande et permanente rencontre de l'homme avec Dieu, dans
laquelle le Seigneur se donne comme « chair », afin qu'en lui et en
participant à son chemin, nous puissions devenir « esprit
». Tout comme il a
été transformé par la croix pour entrer dans un nouveau mode d'humanité et
de corporéité, mode qui s'associe à la nature de Dieu, de même cette
nourriture doit être pour nous une ouverture de l'existence, un passage par
la croix et une anticipation de la nouvelle existence de la vie en Dieu et
avec Dieu.
C'est pourquoi, précise Benoît XVI, nous trouvons à la fin du discours la phrase suivante où
l'incarnation de Jésus et le fait de manger et de boire « le corps et le
sang du Seigneur » sont fortement soulignés : « C'est l'esprit qui fait
vivre, la chair n'est capable de rien »
(Jn 6, 63). On peut se souvenir ici
des mots de saint Paul : « Le premier Adam était un être humain qui avait
reçu la vie ; le dernier Adam — le Christ — est devenu l'être spirituel qui
donne la vie » (1 Co 15, 45). Ici, on ne revient nullement sur le réalisme
de l'Incarnation. Mais la perspective pascale du sacrement est soulignée.
C'est seulement par la croix et par la transformation opérée par elle que
cette chair devient accessible pour nous et qu'elle nous entraîne nous-mêmes
dans le processus de transformation. La piété eucharistique doit sans cesse
s'inspirer de cette grande dynamique christologique, voire cosmique.
Afin de comprendre dans toute sa profondeur le discours de Jésus sur le Pain
de vie, nous devons, pour finir, considérer
encore brièvement une phrase clé de l'Évangile de Jean, prononcée par Jésus
le dimanche des Rameaux, en anticipant l'Église universelle, qui est à venir
et qui comprendra les Juifs et les Grecs et toutes les nations du monde : «
Si le grain de blé tombé en terre ne meurt pas, il reste seul ; mais s'il
meurt, il donne beaucoup de fruit » (Jn 12, 24).
Ce que nous nommons « pain
» contient le mystère de la Passion. Le pain présuppose que la semence, le
grain de blé, a été placé dans la terre, qu'il est « mort » et que,
de cette
mort, sortira le nouvel épi. Le pain terrestre peut devenir le support de la
présence du Christ parce qu'il porte en lui le mystère de la Passion, qu'il
unit en lui la mort et la résurrection. Ainsi, dans les religions du monde,
le pain est devenu le point de départ des mythes de la mort et de la
résurrection de la divinité, dans lesquels l'homme exprimait son espérance
d'une vie qui sortirait de la mort.
Le cardinal Christoph Schönborn rappelle dans ce contexte le processus de
conversion du grand écrivain anglais Clive Staples Lewis qui, après avoir lu
un ouvrage en douze volumes sur les mythes en question, était arrivé à la
conclusion que ce Jésus, qui avait pris du pain dans ses mains en disant «
Ceci est mon corps », n'était qu'une divinité du blé de plus, un de ces rois
du blé qui donnaient leur vie pour la vie du monde. Un jour pourtant, au
cours d'une conversation, il entendit dire par un athée invétéré que les
preuves attestant l'historicité des Évangiles étaient étonnamment bonnes. Et
il lui vint cette idée : « Étrange. Tout ce truc du Dieu mourant, on dirait
qu'il a eu lieu une fois (C. Schônborn, Weihnacht. Mythos und Wirklichkeit,
p. 23s, voir bibliographie, p. 402). »
Oui, conclut Benoît XVI, il a vraiment eu lieu. Jésus n'est pas un mythe, il est un homme de
chair et de sang, une présence toute réelle dans l'histoire. Nous pouvons
suivre les chemins qu'il a empruntés. Nous pouvons entendre ses paroles
grâce aux
témoins. Il est mort et il est ressuscité. Le mystère de la passion du pain
l'a pour ainsi dire attendu, s'est tourné vers lui, et les mythes l'ont
attendu, lui en qui l'espérance est devenue réalité.
Ceci vaut également pour le vin. Il porte aussi en lui la passion, il a été
pressé, et ainsi le raisin est devenu du vin. Les Pères ont développé
ensuite ce langage caché des dons eucharistiques. Je voudrais donner un seul
exemple : dans ce qu'on appelle
la Didachè (sans doute vers 100), on prie sur le pain destiné à
l'Eucharistie : « Comme ce pain rompu, d'abord dispersé sur les montagnes, a
été recueilli pour devenir un. Qu'ainsi ton Église soit rassemblée des
extrémités de la terre dans ton royaume
(La Didachè, IX, 4, Naissance des Lettres
chrétiennes, 1957). »
Chapitre 8 : Les
grandes images de l'Évangile de Jean -
Pages précédentes
1) Introduction : la question johannique (p.
245 à 249)
L'image de Jésus proposée par Jean
2) C'est le Paraclet qui interprète et conduit à la
vérité (p. 249 à 255)
Benoît XVI
3) Le caractère Ecclésial du 4e Évangile
(p.255 à 259)
Benoît XVI
4) L'Évangile de Jean repose entièrement sur l'Ancien
Testament (p.260 à 264)
Benoît XVI
5) L'eau (1) - Les grandes images de l'Évangile de Jean
(p.265 à
268)
Benoît XVI
6) L'eau (2) -
Jésus est le rocher vivant, dont jaillira l'eau
nouvelle (p.269 à 274)
Benoît XVI
7) La vigne et le vin (1)
-
Les éléments fondamentaux des sacrements de l'Église
(275 à 279)
Benoît XVI
8) La vigne et le vin (2)
-
Le chant de la vigne
(280 à 284)
Benoît XVI 9) Le pain de vie (1) -
Moïse n'aperçoit que le dos de Dieu
(290 à 293)
Benoît XVI
10) Le pain de vie (2) -
Moi, je suis le pain de la vie (294
à 299)
Fin du chapitre 8
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"Jésus de Nazareth"
Sources:
www.vatican.va
-
E.S.M.
Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas
un document officiel
Eucharistie, sacrement de la miséricorde -
(E.S.M.) 19.08.2007 - BENOÎT XVI -
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